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L'allongement, à l'horizon 2019, de
la durée d'assurance nécessaire pour avoir le taux
plein
Depuis une cinquantaine
d'années on a assisté à un double mouvement. Entre la génération
qui naît aujourd'hui et celle de ses grands-parents :
- l'espérance de vie a
progressé de dix à douze ans à la naissance et de plus de cinq ans
à 60 ans;
- l'âge d'entrée dans la
vie active a reculé de cinq ans environ.
Ces évolutions sont la
traduction de l'amélioration des niveaux de vie et de
développement. Cette réussite collective majeure a aussi un coût
économique et financier. Verser des retraites pendant plus
longtemps représente une charge, c'est généralement ce point qui
est le mieux analysé. Il n'est toutefois pas le seul élément
explicatif des problèmes financiers prévisibles des régimes de
retraite. La baisse de la population active en âge de travailler,
avec le départ à la retraite des générations du baby-boom à partir
de 2006 et l'arrivée sur le marché du travail de générations moins
nombreuses, bridera la croissance et limitera ainsi les ressources
des régimes de retraite. Agir sur la baisse de la population
active et notamment sur la population active occupée peut se faire
de plusieurs façons.
Un des défis majeurs
auquel notre société a à faire face, on l'a vu au chapitre II, est
son chômage massif. Réduire le taux de chômage redonne
effectivement, à court-moyen terme, des marges de jeu
financières : plusieurs scénarios ont été étudiés pour
évaluer la sensibilité des projections à différentes hypothèses.
Augmenter les taux
d'activité entre 55 et 65 ans - en incitant au recul de l'âge de
départ à la retraite - constitue un levier efficace de long
terme.
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Une réforme qui suppose un
contexte économique modifié
Utiliser ce levier n'a
toutefois de sens que si le contexte économique le permet. Deux
conditions sont nécessaires :
- il ne faut pas que le
maintien dans l'emploi des seniors empêche l'entrée des jeunes sur
le marché du travail, ce qui reviendrait à accroître le taux de
chômage et à reporter la charge des retraites sur les comptes du
chômage;
- il ne faut pas que
l'âge de cessation d'activité reste de plusieurs années inférieur
à l'âge de départ à la retraite. Cela suppose que les entreprises
modifient leur politique de gestion de carrière en limitant
notamment leur recours aux dispositifs de préretraite.
À la proposition de recul
de l'âge de départ à la retraite est souvent opposée la situation
actuelle sur le marché du travail. Comme on l'a vu chapitre II,
les dispositifs organisant la cessation anticipée d'activité se
sont, en effet, considérablement développés ces vingt dernières
années. Dans ce contexte il y aurait donc une certaine incohérence
à vouloir décaler l'âge de départ à la retraite.
La question se posera,
toutefois, dans des termes différents à l'horizon 2010-2020. La
France manquera probablement à cette date de personnes en âge de
travailler (chapitre III). C'est d'ailleurs sous cette hypothèse
qu'ont été construits les scénarios macro-économiques, le chômage
supposé (9 % et 6 % à comparer à 11,4 % actuellement)
correspondant non à un déficit de demande de travail de la part
des entreprises mais à une incapacité collective à insérer dans
l'emploi certaines catégories de main-d'œuvre (inadaptation des
qualifications, malgré l'amélioration du niveau de formation, aux
contraintes technologiques, par exemple). En ce qui concerne la
variante, un chômage à 3 % correspond au seul chômage
frictionnel.
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Une réforme qui doit tenir
compte de l'âge d'entrée dans la vie active et assurer une
liberté de choix aux individus
Pour décaler l'âge de
départ à la retraite et tenir compte du rythme des gains
d'espérance de vie, une première solution pourrait consister à
reculer progressivement l'âge légal de départ à la retraite. Une
telle solution ne tient pas compte toutefois des différences d'âge
d'entrée dans la vie active. La deuxième solution, qui revient à
allonger la durée de cotisation pour avoir le taux plein, intègre
en revanche ce paramètre. Elle autorise des départs plus précoces
pour ceux qui ont commencé plus tôt dans la vie active et
incorpore un mécanisme endogène de décalage de l'âge de la
retraite en fonction de l'âge d'entrée dans la vie active. C'est
pourquoi elle a la préférence de la Commission de concertation.
Elle devrait être accompagnée de l'élargissement des possibilités
de validation de période de formation ou d'inactivité et devrait
viser seulement l'augmentation du taux d'activité entre 60 et 65
ans. En aucun cas, il ne s'agirait de décaler l'âge de départ à la
retraite au-delà de 65 ans.
La réforme du régime
général de 1993, en augmentant la durée d'assurance - tous régimes
- requise pour bénéficier du taux plein, au rythme d'un trimestre
par an entre 1994 et 2003, va dans ce sens. Au terme de la
réforme, la durée d'assurance - tous régimes - requise pour avoir
le taux plein est fixée à 160 trimestres (40 ans) au lieu de 150
trimestres (37,5 ans). Pour la plupart des autres régimes, la
durée d'assurance pour avoir le taux maximum de pension est restée
fixée à 150 trimestres.
La question des retraites
est une question globale qui concerne l'ensemble de la population
et non une seule catégorie. Il est normal que la durée de
cotisation nécessaire pour avoir le taux plein soit la même pour
tous les régimes.
Cette réforme doit
toutefois laisser une possibilité de choix aux personnes
concernées, une possibilité d'arbitrage individuel entre niveau de
la retraite annuelle versée et durée d'activité.
Comme on l'a vu
ci-dessus, ceci suppose, tout d'abord, une autre politique de
gestion des entreprises à l'égard de leurs salariés les plus âgés,
par exemple qu'il n'y ait plus d'âge de mise à la retraite
d'office dans certaines entreprises (dans le secteur privé mais
aussi dans le secteur public). En aucun cas un allongement de la
durée d'assurance requise pour avoir le taux plein ne doit se
traduire par une baisse contrainte du taux de remplacement.
L'objectif n'est pas de programmer la baisse du taux de pension,
mais d'inciter au décalage de l'âge de départ à la retraite
lorsque le marché du travail sera tendu sous l'effet du changement
de régime démographique.
Cela suppose, ensuite, la
neutralité actuarielle, pour départ anticipé, des abattements sur
les taux de pension; ces abattements ne doivent pas pénaliser de
façon indue la personne qui souhaiterait partir avant d'avoir
acquis le nombre de trimestres nécessaire pour avoir le taux
plein. Il s'agit d'une condition nécessaire à l'exercice des choix
individuels, en fonction de la situation personnelle, familiale,
de santé, de revenu aussi que des projets et aspirations.
Actuellement la liberté
de choix est extrêmement réduite pour les salariés du secteur
privé : les taux d'abattement - avant 65 ans - sont
particulièrement élevés et très désavantageux pour l'assuré qui
veut s'arrêter avec une durée d'assurance incomplète. À l'opposé,
dans les régimes du secteur public, l'abattement est faible, la
collectivité payant dès lors le coût du choix individuel d'un
départ anticipé.
Au terme de la réforme de
1993, la pension de retraite au régime général sera égale à :
P = (1-dn)*50
%*(d/150)*Salaire annuel moyen
avec : d la durée
d'assurance validée au régime général, calculée en trimestres et
plafonnée à 150 trimestres;
- d le taux de
réfaction de 2,5 % par trimestre manquant pour atteindre les 160
trimestres - tous régimes - ou 65 ans (le 2,5 % est équivalent à
une réduction de 1,25 % du taux de liquidation de 50 %);
- n le nombre de
trimestres manquants.
La pension des salariés
du secteur privé qui n'atteignent pas la durée d'assurance requise
pour avoir le taux plein subit dès lors deux abattements :
- le premier qui prend en
compte la sous-cotisation; la pension étant proratisée en fonction
du nombre d'années cotisées au régime général dès que celle-ci est
inférieure à 150 trimestres (cela correspond au coefficient
d/150);
- le deuxième qui prend
en compte le surcoût lié au versement de la pension pendant une
durée plus longue à la suite d'un départ anticipé; la pension
étant réduite de 2,5 % par trimestre manquant pour atteindre les
160 trimestres - tous régimes - ou 65 ans.
Cette double réfaction
est en fait très pénalisante dans la mesure où la valeur actuelle
de 2,5 % correspond à un coefficient d'abattement de la pension de
10 % par an, alors que la valeur actuariellement neutre, pour une
durée de versement de la pension de 20 ans, est de 5 %.
Dans la plupart des
régimes spéciaux de salariés, le seul abattement existant est la
proratisation de la pension en fonction de la durée d'assurance au
régime. Aucun mécanisme n'existe, en effet, dans ces régimes, qui
prenne en compte le coût lié au versement de la pension pendant
une durée plus longue à la suite d'un départ anticipé à la
retraite.
La pension des salariés
de la Fonction publique est actuellement égale à :
P = 75 %*(d/150)*Salaire
moyen des 6 derniers mois
avec d la durée
d'assurance validée au régime fonction publique, calculée en
trimestres, cette dernière étant plafonnée sauf exception à 150
trimestres.
