Dossier Retraites: mai 2003: le système avant le projet de la réforme Macron

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Sur les retraites par répartition du secteur privé et les fonds de pension

1. Le système de retraites par répartition

1.1.  Introduction

Les régimes de retraites des travailleurs salariés ont été instaurés après la deuxième guerre mondiale, dans la période 1945-1948. Tenant compte d’expériences passées négatives, la France a opté pour un système de retraite par répartition, les cotisations des travailleurs en activité servant à payer les prestations perçues par les retraités. C’est donc un dispositif qui se déroule sur plusieurs générations et environ 70 ans compte tenu de l’espérance de vie actuelle, hommes et femmes.

Au cours des 40 premières années après sa création, c’est à dire jusqu’à la fin des années 1980, le système de retraites par répartition a fait la preuve de son adéquation et de son efficacité pour la majorité des français. Il a permis de servir des prestations correctes aux retraités et le système n’a cessé de se développer et de se perfectionner.

Depuis le début des années 1990, des problèmes sont apparus pour l’ensemble du régime et un débat se développe quant à sa pérennité. Ces problèmes sont dus au vieillissement de la population, principalement la diminution du rapport entre les actifs cotisants au système et les retraités prestataires. La croissance économique des années 1960-1990 avait assuré le développement et la pérennité du système, tout en suivant l’évolution de la structure démographique de la population. Depuis 1990, la croissance économique s’est ralentie, un fort taux de chômage s’est instauré en France et l’évolution démographique semble mettre en danger le système de retraites par répartition.

Le système se compose d’un régime commun à tous les travailleurs salariés, la retraite de base de la sécurité sociale, et de régimes de retraite complémentaire. Des régimes spéciaux existent pour certaines professions, notamment les fonctionnaires, les grandes entreprises du secteur public (SNCF, EDF, Mines etc.), par référence au régime de base de la sécurité sociale mais généralement plus avantageux.

1.2. La retraite de base de la sécurité sociale

Le régime de base de la sécurité sociale est un régime légal obligatoire qui s’applique à tous les salariés. Il est géré par la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV).

1.3. Les régimes de retraite complémentaire

Parce que le montant de la retraite de base de la sécurité sociale est relativement faible, les salariés ont intérêt à constituer une retraite complémentaire qui vient s’ajouter à la retraite de base et apporte au retraité un complément de ressources non négligeable. Les systèmes de retraite complémentaire se sont organisés selon le même principe de la répartition, c’est à dire de solidarité entre générations.

1.3.1. Le système de retraite complémentaire des salariés cadres

En raison de leurs salaires plus élevés, les salariés cadres furent les premiers à organiser des systèmes de retraite complémentaire pour la partie de leur salaire excédant le plafond annuel de la sécurité sociale[1]. Le régime de retraite complémentaire des cadres a été instauré en 1947 et a regroupé les diverses institutions gestionnaires au sein de « l’Association Générale des Institutions de Retraites des Cadres » (AGIRC). L’AGIRC regroupe aujourd’hui 55 institutions différentes en un seul régime.

Depuis sa création, le régime des cadres a été amélioré par trois accords importants: le premier en Juin 1973 avec l’affiliation des cadres à l’ARRCO pour la première tranche de leur salaire, le deuxième en décembre 1988 avec la garantie d’un nombre de points minimum pour les cadres à faible revenu même si leur salaire n’excède pas le plafond de la sécurité sociale, le troisième en mars 1988 avec intégration à l’AGIRC des retraites des cadres supérieurs.

1.3.2. Le système de retraite complémentaire des salariés noncadres

Le régime de retraite complémentaire des salariés non cadres, pour la partie de leur salaire excédant le plafond annuel de la sécurité sociale, s’est organisé 10 ans plus tard, souvent à l’initiative de sociétés d’assurances. En 1957, un grand nombre d’institutions se sont fédérées au sein de « l’Union Nationale des Institutions de Retraite des Salariés » (UNIRS). En 1961, par un accord collectif national, toutes les institutions se sont groupées au sein de « l’Association des Régimes de Retraite Complémentaire » (ARRCO). Cet accord national a rendu obligatoire, l’adhésion de tous les salariés non cadres des entreprises de l’industrie et du commerce représentées au CNPF. Enfin, la loi de généralisation du 29 décembre 1972 a étendu le régime de retraite complémentaire des salariés non cadres à l’ensemble des professions de l’industrie et du commerce. Aujourd’hui, il ne reste plus que les administrations et les grandes entreprises du secteur public (exemple SNCF, EDF/GDF) et celles qui relèvent d’un régime spécial (exemple Caisse Autonome des Mines[2]). à ne pas appartenir à l’ARRCO. Organisme fédérateur de caisses de retraite complémentaire des salariés non cadres, l’ARRCO regroupe 46 régimes et 113 institutions. Au sein de l’ARRCO, le régime UNIRS à lui seul regroupe 55 institutions de retraite complémentaire. Enfin, depuis le 1/1/1999, l’ARRCO a regroupé toutes les institutions et aussi l’AGIRC (cadres) en une institution unique. Ces regroupements ont été effectués pour permettre une meilleure gestion de l’ensemble du dispositif de retraite complémentaire des salariés, notamment l’équilibre entre les cotisations et les prestations et sa pérennité, résultant de la situation économique différente des divers secteurs et branches de l’économie.

