Quelles réformes pour les retraites ?

Le constat

1.    L’allongement de la durée de la vie augmente le coût des retraites de façon durable.

Depuis 1920, en raison des progrès réalisés dans le domaine de la santé et de la qualité de vie, l’espérance de vie est passée de 60 ans à plus de 80 ans, c’est à dire que nous avons gagné plus de 20 ans depuis cette date ! A âge de départ à la retraite identique, la durée de la retraite a donc augmenté de manière considérable. C’est à cause de ce phénomène, d’ailleurs très positif, que se pose le problème du financement et de l’équilibre du système de retraites par répartition.

2.    L’impact de l’allongement de la durée de vie sur l’équilibre du système de retraites a été atténué jusque maintenant par la forme de la pyramide des âges, pour les classes d’âge nées avant 1945, c’est à dire les retraités d’avant 2005.

La pyramide des âges, à cause de la première guerre mondiale, et de la faible natalité entre les deux guerres et pendant la deuxième guerre mondiale, font que le nombre de retraités par rapport aux actifs, a permis d’assurer l’équilibre du système de retraites jusqu’à aujourd’hui (2005, pour les retraités nés avant 1945).

3.    Mais après avoir été atténué, le déséquilibre être accentué par l’arrivée à l’âge de la retraite des classes du baby-boom, nées après 1945 et partant en retraite à partir de 2005.

En effet, à partir de 2005, vont arriver à l’âge de la retraite les personnes nées après 1945 : le nombre de personnes atteignant l’âge de la retraite passera de 500 000 à 800 000, soit 300 000 de plus chaque année ou +60%.

4.    La France a fait le choix de traiter les difficultés provoquées par l’évolution économique et les nécessaires restructurations d’entreprises dans tous les secteurs d’activité, par l’incitation au départ en retraite anticipé (préretraites).

Facteur aggravant du déséquilibre, le choix des préretraites dans les entreprises en difficulté, a été propre à la France. Permis par la croissance économique des « trente années glorieuses d’expansion au cours des années 60, 70 et 80 », ce dispositif a facilité l’adaptation de l’industrie française : récession des charbonnages, évolution de la sidérurgie et de bien d’autres secteurs d’activité. Mais aujourd’hui, la croissance étant moins forte, les préretraites coûtent cher à l’Etat, aux entreprises et à l’économie en général. Elles sont en diminution mais elles ont créé des habitudes et des attentes chez les salariés atteints par les vagues de restructurations.

5.    Il n’y a que trois solutions possibles pour préserver l’équilibre des recettes et des dépenses du système de retraites :

·                                                        Augmenter les cotisations supportées par les actifs

·                                                        Diminuer le montant des retraites servies

·                                                        Augmenter l’âge de départ en retraite

Ces trois solutions peuvent être envisagées seules ou en combinaison ; mais le choix et l’application pratique dépendent aussi de la croissance économique propre de la France, des gains de productivité de son économie, de son appartenance à la communauté européenne, et du contexte social et économique international.

6.    Des mesures de réforme déjà ont été adoptées pour le secteur privé et sont appliquées depuis le 1/1/1994 :

En 1993, la réforme Balladur a conduit, pour les salariés du secteur privé cotisant au régime général de la sécurité sociale, à augmenter de 21/2 ans la durée de cotisation nécessaire pour de bénéficier d’une retraite au taux maximum (50% du plafond de la sécurité sociale), à partir de l’âge de 60 ans, passant ainsi de 150 trimestres à 160, et à fixer des modalités moins favorables pour le calcul  du montant de la retraite ; le salaire de base entrant dans le calcul de ce montant est égal à la moyenne des 25 meilleures années au lieu des 10 meilleures années auparavant. La mise en place de cette réforme a été progressive car étalée sur 10 ans pour la durée de cotisation à partir du 1/1/1995 et sur 15 ans pour le calcul du salaire de base.

Il est important de noter que, l’ouverture des droits à la retraite auprès des caisses complémentaires est conditionnée par la liquidation de la retraite du régime général, notamment en ce qui concerne le nombre de trimestres de cotisation nécessaires pour obtenir le taux maximum ; autrement des abattements sont effectués. De plus les salaires sont réajustés sur la base de l’indice des prix, non des salaires.

Ces mesures ont eu un effet important sur l’équilibre de l’ensemble du système de retraites.

7.    En revanche, aucune mesure de réforme n’a été prise dans le secteur public qui est resté à 37½ ans avec calcul du salaire de base sur 6 mois et indexation sur les salaires.

Un écart important s’est donc créé entre le secteur public et le secteur privé. Si l’absence de réforme continue cela conduira, d’une part, par le jeu des péréquations de recettes et de charges entre les différentes caisses de retraite, à ce que les retraites du secteur public seront financées par le privé, soit directement par péréquations entre les caisses, soit indirectement par l’impôt donc par l’augmentation des dépenses publiques. Dans tous les cas, le résultat sera que les montants de retraite pour les actifs d’aujourd’hui, du secteur public comme du secteur privé, seront sensiblement inférieurs à ce qu’ils attendent.

L’argument selon lequel la croissance du PIB permettrait d’affecter une part plus élevée de la richesse nationale aux retraites (16% seraient nécessaires en 2040 au lieu de 12% aujourd’hui selon le rapport Charpin) signifie que les cotisations des actifs devraient augmenter.

