Gaz de schiste: extraits de mes contributions au collectif "le Var dit non"

Le gaz méthane n'a pas d'odeur; quant à victoire! cette affaire n'est pas finie; on en reparlera avec le développement ailleurs en Europe, les progrès techniques et les indemnisations des concessionnaires. Attendons aussi le rapport d'expertise demandé par NKM au Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET). La mobilisation écologique très majoritaire contre les trois concessions accordées met l'UMP et le gouvernement dans l'embarras politique 1 an avant les élections de 2012. NKM exprime bien son embarras et en même temps elle essaie de laisser la porte ouverte à une technologie qui - si elle respectait l'environnement - permettrait de réduire nos importations de gaz. Car ce ne sont probalement pas de fonds de tiroir qu'il s'agit.

J'apprécie le travail qui est fait dans ce site comme dans d'autres de la commune de Lorgues, notamment la contribution de Georges Baroni. Il y a bien matière à débat sur la base d'informations les plus exactes possibles.

Je me réfère à ce qui est mentionné ici "Le gaz de schiste est un gaz naturel «non conventionnel». Pour l'exploiter, il faut fracturer les roches profondes en injectant d'un liquide à haute pression, qui fait remonter le gaz vers la surface. De telles pratiques ont eu de lourdes conséquences environnementales aux Etats-Unis, et les écologistes craignent qu’elles se répètent en France."

Les documents relatifs à la fracturation nous apprennent que l'injection d'eau sous haute pression de 7000 bars avec un cocktail de produits chimiques de 1-2% a pour objet de créer un réseau de fissures dans la roche autour du trou horizontal; cela se fait par sections successives d'environ 9m... avec jusqu'à 20 camions pompes haute pression (photos). C'est le total de ces opérations le long du forage horizontal, qui consomme 10000-15000m3 d'eau par forage qui peut faire 2000m de long. Ces opérations ont pour but de créer de la perméabilité et les conditions de migration du gaz vers la surface. Une fois les opérations de fragmentation terminées il n'y a plus utilisation d'eau. Ce n'est pas l'injection d'eau qui fait remonter le gaz. Je vous invite à voir cette vidéo d'un exploitant qui explique la fracturation (lien). La foration du trou consomme 300-500m3 d'eau en mélange avec 6% de bentonite. Ce mélange se retrouve intégralement au jour et doit être stocké dans des bâches qui doivent être étanches et donner lieu à recyclage. La fracturation disons fracking consomme 10000-15000m3 d'eau au total en opérations multiples; je comprends que cette eau est pompée au jour après chaque opération de fracuration; mais une partie est perdue dans la roche. Les opérateurs ne nous disent pas combien est remontée au jour pour recyclage.

J'apprécie la contribution de Georges Baroni, notamment "quelques infos"; c'est à partir de "techniques d'exploitation" que Georges a plus de mal à évaluer car les techniques ont évolué et évoluent encore rapidement. Je lis sur le net la possibilité de forer plusieurs trous verticaux et horizontaux à partir d'une seule plateforme de forage afin de maximiser la surface de couche couverte (lien).. Je lis aussi que le choix de l'emplacement du forage est un point critique que l'on a appris récemment à partir d'échantillons de gaz cad là où on observe une transformation isotopique et la présence d'éthane, butane, propane en plus du méthane... la durée de vie du forage en dépendrait (lien). On parle ainsi de forages qui pourraient débiter durant des décennies. Le nouveau gisement de Marcellus dans les Appalaches est en train de livrer de tels enseignements. Enfin, concernant le réseau de pipelines qui couvrent les États-Unis je ne pense pas que nous serions dans ce type d'infrastructues. Le réseau de distribution de gaz depuis Marseille (GNL) existe on doit pouvoir s'y raccorder assez facilement comme le réseau qui se crée à Marcellus.

