Gaz de schistes - shale gas

3 février 2011: face à la grogne des écologistes et des élus locaux, le gouvernement suspend les explorations (lien). La demande de moratoire dans l'attente d'une étude d'impact écologique serait-elle en bonne voie? Il est question aussi de gaz de schiste à Brignoles! (une demande de permis de prospection a été déposée pour 6 467 km² autour de Brignoles.)

Sur le sujet, voir cet article d'alternatives économiques de mars 2011 (lien pdf)..

L'extraction de gaz méthane des couches de charbon non accessibles par l'exploitation classique est un vieux projet de mineurs de charbon "la gazéification souterraine". De nombreux essais ont été réalisés au Royaume Uni dans les années 1960-1980. Idem aux États-Unis en Pennsylvanie à la même époque avec le Bureau of Mines. La technique consiste à forer deux trous depuis le jour puis à relier ces deux trous (lien) en fragmentant la couche entre les trous pour que le méthane puisse s'écouler vers un des forages grâce à la perméabilité accrue obtenue par la fragmentation. Le débit de gaz s'obtient en mettant le trou en dépression. Les premiers essais de fragmentation sur des trous peu éloignés ont utilisé la fragmentation à l'explosif (on a même envisagé de la fragmentation par voie nucléaire mais sur le papier seulement cad. une prospective futuriste). De petits projets pilotes ont été réalisés mais par la suite les charbonniers ont abandonné.

Avec la perspective du peak pétrolier, les préoccupations du changement climatique et l'effet de serre dû au CO2 émis par les combustibles fossiles, les recherches ont repris dans les grands pays charbonniers, notamment les États-Unis. La gaseification souterraine du charbon est utilisée pour produire du gaz par combustion in situ suivi de l'utilisation de ce gaz pour produire du carburant liquide dans une usine à la surface selon le procédé syngas (lien). Ce procédé développé pendant la 2è guerre mondiale en Allemagne (procédé Lurgi) a été largement utilisé en Afrique du Sud durant l'embargo lors de l'apartheid. L'Afrique du Sud possède d'énormes réserves de charbon.

Avec le développement des techniques de récupération secondaire du pétrole, les pétroliers se sont intéressés à la récupération des ressources dites non conventionnelles de charbon, pétrole et gaz cad. non récupérables par des méthodes classiques. C'est aisni que se sont développées des techniques de gaseification de charbon in situ évoquées plus haut et des techniques de récupération de gaz méthane non conventionnels.

Les connaissances sur les modes de formation des gisements de houille, pétrole et gaz, en relation avec la sédimentologie, les paléoclimats, les paléotopographies et les origines des matières carbonées alimentant les gisements ont considérablement évolué au cours des dernières décennies. Les grandes concentrations de charbon, de pétrole et de gaz (à hautes teneurs) exploitées dans le monde, les plus faciles d'accès, faciles à exploiter avec des techniques prouvées et à des coûts relativement faibles, constituent des ressources qualifiées de conventionnelles. Les concentrations à plus faibles teneurs, plus profondes, plus difficiles d'accès, avec des techniques nouvelles moins prouvées, et plus coûteuses à exploiter sont qualifiées de ressources non conventionnelles. Il en est ainsi de la gazéification de charbon in situ et de l'extraction des gaz de schistes.

Tous les gîtes et gisements de matières minérales sont caractérisées par cette évolution - exploitation de faibles volumes à forte concentration (teneur) et faible coût puis à mesure de l'épuisement de ces ressources, exploitation de volumes croissants, avec une concentration décroissante (teneur plus faible) et prix plus élevé nécessitant des techniques nouvelles à inventer. Le cas du cuivre est particulièrement exemplaire, puisqu'on est passé de l'exploitation de gîtes à 30% de Cu dans l'antiquité, puis 12-15% au début du 20è siècle et aujourd'hui moins de 0.5% avec les techniques de broyage et de flottation.. Le schéma suivant montre cette évolution pour le pétrole et le gaz. (lien)..

Ce sont ces progrès en matière de récupération secondaire du pétrole qui permettent de reprendre les rêves de gazéification souterraine des charbonniers qui y avaient renoncé pour des raisons techniques et économiques. Les techniques utilisées sont donc celles des pétroliers. Ces techniques permettent aujourd'hui de forer des trous verticaux et horizontaux à grande profondeur. Les reservoirs les moins perméables sont dits "tight reservoirs" ou compacts. Leur perméabilité est inférieure à une limite mesurée en darcy ce qui ne permet pas la circulation du gaz dans la roche. Il faut accroître la perméabilité par fragmentation de la roche. Cette fragmentation est faite par pression hydraulique avec injection de sables grenus pour maintenir les fissures ouvertes et ainsi d'assurer la perméabilité nécessaire à la circulation du gaz (lien). Il faut aussi forer un grand nombre de trous plus ou moins rapprochés pour assurer un débit de gaz suffisant. Les modalités dépendent des caractéristiques de la roche, de leur profondeur, de l'épaisseur de la couche de schiste et de sa perméabilité.