8.    Certains régimes, généralement publics, prévoient toujours un départ en retraite anticipé par rapport à l’âge légal de 65 ans voire de 60 ans sous conditions.

Les caisses de retraites concernées, généralement déficitaires, sont financées par l’Etat ou par les autres caisses. C’est l’annonce par Juppé de la remise en cause de ces règles, qui a provoqué les grèves de décembre 1995.

Le point de vue de l’Ami Public

9.    La France a déjà choisi d’augmenter l’activité des 55/64 ans.

Le gouvernement Français a adhéré aux choix successifs faits par les Quinze aux sommets de Lisbonne, de Stockholm et de Barcelone(2000 à 2002), conduisant à maintenir plus longtemps les travailleurs en activité.

10.                Il s’agit maintenant de passer aux actes,

·                                                        en commençant d’abord par aligner les règles du secteur public sur celles du privé. Faute d’une telle action, l’Etat verra son déficit augmenter ou fera payer le contribuable, faisant financer les avantages du public par l’ensemble de la collectivité. Pour raccorder les 300 000 salariés de E.D.F. G.D.F. aux caisses du privé, la discussion en cours porte sur une nouvelle cotisation salariale de 3%, une augmentation de 37.5 à 40 ans de la durée de cotisation. Malgré cela, le régime spécial qui resterait pour les salariés d’EDF par rapport aux cotisants du privé représente 25 milliards d’euros (source :Le Monde du 24-11-2002) à financer par le contribuable, soit 400 euros par Français pour financer 80 000 euros par agent d’E.D.F. Il faudrait 5 000 milliards d’euros ( soit 5 ans de consommation des ménages Français) pour assurer le même avantage à tous les Français !

·                                                        ensuite, il faudra prolonger progressivement la vie active pour tous. La France se rapprochera ainsi des autres pays où le départ à la retraite se fait vers 65 ans et qui envisagent même de la repousser de plusieurs années.

11.                Un effort pédagogique et de communication sur la situation et les objectifs recherchés est indispensable.

Une partie importante des salariés du secteur public n’est pas prête à accepter des réformes portant sur l’âge de départ en retraite. Les nombreux rapports réalisés depuis quinze ans n’ont touché que les spécialistes. Même les syndicats les plus ouverts à une évolution sont peu suivis par leurs adhérents. Ils subissent de plus la surenchère des autres. La question de la répartition ou de la capitalisation, qui aurait dû rester secondaire car il s’agit seulement de modalités, n’a fait que troubler le débat. Il est certain qu’en l’absence de réformes, les actifs d’aujourd’hui auront des montants de retraite sensiblement inférieurs à ce qu’ils attendent.

12.                Un tel sujet mériterait un référendum.

Il concerne l’avenir de tous les Français, la justice sociale, la solidarité entre générations. Un tel référendum devrait porter sur

·                                                        l’égalité entre le secteur public et le secteur privé,

·                                                        le prolongement de l’âge de départ à la retraite,

·                                                        le calendrier de mise en œuvre des réformes portant sur la durée des cotisations et le mode de calcul du salaire de base,

·                                                        les modalités de financement (ouverture d’une épargne par capitalisation)

13.                Le changement ne pourra qu’être progressif.

La réforme Balladur pour les salariés du secteur privé allongeait de 21/2 ans la durée de cotisation, mais avec application progressive étalée sur 10 ans à raison  d’un trimestre supplémentaire par an. Il en était de même pour la réforme du mode de calcul du montant de la retraite prenant en compte les 25 meilleures années au lieu des 10 meilleures années. Un dispositif analogue peut être mis en œuvre pour le secteur public.

14.                Les conditions d’une deuxième carrière réussie doivent être mises en place.

Pour que chacun puisse continuer de travailler dans de bonnes conditions après l’âge de cinquante ans, il faut

·                                                        Agir sur les conditions de travail dans les entreprises, dans le cadre de la mise en place de procédures d ‘« assurance qualité » coordonnées au niveau national, secteurs et branches professionnelles

·                                                        Agir sur les conditions de travail à trente ou quarante ans afin de retarder l’apparition de handicaps, manque de qualification, inadaptation face à l’évolution technologique qui ira en s’accélérant ;

·                                                        Agir pour accentuer la formation permanente après l’âge de quarante ans,

·                                                        Agir pour de suivre les trajectoires professionnelles et éviter les phénomènes d’exclusion.

15.                La question de la capitalisation doit être abordée avec sérénité.

La chute de la bourse depuis deux ans détruit les arguments de ceux qui prônaient la capitalisation pour sa supériorité supposée en terme d’efficacité. Le débat peut être repris en termes de complémentarité au moyen d’un dispositif analogue à celui qui existe déjà pour les fonctionnaires (la Préfonds).

16.                Le choix individuel doit être facilité.

Enfin, le système de retraite devrait être assoupli pour permettre une retraite « à la carte », c’est à dire pour ceux qui le souhaiteraient, de partir plus tôt en acceptant de recevoir un montant de retraite plus faible, ou plus tard en bénéficiant d’un montant de retraite plus élevé. Cette retraite à la carte demande que chacun puisse choisir en connaissance de cause.

 

PRatcliffe      Callian le 26/11/2002