De façon à ajuster l'âge
de départ à la retraite en fonction des gains d'espérance de vie,
tout en assurant la liberté de choix aux individus, une adaptation
possible des régimes de retraite pourrait être :
- la généralisation
progressive à l'ensemble des régimes de l'allongement de la durée
d'assurance requise et son prolongement au-delà, pour atteindre en
2019 une durée d'assurance de 170 trimestres;
- la mise en place d'un
mécanisme d'abattement assurant la neutralité financière du choix
de l'âge de départ à la retraite, et donc permettant l'exercice de
choix individuels.
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Une réforme qui doit inciter au
décalage très progressif de l'âge de départ à la retraite
entre 60 et 65 ans
La réforme envisagée
prend acte de l'amélioration de l'état de santé au-delà de 60 ans.
Décaler l'âge de la retraite a toutefois ses limites. À l'horizon
2020, l'âge qui permet - sous les hypothèses actuellement retenues
de gains d'espérance de vie et d'entrée dans la vie active - de
maintenir le taux de dépendance à son niveau actuel est de 64,6
ans (chapitre III). Il serait de 69,6 ans en 2040. Avant cet âge,
sous l'hypothèse d'une évolution parallèle de la pension moyenne
et du salaire moyen, il y aurait un surcoût pour la collectivité
au versement d'une pension à toute personne qui aurait les
caractéristiques moyennes de sa génération (âge moyen d'entrée
dans la vie active et espérance de vie moyenne). Après cet âge, la
personne concernée serait en revanche perdante.
Dans le cadre de la
réforme envisagée, l'âge au-delà duquel aucun abattement n'est
retenu sur le niveau de pension pour départ anticipé à la retraite
serait de 65 ans.
L'idée consiste à
allonger, à l'instar de la réforme du régime général de 1993, la
durée d'assurance - tous régimes - requise pour avoir le taux
plein, d'un trimestre par an (1); ce qui correspond
pratiquement au rythme de l'allongement de l'espérance de vie au
cours des 25 dernières années. Une distinction est faite selon les
régimes : le régime général et les régimes alignés qui ont
déjà engagé un tel mouvement d'une part, et les autres régimes qui
ont maintenu jusqu'à présent une durée d'assurance requise pour
avoir le taux maximum de pension de 150 trimestres d'autre part.
(1) Est ici présentée une réforme qui
consiste à réduire progressivement d'un trimestre par génération
le taux de l'annuité - taux de pension par année validée - que
l'annuité soit ou non déjà validée. Une autre modalité de réforme
pourrait être envisagée, à l'instar de la réforme italienne.
Celle-ci consiste à retenir immédiatement comme annuité, l'annuité
cible, mais à ne l'appliquer que sur les années non encore
validées. La modalité retenue dans notre variante a l'avantage
d'être plus facilement raccordable à la réforme de 1993. La
méthode ".italienne." a pour elle de respecter l'ensemble des
engagements passés.
Une accélération de la
réforme du régime général n'est en effet pas souhaitable, les
difficultés des régimes de retraite se situant dans le moyen et
long terme. Ainsi, le rythme actuel d'allongement de la durée
d'assurance - tous régimes - requise devrait être maintenu
jusqu'en 2003 (il serait plus juste de se référer à la génération
1943). Au-delà, le prolongement de l'allongement de la durée
d'assurance - tous régimes - pourrait être envisagé, à un rythme
éventuellement un peu plus lent afin de permettre un alignement
dans le temps de l'ensemble des régimes. La durée d'assurance
atteindrait 170 trimestres à l'horizon 2019.
Dans les régimes qui ont
conservé, comme durée d'assurance requise pour avoir le taux
maximum de pension, les 150 trimestres, l'allongement pourrait
commencer dès 2000 (ou plutôt dès la génération 1940) au rythme
d'un trimestre par an jusqu'en 2019. Ainsi, en 2009, la durée
d'assurance requise pour avoir le taux maximum de pension serait
de 160 trimestres et en 2019 de 170 trimestres.
Pour permettre plus de
souplesse dans les choix individuels et assurer leur neutralité
actuarielle, les mécanismes d'abattement seraient par ailleurs
revus.
Comme on l'a vu plus
haut, l'abattement par trimestre manquant de 2,5 % dans le régime
général est trop fort. Dans les régimes de type fonction publique
un tel mécanisme n'existe pas.
Or, pour que les règles
de calcul des régimes de retraite restent neutres par rapport aux
décisions individuelles de départ en retraite, une double décote
est indispensable (cf. annexe au chapitre) :
- la proratisation de la
pension en fonction de la durée d'assurance au régime. Celle-ci
pourrait être de 1/170e;
- l'abattement en
fonction du nombre d'années supplémentaires de versement de la
pension lié à un départ anticipé. Il paraît souhaitable, en effet,
de généraliser cet abattement à l'ensemble des régimes, en
retenant toutefois un taux plus faible que celui actuellement
existant au régime général. Celui-ci pourrait être de 1,2 % par
trimestre manquant tous régimes.
Dès lors, les règles de
calcul des pensions des régimes de retraite seraient au terme de
la réforme, en 2019(1) :
(1) Une telle réforme s'appliquerait à
l'ensemble des régimes. Les régimes complémentaires de salariés
AGIRC, ARRCO, et les régimes des professions libérales (base et
complémentaire) ayant pour âge légal de départ à la retraite 65
ans font toutefois exception, puisqu'ils ont déjà les deux
mécanismes d'abattement. Pour les régimes complémentaires de
salariés (AGIRC, ARRCO) le taux plein n'est possible avant 65 ans
que si la personne a la durée d'assurance requise au régime
général, toute réforme du régime général visant à augmenter la
durée d'assurance requise pour avoir le taux plein se répercute
donc automatiquement dans les régimes complémentaires.
P = (1-dn)*T*(durée
validée au régime / 170)*Salaire de référence
- d, le taux
de réfaction pour départ anticipé, serait de 1,2 % par trimestre
manquant pour atteindre 170 trimestres - tous régimes - ou 65 ans
(le 1,2 % correspond à un abattement de 0,6 % du taux de
liquidation de 50 % au régime général et à un abattement de 0,9 %
du taux de liquidation de 75 % dans les régimes particuliers de
salariés);
- n, le nombre de
trimestres manquants, serait égal au minimum entre (nombres de
trimestres validés - tous régimes - manquants pour atteindre 170)
et (nombre de trimestres manquants pour atteindre 65 ans, nombre
calculé par rapport à l'âge de départ à la retraite). Lorsqu'un
assuré part à la retraite à 60 ans, son nombre de trimestres
manquants maximum est donc de 20, et ce quel que soit son nombre
de trimestres - tous régimes - validés. Le taux de liquidation ne
peut donc être inférieur à 38 %(1) au régime général
[50 %*(1-0,24)] et à 57 % dans les régimes particuliers de
salariés [75 %*(1-0,24)]. L'assuré a dans tous les cas le taux
plein à 65 ans, son taux de liquidation est dès lors égal à 50 %
au régime général et à 75 % dans les régimes particuliers de
salariés.
(1) Actuellement, le taux minimum de
liquidation au régime général est de 25.%.
Pour certaines catégories
particulières les règles de calcul devraient être spécifiées. Pour
les invalides, les individus reconnus inaptes au travail, les
mères de famille ouvrières, les anciens déportés, les anciens
combattants et les anciens prisonniers de guerre, il n'y aurait
pas d'abattement pour départ anticipé : n serait égal à zéro
quelle que soit la durée d'assurance - tous régimes - acquise le
jour du départ à la retraite. Pour les catégories ayant des âges
légaux inférieurs à 60 ans, l'âge à partir duquel le mécanisme
d'abattement ne jouerait plus pourrait être de 5 ans supérieur,
comme au régime général, à l'âge légal de départ à la retraite.
Pour les personnes à temps partiel des régimes spéciaux de
salariés, la règle de calcul de la durée d'assurance devrait être
revue. Actuellement, celle-ci est proratisée en fonction du temps
de travail;
- T, le taux de
liquidation, serait inchangé et égal à 50 % au régime général et
dans les régimes alignés et à 75 % dans les régimes particuliers
de salariés;
- le salaire de référence
serait inchangé et égal aux 25 meilleures années au régime général
et dans les régimes alignés et aux six derniers mois de salaires
dans les régimes particuliers de salariés.
Le tableau suivant
précise la montée en charge du
dispositif.
