Synthèse du rapport Charpin
Le rapport CHARPIN en intégralité

L’AVENIR DE NOS RETRAITES
Rapport au Premier ministre

Le système de retraite français est un élément essentiel de la cohésion sociale. Fondé sur la solidarité, il opère de larges redistributions. Il a permis d’assurer aux retraités un niveau de vie équivalent à celui des actifs et de réduire considérablement la pauvreté chez les personnes âgées. Sa consolidation est un objectif majeur pour la société française.

Le Commissaire au Plan a été chargé par le Premier ministre d’élaborer, sur la situation et les perspectives de notre système de retraite, " un diagnostic aussi partagé que possible par les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents régimes ". À cette fin, il a réuni, entre octobre 1998 et mars 1999, une commission de concertation composée des partenaires sociaux, de responsables de régimes de retraite, de représentants des retraités et des ministères concernés.

La Commission de concertation a examiné les travaux techniques et apporté des modifications et des compléments. Le rapport remis au Premier ministre a été rédigé sous la responsabilité du Commissaire au Plan. Les organisations qui l’ont souhaité ont joint leur appréciation sur le diagnostic réalisé.

Notre système de retraite va devoir s’adapter à une nouvelle donne démographique

Depuis la mise en place de notre système de retraite, la durée de la retraite s’est considérablement accrue. Ainsi, un homme né en 1910 pouvait liquider sa pension à 65 ans et passer en moyenne 10 ans à la retraite. Un homme né en 1930 peut, quant à lui, espérer bénéficier de 17 années de retraite.

Le nombre de retraités a tendance à s’accroître du fait de l’allongement de la vie : l’espérance de vie à la naissance devrait ainsi s’établir à 81 ans pour les hommes et 89 ans pour les femmes en 2040. Ce phénomène va être amplifié, à partir de 2006 et jusqu’en 2035 environ, par l’arrivée à la retraite de générations plus nombreuses que celles qui liquident leurs droits aujourd’hui. Le nombre de retraités augmente en effet actuellement de 110 000 personnes chaque année. À partir de 2006 et jusqu’en 2035 environ, il augmentera deux fois plus vite (+250 000 par an). C’est l’effet à retardement du baby-boom d’après-guerre.

La combinaison de ces deux facteurs va modifier considérablement les conditions de financement de nos régimes de retraite par répartition : il faudra en effet financer des retraités plus nombreux pendant une période plus longue.

Le nombre des plus de 60 ans va ainsi augmenter de dix millions entre 1998 et 2040, alors même que le nombre d’actifs qui financent les retraites devrait baisser de plus d’un million si les évolutions actuelles en matière d’immigration et d’activité se poursuivent. Au total, il y aurait 7 personnes de plus de 60 ans pour 10 personnes d’âge actif en 2040, au lieu de 4 pour 10 actuellement.

Les politiques de gestion de la main-d’oeuvre devront être réexaminées à la faveur du vieillissement

Alors même que la durée de la vie ne cessait de s’allonger, les sorties d’activité sont devenues de plus en plus précoces. Elles s’effectuent aujourd’hui en moyenne à 59 ans contre plus de 66 ans dans les années cinquante.

La pérennisation des dispositifs de cessation anticipée d’activité, et leur ampleur - 500 000 personnes en 1997 - ont contribué à infléchir les modes de gestion de l’emploi des travailleurs de plus de 55 ans par les entreprises. Celles-ci y recourent désormais pour alléger leur masse salariale et rajeunir leur pyramide des âges. Les politiques menées par les entreprises et les pouvoirs publics devront être réexaminées à la faveur du vieillissement de la population active qui se profile dans les prochaines années.

Les besoins de financement des régimes se creuseraient à partir de 2005

Des projections des comptes financiers des régimes de retraite à l’horizon 2040 ont été réalisées en retenant différentes hypothèses d’évolution de la population active et du taux de chômage. Même avec des hypothèses favorables, les évolutions démographiques provoquent des déficits importants dans tous les régimes.