1.4. Choix du régime par l’entreprise ; obligation de participation des salariés

Face à un tel nombre de régimes et d’institutions, l’entreprise a d’abord un problème de choix: à quel organisme doit elle affilier ses salariés?. Ce choix lui appartient en principe, mais il doit être opéré en concertation avec les salariés, dans le cadre de conventions d’entreprises. Il en de même pour tout changement ultérieur éventuel. Cela étant, la participation à un régime de retraite complémentaire est obligatoire: dès lors qu’un salarié relève du régime général de sécurité sociale, c’est à dire verse des cotisations, il doit participer à l’ARRCO à travers un régime et une institution choisie par l’entreprise et stipulée dans la convention collective. Si le salarié est cadre, il doit en plus participer au régime AGIRC, également à travers un régime et une institution choisie par l’entreprise et stipulée dans la convention collective.

1.5. Mécanismes du système de retraite par répartition

La retraite de base de la sécurité sociale et les retraites complémentaires reposent sur le même principe de la répartition, c’est à dire que les cotisations des salariés en activité couvrent les prestations versées aux retraités. En vertu de ce principe et des modalités d’application adoptées depuis la création du système, c’est à dire la non constitution de réserves pour faire face à des évolutions structurelles profondes entre la population des actifs et celle des retraités, le système des retraites doit obligatoirement être en état d’équilibre financier. Le montant des cotisations doit être égal au montant des prestations.

Les caractéristiques essentielles du fonctionnement des régimes de retraite sont les suivantes :

1.5.1. Régime de base de la sécurité sociale

Il y a d’abord la retraite de base de la sécurité sociale. Les cotisations versées tout au long des périodes d’activité salariée donnent droit à une retraite de base qui s’exprime sous la forme d’un nombre de trimestres. Les trimestres correspondant aux cotisations prélevées et figurant sur les bulletins de salaires, s’accumulent dans un compte individuel de chaque salarié. Au moment de la demande de liquidation de sa retraite par le salarié, c’est l’opération inverse qui se produit: les trimestres accumulés sont convertis en une prestation de retraite mensuelle, laquelle est exprimée sous la forme d’un pourcentage de la retraite de base de la sécurité sociale, égale à la moitié du plafond annuel en vigueur. Le pourcentage est le rapport entre le nombre de trimestres accumulés divisé par le nombre de trimestres requis pour avoir droit à la retraite pleine du régime de base, à l’âge de soixante ans. Ce nombre initialement de 150 en 1981 lors de l’institution du droit à la retraite à 60 ans est passé à 160 en 1994, avec augmentation progressive de 1 trimestre par an à partir de 1995 et ce jusqu’en 2005[3].

1.5.2. Les régimes complémentaires

Les régimes de retraite complémentaires sont des régimes conventionnels créés et gérés de façon paritaire par les partenaires sociaux. Ils mettent en œuvre un système à points. Les cotisations versées, tout au long des périodes d’activité salariée, donnent droit à une retraite complémentaire qui s’exprime sous la forme de « points retraite ». Les « points retraite » correspondant aux cotisations prélevées et figurant sur les bulletins de salaires, s’accumulent dans un compte individuel de chaque salarié. Au moment de demande de liquidation de sa retraite par le salarié, c’est l’opération inverse qui se produit: les points accumulés sont convertis en une prestation de retraite (généralement trimestrielle), exprimée en francs, dont la valeur est le produit du nombre de points acquis par la valeur du point retraite.

Les cotisations versées par les employeurs au nom de leurs salariés sont calculées en appliquant un taux de cotisation à la tranche du salaire brut afférent à l’institution de retraite complémentaire concernée. Une partie du taux de cotisation est à la charge du salarié, une autre à la charge de l’employeur. En général la proportion est de 40% salarié, 60% employeur, ou 50%/50%. Il existe d’autre part un taux de cotisation minimum et la possibilité pour l’employeur de cotiser à un taux plus élevé, en fonction de la richesse économique de l’entreprise et de sa sollicitude à l’égard du personnel de l’entreprise.