L'évolution de
l'ensemble des règles |
|
Durée
d'assurance tous régimes requise pour avoir le taux plein
sans abattement d pour départ
anticipé |
Durée d'assurance
prise en compte pour la proratisation (RG)
|
Valeur de l'annuité
dans le secteur public (1) |
Réduction
d du taux de pension
par trimestre manquant tous régimes (2) |
|
RG |
FP |
RG |
FP |
RG |
FP
|
Génération 1939 |
156 |
150 |
150 |
2,00 % |
2,5 % |
0,00
% |
Génération 1940 |
157 |
151 |
151 |
1,99 % |
2,4 % |
0,06
% |
Génération 1941 |
158 |
152 |
152 |
1,97 % |
2,3 % |
0,12
% |
Génération 1942 |
159 |
153 |
153 |
1,96 % |
2,2 % |
0,18
% |
Génération 1943 |
160 |
154 |
154 |
1,95 % |
2,1 % |
0,24
% |
Génération 1944 |
161 |
155 |
155 |
1,94 % |
2,0 % |
0,30
% |
Génération 1945 |
162 |
156 |
156 |
1,92 % |
1,9 % |
0,36
% |
Génération 1946 |
163 |
157 |
157 |
1,91 % |
1,8 % |
0,42
% |
Génération 1947 |
164 |
158 |
158 |
1,90 % |
1,7 % |
0,48
% |
Génération 1948 |
= |
159 |
159 |
1,89 % |
1,6 % |
0,54
% |
Génération 1949 |
165 |
160 |
160 |
1,88 % |
1,5 % |
0,60
% |
Génération 1950 |
= |
161 |
161 |
1,86 % |
1,3 % |
0,66
% |
Génération 1951 |
166 |
162 |
162 |
1,85 % |
1,2 % |
0,72
% |
Génération 1952 |
= |
163 |
163 |
1,84 % |
1,2 % |
0,78
% |
Génération 1953 |
167 |
164 |
164 |
1,83 % |
1,2 % |
0,84
% |
Génération 1954 |
= |
165 |
165 |
1,82 % |
1,2 % |
0,90
% |
Génération 1955 |
168 |
166 |
166 |
1,81 % |
1,2 % |
0,96
% |
Génération 1956 |
= |
167 |
167 |
1,80 % |
1,2 % |
1,02
% |
Génération 1957 |
169 |
168 |
168 |
1,79 % |
1,2 % |
1,08
% |
Génération 1958 |
= |
169 |
169 |
1,78 % |
1,2 % |
1,14
% |
Génération 1959 et suivantes |
170 |
170 |
170 |
1,76
% |
1,2
% |
1,2
%
|
(1) La valeur de
l'annuité est égale au taux de pension, avant abattement
pour éventuel départ anticipé, par année validée au
régime. (2) Le 1,2 % correspond à un abattement de 0,6 %
du taux de liquidation de 50 % au régime général et à un
abattement de 0,9 % du taux de liquidation de 75 % dans les
régimes particuliers de salariés. Source :
CGP. |
La réforme de 1993 avait
maintenu la proratisation au 1/150e; aligner cette
proratisation sur la durée d'assurance requise tous régimes permet
de mettre sur un pied d'égalité les mono et pluri-actifs. Ceci
risquerait toutefois d'être pénalisant pour ceux qui ayant atteint
l'âge de 65 ans n'auraient pas acquis les 170 trimestres. La
réforme envisagée vise à inciter au décalage de l'âge de départ à
la retraite entre 60 et 65 ans et non à contraindre au travail
au-delà de 65 ans. C'est pourquoi, un dispositif devrait être mis
en place pour supprimer, à l'âge de 65 ans et sous certaines
conditions, l'effet du passage à une proratisation à
1/170e.
|
|
|
Une réforme qui n'a d'effets
significatifs qu'à partir des années 2010
Une telle réforme a un
effet progressif, qui ne pèse de façon significative qu'à partir
des années 2010. Les générations antérieures à celle de 1955 sont
en effet entrées en moyenne suffisamment tôt dans la vie active
pour limiter la proportion de ceux qui devraient retarder leur âge
de départ à la retraite. Selon une étude de l'INSEE(1),
sous l'hypothèse haute - intégration dans la durée d'assurance des
périodes de chômage, d'apprentissage, de stage et d'aide familiale
- plus de 70 % des hommes de la génération 1945 devraient avoir, à
60 ans, 41 années d'assurance (soit une demi-année de plus que la
durée d'assurance requise), et ils devraient, encore, être plus de
63 % de la génération 1950 à dépasser la durée d'assurance requise
de 41 années. La situation est toutefois moins favorable
pour les femmes, mais peu atteignaient en 1997 la durée
d'assurance requise pour avoir le taux plein. Seules 32 % des
femmes de la génération de 1935 avaient 40 annuités validées à 60
ans. En fait l'étude de l'INSEE montre que l'effet de la réforme
est compensé pour les femmes par l'augmentation de leur taux
d'activité.
(1) C. Lagarenne, C. Martinez, G. Talon
: ".Années validées pour la retraite : comparaison
intergénérationnelle des profils d'accumulation.", note INSEE
remise à la séance no 8 de la Commission de concertation.
Seules les
générations plus récentes devraient reculer en majorité leur âge
de départ à la retraite : 60,9 ans en moyenne en 2016 pour la
génération de 1955, 61,5 ans en moyenne en 2021 pour la génération
de 1960, ... , 64,1 ans en moyenne en 2039 pour la génération de
1975.
Âge de début
d'activité et durée de cotisation requise en
variante |
|
Âge moyen d'entrée
dans la vie active |
Durée de cotisation
régime général |
Âge de départ à la
retraite pour un individu moyen ayant une carrière complète
|
Date de départ à la
retraite |
Génération 1940 |
< 18
ans |
39 1/4
années |
60 ans
|
2000 |
Génération 1945 |
18 ans
|
40 1/2
années |
60 ans
|
2005 |
Génération 1950 |
18,3
ans |
41 1/4
années |
60 ans
|
2010 |
Génération 1955 |
18,9
ans |
42
années |
60,9
ans |
2016 |
Génération 1960 |
19 ans
|
42 1/2
années |
61,5
ans |
2021 |
Génération 1965 |
19,5
ans |
42 1/2
années |
62 ans
|
2027 |
Génération 1970 |
20,2
ans |
42 1/2
années |
62,7
ans |
2033 |
Génération 1975 |
21,6
ans |
42 1/2
années |
64,1
ans |
2039
|
Source :
CGP. |
|
|
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Une réforme qui
réduirait significativement les besoins de financement des
régimes à l'horizon 2040
L'impact d'une telle
réforme sur l'équilibre des régimes de retraite a été mesuré pour
les trois principaux régimes de base : le régime général, le
régime des fonctionnaires de l'État et la CNRACL.
La réforme réduirait
assez fortement le besoin de financement de chacun des régimes. En
2040, le besoin de financement du régime général serait de 7
points de cotisation dans le scénario macro-économique 1 au lieu
d'un peu plus de 11 points en l'absence de réforme. Dans le
scénario macro-économique 2, il n'est plus que de 6 points de
cotisation et de 5 points dans la variante à 3 % de chômage. Le
besoin de financement des régimes de fonctionnaires est aussi
fortement réduit : de 12 à 15 points de cotisation en 2040
pour le régime des fonctionnaires de l'État, suivant les
hypothèses macro-économiques, et de 12 points pour la CNRACL.
Un tel report
entraînerait en fait une hausse de la population active d'environ
420 000 personnes en 2010 (soit un peu moins de 2 % de la
population active), d'environ 920 000 en 2020 (4 % de la
population active) et de l'ordre de 1,4 million de personnes en
2040 (6,5 %).
Comme on l'a vu au
chapitre V, toute hausse de la population active engendre des
gains de croissance qui se traduisent en augmentation de l'emploi.
Dans ce contexte, le nombre de cotisants aux régimes de retraite
devrait s'accroître. Son impact reste relativement faible en début
de période, mais devient significatif à partir de 2020-2025.
Si on fait
l'hypothèse que cette augmentation globale des effectifs se fait
au seul profit du régime général, les recettes de ce dernier
s'accroissent de 60 milliards de francs en 2040, ce qui représente
10 % du montant de ses cotisations dans le scénario
macro-économique 1 et 9,3 % dans le scénario macro-économique 2.
Sous cette hypothèse, la réforme des trois régimes réduirait le
besoin de financement du régime général de 6 points de cotisation
en 2040. Celui-ci ne serait plus que de 5 points environ dans le
scénario macro-économique 1 et de 4 points dans le scénario
macro-économique 2.
Impact de la
réforme : besoins de financement des régimes de retraite en
points de cotisation (à taux de cotisation inchangé, hors
transferts de compensation) |
|
Scénario macro-
économique 1 |
Scénario macro-
économique 2 |
Variante "taux de
chômage 3 %" |
|
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040
|
Régime
général |
avant
réforme |
- 5,5 |
- 11,2 |
- 4,3 |
- 9,8 |
- 3,3 |
- 8,6
|
après
réforme (1) |
- 3,5 |
- 7,0 |
- 2,4 |
- 6,0 |
- 1,5 |
-
4,8
|
après
réforme (2) |
- 2,4 |
- 5,0 |
- 1,4 |
- 4,0 |
- 0,6 |
-
3,2
|
Régime des
fonctionnaires civils de l'État (hors PTT) |
avant
réforme |
- 23,0 |
- 40,0 |
- 21,5 |
- 32,0 |
- 19,0 |
- 29,0
|
après
réforme |
- 11,0 |
- 25,0 |
- 10,0 |
- 19,0 |
- 8,0 |
- 17,0
|
CNRACL |
avant
réforme |
- 17,0 |
- 29,0 |
- 17,0 |
-29,0 |
- 14,0 |
- 26,0
|
après
réforme |
- 5,3 |
- 17,0 |
- 5,3 |
- 17,0 |
- 3,5 |
- 14,0
|
(1) Sans
intégration de cotisants supplémentaires. (2) Avec
intégration des cotisants supplémentaires. Source :
CGP. |
Ces estimations doivent
être considérées avec précaution. Elles résultent d'hypothèses
relativement fortes liées à des difficultés de modélisation. On
peut supposer a priori que ces hypothèses ont entraîné une
surestimation des effets de la réforme.
