Réformes: Régions, départements, les collectivités locales au pain sec; à quand une vraie réforme fiscale?

En cette période de voeux de nos maires à ceux qui les ont élus et mis en position de "décideurs", la tonalité est à la morosité; morosité face à la réduction des subventions de l'état; morosité face à la réforme des cantons. Jean-Luc Fabre a commencé. Michel Tosan à Bagnols a continué. Et Nicolas Martel a poursuivi à Saint-Paul. Le sénateur Pierre-Yves Colombat y est allé de son humeur contre la réforme des cantons, avalisée par le Conseil d'État. Je crois que nos "décideurs" comme la plupart d'entre nous ne comprennent pas ce qui se passe. L'État est effectivement en train de réformer bon train.

Contraint par une croissance faible et durable, et un chômage massif qui réduisent les recettes fiscales, l'État réduit un peu (trop peu) ses dépenses, en commençant par les dotations aux collectivités locales. C'est un peu passer le mistigris. Car vu la complexité des institutions, on ne peut pas faire table rase: les collectivités locales vont-elles devoir augmenter leurs prélèvements pour compenser, ou réduire leur train de vie qu'elles devaient en partie à l'état? Les subventions aux associations devraient commencer le bal. Rien de plus normal que les membres des associations paient volontairement par leurs cotisations leurs actions citoyennes.

Concernant la réforme des cantons, je crois que nos décideurs n'ont pas encore saisi le chamboulement que cette réforme va provoquer. 23 cantons dans le Var au lieu de 45; un binôme homme-femme pour chaque canton et deux suppléants. Ce n'est plus un conseiller général et un suppléant - qui a entendu parler de Mme Pélassy au cours du mandat de CG de F.Cavallier qui s'achève? Ce sont deux conseillers départementaux et chacun deux suppléants. Et le conseil départemental au lieu d'être renouvelé par moitié tous les 3 ans sera renouvelé en totalité tous les 6 ans. Pour notre canton, le poids électoral de Puget, de Roquebrune sur Argens et du pays de Fayence modifiera la donne. Il est clair que le rôle de nos deux Conseillers départementaux, ne sera plus le même qu'aujourd'hui, celui du CG du canton de Fayence. Nul ne sait aujourd'hui ce que sera cette assemblée départementale, comment elle fonctionnera; ni ce que sera l'impact de cette réforme majeure sur notre bien-être. Il est clair aussi que les élections de mars 2015 verront les partis s'affronter durement.

Concernant les impôts, voici des extraits du livre de Pascal Perri "les impôts pour le nuls".

L'impôt est un prélèvement obligatoire, non volontaire, sans contrepartie directe, non remboursable, qui s'applique aux personnes, personnes physiques comme vous et moi (ou aux personnes morales comme les entreprises) vivant dans un pays, y exerçant une activité et percevant des revenus de cette activité ou d'une autre. La Révolution française a donné à l'impôt un peu de sens démocratique, ce qui n'empêche pas de nous interroger sur sa légitimité. La levée de l'impôt est fixée dans la loi de finances chaque année. Elle est votée par les représentants (lu peuple, députés et sénateurs, mais 90 % de ses dispositions sont en général incompressibles et reconductibles (l'une année sur l'autre. Comment dès lors considérer le vote de l'impôt comme un temps fort de notre démocratie politique ?

En France, les quelques grands principes qui s'appliquent à l'impôt sont :
  1. L'égalité fiscale (pourtant largement écornée) ;
  2. La légalité (les décisions concernant l'impôt sont votées par le Parlement) ;
  3. La nécessité : sans impôts, il n'y a pas de dépenses publiques au profit de la collectivité, mais on pourrait imaginer des entreprises privées exécutant des missions de service public à un meilleur coût de production.

Les Français sont néanmoins inscrits dans une vieille tradition de contestation de l'impôt. Ils ont toujours eu le sentiment qu'on leur en demandait trop. Mais il est une autre façon de présenter la question. Les contribuables mettent en cause, plus souvent, l'efficacité de la dépense publique, (lue l'impôt en tant que tel. L'impôt doit être légal, c'est pour cela qu'il est voté par le législateur, mais il doit aussi être légitime pour être accepté et payé. L'État et les collectivités, toutes les formes d'organisation qui bénéficient de l'impôt devraient avoir en matière fiscale une obligation morale de résultat. C'est loin d'être le cas ! Les citoyens veulent voir les résultats de leurs diverses contributions fiscales. Des pays voisins comme l'Allemagne où la dépense publique est inférieure ne sont pas sous-administrés. La question de l'efficience est centrale.

