À propos du développement durable

Le "développement durable" est à la mode; je tiens depuis des années un dossier sur ce sujet; (lien)..

Le "développement durable" est issu de trois conférences mondiales sur l'environnement, organisées sous l'égide des Nations Unies. La première eut lieu à Stockholm en Suède en 1972; elle fut suivie par le rapport Bruntland de 1987; puis il y eut les conférences mondiales de Rio de Janeiro au Brésil en 1992 et de Johannesbourg en Afrique du Sud en 2002. La prise de conscience par la communauté internationale que la croissance de la population et de la consommation par habitant permise par la croissance économique continue exponentielle, c'est à dire la production de toujours plus de biens matériels, l'utilisation intensive des énergies fossiles - pétrole, gaz et charbon - et les ressources naturelles, avec menace d'épuisement de celles-ci, la production extensive des déchets et les gaspillages, s'accompagnent d'effets négatifs sur l'environnement au point de menacer la survie de l'humanité. Cette prise de conscience est à la fois l'origine et le résultat de ces trois conférences internationales.

Associé au "développement durable", il y a aussi la prise de conscience du changement climatique liée à la production de gaz à effet de serre par l'utilisation massive des combustibles fossiles (lien).

Nombreux sont ceux aujourd'hui qui craignent que l'humanité atteint les limites de la planète résultat de la formidable progression de ses techniques depuis la révolution industrielle, une progression qui s'est accélérée depuis la fin de la 2è guerre mondiale (lien).. Nombreuses sont les associations qui craignent que l'homme détruit progressivement les conditions environnementales et la biodiversité qui conditionnent sa place en tant qu'espèce particulière de la biodiversité et de la biosphère. Les Greenpeace, WWF, Nicolas Hulot, Yann Arthus Bertrand, le prince Charles .... et tous les auteurs qui publient livre sur livre sur le sujet. Dernier en date, le manifeste pour une écologie politique du nouveau parti "Europe Écologie - les Verts".

La journée du 20 novembre organisée par la Ligue des droits de l'homme en Dracénie (lien) s'inscrit dans cette réflexion. La conférence de Michelle Ducerisier Ethnologue fut une synthèse particulièrement complète de l'état du "développement durable" en 2010.


Depuis qu'Homo.sapien.sapiens est apparu sur la planète il y a environ 200000 ans, rameau final actuel de 7 millions d'années d'évolution commencée quelque part en Afrique, nous n'avons jamais cessé de nous "développer". C'est ce que les scientifiques nous disent sur la base de tous les fossiles d'hominidés découverts étudiés et classés. Commençant comme chasseurs cueilleurs puis inventant l'agriculture avec la sédentarisation et la domestication de plantes et d'animaux, nous n'avons jamais cessé d'aménager l'espace pour nous permettre de croître et de nous développer cad. de vivre mieux, plus longtemps et - résultat de notre formidable succès reproductif - de nous multiplier. La conscience de tout cela est déjà inscrite dans la bible des chrétiens qui remonte à l'âge de bronze il y a 4000 ans.

Si le concept du "développement durable" reste un concept relativement flou - il est récupéré aujourd'hui par toutes les couches et acteurs de nos sociétés, y compris par les entreprises du secteur économique, la définition admise par tous est celle des conférences internationales. Selon la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement dans le rapport Brundtland:

Le développement durable est un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.

D'abord une question de sémantique. En anglais au lieu de "durable" on utilise le mot "sustainable" dont la traduction littérale est "soutenable". Mais "sustain" signifie soutenir et maintenir en l'état, ce qui peut vouloir dire "continuer indéfiniment" (lien). Donc "durable" en français exprime bien cela. La controverse sémantique sur le choix de durable me paraît donc vaine.

Les nombreux segments de la société qui s'intéressent au développement durable, au changement climatique, à la biodiversité et à la disparition d'espèces, à la croissance exponentielle de la production et de la consommation de biens et de services, à la croissance de la population et de la consommation par tête, à l'énergie, à la production agricole mondiale pour nourrir 9 millards d'habitants en 2050, à la production de déchets et à leur recyclage.... expriment la crainte que l'humanité atteint les limites de ce que la planète peut "maintenir en l'état"; et ils doutent que les techniques et l'intelligence humaine puissent s'adapter indéfiniment pour surmonter les déséquilibres et les crises que les activités humaines engendrent au cours notre progression dans l'espace et dans le temps.

