Libye 1969-2011; Kadhafi et la révolution de février 2011![]() Voici une collection de liens sur la Libye pour éclairer le tumulte des évènements en ce début 2011. J'en extrais pour cette page d'accueil le document disponible sur le net qui me paraît le plus complet sur l'histoire du pays, notamment depuis la révolution Kadhafi de 1969 (lien).. Le paradoxe de la situation de révolte de 2011 en Libye, c'est que le pays s'est considérablement développé sous le "moment" Kadhafi, en production de pétrole brut et raffiné, en production de minerai de fer, d'acier et de ciment pour les infrastructures et tout le tissu industriel associé. En même temps Kadhafi a exercé depuis son arrivée au pouvoir en 1969 des actions terroristes et pris des positions politiques extravagantes dans le monde arabe, les pays voisins et dans la communauté internationale. C'est cette ambivalence qui me semble être au coeur de la révolte du peuple Libyen; Kadhafi ne comprend pas car il considère que son action a été bénéfique pour le développement du pays.
Après la guerre en 1945, la France et la Grande-Bretagne se partagèrent le contrôle du pays. Des garnisons françaises demeurèrent dans le Fezzan jusqu'’en 1955. La Libye fut grâce à l'ONU la première colonie d'Afrique à accéder à l'indépendance en 1951. Le pays se constitua en une royaume fédéral formé des trois régions historiques: la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan (carte).. L'Assemblée nationale désigna l’émir Muhammad Idris as-Sanusi, chef de la confrérie des senoussis, comme roi qui prit le nom de Idris. Le 24 décembre 1951, le roi Idris Ier proclama l’indépendance du royaume de Libye. La Libye rejoignit la Ligue arabe en 1953 et les Nations unies en 1955. Le nouvel État bénéficia de l’aide économique et technique de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis, en contrepartie du maintien de bases militaires dans le pays. De plus, l'influence de l'anglais et du français commencèrent à se faire sentir dans l'administration de la Libye. Toutefois, la découverte des gisements pétroliers, en 1958 et 1959, allait modifier la position libyenne et des négociations pour le retrait des troupes étrangères débutèrent en 1964. La Libye établit des relations diplomatiques avec l’URSS en 1956, mais elle repoussa les propositions d’aide économique de la part des Soviétiques. Afin de répondre aux impératifs liés à la production pétrolière, le fédéralisme fut aboli en 1964. Puis des tensions se firent rapidement ressentir dans le pays et un climat de mécontentement croissant s'installa, alors que, en même temps, le panarabisme se développait dans le monde arabe, en Egypte avec Nasser. La subordination croissante du pays aux intérêts occidentaux provoqua des émeutes qui furent vite réprimées.
Le régime calqua ses structures sur celles de l'Égypte nassérienne. L’administration, l’éducation et le domaine culturel furent intégralement arabisés. La politique linguistique en fut une d'arabisation et de combat anti-italienne, anti-anglaise, anti-américaine et anti-française. Une ordonnance fut publiée en exigeant que tous les panneaux de signalisation, les plaques des rues, les enseignes des magasins, etc., devaient être rédigés uniquement en arabe. Cette politique d'arabisation atteignit son apogée en 1973, lorsqu'un décret exigea que les passeports des individus cherchant à entrer au pays contiennent toutes les informations personnelles en arabe, une exigence qui fut respectée scrupuleusement. En 1973, les sociétés pétrolières furent toutes nationalisées. Le nouveau dirigeant libyen affirma également sa détermination à jouer un rôle plus important dans les affaires du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord, et se posa en rassembleur du monde arabe et musulman. Kadhafi publia en 1976 son fameux Livre vert (lien).. Dans cet ouvrage, il faisait ressortir ses idées concernant la démocratie, les problèmes économiques et les bases sociales de «la troisième théorie universelle». Ce livre montrait son opposition à la «démocratie occidentale», qu’il considérait comme une «dictature». Il s’opposa par la violence à toute opposition interne comme à l’extérieur de son pays. Dans le Livre vert, Kadhafi s’opposait à l’enrichissement personnel, puisqu'une telle transformation ne peut se réaliser qu’au détriment d’autres personnes.
