attentats déjoués

«Un attentat réussi pour quatre bloqués»
SABINE VERHEST

Mis en ligne le 11/08/2006
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Si les Américains en font la publicité, les Européens ne s'épanchent pas, explique Gérard Chaliand.
Pour qui la menace terroriste a augmenté.

AP

ENTRETIEN

Gérard Chaliand, auteur avec Arnaud Blin d'une «Histoire du terrorisme» qui vient de sortir en Poche, estime que la menace a augmenté depuis les attentats aux Etats-Unis en 2001.

Pas mal d'attentats auraient été déjà déjoués, si l'on en croit les déclarations régulières des autorités américaines et britanniques. La menace est-elle réelle ou fait-elle partie d'une stratégie de communication destinée à maintenir une tension et à justifier une présence à l'étranger?

En ce qui concerne les Etats-Unis, cela fait partie de la propagande de l'appareil Bush. Il n'a pas cessé de jouer sur l'angoisse de son opinion publique. Souvenez-vous du nombre de fois où des alertes rouges ont été déclenchées, comme si véritablement ils étaient assiégés, alors qu'ils ont eu infiniment moins de difficultés que les Européens. En ce qui concerne l'Europe, je sais qu'il y a eu un nombre d'attentats, en France comme chez les Britanniques et les Espagnols, à hauteur d'un réussi pour quatre bloqués avant d'être tentés. Mais on n'inquiète pas la population avec cela. La politique des Européens à cet égard est très différente de celle des Américains. Aux Etats-Unis, on fait le tam-tam maximum parce que cela renforce la politique de Bush, alors qu'en Europe, on calme les esprits de façon à ne pas les effaroucher.

Depuis les attentats de 2001, le danger a-t-il augmenté?

Oui. Il y a eu un moment de baisse en 2001 parce qu'on a détruit le sanctuaire afghan où se trouvait la majeure partie des membres d'al Qaeda. En 2002, ils ont commencé à se restructurer et, aujourd'hui, indiscutablement la situation a empiré. Premièrement, en Afghanistan, les Taliban, qui étaient écrasés officiellement en décembre 2001, sont plus forts que jamais. Deuxièmement, en Irak, la bande de petits terroristes de série B qu'on avait traités à la légère sont aujourd'hui tellement fermes et résolus que les Américains sont militairement dans une situation de non-victoire. Ils ont déclaré que le travail de liquidation de l'insurrection reviendrait à l'armée irakienne - laquelle n'en est pas capable.

J'ajouterais que, depuis 4 ou 5 ans, les attentats proprement dits n'ont pas été nombreux. Il ne faut pas confondre les guerres - en Afghanistan, en Irak, en Tchétchénie - et les attentats, comme à Madrid, Londres, Casablanca ou Bali. Si l'on fait la somme de l'ensemble des attentats depuis 2001, on peut dire que le nombre de victimes a été, sauf en Inde, relativement bas.

Mais les fronts attisent la menace...

S'il faut que des attentats se produisent, le moment est bien choisi, avec le conflit au Liban, les difficultés en Irak, la crise en Afghanistan et le problème de l'Iran en toile de fond. En d'autres termes, cela va plutôt mal pour la politique enclenchée par George W. Bush il y a quelques années et pour les Israéliens.

Les attentats, s'ils avaient eu lieu, auraient été menés depuis le Royaume-Uni. Quel rôle important les Britanniques jouent-ils encore sur la scène internationale?

Ils ont été de bout en bout les alliés les plus proches de l'administration Bush. Ils ont été les seuls à appuyer le Président américain à 101 pc en 2003 lors de l'investissement de l'Irak et ce sont eux qui, à l'heure actuelle, dirigent les forces de la mission Isaf de l'Otan en Afghanistan. Les Américains, au 1 éme r février 2007, n'auront plus que 8 000 hommes sur les 17 000 qu'ils ont à l'heure actuelle, alors que l'Otan, qui n'en a aujourd'hui que 12 000, en aura 18 000. C'est l'Otan qui se charge de l'ordre et de la loi à l'intérieur de l'Afghanistan. Et ce sont les Britanniques qui en sont les responsables.

Quel lien y a-t-il entre le contexte général et le fait que les personnes arrêtées seraient des Britanniques d'origine pakistanaise?

Je ne vois pas de lien rigoureusement direct mais un moment de crise où les islamistes d'une façon générale et les adversaires des Etats-Unis et d'Israël peuvent parfaitement trouver que le moment est merveilleusement choisi pour frapper, de façon à ce que la crise soit la plus générale possible.

© La Libre Belgique 2006

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