Une première difficulté,
commune à l'ensemble des régimes, est liée à la modélisation des
comportements des individus en cas de modification des règles des
régimes de retraite. On a supposé ici que l'ensemble de la
population en dehors des catégories particulières décalait son âge
de départ afin d'obtenir la durée d'assurance requise jusqu'à 65
ans au maximum.
Par ailleurs, le
caractère incomplet des données statistiques entraîne certaines
difficultés assez différentes d'un régime à l'autre :
- Les régimes de
fonctionnaires ne disposent pas de données sur les durées
d'assurance tous régimes de leurs cotisants; l'hypothèse retenue
est celle d'un décalage d'un trimestre par an de l'âge moyen de
départ à la retraite entre 2000 et 2019 (hors catégories
particulières). Cette hypothèse peut paraître réaliste pour les
catégories rentrant relativement tard sur le marché du travail.
Elle est par contre critiquable pour les autres catégories.
- Le régime général ne
dispose pas de données détaillées pour les générations les plus
jeunes. L'hypothèse retenue a donc été celle d'une réduction
uniforme des pensions, alors même que les pensions liquidées par
les individus qui auront une durée d'assurance validée de 170
trimestres ou plus ne seront pas réduites. Cette hypothèse conduit
à surestimer les effets de la variante. Cette surestimation
pourrait être de l'ordre de 1 à 1,5 point de
cotisation.
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|
|
La constitution de réserves
La loi de financement de
la Sécurité sociale pour 1999 a créé un fonds de réserves pour les
régimes d'assurance vieillesse. L'objectif est de constituer une
épargne qui sera utilisée par les régimes de retraite lorsqu'ils
seront confrontés au choc du vieillissement. Mais si la création
de ce fonds a été décidée, les modalités de son fonctionnement
restent à préciser.
Plusieurs pays ont
constitué, depuis déjà de nombreuses années, de tels fonds de
réserve dans le cadre de leurs régimes publics de retraite
(chapitre IV). Leur expérience montre que plusieurs questions se
posent et doivent être réglées si l'on souhaite utiliser ces
réserves pour faciliter la transition vers le nouveau régime
démographique.
La première consiste à
savoir ce que l'on veut faire de ce fonds. En effet, deux
objectifs peuvent être visés : lisser la hausse prévue des
taux de cotisation, afin d'en réduire le rythme au moment du
changement de régime démographique, ou bien mettre en place un
fonds permanent dont les revenus complètent les ressources des
régimes. Dans le premier cas, les réserves accumulées au départ
ont vocation à être consommées progressivement, le fonds
s'épuisant à terme; dans le deuxième cas, les revenus des réserves
accumulées doivent être suffisants à long terme pour assurer la
pérennité du fonds et le financement d'une partie des charges de
retraite, réduisant ainsi le taux de cotisation à long terme.
La seconde catégorie de
questions découle de la réponse que l'on donne à la
première : quel doit être le montant de ce fonds? Comment
doit-on l'alimenter? Quels types de placement des réserves doivent
être privilégiés?
Enfin il faut déterminer
à qui la gestion du fonds est confiée, ce choix étant d'autant
plus crucial que les montants en jeu donnent un pouvoir
d'influence sur l'économie. Ce dernier point est largement
présenté dans le chapitre IV. Les pays qui ont mis en place de
tels fonds de réserves ont été effectivement confrontés
directement à cette question.
Nous ne chercherons pas
ici à donner des réponses à tous ces points, mais simplement à
apporter des éclairages sur les débats en cours.
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Les sommes à accumuler
représentent au moins 3 points de PIB
La Direction de la
Prévision(1) s'est livrée à un exercice normatif visant
à évaluer l'importance respective que devraient avoir un fonds de
lissage et un fonds permanent.
(1) J.-M. Aubert et C. Jeanroy :
".Simulations de profils de taux de cotisation liés à
l'utilisation de réserves.", note de la Direction de la Prévision,
remise à la séance no 10 de la Commission de concertation.
Les hypothèses retenues
sont dans ce cadre tout à fait conventionnelles :
- les besoins de
financement à couvrir représenteraient à long terme 5 points de
cotisations, nuls à l'origine, ils augmenteraient après 2005 et se
stabiliseraient à 5 points de cotisation avant 2040;
- l'environnement
macro-économique associé serait celui du scénario 2 (chômage à 6
%, croissance du salaire moyen réel à 1,7 %);
- les taux de rendement
pour les placements du fonds correspondraient à divers choix
d'investissement : le taux obligataire (le taux d'intérêt
réel, 3,8 % jusqu'en 2009, 2,6 % de 2010 à 2014, 2,5 % à partir de
2015); un taux de rendement moyen, supérieur de 1 % au taux
obligataire; un taux de rendement élevé, supérieur de 3 % au taux
obligataire.
Les résultats dépendent
beaucoup de l'objectif du fonds, et dans le cas d'un fonds de long
terme, du taux de rendement.
Dans le cas d'un fonds de
lissage, les réserves maximales sont de l'ordre de 3 à 4 points de
PIB. Les différences de rendement n'ont que peu d'impact sur le
profil de hausse des cotisations et sur la date à laquelle le taux
maximum est atteint. Cela tient à l'horizon relativement bref du
fonds, donc à la durée courte de placement des réserves.
En revanche, pour que le
fonds apporte de manière permanente des revenus, son montant doit
être important (au moins 10 points de PIB) et l'hypothèse de taux
de rendement est cruciale. Dans le cas du rendement obligataire,
pour baisser le taux de cotisation de 1,5 point, le fonds doit
représenter 55 % du PIB. Avec le taux de rendement moyen, le ratio
tombe à 28 %, et à 14 % pour le taux de rendement élevé. Même dans
la situation la plus favorable, le montant du fonds reste
important. Une moindre baisse du taux de cotisation s'obtiendrait
avec un montant du fonds inférieur dans les mêmes proportions.
Dans tous les cas, les ordres de grandeur obtenus montrent qu'un
fonds destiné à couvrir une partie des cotisations de manière
permanente ne peut pas être investi uniquement en
obligations.
Montée en charge
et importance relative du fonds de réserve en point de
PIB |
|
Taux de cotisation
de long terme |
Hausse annuelle en
début de période en point de PIB |
Réserves en point de
PIB, maximales pour fonds de lissage et en 2040 pour fonds
permanent |
|
|
TRO |
TRM |
TRE |
TRO |
TRM |
TRE
|
Absence
de fonds de réserve |
5 pt |
0,2 pt |
sans objet
|
Scénarios
de lissage des hausses de prélèvements |
5 pt |
0,12
pt |
0,11
pt |
0,11
pt |
3 pt en
2023 |
3 pt en
2025 |
4 pt en 2026
|
Scénarios
visant à limiter la hausse des taux à terme
- gain
de 1,5 pt à terme - gain de 1 pt à terme - gain de 2
pts à terme |
3,5 pt 4,0
pt 3,0 pt |
1,3
pt - - |
0,5 pt 0,2
pt 0,9 pt |
0,1 pt 0,1
pt 0,2 pt |
55
pt - - |
28 pt 18 pt 37
pt |
14 pt 9 pt 18
pt |
Légende
: TRO : taux de
rendement obligataires (taux réels de 3,8 % jusqu'en 2009,
de 2,6 % de 2010 à 2014 et de 2,5 % à partir de
2015). TRM : taux de rendement moyens (TRO + 1 %). TRE
: taux de rendement élevés (TRO + 3 %). Source : Direction
de la
Prévision. |
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La constitution d'un
fonds de long terme exige un investissement partiel en
actions
Une question fondamentale
est donc de savoir quel rendement on peut espérer pour ces
réserves, c'est-à-dire quel sera le rendement du capital dans le
futur.
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Deux mesures du rendement du
capital cohérentes sur le passé
Le rendement du capital
peut s'apprécier selon deux approches : une approche
financière, à partir des résultats des placements financiers; une
approche économique, à partir des comptes des entreprises. Ainsi
que le montre la note d'O. Davanne(1), on peut
constater sur le passé que ces deux mesures conduisent à des
résultats voisins. Pour la première approche, on évalue le
rendement financier séparément pour les deux grands types de
placements, les actions et les obligations. Les mesures sur le
passé montrent que le rendement des actions depuis la guerre a été
en moyenne de 6,6 % par an, celui des obligations de 2,3 %, pour
une croissance de l'économie en moyenne à 3,6 %. Pour la seconde
approche, le rendement réel du capital est défini comme un retour
sur investissement : somme des bénéfices réinvestis, des
intérêts payés aux créanciers et des versements aux actionnaires,
rapportée au capital. Depuis 1971, le rendement réel du capital se
situe en moyenne à 7,2 % (entre 4,6 et 9,5 %). Les rendements
financiers et économiques sont donc assez proches. Cette
convergence sur le long terme est logique, puisque ce sont les
excédents d'exploitation qui rémunèrent les détenteurs de capital.
Toutefois, sur des périodes plus courtes, on peut observer des
décalages importants entre les rendements économiques relativement
stables et les rendements financiers très fluctuants.
Si ces chiffres donnent
des indications sur le passé, ils laissent de nombreuses
incertitudes sur les évolutions futures, en particulier sur les
écarts entre la croissance de l'économie et le rendement du
capital d'une part, entre les rendements des actions et des
obligations d'autre part.