Au cours des dernières décennies comme le remarque Michel Bouvier, professeur de finances publiques à Paris-Dauphine dans les Cahiers français, la France a connu une intensification de la pression des prélèvements obligatoires (PO), terme générique pour qualifier les contributions obligatoires perçues par l'État, les administrations publiques et les collectivités sans contrepartie directe aux payeurs. La croissance des prélèvements obligatoires est un phénomène continu, à l'exception de la période comprise entre les années 2000 et 2009, au cours de laquelle le taux de PO est passé de 44,1 % de la richesse produite à 41,6 %. Nous en sommes aujourd'hui à 46 %. Les trois dernières années entre 2010 et 2013 ont été des années très inflationnistes dans ce domaine à tel point qu'un « ras-le-bol fiscal » sans précédent s'est développé dans le pays. Les impôts sur le patrimoine, les cotisations sociales, l'impôt sur le revenu, la TVA : tous ont augmenté dans des proportions variables. Pour désamorcer la crise et envoyer un signal à l'opinion, Jean Marc Ayrault, l'ancien Premier ministre, avait solennellement annoncé qu'une réforme fiscale d'ensemble serait mise en oeuvre. La France est-elle disponible pour une révolution fiscale copernicienne ou s'agira-t-il au final de quelques ajustements à la marge. 2014 et les années suivantes livreront leur réponse.

Notre système fiscal est en transition. Il doit intégrer deux variables essentielles : croissance et mondialisation. La fiscalité est indéniablement liée à la croissance. L'hyperfiscalité pèse sur la croissance. Tous les pays qui ont allégé la pression fiscale ont soutenu des politiques de l'offre favorables aux entreprises et les recettes fiscales ont augmenté. Quand les charges sur le travail sont plus faibles, les entreprises embauchent, créent des emplois, la consommation augmente, l'investissement aussi. De fait, la base imposable globale se dilate. À l'inverse l'hypertaxation réduit la base imposable. On parle alors de « désutilité fiscale ». C'est l'illustration de l'adage célèbre selon lequel trop d'impôt tue l'impôt. La deuxième variable est celle de la mondialisation. Les capitaux, plus que jamais mobiles, filent d'un continent à l'autre ou d'une filiale à une autre. Les États-nations bâtis sur des territoires sont confrontés aux défis d'une économie dématérialisée. L'argent leur passe au-dessus de la tête sans que l'on sache où il doit être imposé et parfois dans certains cas, s'il doit l'être ou pas...

À quoi servent les impôts ? Quelles sont leurs conséquences sur les comportements personnels et professionnels des individus, leur impact sur les stratégies d'entreprise ? « Les gouvernements trouvent commode d'invoquer la crise économique et financière pour expliquer la stagnation économique persistante et la montée du chômage », écrit Pascal Salin dans La Tyrannie fiscale parue en 2014 chez Odile Jacob, mais la crise structurelle de nos économies est beaucoup plus ancienne et les gouvernements de droite comme de gauche n'ont cessé d'augmenter la part de prélèvements obligatoires. Et pour quel résultat ? La crise est encore plus douloureuse. Notre fiscalité n'est ni juste ni réfléchie, elle frappe le travail et la production alors que nous aurions intérêt à les encourager. Le bricolage, pour ne pas dire le rafistolage est la règle et la méthode en même temps. Tant que nous ne nous interrogerons pas sur des questions fondamentales de vie en société, nous passerons à côté de toute réforme fiscale utile et efficace. Le financement par l'impôt est-il la seule solution pour abonder les comptes sociaux, pour alimenter les services publics, les services de certaines administrations publiques ? Ces services sont parfois mauvais et ils coûtent cher au contribuable. Pourquoi continuer ? Il ne faut pas attendre de miracle. Sans remise en question du paradigme actuel de gouvernance du pays, les impôts ne baisseront pas, ils augmenteront tant que les charges publiques augmenteront. D'autres pays ont fait le choix de redéfinir la sphère publique pour privilégier la liberté de choix des individus.

