Réflexions sur le tremblement de terre du 26 décembre 2004 et le raz de marée qui a fait plus de 140 000 victimes en Asie.

Il y a quelque chose de radicalement nouveau dans cet événement par rapport à des précédents de même nature en ce qui concerne la réaction du monde, gouvernants et population tous réunis.

En 1755, l'Europe fut traumatisée par le célèbre tremblement de terre de Lisbonne qui s'est accompagné d'un raz de marée analogue et de la destruction par l'incendie d'une ville entière. Face à cette catastrophe, deux types de réactions se sont manifestés.

Voltaire a écrit, dans Candide, des sottises admirables sur l'optimisme prêté à Leibniz ! L'optimisme a été littéralement ,descendû en flammes. Voltaire a digq~W~ ffié pâtir longtemps

Simultanément, une grande part de la pensée des Lumières, saisie d'effroi face au tremblement de terre de Lisbonne, a posé les bases d'une idéologie scientiste inspirée par le « plus jamais ça ! ». On a confié à la science et à la technique le soin

d'éloigner définitivement la menace de tels désastres. Donc, une forme nouvelle d'optimisme a paradoxalement pris naissance avec le trauma de Lisbonne : ce fut le scientisme, cette idéologie typiquement moderne qui voit~ dm les progrès scientifiques et techniques la meilleure garantie de sécurité pour l'humanité,

En effeti, le séisme sous-marin d'Indonésie impose des conclusions qui prennent l'exact contre-pied de celles qu'on a tirées au XVIII, siècle. Le désastre sud-asiatique ruine, d'abord, le, scientisme. Depuis 1755, l'humeté a accompli, sur le plan scientifique, des avancées gigantesques. Nous avons appris à nous protéger d'un nombre croissant de menaces. Mais voilà que c'est de la science elle-même que surgit la preuve formelle de notre vulnérabilité. Grâce à la mathématique et à la géophysique, nous savons désormais qu'un tsunami n'èst absolument pas prévisible. La théoriedes plaques, en particulier, nous révèle l'imprédictibilité profonde du temps, du lieu et de l'intensité des tremblements de terre sous-marins. Ce qui s'écroule, c'est Védificq d'une,eéplogie assignant à science' un rôle de prévision des c~trqR,4p
Nous savons donc'désorm'a ' que rien ne nous permet d'anticiper ces événements cataclysmiques ; on peut seulement alerter les populations quand ils surviennent. C'est la science elle-même qui nous force à

rompre avec le scientisme né du XVHP siècle !

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Il porte sur la condamnation f& roce de l'optimisme. La catastrophe asiatiquel qui a déjà fait à ce jour plus de 120 000 morts, est suivie dans un « direct » quasi permanent par les habitants de tous les continents. Grâce aux médias et aux NTIC (1), la, plus gigantesque opération de sauvetage humain de l'histoire s'organise. Toutes les institutions humanitaires sont mobilisées. Les dons affluent des quatre coins du monde. Et la solidarité mondWe va faire un bond en avant extraordinaire. C'est dire qu'il n'y a plus lieu de railler l'optimisme comme le fit Voltaire.

Non, parce que ma réaction ne
consiste absolument pas à sug
gérer, à l'instar du persomiage
de Pangloss dans le conte philo
sophique de Voltaire, que le
tremblement de terre est Inscrit
dans le plan de Dieu Hl s'agit
simplement de re ' connaître
qu'on raison même de l'éten
due de la catastrophe, un mou
vement de sollititude mondiale
aussi considérable se dé
clenche. La moddialisation du
senrent d~, s't)UdAr*tA ~çs
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pré uite quasi mee C'es~. ~ événement tamlement inetir L'ampleur dÎÎ~ solidarité va être aussi tante que celle du séisme. L optimisme cesse en conséquence d'apparaître comme ridicule déplacé.
On sent votre jubileJÜon,.,~,
,àl' 1

Us êtres humains sentent bien désormais ce que veut dire « être embarqués », être ensemble sur un bateau qui faifun roulis infernal. J'en avais d'ailleurs eu l'impression sensible lors d'un précédent tremblement de terre, en 1989, en Californie. J'étais présent sur le campus de Stanford lors du séisme de Loma Pricta, de,,7,2 sur l'échelle de Richter. Alors fimagme aisément ceque doit être un tremblement de terre sous-marin de 8,9 sur léchelle de Richter, sachant que réchelle est exponentielle et que la déflagration sismique d'un tremblement de terre sous-marin pro-

duit une onde de choc dont l'amplitude est égale à la hauteur de l'eair. Avec le séisme asiatique, c'est petit-être la première fois que l'équipage se sont a~ssÎ direéiL~moit solidaire du reste
Vidée dtume.-
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Ge !b Il universel, J'ai rinipries
110]]
ion e~,1a création d'une
opinion p que mondiale, dont J'avais senti par exemple l'é#auche lors des manifestations contre les essais nucléaires, français dans le Paci-

fique, en 1995, vient d'aboutir.. C'est cela qui scelle pour le coup un « contrat naturel ». A un niveau infirapolitique - celui de la mobilisation des sociétés -, on voit se mettre en place depuis cinq jours une sorte de pool de solidarité, qui rejoint par son étendue et sa vigueur l'importance du cataclysme qui l'a suscitée.

Je ne me livre pas à un raisonnement. Je ne parle pas en termes abstraits, justement! Je dis qu'un événement désastreux pour des peuples parfois éloignés d'eux suscite la mobifisation instinc,tive et massive d'êtres humains de tous les continen ts. Personne n'aurait pensé, dans un monde en proie à une telle fragmentation identitaire, que l'humanité puisse'bousculer aussi rapidement les barrières de civilisation. La singularité de ce qui vient de se produire consiste prôosément dans la rencontre, eun phémmène naturel global et d'un phénomène humain global. Le caractère mondial du réflexe humain face à l'étendue ' quasi mondiale du désastre de l'océan Indien fonde justement ce que j'appelle un « contrat naturel ».

...
tPeukètre ohï-ils raison d'insis
er suries ambiguïtés ou les ar
rière-pensées éventuelles des
grands Etats. Mais ceux qui ac
cusent les dirigeants ~ ëur~péens
ou américains de mégoter sur
l'aide flnàncière oublient que,
dans notre monde, l'essentiel ne
se passe plus au niveau socio
politique et étatique - c'est l'élan.
de solidarité des opinions qui
est déterminant. Et - deuxième
erreur -, les théories sur la frac
ture Nord-Sud, qtfon voit resur
gir aussi ces jours-ci, ne sont
pas plus pertinentes. Tout un
arsenal d'explications idéolo
giques est à la mer! Lorsqu'un
événement nouveau survient,
de nombreux intellectuels re
passent Immanquablement
leurs vieux disques ! Ils'de
vraient relire A travers Tokyo
enflammes, où Paul Claudel
confie son effroi face au trem
bleïnent de > terre qui a ravagé la
capitale japonaise en y déclen
chant dimmenses incendies. Ils
comprendraient qu'à l'époque,
Claudel a été le seul Occidental à
pleurer avec les Japonais ! Ce,
n'est, à l'évidence, Plus le cas:~
aujourd'hui, aveç.,Ies peuples ~
suppliciés d"'oc4an Indien. 'Il,
faut, je crois, s'en réjouir. i