(1) O. Davanne : ".Le rendement du
capital : éléments de diagnostic.", note remise à la séance no 10
de la Commission de concertation.
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Une incertitude sur l'écart
prévisible entre le rendement du capital et la croissance de
l'économie
Les chiffres précédents
montrent jusqu'à aujourd'hui un écart élevé entre le rendement du
capital et la croissance de l'économie. En 1997, le retour sur
investissement des créanciers et des actionnaires est évalué à 8,2
% en moyenne dans les entreprises françaises, soit un niveau très
supérieur à la croissance de l'économie. On peut se demander si
cet écart est durable.
La théorie économique
propose des modèles de croissance où, dans la situation optimale
caractérisée par la "règle d'or", le taux de croissance de
l'économie et le taux de rendement du capital sont identiques. La
valeur actuellement élevée du rendement du capital traduirait donc
une situation transitoire où le stock de capital serait inférieur
à celui de la règle d'or (situation de sous-accumulation du
capital). Dans ces conditions, ces rendements élevés
susciteraient une forte accumulation du capital qui ramènerait
progressivement vers la règle d'or. Cette convergence serait
d'ailleurs favorisée par l'augmentation de l'épargne des
générations du baby-boom en vue de leur retraite.
En fait, l'évolution du
rendement du capital est très incertaine. La règle d'or ne reste
qu'une référence théorique parmi d'autres, et il est difficile de
savoir si l'économie souffre effectivement d'une sous-accumulation
du capital. Néanmoins, on ne peut pas exclure que se produise dans
les années à venir un certain rattrapage du stock de capital qui
se traduirait par une baisse significative de son rendement. Au
total, ces considérations invitent à une certaine prudence dans le
prolongement des tendances passées.
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Un rendement élevé pour les
placements en actions
La valeur élevée du
rendement du capital par rapport à la croissance de l'économie est
mesurée sur l'ensemble des placements, actions et obligations,
dont les rendements sont sensiblement différents. Les valeurs
historiques montrent un rendement des actions très supérieur à
celui des obligations (particulièrement aux États-Unis). Cela
justifie que l'on veuille préférer pour un fonds des placements en
actions à des placements en obligations. Cette question est
aujourd'hui très présente dans les pays qui ont à gérer des fonds
de retraite importants (chapitre IV).
La contrepartie d'un
rendement élevé est toutefois le risque(1). La
recherche d'un meilleur rendement par un placement partiel en
actions expose en effet le fonds à un risque plus élevé que dans
le cas d'un placement obligataire. Les aléas boursiers supposent
donc une gestion du risque. Deux éléments sont néanmoins à prendre
en compte :
(1) E. Dubois : ".Risque sur les
marchés financiers et fonds de réserve.", note de la DSS remise à
la séance no 10 de la Commission de concertation.
- en premier lieu,
l'écart de rendement entre les actions et les obligations excède
aujourd'hui ce que les seules considérations de risque
justifieraient, même si là aussi il existe une incertitude sur la
permanence de cet écart de rendement;
- en second lieu, la
gestion d'un fonds de réserves peut profiter de l'horizon de ses
placements. Comme le rappelle la note de la DSS, sur le long
terme, les prix sont marqués par un phénomène de retour à la
moyenne (ajustement sur la rentabilité économique des
entreprises). Mesurée sur des durées de 10 ans, la volatilité des
placements diminue fortement par rapport aux fluctuations
annuelles. Plus l'horizon est long, plus le risque d'obtenir un
rendement négatif est limité (moins de 1 % sur 30 ans aux
États-Unis). De même, un éventuel krach peut être réparti sur
plusieurs générations. Un fonds de réserves peut donc lisser les
fluctuations sur une longue période, et ainsi tirer un certain
profit de la prime de risque associée aux placements plus
volatils.
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L'élargissement de l'assiette du
financement à d'autres revenus des ménages
Trouver des modes de
financements moins pénalisants pour la croissance et l'emploi est
une question récurrente, posée depuis de nombreuses années.
Certaines des modifications suggérées concernent l'assiette
patronale des cotisations sociales : "allégement bas
salaires", substitution de la valeur ajoutée à l'assiette actuelle
de cotisations assise sur la seule rémunération du travail, mise
en place de mécanismes de "bonus-malus" pour l'assurance chômage
etc. Ces différentes pistes de réforme ont donné lieu à des
rapports récents et font actuellement l'objet de discussions. Ce
sujet dépasse la question des seules retraites. Il concerne de
façon plus large l'ensemble des prestations de Sécurité sociale et
de chômage. Les questions économiques soulevées sont complexes et
ne pouvaient être traitées dans le cadre de ce rapport. Elles n'en
sont pas moins posées.
L'intégration dans
l'assiette des cotisations vieillesse d'éléments de rémunération
actuellement non soumis à cotisation, ou encore le basculement du
financement de prestations non contributives sur la CSG
constituent d'autres pistes possibles d'élargissement de
l'assiette(1).
(1) DSS : ".Les possibilités
d'élargissement de l'assiette des cotisations vieillesse à
d'autres revenus des ménages.", note remise à la séance no 10 de
la Commission de concertation.
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L'intégration dans l'assiette
d'éléments de rémunération non soumis à cotisation accroît,
à terme, la charge des retraites
L'assiette de la CSG sur
les revenus d'activité est pour presque tous les régimes
supérieure à celle des cotisations vieillesse. Élargir l'assiette
professionnelle peut dès lors consister à intégrer des éléments de
rémunération professionnelle non soumis ou partiellement soumis à
cotisations vieillesse mais inclus dans l'assiette de la CSG sur
les revenus d'activité.
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Pour les salariés du privé les
rémunérations non soumises à cotisation sont d'un
montant limité
Pour les salariés du
secteur privé, les éléments de rémunération non soumis à
cotisation sont relativement limités, mais représentent des postes
assez dynamiques. Seuls l'intéressement, la participation, les
indemnités de licenciement ou de mise à la retraite, les
contributions patronales au financement de la retraite
supplémentaire et de la prévoyance, les stock-options et les
indemnités journalières servies par un organisme de Sécurité
sociale, sont assujettis à la CSG mais ne sont pas dans le champ
des cotisations vieillesse.
Ces différents éléments
sont d'un faible montant. L'épargne collective, selon les
chiffrages de la DARES, ne s'élève qu'à 31 milliards de francs
environ, et les contributions de l'employeur destinées au
financement de prestations complémentaires de retraite et de
prévoyance à environ 65 milliards de francs, soit un rendement
global par point de cotisations déplafonnées de 960 MF. Les
cotisations vieillesse étant toutefois pour l'essentiel
plafonnées, le rendement à attendre d'un assujettissement de ces
rémunérations serait moindre.
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Seul un déplafonnement des
cotisations employeurs n'accroît pas la charge
retraite
L'essentiel de l'écart (4
milliards de francs environ en 1997) entre le rendement d'un point
de cotisation vieillesse CNAVTS et celui d'un point de CSG/FSV,
assise sur les revenus d'activité, tient en fait au plafonnement
de la cotisation vieillesse. En 1997, le rendement d'un point de
cotisation plafonnée vieillesse était de 16,6 milliards de francs,
celui d'un point de cotisation déplafonnée s'élevait en revanche à
20,1 milliards de francs, soit un écart de rendement de 3,5
milliards de francs.
Les marges financières
d'une intégration des éléments de rémunération non encore
assujettis à la cotisation vieillesse sont donc relativement
limitées. Elles ne seraient de plus que transitoires puisque toute
augmentation de cotisation entraîne à terme, à législation
constante, une augmentation des droits à servir. Seule peut
échapper à cette règle la part patronale des cotisations
vieillesse. En 1991, le déplafonnement de 1,6 point de cotisation
vieillesse patronale n'a, effectivement, pas donné lieu à une
augmentation de droits. Une opération de substitution d'une
cotisation déplafonnée à de la cotisation plafonnée transférerait
alors une partie de la charge des entreprises à main-d'œuvre
faiblement rémunérée, relativement plus représentées dans la
population des petites entreprises et dans certains secteurs
d'activité(1), vers les entreprises à rémunération
élevée(2). Elle conduit de facto à rendre le
prélèvement retraite progressif pour les employeurs des salariés
affiliés à l'AGIRC dans la mesure où les salaires compris entre 1
et 8 plafonds sont assujettis à des cotisations complémentaires.
(1) Secteurs de l'habillement, du cuir
et du textile, du bâtiment et des services aux particuliers
(services aux personnes, hôtels et restaurants, commerce de
détail...). (2) Conseil et assistance, recherche et
développement, combustibles et carburants notamment.
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Pour les salariés des régimes
spéciaux l'intégration des primes accroît la charge
retraite
Pour la plupart des
régimes particuliers de salariés, l'assiette de la CSG se
différencie beaucoup plus significativement de celle des
cotisations vieillesse. L'assiette de la CSG inclut en effet les
primes, contrairement à l'assiette des cotisations
vieillesse(1).
Pour les fonctionnaires
civils et militaires, par exemple, l'écart entre les deux
assiettes était, en 1997, de 11,5 %, ce qui correspond à un taux
de primes moyen de 17 % environ (l'assiette de la CSG
correspondant à 95 % de la masse salariale y compris primes).
