Cérémonies du débarquement en Normandie: 70ème anniversaire 6 juin 1944 - 6 juin 2014.

Le D Day va donc être fêté vendredi 6 juin 2014.
Jacques Garello sur libres.org

On peut y voir le juste hommage rendu à ces soldats qui ont débarqué en Normandie pour libérer et la France et l’Europe. Les quelques survivants dont nous entendons les témoignages nous disent avec quel enthousiasme, voire quelle inconscience, ils ont débarqué et gagné les premiers mètres du sol français sous un déluge de balles et d’obus. Fallait-il être héroïque pour aller au devant de la mort, simplement parce que la liberté le valait bien !

Il est des morts dont on pleure la stupidité, comme l’anniversaire de 1914 nous l’a récemment rappelé : pourquoi des peuples frères se sont-ils déchirés ? Qui savait réellement pourquoi on se battait ? Aujourd’hui encore les historiens sont divisés sur ce point. Il est au contraire des morts qui forcent l’admiration, parce qu’elles ont été acceptées comme de volontaires sacrifices à des valeurs morales et spirituelles.

Ce qui me semble le plus significatif dans ce débarquement, c’est que les Français n’y ont pas participé. Certes, les réseaux d’authentiques résistants n’avaient cessé de renseigner les Alliés sur les positions et les mouvements des forces allemandes, ainsi que sur l’état de l’opinion publique française. Beaucoup ont accepté d’être les premiers martyrs de ces jours les plus longs et leur héroïsme mérite lui aussi d’être reconnu. Mais en revanche, seules quelques centaines de Français étaient parmi les soldats qui ont débarqué, enrôlés dans des troupes alliées, canadiennes, anglaises ou américaines.

La France a été libérée par des étrangers. Il est normal que le Président des Etats Unis, la Reine d’Angleterre, les premiers ministres canadien et australien soient présents en ce 70ème anniversaire du 6 juin. La présence de Vladimir Poutine s’imposait peut-être moins, bien que Stalingrad et le front russe aient occupé les troupes allemandes et affaibli leur contingent à l’Ouest.

Sans doute les soldats français prendront-ils leur part de combat et d’héroïsme en débarquant en août, hommes venus d’Afrique du Nord après une campagne d’Italie aussi meurtrière que victorieuse. Sans doute les premiers chars de Leclerc entreront-ils à Paris et à Strasbourg et porteront-ils le fer jusqu’au cœur de l’Allemagne. Mais, pour se concentrer sur le débarquement en Normandie, ce sont bien les Alliés qui ont ouvert la première brèche dans le dispositif allemand.

Cela m’inspire (peut-être à tort) trois réflexions :

- la France n’est pas seule et ne peut prétendre l’être,

- la Liberté est universelle et constitue le patrimoine commun de l’humanité,

- oublier la Liberté, c’est appeler le fanatisme et la guerre.

Nous les Français aimons bien cultiver nos « exceptions », au point même d’en mépriser les autres : ne sommes-nous pas les meilleurs et n’avons-nous pas de leçons à donner au reste du monde ? La réalité nous ramène épisodiquement à plus de modestie, voire d’humiliation : nous avons besoin de toutes les nations, de tous les peuples. « La France seule ! » le slogan maurassien, repris par de Gaulle, nous autorise-t-il à nier le lien indéfectible et irréversible qui nous unit aux Américains, aux Anglais et à tous les autres que nous tenons volontiers pour responsables de nos désillusions et de nos erreurs ? Le nationalisme gallican est une vieille tare, qui pousse aujourd’hui certains à rejeter la mondialisation et à rêver d’isolationnisme. « Made in France » : expression caricaturale qui n’ose même pas se dire en français.

La mondialisation, c’est celle que nous ont enseignée les Alliés, venus se battre non pas, ou pas seulement, pour sauver leurs propres intérêts et leurs propres vies, mais par-dessus tout pour défendre la liberté et la dignité de l’être humain, valeurs universelles détruites par l’inhumaine idéologie nationale-socialiste. Partout où des crimes contre l’humanité sont commis, l’histoire nous enseigne que se trouvent heureusement des hommes et des femmes pour s’émouvoir, se révolter, se mobiliser et aller jusqu’au martyre s’il le faut. A-t-on conscience de cette éternelle tentation des hommes de s’avilir jusqu’à la bestialité, mais aussi de cette éternelle résistance à la barbarie et du progrès de civilisation qui finalement l’emporte ? Le 20ème siècle, marqué par deux guerres mondiales et trois totalitarismes, de Lénine et Staline, de Hitler et de Mao, aura vu la barbarie s’installer. Mais il aura aussi vu les Alliés sur les plages du débarquement.

Ce n’est pas par hasard que la barbarie a progressé, ni qu’elle a été pour un temps maîtrisée.

Elle a progressé parce que les peuples, souvent égarés par les chefs d’Etat, ont refusé les exigences de la liberté et accepté l’émergence de sociétés fondées sur la lutte : lutte des classes, lutte des races, puis luttes des idéologies, puis enfin lutte finale : apocalypses de la dictature et de la guerre. Réunis à Dumbarton Oaks avant même la fin de la deuxième guerre mondiale, les dirigeants alliés ont avec lucidité posé le diagnostic de cette guerre : c’est la poussée de protectionnisme, c’est la fin du libre échange mondial, qui ont fait le lit des nationalismes, dérapant en xénophobies. Pour éviter que l’aventure se reproduise, ils ont essayé de créer un espace de liberté au sein duquel les hommes apprendraient à commercer, à travailler ensemble, à se connaître et à se comprendre. Telle a été aussi la réaction des vrais pères fondateurs de l’Europe : Adenauer, Gasperi et Schumann.

Attenter à la liberté, c’est semer la haine et la guerre. Accepter la liberté et sa responsabilité, c’est créer l’harmonie et la paix.

Ces leçons du 6 juin méritent d’être révisées quand rôde à nouveau le spectre de la barbarie.


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Mis en ligne le 28/06/2014