attentats déjoués
«Un attentat réussi pour quatre bloqués»
SABINE VERHEST
Si les Américains en font la publicité, les Européens
ne s'épanchent pas, explique Gérard Chaliand.
Pour qui la menace terroriste a
augmenté.
ENTRETIEN Gérard Chaliand, auteur avec Arnaud Blin d'une «Histoire du terrorisme» qui
vient de sortir en Poche, estime que la menace a augmenté depuis les attentats
aux Etats-Unis en 2001. Pas mal d'attentats auraient été déjà déjoués, si l'on en croit les
déclarations régulières des autorités américaines et britanniques. La menace
est-elle réelle ou fait-elle partie d'une stratégie de communication destinée à
maintenir une tension et à justifier une présence à l'étranger? En ce qui concerne les Etats-Unis, cela fait partie de la propagande de
l'appareil Bush. Il n'a pas cessé de jouer sur l'angoisse de son opinion
publique. Souvenez-vous du nombre de fois où des alertes rouges ont été
déclenchées, comme si véritablement ils étaient assiégés, alors qu'ils ont eu
infiniment moins de difficultés que les Européens. En ce qui concerne l'Europe,
je sais qu'il y a eu un nombre d'attentats, en France comme chez les
Britanniques et les Espagnols, à hauteur d'un réussi pour quatre bloqués avant
d'être tentés. Mais on n'inquiète pas la population avec cela. La politique des
Européens à cet égard est très différente de celle des Américains. Aux
Etats-Unis, on fait le tam-tam maximum parce que cela renforce la politique de
Bush, alors qu'en Europe, on calme les esprits de façon à ne pas les
effaroucher. Depuis les attentats de 2001, le danger a-t-il augmenté? Oui. Il y a eu un moment de baisse en 2001 parce qu'on a détruit le
sanctuaire afghan où se trouvait la majeure partie des membres d'al Qaeda. En
2002, ils ont commencé à se restructurer et, aujourd'hui, indiscutablement la
situation a empiré. Premièrement, en Afghanistan, les Taliban, qui étaient
écrasés officiellement en décembre 2001, sont plus forts que jamais.
Deuxièmement, en Irak, la bande de petits terroristes de série B qu'on avait
traités à la légère sont aujourd'hui tellement fermes et résolus que les
Américains sont militairement dans une situation de non-victoire. Ils ont
déclaré que le travail de liquidation de l'insurrection reviendrait à l'armée
irakienne - laquelle n'en est pas capable. J'ajouterais que, depuis 4 ou 5 ans, les attentats proprement dits n'ont pas
été nombreux. Il ne faut pas confondre les guerres - en Afghanistan, en Irak, en
Tchétchénie - et les attentats, comme à Madrid, Londres, Casablanca ou Bali. Si
l'on fait la somme de l'ensemble des attentats depuis 2001, on peut dire que le
nombre de victimes a été, sauf en Inde, relativement bas. Mais les fronts attisent la menace... S'il faut que des attentats se produisent, le moment est bien choisi, avec le
conflit au Liban, les difficultés en Irak, la crise en Afghanistan et le
problème de l'Iran en toile de fond. En d'autres termes, cela va plutôt mal pour
la politique enclenchée par George W. Bush il y a quelques années et pour les
Israéliens. Les attentats, s'ils avaient eu lieu, auraient été menés depuis le
Royaume-Uni. Quel rôle important les Britanniques jouent-ils encore sur la scène
internationale? Ils ont été de bout en bout les alliés les plus proches de l'administration
Bush. Ils ont été les seuls à appuyer le Président américain à 101 pc en 2003
lors de l'investissement de l'Irak et ce sont eux qui, à l'heure actuelle,
dirigent les forces de la mission Isaf de l'Otan en Afghanistan. Les Américains,
au 1 éme r février 2007, n'auront plus que 8 000 hommes sur les 17 000 qu'ils
ont à l'heure actuelle, alors que l'Otan, qui n'en a aujourd'hui que 12 000, en
aura 18 000. C'est l'Otan qui se charge de l'ordre et de la loi à l'intérieur de
l'Afghanistan. Et ce sont les Britanniques qui en sont les responsables. Quel lien y a-t-il entre le contexte général et le fait que les personnes
arrêtées seraient des Britanniques d'origine pakistanaise? Je ne vois pas de lien rigoureusement direct mais un moment de crise où les
islamistes d'une façon générale et les adversaires des Etats-Unis et d'Israël
peuvent parfaitement trouver que le moment est merveilleusement choisi pour
frapper, de façon à ce que la crise soit la plus générale possible. © La Libre Belgique 2006
AP
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