(1) L'assiette de la cotisation
vieillesse intègre toutefois la nouvelle bonification indiciaire
(NBI) pour les fonctionnaires de l'État et des collectivités
publiques (collectivités locales et hospitalières) et les
indemnités particulières de certaines catégories (personnels
actifs de la police, des militaires de la gendarmerie, de certains
personnels de l'administration pénitentiaire...).
Dans ce cas, là aussi,
tout élargissement de l'assiette des cotisations par intégration
des primes aurait, toutes choses égales par ailleurs, pour effet à
long terme d'accroître la charge de retraite des régimes
concernés.
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Pour les travailleurs non salariés
l'assiette de cotisations est différente selon les
professions
La question de
l'élargissement de l'assiette de cotisation pour les travailleurs
non-salariés ne se pose pas dans les mêmes termes selon les
régimes concernés. Les modalités de financement et l'importance
relative des prestations versées sont en effet très différentes
pour les professions libérales d'une part, et les artisans et
commerçants de l'autre.
À la CNAVPL la prestation
versée est forfaitaire(2) et ne dépend que du nombre
d'années cotisées, ce qui justifie que son financement soit pour
l'essentiel assis sur des cotisations elles aussi forfaitaires. Il
existe bien une contribution proportionnelle au revenu, mais
celle-ci est relativement faible. Son taux n'est que 1,4 % sur les
revenus inférieurs à 5 plafonds. Cette cotisation est affectée au
paiement d'une part de la compensation nationale. On peut noter
toutefois que les cotisations forfaitaires sont toutes différentes
selon les sections professionnelles concernées, principalement du
fait de l'absence de compensation interprofessionnelle des droits
dérivés.
(2) La prestation maximale est égale à
2,5 fois l'AVTS.
À l'ORGANIC et à la
CANCAVA, les régimes de base sont alignés sur la CNAVTS : les
règles de calcul de la pension sont les mêmes et l'assiette de
cotisation est, comme au régime général, plafonnée. Celle-ci se
différencie toutefois de celle retenue pour le régime général, la
notion de salaire brut n'ayant pas d'équivalent pour les
travailleurs indépendants. Pour ces derniers, les cotisations
sont, en effet, calculées en référence au revenu professionnel
soumis à l'impôt sur le revenu(3), c'est-à-dire au
revenu catégoriel net de frais professionnels et de cotisations
sociales.
(3) Le revenu professionnel retenu pour
le calcul des cotisations ne tient pas compte de certaines
déductions fiscales (amortissements réputés différés, report des
déficits antérieurs, abattement pour l'adhésion à un centre de
gestion...).
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Pour les artisans et les
commerçants un élargissement d'assiette accroît la charge
retraite
Pour les artisans et
commerçants, les conséquences d'un élargissement de l'assiette
sont les mêmes qu'au régime général. La réintégration dans
l'assiette d'éléments de rémunération actuellement exclus aurait
pour conséquence d'accroître à terme la charge retraite. De même,
un déplafonnement de l'assiette accroîtrait le prélèvement sur les
revenus supérieurs au plafond, et risquerait de susciter, dans ce
cas aussi, une majoration des droits à pension.
À prélèvement global
identique en substitution à de la cotisation plafonnée, l'effet
d'un déplafonnement serait le même que celui présenté pour les
salariés du privé, les travailleurs indépendants à haut revenu
perdraient; et ceux à bas revenu y gagneraient.
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Une substitution d'assiette de
CSG à des points de cotisation vieillesse augmente le
prélèvement sur les revenus des retraités et les revenus du
capital
Les questions posées par
une telle opération ont déjà été largement débattues lors des
substitutions CSG/cotisation maladie de 1997 et
1998.
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Pour les revenus de
remplacement l'augmentation du prélèvement social a été de
5,7 points entre 1981 et 1997
Deux points importants
sont à noter :
- Le premier concerne le
supplément de charge sociale demandé aux personnes concernées
depuis le début des années quatre-vingt. Pour les retraités
imposables du secteur privé par exemple, l'augmentation du
prélèvement global (cotisation maladie et CSG) a été de 5,7 points
entre 1981 et 1997. Le taux de prélèvement sur la retraite est, en
effet, passé de 1 % en 1981 à 1,4 % en 1990 pour atteindre 6,7 %
en 1997; une telle situation a ainsi conduit le Gouvernement à
limiter en 1998 la hausse de la CSG sur les pensions à 2,8 points
de façon à ce qu'elle puisse être exactement annulée par la baisse
de même ampleur de la cotisation maladie.
- Le deuxième concerne
les effets de seuil induits par l'augmentation du taux de CSG.
Sont, en effet, exonérés de CSG :
- les retraités,
titulaires d'un avantage de retraite non contributif ou non
imposable (au sens de l'impôt sur le revenu pour la CSG/FSV ou au
sens de la taxe d'habitation pour la CSG/maladie);
- les chômeurs,
titulaires d'une allocation inférieure au SMIC brut, ou encore non
imposables (au sens de l'impôt sur le revenu pour la CSG/FSV ou au
sens de la taxe d'habitation pour la CSG/maladie);
- les préretraités,
titulaires d'une allocation inférieure au SMIC brut, ou non
imposables (au sens de l'impôt sur le revenu pour la CSG/FSV ou au
sens de la taxe d'habitation pour la CSG/maladie);
- les invalides
titulaires du FNS invalidité ou non imposables (au sens de l'impôt
sur le revenu pour la CSG/FSV ou au sens de la taxe d'habitation
pour la CSG/maladie).
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Pour les revenus du capital, la
charge du prélèvement social est passée de 5,2 milliards de
francs en 1991 à 40,1 milliards de francs en 1998
Pour ces revenus, aussi,
la charge sociale s'est fortement accrue depuis une quinzaine
d'années.
En 1991, les revenus de
patrimoine et de placement finançaient la Sécurité sociale à
hauteur de 3,3 milliards de francs hors CSG, de 5,2 milliards de
francs CSG comprise. En 1997, les prélèvements sociaux sur ces
mêmes revenus ont représenté plus de 18 milliards de francs de
recettes; en 1998, ils devraient avoir un rendement supérieur à 40
milliards de francs. Ces chiffres s'entendent hors CRDS. Au taux
de 0,5 %, celle-ci devrait rapporter 2,2 milliards de francs en
1998.
Le tableau suivant,
repris du rapport de la Commission des comptes de la Sécurité
sociale de mai 1998, présente l'évolution des prélèvements sociaux
sur les revenus du capital.
Cette évolution résulte
de deux éléments principaux :
- des augmentations de
taux : il s'agit de 1,1 point de CSG pour la famille, 1,3
point de CSG pour le FSV, 5,1 points de CSG pour les régimes
d'assurance maladie (1 point au 1er janvier 1997 et 4,1
points au 1er janvier 1998), soit au total 7,5 points
de CSG créés sur ces revenus depuis 1991. En ajoutant 0,5 point de
CRDS, le 1 % destiné à la CNAF et le 1 % destiné à la CNAVTS, le
taux du prélèvement social sur ces revenus est désormais de 10 %;
- des extensions
d'assiette : l'ensemble des prélèvements sur les produits du
patrimoine et de placement est désormais assis sur une même
assiette. Cette assiette est extrêmement large : peu de
revenus sont aujourd'hui exonérés de prélèvement social - il
s'agit pour l'essentiel des intérêts des Livrets A et "Bleus", des
CODEVI, des Livrets d'épargne populaire et des Livrets "Jeunes" -
et les assiettes retenues, lorsqu'elles intègrent des abattements,
sont généralement celles de l'impôt sur le revenu (voir le rapport
de la Commission des comptes de la Sécurité sociale de mai 1998).
La suppression de certains abattements doit dès lors être traitée
dans le cadre plus général de la définition de l'assiette de
l'impôt sur le revenu.