J'apprécie cette publication de données de l'EIA. On connaît depuis 1821 à Fredonia état de New York, l'utilisation de gaz de schiste. Mais avec l'exploitation de ressources concentrées de charbon puis de pétrole et de gaz il n'était pas justifié d'extraire du gaz diffus dans des schistes à des teneurs aussi faibles; de plus on n'avait pas la technique pour l'extraire de manière viable et économique. C'est l'épuisement progressif des réserves de gaz conventionnel aux États-Unis qui a conduit à développer l'extraction de gaz de schistes, ce qui est permis par des progrès techniques en matière de forages pétroliers dirigés, et la possibilité d'accroître la perméabilité des roches par fracturation hydraulique à très haute pression.

L'expérience très récente aux États-Unis a relancé les connaissances géologiques en matière de gisements sédimentaires et les modes de déposition des matières organiques aux cours des ères géologiques. Tout indique que les dépôts de matières carbonées transformées en gaz par méthanisation biogénique sont énormes en volume, cad plusieurs fois les réserves conventionnelles les plus concentrées et les plus faciles d'accès. Mais on n'a jamais considéré ces dépôts comme des ressources. Avec les progrès techniques fulgurants des dernières décennies, on peut maintenant les considérer comme des ressources et une partie de celles-ci comme des réserves, c'est à dire des quantités économiquement exploitables.

Mais à ces notions techniques et économiques s'ajoutent aujourd'hui des considérations écologiques auxquels les populations sont attachées. On ne peut plus exploiter des réserves minières sans en tenir compte. Tout cela interfère désormais avec l'écologie, l'environnement, la perception de la qualité de vie, le productivisme et le consumérisme. Le Var dit non au gaz de schiste a rapport avec tout cela. Cela ne doit pas nous empêcher d'approfondir nos connaissances dans ce domaine.

Les opposants à l'exploration et à l'exploitation des gaz de schistes ont mobilisé massivement les habitants des régions où des permis d'exploration avaient été attribués à la demande d'investisseurs motivés par la croissance de la demande de gaz, une offre insuffisante et une hausse des prix. Les José Bové, Europe écologie et Verts, confédération paysanne, Colibris, les viticulteurs et exploitants agricoles et les populations rurales ont été mobilisés. Le gouvernement a du céder et renoncer à des concessions sans doute accordées à la hâte et sans concertation. Les thèmes de mobilisation ont joué sur la peur, se focalisant sur les accidents très médiatisés aux États-Unis, toujours à charge; des informations parfois justes, mais le plus souvent incomplètes voire erronées. Ces collectifs d'opposants à travers tout le Sud-Est avaient pour but de faire capoter les explorations; elles ont réussi.

10:33 12/04/2011
Mon propos n'est pas de prendre parti pour ou contre l'exploitation des gaz de schiste. Il est de comprendre; et pour cela la phase exploration reste nécessaire. Il n'est pas pertinent de relever l'énorme surface envisagée pour une concession d'exploration, car celle-ci doit être suffisamment grande pour donner des chances de succès quelque part sur la zone. Il y a 3 phases dans le processus: recherche, développement et exploitation, ces deux dernières relevant de la concession d'exploitation. Lors de la phase recherche qui se déroule sur un intervalle de temps limité de l'ordre de 3 ans, on procède dans des secteurs connus par l'inventaire géologique national (BRGM), à des campagnes de gépophysique et des sondages verticaux avec carottages et échantillonages de gaz. Avec ces données, on élabore un projet de développement spécifiquement adapté aux conditions locales et à toutes les caractéristiques et contraintes; l'élaboration de ce projet permet de décider si l'exploitation est techniquement possible, écologiquement acceptable et économiquement rentable. Ce n'est qu'à l'issue de cette évaluation faite avec les services compétents de l'État et en informant les populations locales que l'on peut passer à la phase 2 du développement. Cette phase comporte l'implantation de la plateforme de forage et de tous ses moyens annexes, la foration d'un ou plusieurs trous verticaux et horizontaux, la stimulation des trous horizontaux par fracturation hydraulique, et enfin l'équipement définitif des têtes de forage. Il ne reste à la fin du chantier que des têtes de forages raccordés à un réseau de transport et de distribution de gaz.erreurs