Avec un taux de prélèvements obligatoires de 24,3 % du PIB contre 45,3 % en France et 48 % en Belgique ou au Danemark, les États-Unis offrent un environnement fiscal et social favorable aux entrepreneurs. Le Danemark, souvent cité en exemple comme un pays où les prélèvements obligatoires sont très élevés mais acceptés, présente une situation paradoxale par rapport au cas français. Chez nous, les cotisations sociales représentent plus de 38 % des PO contre seulement 2,1 % au royaume du Danemark. Et pourtant, les Danois sont parmi les mieux protégés contre les accidents de la vie (chômage, maladie, etc.). Comment expliquer un tel écart et comment comprendre les performances danoises ?

Notre État coûte cher et il est inefficace. La France a le goût des monopoles, mais elle ne leur demande même pas d'être efficients. Apostrophée par le débat sur les impôts en France, une partie de la jeunesse considère ceux-ci comme illégitimes. Pourquoi payer des impôts dans une société qui ne fournit plus d'espérance dans l'avenir ? Ce phénomène est très préoccupant. Il réinterroge les bases de notre démocratie. Nos dirigeants sont souvent des gestionnaires à la petite semaine, capables d'ajouter un peu plus d'impôt par-ci et un peu moins par-là ! Il leur reviendrait pourtant de réfléchir au monde de demain et aux impôts du nouveau marché. Prenons l'exemple du numérique qui a changé nos comportements de consommateurs. L'impôt sur les sociétés porte sur les bénéfices des entreprises localisées sur le territoire français. Avec la mondialisation, des entreprises étrangères ont ouvert des établissements de production ou de distribution sur le sol français. Ces entreprises sont imposées sur la base des bénéfices réalisés en France. Mais pour celles qui arrivent désormais du ciel comme les grands acteurs de l'Internat ? Ces entreprises connues sous l'acronyme de GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) réalisent des milliards d'euros de chiffre d'affaires avec l'argent des consommateurs européens puis vont cacher leurs bénéfices aux Bermudes ou s'affranchissent de payer la TVA. L'enjeu fiscal du xxie siècle, l'enjeu fiscal d'une société numérisée, sera de faire contribuer ces entreprises dites OTT (Over the top) dont la croissance est rapide et massive, en tout cas très supérieure à celle des entreprises physiques de nos territoires. C'est une question de souveraineté économique et fiscale. Si aucune solution n'est trouvée rapidement, ces entreprises réinvestiront l'avantage fiscal qui leur profite pour livrer une concurrence destructrice à nos entreprises, assujetties à une fiscalité lourde et constante.

Cette question n'est pas marginale, elle est même centrale si nos États-nations veulent survivre au commerce dématérialisé et désincarné qui se substitue peu à peu à l'économie physique. Le rapport Collin et Colin rendu en 2013 sur la fiscalité du numérique proposait plusieurs pistes de réflexion et d'action. Ce rapport est à ce jour resté sans suite. Le numérique a changé toutes les règles de l'économie et il avance chaque jour un peu plus. Comment les élus de ce pays peuvent-ils être à ce point frappés d'une telle cécité politique et économique ? Comment peuvent-ils confondre les priorités et perdre du temps avec des micro-taxes sans intérêts quand les règles du commerce mondial changent sous nos yeux ? La seule explication disponible est que nous sommes encore dirigés par la génération minitel. Anticiper le monde de demain pour anticiper sa fiscalité, tel est le grand sujet à côté duquel nous passons en sifflotant !

Je termine en évoquant deux sujets critiques que sont la fraude et l'écomomie informelle ou le travail au noire L'impôt ne peut être légitime que si les fraudeurs sont traqués et sanctionnés. La mesure de la peine doit être très dissuasive. Au plan international, elle ne l'est pas assez et la coopération entre les états pour y faire face est insuffisante 4 et 5. Les États qui refusent de coopérer sont complices des fraudeurs. Ils doivent être traités comme tels. En France, le maquis des règles et leur complexité forment un terreau favorable pour les fraudeurs. Entre l'optimisation fiscale et la fraude, la paroi est poreuse. La simplification de la fiscalité réduirait les risque d'évasion fiscale et rendrait l'impôt plus accepté par tous. La République le doit à chacun d'entre nous.

Références:

  1. Les nouveaux cantons du Var
  2. Elections cantonales >>> élections départementales
  3. Emission C dans l'Air sur les élections cantonales - pardon, départementales
  4. Réforme fiscale
  5. Évasion fiscale, blanchiment d'argent sale, paradis fiscaux
  6. Les paradis fiscaux pour les nuls

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Mis en ligne le 07/01/2015 pratclif.com