Rapport démographique des droits directs des principaux régimes de retraite :
nombre de cotisants par retraité

Scénario 2

Rapport démographique (cotisants/retraités)

1998

2020

2040

CNAVTS

1,7

1,2

0,9

ARRCO

1,7

1,1

0,8

AGIRC

2,4

1,4

1,0

Fonction publique

1,9

1,1

0,9

CNRACL

3,3

1,4

1,0

SNCF

0,9

1,0

1,0

RATP

1,5

1,2

1,2

IEG

1,7

0,9

1,0

ORGANIC

0,9

0,9

0,9

CANCAVA

1,0

0,6

0,5

Non-salariés agricoles

0,4

0,3

0,4

CNAVPL

3,6

1,5

1,1


Les dépenses globales de retraite augmentent fortement. Suivant les hypothèses macro-économiques retenues, le poids des dépenses de retraite se situe entre 15,1 % et 16,7 % du PIB en 2040, contre 12,1 % en 1998.


Le poids des dépenses de retraite 1 dans le PIB
selon les hypothèses macro-économiques

Scénario 1

Scénario 2

Variante

Taux de chômage de long terme

9%

6%

3%

Année

1998

2020

2040

2020

2040

2020

2040

Poids des dépenses de retraite dans le PIB (%)

12,1

15

16,7

14,1

15,8

13,5

15,1

Besoin de financement global (Milliards de francs 1998)

380

800

290

700

220

600

 

Le maintien supposé jusqu’en 2040 des règles actuelles de revalorisation des pensions sur les prix, moins favorables qu’une indexation sur les salaires, minore la charge de retraite. Elle freine en effet la hausse des pensions liquidées et contribue à diminuer les taux de remplacement servis aux nouveaux retraités du secteur privé. Des variantes sur les règles d’indexation montrent leur impact fort sur les comptes des régimes.

Le financement des retraites est une question d’arbitrage entre taux de prélèvement sur les actifs, âge de la retraite et niveau de vie relatif des retraités

Si l’on cherche à maintenir la parité de niveau de vie entre actifs et retraités, tout en laissant inchangés les âges de la retraite, on doit augmenter fortement les prélèvements. Si l’on retenait une évolution de l’ensemble des pensions de retraite parallèle à celle des salaires, la charge vieillesse représenterait, dans la variante à 3 % de chômage, 17,8 points de PIB en 2040, contre 12,1 points aujourd’hui. Si cette hausse devait être financée par les seuls actifs, il faudrait multiplier les prélèvements par 1,5. Il s’agit là d’un choix collectif majeur, qui suppose l’acceptation par les futurs actifs de la ponction qui serait effectuée sur leurs revenus.

À l’opposé, si les retraités sont supposés supporter l’intégralité de l’effort d’ajustement, leur niveau de vie relatif comparativement à celui des actifs serait divisé par 1,9 en 40 ans, avec une hypothèse de doublement du salaire sur la période. Même dans ce cas extrême, la croissance de la productivité permettrait de financer des pensions de retraite plus longues, sans diminution du pouvoir d’achat des retraités.

Des marges d’action existent, susceptibles d’assurer à long terme la viabilité du système et garantir ses objectifs de solidarité

Sans chercher à bâtir un plan de réforme, quelques pistes ont été étudiées.

La première piste de réforme prend acte de l’allongement de l’espérance de vie ainsi que de l’amélioration générale de l’état de santé au-delà de 60 ans. Elle consiste à allonger progressivement - d’un trimestre par génération - la durée d’assurance nécessaire pour avoir le taux plein, pour atteindre, au terme de la réforme, en 2019, 170 trimestres, dans la limite de l’âge de 65 ans. L’allongement de la durée de cotisations est préféré au décalage de l’âge du départ à la retraite. Il permet de traiter plus favorablement les catégories ayant commencé à travailler précocement. Décaler l’âge de la retraite a toutefois ses limites : au-delà de 65 ans, aucun abattement ne serait retenu, comme aujourd’hui, sur le niveau de pension pour départ anticipé.

Une telle réforme, qui réduirait fortement les besoins de financement des régimes, n’est envisageable que sous certaines conditions : une politique économique orientée résolument vers la priorité à la croissance et à l’emploi ; une possibilité d’arbitrage individuel entre niveau de la retraite versée et durée d’activité ; une montée en charge très progressive ; une amélioration des validations de durée d’assurance de certaines périodes d’inactivité, de chômage, de formation et d’étude ainsi que d’une prise en compte de la pénibilité du travail.