La politique extérieure de la Libye basée sur le panarabisme, la condamnation violente de «l'impérialisme occidental», le soutien aux mouvements indépendantistes à travers le monde et l'intervention dans les pays voisins ne contribuèrent qu'à isoler la Libye de la communauté internationale, car le régime se fit accuser de venir en aide à des organisations terroristes internationales. En décembre 1985 deux attentats, attribués au FCR, sont perpétrés contre la compagnie israélienne El Al à Rome et à Vienne. Ils font respectivement 16 et 4 morts. En avril 1986 un attentat est perpétré contre une discothèque berlinoise fréquentée par des soldats américains (3 morts). La Libye est soupçonnée d’en être le commanditaire. Kadhafi devint le paria de la planète. Le président égyptien, Anouar el-Sadate, l'a traité de «voisin fou»; le président des États-Unis, Ronald Reagan, l'a qualifié de «chien enragé». Dix jours après l'attentat contre la discothèque de Berlin, les États-Unis menèrent une attaque aérienne sur la Libye pour tenter d'atteindre Kadhafi lui-même; cette attaque fit une centaine de victimes. Bien que les raids américains provoquèrent d’importants dégâts et firent de nombreuses victimes, ils ne suscitèrent que des protestations formelles de la part des pays arabes et de l’Union soviétique. Par ailleurs, la Libye fut de nouveau accusée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France d’être impliquée dans deux attentats aériens contre des avions de ligne, l’un américain de la PanAm qui explosa en vol en 1988, au-dessus de Lockerbie (en Écosse), l’autre français d'UTA qui s’écrasa dans le Ténéré en 1989. En 1992, un embargo aérien et militaire fut décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui élargit ainsi l’embargo décrété unilatéralement par les États-Unis en janvier 1986. Au plan intérieur, le colonel Kadhafi s'en prit aux Berbères de son pays. Tous les militants et porte-parole berbères furent arrêtés, emprisonnées ou liquidés. En juin 1985, un jeune Berbère, Ferhat Ammar Hleb, fut pendu sur la place publique dans sa ville natale (Zouara). Il avait étudié aux États-Unis et était reconnu pour ses positions favorables à la cause berbère. Le régime libyen l’accusa d’avoir des contacts avec des opposants libyens aux États-Unis et le condamna à la pendaison. La langue berbère fut interdite en public, les livres rédigés en berbère furent brûlés. Les militants berbères, comme tous les opposants, furent poursuivis jusque dans l’exil où ils se faisaient assassinés par les agents des services secrets du régime libyen. Kadhafi interdit l'enseignement de toute langue étrangère. À la fin de la décennie quatre-vingt, le régime de Kadhafi dut faire face à l’opposition des mouvements islamistes, dont le plus célèbre, les Frères musulmans. Afin de contrecarrer la montée de l’islamisme, le régime libyen adopta la Charia comme fondement du droit libyen, en 1994, tout en menant une sévère répression contre les Frères musulmans. Kadhafi déclara que la langue parlée autorisée au paradis est celle de l'islam. Le colonel utilisa habilement la menace islamiste pour obtenir la coopération des autorités égyptiennes et des pays arabo-musulmans, dont de nombreux ressortissants résidaient et travaillaient en Libye et étaient susceptibles d’en être expulsés, comme des dizaines de milliers d'Égyptiens et de Soudanais l'ont été en 1995. Afin de rompre l'isolement de son pays, le colonel Kadhafi multiplia aussi les voyages dans les pays de la zone sahélienne (Niger, Nigeria), annonça la reprise des investissements libyens au Soudan et au Mali et renoua avec le Tchad. De plus, il reçut l’appui du président sud-africain, Nelson Mandela qui, en visite en Libye, en octobre 1997, critiqua l’embargo des Nations unies et réclama son arrêt. En juin 1998, l’OUA décida de lever unilatéralement l’embargo aérien imposé à la Libye. En juin 2003, Mohammed Kadhafi, le «guide de la Révolution», annonçait sa volonté de privatiser les entreprises qu’il avait lui-même nationalisées en 1969, notamment celles qui gèrent le pétrole, principal revenu du pays. L’abolition des entreprises publiques répondait à une volonté affichée d’assainir et de développer l’économie nationale. Kadhafi a accusé la fonction publique libyenne d'«irresponsabilité», accusant les fonctionnaires d’avoir perdu des milliards de dollars par manque d’expertise, de moralité et de patriotisme. Il estimait qu’ils avaient fait courir à l’économie de graves dangers qu'il fallait dorénavant éviter. En novembre 2004, le président libyen, Mohammed Kadhafi, annonçait qu'il désirait voir la peine de mort abolie dans son pays. Il précisait, devant une assemblée de juges, d’avocats et d’universitaires, que cette décision n’était en rien motivée par des pressions extérieures. Depuis un certain temps, des firmes américaines et italiennes arrivent à décrocher des contrats avec la Libye, comme quoi elles ont réussi à «plaire» au «guide de la Révolution». Kadhafi poursuivit ses rêves : il voulut fédérer les État du Sahara et unir les pays arabes dans une grande union panarabe. Mais tous ces projets on échoué. Le régime se prépara à s'ouvrir au domaine très lucratif du tourisme. Il fallait aussi que le régime révise sa politique d'arabisation à tout crin et fasse des compromis avec la langue anglaise. Kadhafi affirma alors que William Shakespeare est en fait un Arabe qui s'appelait «Cheikh Spir». Heureusement, il y a longtemps que les Libyens se fichent pas mal des élucubrations de leur leader et ne se font plus d'illusions. Le côté fantasque et imprévisible du «guide de la Révolution», ses tirades à l'emporte-pièce lui ont aliéné bien des gens, y compris ses voisins arabes. Si le «guide spirituel» est en quête d'un monde meilleur, c'est uniquement pour lui-même et son clan. Jusqu'à présent, l'ouverture extérieure du régime ne s'est nullement accompagnée de nouvelles libertés pour les Libyens. Et Mohammed Kadhafi continue d'affirmer que les Libyens jouissent d'une «forme pure de démocratie», alors que les systèmes parlementaires occidentaux ne seraient, en réalité, que des «dictatures déguisées». Son fils, Seïf al-Islam Kadhafi, qui se veut un réformateur, est pressenti pour lui succéder. Mohammed Kadhafi se déplace entouré d'un groupe de femmes armées — ses «amazones» — et aime planter sa tente de Bédouin là où il va, même en visite officielle comme à Paris en 2007 (voir lien à gauche).
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