Extraire du méthane des couches de matières organiques enfouies dans le sous-sol, que nous n'avons pas exploité pour des raisons techniques et/ou économiques, peut paraître souhaitable. En extrapolant à partir de ce que l'on sait aux États-Unis, les réserves seraient immenses sur la planète (lien). Mais ces estimations de réserves sont très imprécises car en dehors des États-Unis les géologues ont très peu étudié les gaz non conventionnels et il y a peu d'expertise en la matière. L'étude la plus complète du sujet que je connaisse est ici(lien). La technique doit assurer que les impacts environnementaux ne sont pas néfastes; on pense aux fuites éventuelles et accidentelles de méthane qui est un puissant gaz explosif entre 6 et 16% de teneur dans l'air, un gaz à effet de serre 23 plus délétère que le CO2, et aux effets de l'eau et des produits chimiques utilisés pour la fragmentation, sur les nappes phréatiques. Il y a aussi toutes les installations annexes de traitement du gaz en surface. Mais plus encore est le risque d'augmenter encore l'effet de serre en prolongeant l'ère du pétrole et en retardant la conversion aux énergies renouvelables. Sur ces points voir ce lien.

De source Midi Libre du 30 octobre 2010 "... le bassin alésien est concerné par quatre permis exclusifs de recherche, comme le confirme la DRÉAL, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement qui comprend l'ex service des Mines et qui suit le dossier à Alès. La DRÉAL aura en charge aussi les aspects réglementaires et de contrôle sur ce type d’activités particulièrement surveillées si ces recherches débouchaient sur des permis d'exploitation". Il y a aussi des possibilités dans la basse Provence occidentale où les dépôts fluvio-lacustres se sont accumulés à l'éocène, de l'étang de Berre à la montagne Sainte Victoire et où les lignites ont été exploitées dans la région de Gardanne (bassin de Provence des Charbonnages de France). Tout le sud-est de la France riche en dépôts organiques nourris par le démantèlement des reliefs de bordure et plus lointains, est donc concerné pour ces recherches de gaz de schistes.Cliquer sur la miniature de carte.

Quatre permis donc pour le bassin alésien, dont celui de Navacelles (216 km2) pour du gaz conventionnel, mais aussi celui de la plaine d’Alès (503 km2 entre Gard, Ardèche et Lozère) pour du pétrole lourd et du méthane. Le périmètre s’étend de Saint-Paul-la-Coste à Alès. Autre permis, celui du bassin d’Alès (215 km2) pour du pétrole lourd, avec une prospection qui va du château d’Allègre jusqu’en Ardèche, au sud de Bessas. Cliquer sur la miniature de carte. Et enfin le permis de Montélimar, le plus vaste (4 327 km2, du sud de Valence au nord de Montpellier), pour du gaz de schiste. Trois autres permis ont été déposés en Languedoc-Roussillon. Celui de Nîmes (507 km2), la plaine du Languedoc (2 348 km2 entre l’Aude et l’Hérault) et Nant (schistes autuniens, 4400 km2 sur l’Hérault, le Gard et l’Aveyron). Il faut aussi y rajouter le permis de Villeneuve-de-Berg (schistes toarciens 931 km2 dans le Sud Ardèche).

Parmi les sociétés concernées, on trouve Total, mais également le Suisse Mouvoil, l’Anglais Bridgeoil (en fait créée à Lyon) ou encore une société texane (Schuepbach energy LPC lien) avec le français GDF Suez. En France, ce sont 65 000 km2 qui sont concernés par les permis déposés dans cette nouvelle ruée sur l’or noir. Voir ces permis. Et voir sur le site de Schuepbach Energy LPC leurs zones d'activité dans le monde - on y trouve Nant et Villeneuve de Berg.

Voir les liens sur shalegas dans la documentation et dans le contexte fin 2010, notamment les dossiers de l'Institut français du pétrole (IFP) (lien)..

Dans le cadre du code minier français (lien)., les concessions d'exploration sont accordés pour une durée limitée (3-5 ans) selon la surface du permis. Le passage au permis d'exploitation se fait à la demande du concessionnaire sur la base de ses études et des résultats de sa prospection. L'État accorde ou non la concession d'exploration selon ses propres critères d'évaluation. Dans le cas où la concession d'exploitation est accordée, elle est assortie d'obligations règlementaires et de dispositifs de contrôles et de sanctions par l'État. C'est le corps des Mines qui exerce ces fonctions, aujourd'hui au sein des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DRÉAL); pour nous c'est la DRÉAL PACA.

Les mouvements écologiques se mobilisent contre de tels projets avec des motifs divers, l'opposition aux pétroliers et objections relatives aux risques environnementaux. Voir à gauche les liens sous la rubrique "contestations". Une demande de permis d'exploration dans notre région (Brignoles) a été déposée par la société US Schuepbach Energy. Elle suscite déjà une vive opposition locale Voir ici.

Mis en ligne le 08/12/2010