La rémunération brute est divisée en plusieurs tranches qui servent à calculer les cotisations versées par les employeurs aux différentes institutions de retraite auxquelles elles se sont affiliées : Caisse d’assurance vieillesse pour le régime général, diverses caisses pour le régime complémentaire. L’assiette des cotisations aux caisses de retraite complémentaire est constituée par la part de la rémunération brute versée par l’employeur au salarié telle que figurant sur ses bulletins de salaire, supérieure au plafond de la sécurité sociale.

Les institutions de retraite complémentaire reçoivent les cotisations versées au nom de chaque salarié, convertissent ces cotisations en « points retraite » et les inscrivent au compte individuel de chaque salarié. La conversion s’effectue par la formule suivante:

le salaire de référence apparaît donc comme le coût d’acquisition du point retraite par le salarié.

Il existe enfin une distinction essentielle entre le taux contractuel convenu entre l’employeur et l’institution de retraite complémentaire et le taux d’appel ou taux effectif de calcul des cotisations. Cette disposition permet d’ajuster les recettes et les dépenses du régime afin de maintenir l’équilibre financier. En effet les « points retraite » acquis sont calculés sur la base du taux contractuel. Par exemple en 1996, le taux contractuel maximum à l’AGIRC est de 16%, mais le taux d’appel est de 125% du taux contractuel ; le taux effectif de cotisation est donc de 20% au lieu de 16% mais les points acquis par ces cotisations sont toujours calculés sur la base de 16%. Autrement dit le salarié d’aujourd’hui paie ses points de retraite 25% plus cher, (ou il reçoit 20% de points de moins) que ses prédécesseurs quand le taux d’appel était égal à 100% et le taux effectif de cotisation était égal au taux contractuel de 16%.

Le tableau ci-après montre ce mécanisme en détail, en supposant un salaire annuel de cadre de 480 000 F:

Une autre disposition qui permet d’assurer l’équilibre financier des régimes de retraite complémentaires est l’âge d’ouverture des droits qui est en principe de 65 ans pour bénéficier de droits pleins. Une demande de liquidation avant 65 ans donne lieu à l’application d’un coefficient d’anticipation (auquel correspond un abattement) dont le montant dépend de l’âge. Ainsi, l’AGIRC accepte de liquider la retraite à partir de 55 ans mais en appliquant un coefficient d’anticipation de 43%, auquel correspond un abattement de 57%. Lorsque la liquidation est demandée à 60 ans, le coefficient d’anticipation est de 78% et l’abattement de 22%. L’ARRCO accepte de liquider la retraite à partir de 60 ans mais elle applique aussi un coefficient d’anticipation de 78% et un abattement de 22%.

L’instauration en 1981, au lendemain de l’arrivée au pouvoir des socialistes et de François Mitterand, de la possibilité de faire valoir les droits à la retraite du régime général à 60 ans, sous réserve d’avoir cotisé au moins 150 trimestres tous régimes confondus, a contribué au déséquilibre du système des retraites et des retraites complémentaires en particulier. En effet, les régimes de retraites complémentaires, sous la pression de l’opinion, ont dû s’aligner sur le régime légal et liquider des droits à taux plein à partir de 60 ans au lieu de 65 ans augmentant ainsi le montant des prestations sans contrepartie de ressources. Mais le dispositif de retraite à 60 ans ayant été décidé de manière unilatérale par l’Etat, les caisses de retraites complémentaires ont obtenu que l’Etat prenne à sa charge la différence. Les dispositions dans ce sens ont été prises jusqu’en 1995, puis renouvelées (fin 1995) jusqu’en 2005. En même temps, l’Etat a fait machine arrière, notamment en portant le nombre de trimestres de cotisations progressivement de 150 à 160.

1.6. Evolution et avenir du système de retraite par répartition

L’adéquation du système de retraites français par répartition est depuis peu objet de débat, conjoncturellement à cause de l’évolution de la situation économique en France et structurellement à cause de l’évolution démographique liée à l’augmentation de la durée de vie, à la diminution de la durée totale du temps de travail (entrées plus tardives et sorties plus précoces), et de l’incidence de l’augmentation du chômage, tous facteurs qui diminuent la durée de vie active c’est à dire productive.

