Pierre Ratcliffe: portrait

Portrait

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En donnant ce "portrait" mon propos n'est pas de verser dans le culte de la personnalité. Mon propos est de témoigner une histoire comme chacun peut le faire: dire à quelle époque et dans quelles conditions sociales et économiques j'ai vécu. Il y a comme un crépuscule entre le passé dévenu définitivement le domaine des historiens et le passé pas encore devenu l'histoire. Il en est ainsi pour moi car mon père né en 1891 combattit durant la guerre 1914-1918, connut la grande crise des années 1930 et vécut la guerre de 1939-1945. Ses parents, mes grands parents nés en 1857 et 1861, ils connurent la formidable expansion économique libérale, la grande crise de 1873-1876 et ils vécurent la "belle époque" de la période d'avant 1914; voir leur histoire ici.

Je suis né en 1935 à Calais de parents anglais. Marié avec Elisabeth Maincourt depuis le 29 juillet 1959, nous avons 3 enfants et sept petits enfants agés de 8 à 27 ans et trois arrière petits enfants. Je rends hommage à tous ceux - parents, amis, instituteurs, professeurs, supérieurs et collègues de travail, qui m'ont accompagné en me transmettant leurs connaissances, leur savoir et leur ethique. Dépositaire de ce savoir avec tous ceux des générations d'aujourd'hui, bénéficiant du privilège de vivre longtemps, je peux contribuer au partage de ce savoir avec les générations suivantes.

Voir mon dossier sur Calais ma ville natale.

Mes grands parents paternels étaient anglais; ils étaient venus à Calais en 1889. Mon père y naquit en 1891 ainsi que 7 autres enfants. Mon grand-père né à Ilkeston près de Nottingham, était mineur de charbon à Altofts près de Wakefield. Mécanicien conducteur d'engins, il saisit une opportunité de venir à Calais pour sa compagnie "Pope and Pearson" qui exportait des charbons anglais en France. Il y resta jusqu'à sa mort en 1934. Il avait fondé une coopérative anglaise à Calais - mouvement des pionniers de Rochdale analogue à Saint-Simon - qui fonctionna jusqu'en 1954 par son fils mon oncle Harold. Celui-ci avait passé 5 ans comme prisonnier de guerre en Prusse, car en mai 1940, tous les anglais restés à Calais furent faits prisonniers et déportés en Allemagne (lien); leurs femmes furent assignées à résidence, non à Calais, mais à Paris! Comment se sont elles débrouillées? Solidarité? Elles recevaient des sommes de la croix-rouge. Ma grand-mère repartit en Angleterre chez sa fille à Leeds en septembre 1939 lors de la déclaration de guerre; elle ne voulait pas recommencer l'expérience de 14-18; elle y mourut en 1949.

Mes grand-parents maternels avaient émigré aux États-Unis en 1905 attirés par les terres distribuées aux immigrants pour développer l'ouest de États-Unis - 160 acres soit 65 hectares dans le Dakota du Sud (lien). Mon grand-père était mineur dans les mines de cuivre du Montana. Ma grand-mère s'efforçait de développer la terre. Ma mère y naquit en 1911 ainsi que deux autres enfants. Ils revinrent en France en 1933 lors de la grande crise. Mais ils se trouvèrent dans la tourmente de la guerre après l'invasion en mai 1940. Mon grand-père fut emprisonné à Fresnes et son épouse assignée à résidence... jusqu'en mai 1945. Comment subsista-t-elle? Solidarité? Versements de la croix-rouge américaine? Après la guerre ils retournèrent aux États-Unis à Houston chez leur fils mon oncle Robert qui était officier mécanicien de la marine marchande américaine. Ils y restèrent jusqu'à leur mort en 1952 et 1953.