Évolution des prélèvements sociaux sur les produits
du patrimoine et de placement (hors CRDS) (en milliards de
francs) |
|
Mesures |
1 %
CNAF |
1 %
CNAVTS |
CSG patrimoine/
placement |
Total |
Évolution
historique avant 1991 |
Le prélèvement de 1 % sur les produits de placement
affecté à la CNAF a été créé par l'article 115 de la loi de
finances pour 1984, article qui recréait, en l'élargissant,
un prélèvement sur l'ensemble des revenus affectés à la CNAF
et mis en place en application d'une ordonnance du 30 avril
1983. Supprimé pour une large part des revenus, ce
prélèvement avait été maintenu, à titre permanent, pour les
seuls produits de placement à revenu fixe perçus à compter
du 1er janvier 1985, en application de l'article
106 de la loi de finances pour 1985. Le prélèvement de 1
% sur les produits de patrimoine et de placement affecté à
la CNAVTS a été créé par la loi du 10 juillet 1987, et
reconduit régulièrement depuis cette date. La CSG a été
instaurée par la loi de finances pour 1991. |
1991 |
-
Instauration de la CSG (2.1.1991)
Taux : 1,1 %
pour la CNAF |
0,8 |
2,4 |
1,9 |
5,2 |
1992 |
- |
1,4 |
2,9 |
2,4 |
6,6
|
1993 |
-
Augmentation du taux de la CSG (1.7.1993)
Taux :
2,4 % (soit : 1,1 % CNAF et 1,3 % FSV) |
0,9 |
2,9 |
4,1 |
7,9 |
1994 |
- |
0,7 |
2,6 |
5,9 |
9,2
|
1995 |
- |
0,7 |
2,6 |
6,0 |
9,3
|
1996 |
- |
0,8 |
2,7 |
6,7 |
10,1
|
1997
(données provisoires) |
-
Augmentation du taux de la CSG (1.1.1997)
Taux :
3,4 % (soit : 1,1 % CNAF, 1,3 % FSV et 1 % pour les régimes
d'assurance maladie)
- Extension d'assiette de la
CSG |
0,9 |
3,0 |
14,5 |
18,5 |
1998
(données provisoires) |
-
Augmentation du taux de la CSG (1.1.1998)
Taux :
7,5 % (soit : 1,1 % CNAF, 1,3 % FSV et 5,1 % pour les
régimes d'assurance maladie)
- Extension
d'assiette des prélèvements affectés à la CNAF (1 %) et à la
CNAVTS (1 %) |
4,4 |
4,4 |
31,3 |
40,1 |
Source : Direction
de la Sécurité sociale
(DEEF). |
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L'aménagement de
certains dispositifs pour favoriser la cohésion sociale
Modifier les règles d'indexation des
pensions pour maintenir le taux de remplacement dans le secteur
privé
À l'avenir, l'inégalité
majeure de traitement entre catégories d'assurés tient aux effets
différents, sur le taux de remplacement, des règles d'indexation
des régimes de retraite (chapitre VI). Alors que les taux de
remplacement qu'attribuent les régimes à leurs assurés sont
aujourd'hui relativement proches, des écarts notables pourraient
se faire jour à long terme.
Pour les régimes du
secteur privé, le maintien des règles actuelles d'indexation
(indexation sur les prix des salaires portés au compte du régime
général, valeur d'achat du point indexée sur les salaires et
valeur de liquidation du point indexée sur les prix à l'ARRCO et à
l'AGIRC) réduit progressivement d'une génération à l'autre les
taux de remplacement. Pour les régimes qui calculent la pension en
référence au salaire des six derniers mois, les modalités
d'indexation des pensions n'ont en revanche d'effet que sur les
seules pensions déjà liquidées.
Un tel écart d'évolution
pourrait dès lors fissurer la cohésion globale du système. Pour
aider aux prises de décision, il est dès lors apparu utile
d'évaluer quel serait le coût budgétaire à long terme du maintien
des taux de remplacement pour les salariés du secteur privé.
Les projections actuelles
retiennent une stabilité des taux de remplacement, à structure
constante, dans les régimes spéciaux et une baisse dans le régime
général et les régimes complémentaires. Cette baisse dans le
régime général est liée à la réforme de 1993 et au passage de
l'indexation sur les salaires à l'indexation sur les prix en 1987.
Dans les régimes complémentaires, elle est liée au maintien, sur
l'ensemble de la période, des règles d'indexation définies dans
les accords de 1996(1).
(1) Une partie de la baisse du taux de
remplacement est liée aux évolutions passées des paramètres du
régime. Elle paraît donc inévitable à moins d'augmenter le
rendement des régimes
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L'indexation des salaires portés au
compte sur les salaires entraînerait une hausse des dépenses
du régime général d'un peu plus de 1 point de PIB en 2040
La règle d'indexation du
régime général peut être séparée en deux modalités :
l'indexation des salaires portés au compte et l'indexation des
pensions liquidées. Le taux de remplacement n'est en fait affecté
que par l'indexation des salaires portés au compte. Pour permettre
à long terme le maintien du taux de remplacement dans le régime
général, il faudrait revenir sur l'indexation des salaires portés
au compte, en les indexant à nouveau sur les salaires, sans
modifier les règles d'indexation des pensions liquidées.
Cette variante se
concentrera donc uniquement sur la règle d'indexation des salaires
portés au compte.
Une indexation des
salaires portés au compte sur les salaires (+1,7 % par an en
termes réels) engendrerait en 2040 une hausse des prestations du
régime général d'environ 20 %. Ainsi, le besoin de financement du
régime général augmenterait d'environ 200 milliards de francs dans
les deux scénarios macro-économiques, soit de 5,5 à 6 points de
cotisation, ou encore d'un peu plus de 1 point de PIB.
Une indexation un peu
moins forte des salaires portés au compte (+1,3 % par an) aurait
un effet plus faible sur l'équilibre du régime général. Elle
entraînerait une hausse des dépenses en 2040 de 15 % environ, soit
un peu plus de 150 milliards de francs ou encore l'équivalent de 4
points de cotisation ou de 0,8 point de PIB environ.
Ces différents résultats
doivent être considérés uniquement comme un ordre de grandeur des
effets à long terme de l'indexation des salaires portés au compte
sur les salaires et non comme une mesure précise d'une telle
variante. En effet, ils ont été obtenus à partir d'une maquette
simplifiée de la dynamique d'évolution des pensions dans le régime
général.
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L'indexation du salaire de
référence des régimes complémentaires sur les
prix entraînerait une hausse de 0,6 point de PIB des
dépenses des régimes de retraite
Les régimes
complémentaires de retraite des salariés du secteur privé sont des
régimes en points. En projection, le salaire de référence
(c'est-à-dire la valeur d'achat des points) a été indexé sur les
salaires alors que la valeur des points liquidés a été indexée sur
les prix. À l'horizon 2040, ces hypothèses, cohérentes avec les
règles actuelles des régimes, entraînent une division par deux du
rendement de ces derniers. Cette diminution a un effet fort sur
les taux de remplacement (chapitre VI). Afin de limiter la
dégradation du taux de remplacement, il est possible d'indexer le
salaire de référence sur les prix (cela permet de maintenir le
rendement du régime sans augmenter la valeur des pensions
liquidées).
Une telle règle
d'indexation entraînerait une hausse de 15 % en 2040 des dépenses
de l'ARRCO (hors ASF), soit 50 milliards de francs de 1998. Les
dépenses de l'AGIRC (hors ASF) augmenteraient d'un peu plus de 20
%, soit 45 milliards de francs de 1998 et celles de l'ASF de 30 %
environ, soit 11 milliards de francs de 1998. Globalement, les
prestations de retraite augmenteraient en 2040 de 0,6 point de
PIB. Ces chiffres, comme les précédents, ne représentent que des
ordres de grandeur.
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Financer par la solidarité les
avantages familiaux
Comme on l'a vu au
chapitre VI, les régimes de retraite publics organisent de larges
redistributions entre catégories sociales et sexes. Obéissant au
principe de solidarité, ils se différencient des systèmes
classiques d'assurance privée. Les avantages familiaux accordés
aux assurés chargés de famille représentent une des expressions de
cette solidarité.
Selon un rapport de J.-F.
Chadelat datant de décembre 1997, le coût global des avantages
familiaux s'établirait à 73,7 milliards de francs, dont 34,7
milliards de francs pour la seule majoration de pension pour
enfants.
Le poids des avantages
familiaux n'est donc pas négligeable dans les dépenses des
régimes. Selon les régimes le poids de ces avantages apparaît plus
ou moins élevé :
- les différences
démographiques et de règles ont une incidence sur le montant de la
charge;
- la nature du
financement associé détermine le montant restant finalement à la
charge des cotisants. Si une partie de ce coût est pris en charge
par le FSV ou la CNAF (les majorations pour enfants du régime
général et des régimes alignés sont remboursées par le FSV et le
financement de l'assurance vieillesse des parents au foyer - AVPF
- est assuré par la CNAF), les avantages familiaux versés par les
autres régimes, qu'ils soient de base ou complémentaires (AGIRC,
ARRCO notamment) sont financés par les cotisations sociales des
seuls assurés.
Assurer une plus grande
cohérence globale du système de retraite et renforcer le principe
de solidarité nationale pourraient dès lors conduire à rattacher
l'intégralité de ces avantages familiaux aux autres prestations
familiales prises en charge par la CNAF. Cela permettrait, de
plus, que les arbitrages s'opèrent non par rapport au reste du
système de retraite mais par rapport au reste de la politique
familiale.
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Améliorer les validations de
durée d'assurance de certaines périodes d'activité ou
d'inactivité
Comme le note M.-T.
Join-Lambert dans son rapport(1), le durcissement des
règles d'indemnisation du chômage(2), ainsi que les
difficultés accrues d'insertion des jeunes sur le marché du
travail, le développement des carrières courtes, ou encore des
parcours atypiques font qu'une partie croissante des demandeurs
d'emploi n'a plus la possibilité de percevoir des indemnités de
chômage et ils se retrouvent dès lors basculés vers les
dispositifs d'assistance.
(1) M.-T. Join-Lambert : Chômage :
mesures d'urgence et minima sociaux, problèmes soulevés par les
mouvements de chômeurs en France fin 1997-début 1998, rapport au
Premier ministre, La Documentation française, 1998. (2)
Durcissement avec, par exemple, la suppression en 1992 de
l'allocation d'insertion pour les jeunes.
Or ces évolutions n'ont
pas comme seule conséquence d'exclure les personnes concernées du
droit aux prestations chômage, elles réduisent aussi à plus long
terme leurs droits à la retraite.