10:33 12/04/2011
La présence de deux ensembles ou faisceaux comme je traduis "plays" ressemble à Marcellus et Utica dans le dévonien dans les appalaches à plus de 2000m de profondeur. Marcellus a des réserves estimées énormes (1 ans de consommation de gaz des US) et Utica plus encore! Il ne faudrait pas parler de réserves car en mines on classe les quantités selon le degré de certitude, certaines, probables, possibles voire théoriques, en fonction de la qualité et de la densité des travaux de reconnaissance. Cette classification n'existe pas encore.

Personne ne doute que les quantités de gaz de schiste emprisonné dans les porosités de la roche sous forme de bulles est énorme dans les bassins sédimentaires ayant donné des couches de houille ou après migration des réservoirs de pétrole et de gaz. La question que tout le monde se pose est peut-on extraire ce gaz à coût économique même si le pétrole et le gaz conventionnel se raréfient, sans nuire à l'environnement, et sans aggraver l'effet de serre. Le problème c'est qu'on n'a pas de réponse, et que seules les craintes et les risques nous paraissent pertinents. Je disais hier que la profondeur des plays sous les nappes ou réseaux karstiques devait avoir une influence. Et il m'est revenu cette nuit, que j'ai travaillé autrefois comme consultant pour les mines de Lota Schwager près de Concepcion au Chili. Ces mines de charbon exploitaient entièrement à 400m sous la mer et on y pratiquait la longue taille de 150m de long avec foudroyage total du toit. Il y avait des mines analogues au large de Newcastle au RU. Il n'y a jamais eu de venues d'eau de mer au fond. A mesure que les roches se brisaient en remontant, il y avait colmatage de toutes les fissures. Et à Concepcion on est en zone sismique intense.

Je vous laisse trouver les infos sur Marcellus par l'EIA. J'ai lu ce matin des articles très intéressants d'ASPO USA... En voici un qui devrait vous intéresser aussi.

Vous ne me chagrinez pas en aucune manière. Je suis ouvert et curieux de savoir. Sur les aspects techniques, il faudrait passer plus d'une semaine aux US pour voir les différents stades; voir un site où se déroule la foration - on fore à l' eau-boue ou à l'huile-boue selon les conditions -, puis un site où se déroule le fracking, puis un site où se déroule l'équipement, puis un site où se déroule la fin de chantier et l'exploitation ... C'est un travail de consultant.... mais je ne suis plus dans le jeu et ne dépends que d'info que les opérateurs ont bien voulu publier sur internet.

10:33 12/04/2011: Exploration
Vous dites cela parce que vous ne savez pas la différence entre l'exploration et l'exploitation. Il y a une différence énorme de l'exploration sur une large zone où l'on part presque de zéro et une zone réduite où l'on fera de l'exploitation. Prenons l'exemple de la zone Brignoles (permis demandé par la société Shuepbach mais non accordé). Indépendamment de la situation actuelle et des décisions du gouvernement comment se passe le choix de la zone? Pour définir une zone d'exploration demandée par demandeur, l'État (ministère de l'industrie et de l'écologie je suppose) aidé de ses conseillers le BRGM en l'occurence, travaillent ensemble pour délimiter la zone susceptible de contenir les matières minérales recherchées, sur la base des connaissances géologiques acquises qui constituent l'inventaire minier - cartes, coupes, monographies, connaissances du terrain par les travaux d'infrastructures, carrières et exploitations minières anciennes... et en excluant les zones non susceptibles d'en contenir (ici les Maures et l'Esterel cristallines au Sud du Var).

En cas d'accord une convention est signée, la concession est généralement de 3 ans avec obligation de réaliser un programme de travaux bien défini. L'exploration dans le cas de schistes contenant du gaz est sans doute une des plus difficiles car il s'agit de gisements cachés à grande profondeur. La chance de trouver quelque part dans la zone un gîte extraordinaire qui aurait échappé aux générations précédentes est très faible mains non nulle.