Un élément important qui est repris par tous est la sur-production-consommation de biens et de services dans nos pays développés et les effets délétères et inattendus de la mondialisation sur nos sociétés. Nos pays n'ont jamais été aussi riches, l'État providence développé durant les 30 glorieuses 1945-1975 assure tant bien que mal et à un coût de plus en plus élévé, la distribution de la richesse produite... Mais en même temps, notre société française compte un grand nombre d'exclus, un grand nombre d'inégalités sociales, un chômage global et persistant de l'ordre 10% de la population active, mais qui se concentre principalement chez les jeunes de moins de 25 ans, et chez les séniors de plus de 55 ans. Pourquoi le système de production et de consommation, national et mondial, produit-il de tels anomalies de fonctionnement, alors que sa finalité est d'assurer le "bien-être" de tous?

Il faut rappeler que les 30 glorieuses 1945-1975 et particulièrement la décennie dorée 1965-1975 qui en fut l'apogée, avaient connu une croissance exceptionnelle de 4.5% en moyenne. Ce furent des années de reconstruction après les dévastations de la guerre 1939-1945, et de rattrapage de retards de développement entre les deux guerres 1914-1918 et 1939-1945 et la crise économique commencée en 1929 qui s'est prolongée jusqu'à la guerre 1939-1945. Ces trois décennies 1945-1975 furent l'époque où les ménages purent s'équiper en électro-ménager, acquérir une voiture, le téléphone, la télévision; il y eut en même temps le développement des grandes infrastructures, la production d'éléctricité, les routes et autoroutes, les chemins de fer performants, les équipements collectifs des villes, des communes et des campagnes, l'éducation et la santé pour tous.... Bref tout ce qui constitue aujourd'hui notre système de consommation, d'activités de production et d'emplois. Ce formidable développement profita le plus aux générations nées entre 1930 et 1945 qui connurent le plein emploi dans toutes les couches et catégories sociales, des jeunes sortis d'écoles et de tous niveaux de formation, jusqu'aux séniors. Tout cela s'est fait sur fond de guerre froide, de rideau de fer entre l'ouest et l'URSS après la guerre, et sous la protection du bouclier militaire des États-Unis et de l'OTAN.

Mais ce développement par la forte croissance du PIB fut freiné puis arrêté par la première crise du pétrole en 1973. Arrêté, parce qu'à partir de la fin des années 1970, le chômage commença à croître, ainsi que les déficits publiques et la dette publique et privée. En même temps l'idéologie capitaliste passa du keynesianisme de l'après guerre, au néolibéralisme de Milton Friedman, avec la libéralisation de la circulation des capitaux, la croissance du commerce international par la suppression des tarifs douaniers, la mondialisation, le GATT et l'OMC... Tout cela fut facilité par l'effondrement de l'URSS, le retour de la Russie et son passage à l'économie de marché.

Trente après, ce système a conduit à la crise financière de 2007-2009 qui se poursuit encore aujourd'hui par ses conséquences économiques et sociales et qui va probablement continuer voire s'aggraver vu la crise de l'euro - Grèce, Irlande, Portugal et Espagne (lien).. Une mondialisation qui a conduit à des déséquilibres planétaires - des pays constituant d'énormes réserves de change par leurs exportations et leur productivité réelle ou monétaire, d'autres d'énormes dettes symétriques par leurs déficits et leur État providence devenu insoutenable. En France, déficit et dette ont explosé, alors que l'an dernier nos économistes nous disaient que la France n'avaient pas de problème de dette. Le chômage reste toujours près de 10% de la population active; mais 27% chez les jeunes et 35% chez les séniors. Une économie qui ne parvient pas comme l'Allemagne à travailler pour l'exportation puisque notre déficit commercial est aussi abyssal (lien).. Que seront les revenus des jeunes d'aujourd'hui quand ils auront 65 ans?

Nos dirigeants politiques attendent toujours la reprise de la croissance économique afin que le système de production-consommation continue comme avant cad. produire et consommer toujours plus. Ce système est à bout de souffle. Il faut changer de mode de consommation et de production, et donner à tous comme durant les 30 glorieuses, les moyens de vivre de revenus de la production. Notamment les jeunes; leur donner l'autonomie, le logement, les moyens de fonder une famille. Voir cette contribution au débat par Jean Marie Harribey (lien)..


Pierre Ratcliffe
Mis en ligne le 19/11/2010