L’équilibre du système de retraites face à ces évolutions nécessite obligatoirement un accroissement des cotisations (part des salariés et des employeurs). Celle-ci peut provenir soit d’une hausse des taux, soit d’une hausse du niveau général et de la masse des salaires, soit des deux à la fois. La hausse du niveau et de la masse des salaires résultera de la croissance économique et de la baisse du chômage. Si elle est suffisante, elle permettra de ne pas devoir recourir à une hausse des taux de cotisation, autrement dit la croissance économique sur longue période permettra de travailler aussi longtemps ou moins qu’aujourd’hui et de vivre plus longtemps en retraite avec le même pouvoir d’achat qu’aujourd’hui. Si elle n’est pas suffisante, il faudra nécessairement soit augmenter le taux de cotisations c’est à dire réduire le pouvoir d’achat des actifs pour maintenir celui des retraités, ou diminuer les prestations des retraités c’est à dire réduire le pouvoir d’achat des retraités pour maintenir celui des actifs. Le partage de la richesse nationale devra donc être modifié. Il s’agit là bien sûr de réformes de fond qui ne pourront se faire que dans la durée.

2. les Fonds de pension : Système de retraites alternatif ou supplémentaire:

L’alternative au système de retraites par répartition serait les fonds de pension. Le système de retraite des travailleurs est constitué par des cotisations des salariés et des employeurs lesquels sont calculées sur les salaires bruts et sont versés dans un fonds géré par une entité indépendante, appartenant à l’employeur ou à laquelle il adhère par contrat.

La cotisation des salariés est calculée sur la base d’un taux appliqué au salaire brut ; par exemple les employés du secteur public de l’état de Californie paient des cotisations au taux de 7.5% de leur salaire brut. Ils acquièrent ainsi le droit de prendre une retraite à 50 ans à condition d’avoir travaillé au minimum 20 ans dans l’entreprise, ou à 60 ans à condition d’avoir travaillé au minimum 10 ans. Parallèlement, l’employeur verse au fonds de pension une cotisation basée sur le salaires bruts des employés mais à un taux variable, lequel est déterminé chaque année de manière à équilibrer les comptes du système de retraites et du fonds de pension; il existe en effet une troisième source de revenus : elle est constituée par les dividendes et les plus values d’opérations sur les marchés financiers nationaux et internationaux effectués avec les excédents du fonds.

Les retraites acquises par les cotisations des salariés sont calculées par pourcentage du salaire brut mensuel perçu au cours de ses trois dernières années (dans l’exemple des employés de l’état de Californie). Le pourcentage acquis est calculé comme suit par année de service:

Exemple : un employé de 58 ans ayant 30 ans de service aura donc un pourcentage de 30x1.5333 % du salaire moyen au cours de ses 3 dernières années, soit 46%. Pour un salaire moyen mensuel de 3 000 $, il percevra donc 46% de 3000$ soit 1380$/mois. De plus, le pourcentage maximum est plafonné à 70%.

L’employeur s’engage à verser aux salariés qui réunissent les conditions d’âge et de durée de service, des prestations de retraite conformes à une convention collective. Pour exécuter les obligations de la convention en matière de retraites, l’employeur cotise lui-même au fonds de pension à hauteur d’un certain taux appliqué aux salaires bruts des employés. Mais le gérant du fonds peut en plus disposer des excédents éventuels et les investir sur les marchés financiers. Toutefois, le gérant du fonds doit respecter des obligations légales fixées par l’état de Californie et le gouvernement fédéral dans le choix des investissements. Il s’agit notamment de restrictions quant à la nature, à la distribution et à la localisation des titres acquis, analogues à celles de nos OPCVM. Ces restrictions ont évidemment pour but de protéger l’épargne retraite des salariés.

En acquérant des titres sur les marchés financiers, les gérants des fonds de pension des entreprises adhérentes ont pour but d’encaisser des dividendes et/ou de réaliser des plus values financières de cession de titres. Ils acquièrent en général une quantité assez importante de titres pour qu’ils puissent influer sur les décisions des directions d’entreprises, ceci afin de maximiser le retour sur leurs investissements. L’importance des dividendes et/ou des plus values de cessions réalisées a pour effet, s’il est positif, de permettre de réduire la contribution de l’entreprise c’est à dire le taux qu’elle doit payer pour équilibrer le système de retraites de ses employés. Dans le cas du fonds de pension de l’état de Californie Ville de San Francisco, ce taux (spécifié variable) était de 5.39% pour l’année fiscale 1994-1995.