Si les périodes
d'indemnisation du chômage (d'assurance mais aussi de solidarité)
sont effectivement validées pour le calcul des droits à la
retraite, les périodes non indemnisées ne sont validées que sous
certaines conditions(1).
La réforme envisagée, en
durcissant les conditions nécessaires pour avoir le taux plein,
soulève la question de la validation de certaines périodes
d'inactivité.
Elle nécessite aussi,
avec l'allongement des périodes d'études et de formation, que l'on
étudie précisément plusieurs dispositifs :
- en premier lieu, celui
concernant la prise en compte des années d'apprentissage ou de
formation (lorsque la prise en charge des cotisations est du
ressort de l'État). Les bases de calcul actuellement
retenues(2) ne permettent, au mieux, que la validation
de deux trimestres par année de travail;
(1) La période de chômage - continue ou
pas - est prise intégralement en considération si elle ne dépasse
pas un an. Dans le cas contraire, seule la première période de
chômage donne lieu à report au compte de trimestres. Une telle
validation ne peut intervenir qu'une seule fois et à condition que
l'intéressé n'ait pas obtenu auparavant validation d'une période
de chômage non indemnisé faisant suite à une période de chômage
indemnisé. (2) Au régime général, pour valider un trimestre, il
faut avoir cotisé 200 heures au SMIC. Dans le cas des apprentis ou
des stagiaires de la formation professionnelle pris en charge par
l'État, la base de calcul est inférieure par trimestre à 200
heures au SMIC.
- en deuxième lieu, celui
concernant la prise en compte des années d'études au-delà d'un
certain âge. Contrairement à d'autres pays, il n'existe pas
actuellement en France de mécanisme de rachat d'années de
formation.
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Prendre en compte la pénibilité du
travail
Actuellement, certains
régimes spéciaux de salariés tiennent compte, sous la forme de
bonifications de durée d'assurance, de la dangerosité ou de la
pénibilité du travail.
Aucun dispositif de même
nature n'existe pour les salariés du secteur privé. La législation
du travail définit précisément les normes que doivent respecter
les entreprises concernées. Pour la Sécurité sociale, la taxation
des accidents du travail est établie pour chaque entreprise selon
sa taille : soit en fonction du risque de la branche
d'activité à laquelle elle appartient lorsqu'elle a moins de 10
salariés, soit en fonction de son risque propre lorsqu'elle a plus
de 200 salariés, soit en fonction des deux critères lorsqu'elle a
entre 10 et 200 salariés. Afin d'autoriser le départ anticipé des
personnes qui sont actuellement sur des postes définis à risque ou
pénibles par la législation du travail, des bonifications de durée
d'assurance pourraient leur être accordées. Comme pour les
accidents du travail, un tel dispositif pourrait prévoir une
contrepartie financière des entreprises concernées.
La mise en place d'un tel
mécanisme suppose que la liste des postes visés soit régulièrement
remise à jour.
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La définition d'une méthode pour la
réforme
Une réforme qui doit être
engagée avant le choc démographique
Le choc démographique est
facile à dater. Il commencera à partir du départ en retraite de la
génération 1946. Celle-ci a en effet un effectif supérieur de 200
000 à la génération précédente, celle de 1945. Il s'amplifiera
ensuite, alimenté notamment par la poursuite de l'allongement de
la vie. Pendant les années qui nous séparent de 2006, les départs
en retraite seront relativement peu nombreux. En sens inverse, la
situation du marché du travail sera encore difficile. La priorité
des prochaines années restera à l'amélioration de l'insertion des
jeunes sur le marché du travail et à la réduction du chômage, par
tous les moyens d'ordre économique et social disponibles dans cet
objectif.
Comment s'expliquer dès
lors qu'il faille engager dès à présent la réforme du système, si
la question ne se pose pour l'essentiel qu'à l'horizon 2010?
Deux raisons majeures
militent dans ce sens :
- si l'on veut décaler
l'âge de départ à la retraite, il faut pouvoir le faire
progressivement pour éviter de désavantager certaines générations
et soumettre le marché de l'emploi à un choc soudain. La réforme
étudiée est très progressive. Comme on l'a vu plus haut, elle n'a
d'effets sensibles qu'au-delà de 2010 et n'atteint un régime de
croisière qu'en 2040. La considération d'équité
intergénérationnelle conduit à étaler la transition sur une
période plus longue que ce qui serait nécessaire dans une approche
strictement comptable;
- si l'on veut recourir à
des mécanismes de capitalisation, en complément de la gestion en
répartition, il faut pouvoir accumuler un capital suffisant avant
que soit atteinte la période de plus fort déséquilibre des régimes
de retraite. Ceci contraint à démarrer l'accumulation avant le
début de la phase de dégradation.
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Une réforme qui doit être
définie en concertation
Les propositions
envisagées dans ce rapport ne constituent pas un plan de réforme.
La retraite est l'un des ciments de notre société. Pacte entre les
générations, organisant de larges redistributions, il assure la
cohésion sociale. Il ne peut donc être réformé sans une large
adhésion. Comme les expériences étrangères le montrent (chapitre
IV), les pays qui ont réformé leur système l'ont fait sur la base
d'une concertation approfondie. Un débat national devrait
s'engager sur les grandes orientations à retenir. Celui-ci devrait
être relayé par des concertations plus décentralisées. Le système
de retraite français est composé d'une mosaïque de régimes ayant
chacun leur histoire et leurs spécificités. Des négociations au
sein de chaque régime sont dès lors nécessaires pour permettre une
adaptation des principes communs à chacun. Elles seront d'autant
plus riches qu'elles bénéficieront d'un meilleur dialogue social,
dans le secteur privé et dans le secteur public.
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Une réforme qui doit prévoir un
dispositif de pilotage
Les décisions que l'on
peut prendre aujourd'hui s'appuient sur les éléments d'information
actuellement disponibles. Ceux-ci sont bien sûr entachés
d'incertitudes, or la retraite est un contrat sur l'avenir. Ceci
nécessite que l'on puisse en permanence prendre en compte les
évolutions et ajuster les règles de telle sorte qu'aucune
génération ne soit désavantagée.
La réforme devrait dès
lors s'accompagner de la mise en place d'un dispositif de pilotage
dont les objectifs seraient :
- de mettre à la
disposition des assurés, des partenaires sociaux, des décideurs
une information formalisée et régulière sur les systèmes de
retraite : avec la publication de comptes précisément
identifiés pour tous les régimes ainsi que de leurs perspectives,
remises à jour par exemple tous les trois ans;
- de s'assurer ainsi de
la pertinence des choix faits par un suivi des effets de la
réforme et leurs conditions de mise en œuvre;
- de proposer des
inflexions voire de nouvelles dispositions visant à assurer la
pérennité du système à long terme.
Un tel dispositif de
pilotage devra comprendre à la fois un volet technique,
garantissant que les analyses et projections sont réalisées dans
les meilleures conditions de compétence et d'objectivité, et un
volet socio-politique, organisant le débat autour des analyses et
projections des experts, et préparant les préconisations à
transmettre aux autorités responsables.
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Annexe : neutralité du choix de
départ à la retraite
A priori, l'anticipation
d'un an du départ d'un individu donné en retraite a deux effets
sur l'équilibre des régimes : la réduction des cotisations
reçues et une hausse des prestations versées. Le premier effet est
pris en compte dans les règles des régimes de retraite par les
facteurs de réduction des pensions au prorata de la durée de
cotisation. Le deuxième effet est pris en compte dans le régime
général par le calcul d'un taux de pension (le taux de liquidation
variant entre 25 % et 50 %) à partir de la durée d'assurance
validée ou de l'écart entre l'âge de départ en retraite et 65 ans.
Par contre, il n'est pas pris en compte dans les régimes spéciaux.
Or, une année
supplémentaire de retraite représente en francs constants environ
5 % de l'ensemble des prestations versées à un individu au cours
de sa période de retraite. Il paraît donc important dans un
processus d'allongement de la durée requise d'assurance que les
individus intègrent dans le choix de leur départ en retraite le
coût qu'ils font subir à l'ensemble de la collectivité en cas de
départ anticipé.
L'exemple suivant
illustre cette question avec le cas d'un individu ayant commencé à
travailler à 23 ans et dont le salaire progresse de 2,2 % par an
en termes réels au cours de sa carrière. On suppose que la durée
d'assurance requise est de 160 trimestres, ce qui impliquerait
pour cet individu un départ à la retraite à 63 ans. Or, il est
libre de partir éventuellement à partir de 60 ans.
S'il cotise à un régime
de retraite qui applique une réduction uniquement proportionnelle
(du type des règles actuelles de la Fonction publique), il peut
partir à 60 ans avec une pension représentant 87 % de la pension
qu'il obtiendrait s'il partait à 63 ans. Dans le régime général,
sa pension serait de seulement 65 % de la pension qu'il
obtiendrait en partant à 63 ans. Par contre, pour que son choix de
départ soit neutre pour le régime de retraite (au sens d'une
neutralité actuarielle avec un taux d'actualisation de 2 %), il
faudrait que sa pension de retraite en cas de départ à 60 ans soit
égale à environ 77 % de celle qu'il recevrait en cas de départ à
63 ans.
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