L'informatique, le PC, l'internet et l'ADSL, une révolution et un nouveau pouvoir

Les technologies de l'informatique, du PC, d'Internet réseau mondial où tous les PC sont interconnectés, et de la télécommunication (ADSL), ont révolutionné la circulation, l’édition et la publication des informations, des idées et des opinions. Surtout elles leur donnent la capacité potentielle d’être reçues par tout le monde, sans avoir à utiliser des moyens coûteux de création, de distribution ou de publicité.

Autrefois la recherche documentaire, nécessaire et préalable à toute étude, document, quotidien ou périodique de presse écrite, nécessitait une longue et fastidieuse préparation; lecture de documents et articles de presse en des lieux géographiques séparés, photocopies des documents; la rédaction du produit final passait par des moyens traditionnels, sténo-dactylo, corrections fastidieuses avec exercices couper/copier/coller à l'aide de papier scotch. Et une fois le produit final sorti, s'il devenait obsolète rapidement, impossible de le faire évoluer. Tout était à recommencer. Les documents s'entassaient et finissaient aux archives où nul ne retrouvait facilement ce dont il avait besoin.

La demande de textes argumentés et explicatifs, sous forme de livres, de journaux et de périodiques, qui a toujours existé, est désormais satisfaite d’une manière quasi infinie par tout ce que d'innombrables chercheurs, journalistes, penseurs, philosophes et autres... publient sur le net. Les moteurs de recherche toujours plus performants permettent de trouver quasiment tout ce qu'on veut. Et les systèmes de classement tout aussi performants permettent de marquer et de retrouver les documents consultés pour être utilisés plus tard dans d'autres contextes et circonstances.

Les logiciels de traitement des informations, textes, images et tableaux, pour en faire des éditions originales, où les idées et opinions sont triturées, remodelées, adaptées à d'autres buts, etc. sont aussi de plus en plus performants. On est loin du premier éditeur de texte Word, puis Winword; exemple winword en est à la version 2006 car MS a renoncé à numéroter les versions par un N°; PDF d'Adobe initialement un logiciel d'impression de texte en l'état, en est à la version 8.0 et désormais on peut éditer des documents PDF les modifier, ajouter des paragraphes, et les remettre en PDF. Le langage HTML et tous ses dérivés permet une puissance infinie de composition.

Tout cela mérite à mon sens que l’on parle de l'émergence d’un cinquième pouvoir. Voir la définition selon Thierry Crouzet, l’auteur du livre "le cinquième pouvoir". La défintion est la suivante: "Ensemble des citoyens fédérés grâce aux nouvelles technologies de communication. Il contrebalance le quatrième pouvoir, celui des médias et par extension du business, qui lui-même contrebalance les trois pouvoirs traditionnels : législatif, exécutif et judiciaire."

Et la suite de sa définition: Ce nouveau pouvoir n’est pas encore le pouvoir de tous; néanmoins, chaque jour, de plus en plus de citoyens le rejoignent directement ou indirectement par l’intermédiaire de leurs réseaux personnels. Ce pouvoir de la parole et de l’action sera bientôt plus représentatif que tous ceux qui l’ont précédé dans l’histoire. Il sera le pouvoir du peuple. Après les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et médiatique, il arrive en cinquième dans le temps pour devenir le pouvoir primordial auquel tous les autres seront subordonnés. […] C’est le pouvoir du peuple, le pouvoir qui aurait toujours dû dominer la vie démocratique mais qui ne le pouvait faute de moyens. Aujourd’hui, internet lui offre ces moyens. En s’interconnectant, en devenant des connecteurs, les citoyens prennent leur destin en main. Le cinquième pouvoir, c’est nous, la société civile.