La seconde piste de réforme consiste à provisionner dès aujourd’hui des ressources dans le fonds de réserves, pour faire face, plus tard, au changement de régime démographique.

En fonction de l’objectif attribué au fonds, le montant des réserves à accumuler est plus ou moins important : si l’on choisit de lisser dans le temps les ajustements, les réserves capitalisées doivent atteindre à leur maximum, dans 25 ans, 3 points de PIB environ ; si l’on cherche à constituer un fonds permanent visant à contribuer durablement au financement, les sommes à accumuler doivent, selon le rendement des réserves, représenter entre 10 et 20 points de PIB.

La troisième piste de réforme consiste à élargir l’assiette du financement. Trouver des modes de financements moins pénalisants pour la croissance et l’emploi est une question récurrente, posée depuis de nombreuses années, et pas seulement pour la branche vieillesse.

L’intégration dans l’assiette des cotisations vieillesse d’éléments de rémunération actuellement non soumis à cotisation, ou encore le basculement du financement de prestations non contributives sur la CSG constituent des pistes possibles. Tout élargissement de l’assiette par intégration d’éléments de rémunération non soumis à cotisation accroît cependant à terme la charge retraite. Seul un déplafonnement des cotisations retraite employeurs n’a pas cet effet. On pourrait aussi envisager de rattacher les avantages familiaux (73,7 milliards de francs en 1997) aux autres prestations familiales.

La quatrième piste de réforme étudiée consiste à assurer une plus grande cohésion sociale du système en aménageant certains dispositifs, par exemple en modifiant certaines règles d’indexation des pensions pour maintenir les taux de remplacement servis par les régimes de salariés du privé.

Toute réforme du système devrait s’accompagner de la mise en place d’un dispositif de pilotage

Les décisions que l’on peut prendre aujourd’hui s’appuient en effet sur les éléments d’information actuellement disponibles. Ceux-ci sont bien sûr entachés d’incertitudes, or la retraite est un contrat sur l’avenir. Il faut dès lors pouvoir actualiser périodiquement les projections à long terme, afin de proposer des inflexions, voire de nouvelles dispositions, de façon à assurer l’avenir à long terme des retraites par répartition.


 

Les réformes à l’étranger

Le vieillissement démographique concerne de nombreux pays. Des réformes des régimes publics sont engagées dans la plupart d’entre eux. Elles présentent certaines modalités communes.

· Les réformes agissent toutes, à des degrés divers, dans le sens d’une remontée de l’âge de la retraite. Celle-ci peut découler de la hausse de l’âge normal de liquidation, comme aux États-Unis où cet âge sera porté à 67 ans en 2022 ; la hausse de l’âge de la retraite est également provoquée par la suppression de dispositions particulières qui accordaient à certaines catégories un âge de liquidation inférieur à l’âge normal, c’est le cas des femmes dont l’âge de la retraite rejoindra progressivement celui des hommes (65 ans au Royaume-Uni et en Allemagne).

· Les réformes agissent également sur les pensions : la modération de la hausse des prestations découle d’une liquidation moins généreuse, et d’une revalorisation limitée à la hausse des prix. Une meilleure maîtrise des dépenses de retraite a conduit certains pays à adopter des règles de calcul contributives, liant étroitement le montant de la pension aux cotisations versées au cours de la carrière (Suède, Italie avec uniformisation des règles des régimes).

· Dans certains pays (Canada, États-Unis), les régimes publics constituent un fonds de réserves.

Dans tous les pays, la préparation des réformes a été un processus long. Elle a nécessité de larges concertations, des débats publics nourris, fondés sur la mise à disposition d’informations précises sur la situation et les perspectives des systèmes de retraite.


Expertise n° 35 - Avril 1999
La Documentation française
29-31 quai Voltaire - 75007 Paris
Téléphone 01 40 15 70 00

Contact :
Pierre Vanlerenberghe
Téléphone 01 45 56 50 30
Adresse électronique pvanlerenberghe@plan.gouv.fr

Également en vente au :
Commissariat général du Plan
18 rue de Martignac - 75700 Paris 07 SP
Téléphone 01 45 56 51 00
Internet http://www.plan.gouv.fr
Prix 80 Francs

 


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