Ainsi les gérants de fonds de pension d’une entreprise adhérente mettent à la disposition d’autres entreprises des capitaux propres, et encaissent des dividendes ou des plus values de cessions lesquelles sont générées par l’activité économique et les bonnes performances de ces entreprises. En d’autres termes, on finance en partie, grâce aux résultats d’entreprises performantes, le coût du système de retraites de ses employés. Ces entreprises sont plus performantes que la moyenne, soit parce qu’elles ont un avantage technologique ou de marché et qu’elles sont bien organisées et gérées pour profiter au maximum de cet avantage, soit parce qu’elles ne paient pas certains de leurs intrants au vrai coût, notamment leur personnel. Tel est souvent le cas dans les pays en voie de développement où la consommation intérieure et les systèmes de protection sociale sont encore insuffisants et priorité est donnée à l’exportation. Un tel avantage ne peut pas durer éternellement, de sorte que la recherche de sources de revenus par dividendes et/ou plus values financières ne peut assurer seul l’équilibre des systèmes de retraites par fonds de pension.

Le système de retraites de l ‘état de Californie est en fait un système de répartition dans lequel il existe des excédents que l’on fait fructifier par les marchés financiers, par le mécanisme d’un fonds de pension. Les revenus financiers permettent alors de réduire le coût de fonctionnement du système de retraites de l’entreprise adhérente, puisque son taux de contribution est ainsi réduit. Il en résulte alors que les salaires nets ou bien les dividendes distribués au personnel et/ou aux actionnaires peuvent augmenter. On peut ainsi assurer, à plus ou moins long terme, un fonctionnement en équilibre du système de retraites et augmenter les salaires nets et/ou la rentabilité de l’entreprise au lieu de les diminuer en augmentant leurs cotisations respectives à un système de retraites par répartition intégral.

L’opposition entre répartition et fonds de pension est donc en réalité tout à fait artificielle. En effet, c’est l’ensemble des entreprises qui, par l’aggrégat de leurs productions, assure le financement des systèmes de retraite. Dans un système par répartition intégral, il n’y a pas d’excédents, le système fonctionne en permanence à l’équilibre entre les cotisations et les prestations. Il en résulte que la part de la valeur ajoutée créée par l’entreprise et distribuée au personnel (en salaires bruts c’est à dire salaires nets plus les cotisations sociales) est plus importante et les résultats nets donc la rentabilité plus faible en termes d’autofinancement et de dividendes distribués aux actionnaires. En général en France, les bénéfices sont utilisés en priorité pour l’autofinancement. Dans un système de fonds de pension, les excédents existent et sont liés au décalage entre les générations d’actifs et de retraités et à la structure de la masse salariale. Ils sont investis sur les marchés financiers dans des sociétés performantes, dans la perspective d’une bonne rentabilité (dividendes) et/ou de plus values de cession possibles. Les bénéfices distribués par les entreprises performantes sont donc utilisés exclusivement pour compléter le financement des systèmes de retraite d’entreprises adhérentes au fonds, ce qui contribue à l’amélioration des conditions de rémunération de l’ensemble du personnel, actifs et retraités.

On ne voit pas pourquoi les deux systèmes ne pourraient pas cohabiter en France, dans l’intérêt des salariés. Le problème actuel n’est il pas que les tenants de la répartition et les promoteurs des fonds de pension (détracteurs de la répartition), représentent des institutions opposées. Le gouvernement parle d’une réserve pour passer les années les plus difficiles du système par répartition. Ne pourrait on pas constituer au sein du système actuel de retraites par répartition, tant le régime général que les régimes complémentaires, des réserves que ces organismes géreraient comme les gérants des fonds de pension en les investissant sur les marchés financiers. Ces réserves ne pourraient elles pas être constituées par des contributions des entreprises et par l’état, notamment grâce aux privatisations. Le problème sera alors celui du choix des gestionnaires, des règles et de l’encadrement législatif, et des garanties offertes aux salariés pour leur épargne retraite.

[1] Jusqu’en 1985, pour les salariés percevant un salaire supérieur au plafond de la sécurité sociale, les cotisations au régime général de la sécurité sociale avaient pour assiette ce plafond. A partir de 1986, les cotisations furent assises sur la totalité du salaire, ceci à cause du déficit chronique de l’assurance vieillesse. Ce dispositif a donc réduit les cotisations versées aux caisses de retraite complémentaires.

[2] La particularité de ce régime est qu’il n’existe pratiquement plus d’actifs pour financer les retraités, suite à la disparition de l’activité minière en France. La charge en incombe donc aux autres régimes de retraite.

[3] Cette augmentation progressive fut décrétée pour équilibrer les comptes du régime de base de la sécurité sociale.


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Mis à jour le 08/09/2019 pratclif.com