Les journalistes de la presse et des médias, radio et télévision sont hostiles à cette émergence qu'ils ressentent comme un danger pour leur profession; des journaux sans journalistes disent-ils. Comme une émission de C dans l'air de Yves Calvi l'a montré. Voir

Voir en vidéo l'intégrale de cette émission sur le site de F5

Je ne pense pas que l'on en arrive à cette forme extrême de "cinquième pouvoir". En revanche, je crois que les moyens techniques modernes permettent l'émergence de l'opinion du "spectateur impartial" au sens où Adam Smith l'a décrit dans la théorie des sentiments moraux. L'opinion du bon sens individuel et par addition, l'opinion collective du "sens commun" se créent , c'est à dire l'opinion majoritaire à un moment de l'histoire, sur un sujet donné, important pour les citoyens. En permettant cette émergence du "sens commun" addition des "bon sens" d'un nombre aussi grand que possible pour constituer une majorité, les moyens modernes permettent aux citoyens de s’exprimer efficacement et de faire connaître le sens commun aux autres pouvoirs, notamment exécutif et législatif, pour qu'ils en tiennent compte dans leurs prises de décisions.

Au fur et à mesure que davantage de gens utiliseront ces moyens modernes pour s'informer et se former une opinion, ce "cinquième pouvoir" prendra plus d'influence et constituera un équilibre de contrepouvoir à l'encontre de tous ceux qui convertissent leur pouvoir, de manière illégitime, en pouvoir politique, économique, judiciaire, ou médiatique. Ce "cinqième pouvoir" permettra aussi de conforter les hommes politiques portés au pouvoir de manière démocratique et chargés de nous représenter, dans le choix des décisions qu'ils prennent.

Or cette vision confond la volonté du citoyen avec celle du consommateur (qui, , a des intérêts qu’il cherche à maximiser et qui peuvent souvent se quantifier en équivalent monnaie). L’addition des désirs ou des indignations, surtout libérés du principe de réalité ne peut se substituer à la volonté politque qui adopte –en théorie- le point de vue du Bien Commun. Surtout, le travail du politique consiste à se placer du côté du principe de réalité, à créer des hiérarchies, à refuser, à dire non, à faire des sacrifices pour des buts plus grands, quitte parfois à contrarier les désirs immédiats des mandants.

Ce cinquième pouvoir qui n’est doté d’aucun organe d’exécution, n’a ni objectif, ni stratégie, ni continuité, ni idendité. C’est une résultante. On peut être enchanté des capacités dont nous disposons pour nous exprimer, nous documenter ou nous coordonner, on peut et on doit recommander aux citoyens d’en user et d’en abuser. Mais il faut garder à l’esprit que le pouvoir qui est soustrait d’un côté (celui des anciens détenteurs de l’information et des compétences, des propriétaires des médias classiques….) est reparti ailleurs et pas forcément réparti. Dans la concurrence des « paroles citoyennes » et des demandes, certains sont plus égaux que d’autres. Et le rétablissement du principe libéral de la concurrence (concurrence pour la visiblité, pour l’indexation, pour la citation, bref pour l’atttention et l’influence) n’est pas nécessairement une garantie contre les manipulations.

Rappelons d’ailleurs ce qu’est le fameux « quatrième pouvoir ». Ce dernier ne formule pas de commandement explicite – comme, législatif, exécutif ou judiciaire - et il n’est efficace que dans la mesure où nous sommes inconscients de son existence. Seuls les fous disent qu’ils ont fait quelque chose parce que la voix dans le poste les y a obligés. Les médias ne nous ordonnent rien. Au pire, ils nous suggèrent (de voter ou d’acheter) quand leurs messages visent à une persuasion délibérée. Même en ce cas, il n’y a aucune preuve scientifique qu’ils emportent notre conviction à tous les coups. Tous les travaux menés sur la persuasion concluent à son étonnante complexité et décèlent une non moins surprenante « résistance des récepteurs ». Si le quatrième pouvoir n’est pas celui de nous faire penser, pourrait-il être celui de nous empêcher de penser ? ou de nous dire à quoi penser ? ou comment penser ?


Mis à jour le 19/09/2009 par Pierre Ratcliffe. Contact: Portail web http://pratclif.com.