Quels sont les indices: ce sont l'existance de gisements houillers précédemment exploités en Provence ouest (Graissesac, Fuveau, Gardanne), associés aux formations sédimentaires et à la connaissance géologiques des conditions d'alimentation des bassins en matières organiques. Le concessionnaire doit viser des formations très profondes où la pression et la température ont permis la méthanisation biogénique des matières carbonées. Il travaille d'abord à très grand maille avec des essais géophysiques et géochimiques, et quelques sondages carrottés, description de tous les terrains traversés et prélèvements d'échantilons de gaz s'il en trouve. Ce n'est que si les résultats de cette campagne à grande maille l'encouragent à poursuivre, que le concessionnaire réduit sa maille sur une superficie réduite délimitée en fonction des résultats. Ceci amène le concessionnaire à demander l'extension du permis pour continer ses recherches... Là encore cela se fait par une étude conjointe avec l'État et ses conseillers spécialisés. Au cours des 3 années suivantes, le concessionnaire va tenter de caractériser une zone cible réduite sélectionnée au sein de la zone d'exploration large. Cette 2è phase d'exploration peut être suivie d'une 3è. Le processus nécessaire d'exploration peut durer 10-20 ans avant d'en arriver à un projet d'exploitation viable. C'est d'autant plus le cas ici que nous sommes en présence de gisements cachés et diffus à la différence des poches réservoirs de pétrole et de gaz.

11:49 12/04/2011
Je crois en effet qu'il faudrait une exploration à maille plus serrée; j'imagine, car nous ne savons pas comment les géologues exploitants procèdent; il n'y a pas lieu de publier cela sur internet car c'est trop spécifique. Dans le charbon aux US les couches sont plates et s'étendent sur de grandes surfaces qu'on a reconnues par quelques sondages pour s'assurer de la continuité de la couche... les gisements sont aussi souvent mono couches comme en Colorado ou en Utah. Une fois qu'on est dedans par des travaux souterrains puits ou accès par galerie depuis un coteau au jour, on implante les chantiers d'exploitation et on fait en même temps des travaux de recherche par galeries, tous de sonde, orientés par les tous de sonde faits à la surface. Je crois que dans le cas des couches de schistes, une fois qu'on a trouvé le site où implanter un premier forage d'exploitation avec certitude de succès - c'est un site caractérisé par une teneur en gaz élevée avec transformation isotopique du C12 en C13 plus de l'éthane, butane, propane, témoins d'une évolution avancée de la méthanisation biogénique (cf. la conférence de John Curtis du Colorado School of mines)... on s'étend dans la couche de proche en proche c'est à dire qu'on décide où sera le prochain trou... "prochain" soit augmenter la production à injecter dans le réseau, soit pour remplacer un trou qui sera épuisé. Je ne vois pas comment faire autrement. Cela ressemble en effet au cas du charbon. Sauf que dans ce cas, on n'extrait que du gaz qui migre à la surface par le forage créé sans extraire de matière solide. C'est infiniment mieux que d'extraire des lignites comme en Allemagne de l'Est (Laubag) ou au Texas, ou des schistes bitumineux comme en Alberta au Canada. Là le prix environnemental est énorme. J'ai travaillé un temps pour la BEI pour la relance et la modernisation des mines à ciel ouvert de lignite en Allemagne de l'Est; la BEI a refusé de financer à cause des dégâts Mais n'est vraiment pas la même chose! voyez les dégâts de surface des strip mines aux US, des exoloitations de lignite ou des schistes bitumineux d'Alberta au Canada; franchement si on pouvait n'extraire que du gaz en n'extrayant rien d'autre ce serait formidable non? resterait la question du CO2 et ce ne serait qu'un répit avant la fin des énergies fossiles.... l'essence à 2€/litre et plus va nous en donner un avant goût!

Mon dossier sur le gaz de schiste.


Partager |

Mis en ligne le 08/12/2010