Les parents de mon épouse étaient originaires de Rue dans la Somme et d'Aumale en Normandie. Son père avait fait ses études à Saint-Omer chez les frères de la Malassise, puis à Froyennes en Belgique après 1905 et la séparation de l'église et de l'État suivie par la fermeture des écoles chrétiennes. Il entra à l'école centrale de Paris en 1908 et en sortit diplômé en 1911. Incorporé pour 4 ans dès sa sortie d'école il fut dans la tourmente de la guerre jusqu'en novembre 1918 - batailles de la Marne, et de Verdun. Après la guerre il était entré dans la société d'électricité et de gaz; il fut d'abord nommé à Charleville, puis prit le poste de directeur d'usine de Calais en 1926. Il y resta jusqu'à sa retraite en 1954. Il avait tenu le poste pendant la guerre réquisitionné par les Allemands. Toute la famille de mon épouse fuya la région des combats de Calais et de Dunkerque et, comme de nombreux Calaisiens, se retrouvèrent réfugiés dans la région de Niort. Les femmes ont beaucoup souffert durant cette période, se déplaçant sur des routes encombrées mitraillés par les allemands, ponts coupés etc. Beaucoup de femmes tombèrent en dépression plus ou moins grave.

Le 21 mai 1940, dans le cadre d'opérations de rapatriation de sujets britanniques, et d'un bateau de guerre venu déposer des troupes britanniques pour la défense de Calais afin de retarder l'avance des allemands vers Dunkerque [lien vers cette histoire 'la défense de Calais et l'évacuation des sujets britanniques'], mes parents et de nombreuses autres familles anglaises de Calais furent évacués et se réfugièrent en Angleterre. Les anglais qui ne purent pas le faire - comme les frères de mon père - furent faits prisonniers de guerre. Après l'évacuation de Dunkerque, les évènements se précipitèrent et aboutirent à l'armistice le 22 juin 1940 [lien].; les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France furent alors organisés sous la domination allemande. La France après l'armistice [lien].

L'Angleterre restait la seule puissance en guerre à vaincre par l'Allemagne. Durant les mois qui suivirent l'armistice, la grande crainte des anglais était que les allemands envahissent le pays et qu'elle subisse le même sort que la France, ce qui paraissait certain si les allemands étaient parvenus à y débarquer car l'Angleterre n'avait pas les forces armées terrestres de la France. C'est pourquoi, ma mère qui était américaine née en 1911, a profité d'une opération de rapatriation de citoyens américains et m'a emmené avec elle. Mon père travaillait à Calais pour une société américaine dans l'exportation de dentelle et elle espérait selon la tournure des évènements , qu'il pourrait la rejoindre. C'est une décision de séparation familiale, à un moment de la vie, qui dut être difficile à prendre; mais vu les circonstances dramatiques vécues lors de l'évacuation de Calais et les perspectives sombres qui s'envisageaient, je le comprends aujourd'hui. Après la bataille d'Angleterre [lien], nous sommes revenus en Angleterre début 1941; mon père l'avait appelée au secours car il était question qu'il soit incorporé et ma demi-soeur Gisèle âgée de 16 ans, fille de son union avec sa première épouse décédée, aurait été seule. [lien: article du quotidien The Houston Chronicle]. En fait, il ne fut pas concerné par l'ordre d'incorporation vu son âge; fin 1940 il était dans sa 50è année.

En Angleterre, nous fumes successivement à Leeds, Newark, Nottingham puis Leeds à nouveau. Revenu à Calais dévasté par la guerre, en janvier 1946, j'avais oublié le français; il fallut me mettre au niveau scolaire. Je fus au pensionnat Saint-Pierre, puis à l'école primaire de la rue Verte, puis au collège de Calais rue Jean-Jaurès et rue de Vic - où je rencontrais Elisabeth mon épouse. Je fus admis au lycée Faidherbe de Lille 1955-1957 en classe de Math Sup (lien) puis de Maths Spéciales. J'entrais à l'école des Mines de Saint-Etienne en 1957 et en sortis diplomé en 1960 (lien). Je fis mon service militaire de 1960 à 1962. Né entre deux guerres mondiales, mon père et celui de mon épouse furent combattants au front durant celle de 1914-1918 - Marne, Somme, Yser, Ypres et Verdun. Nos parents comme tant d'autres de France et d'Angleterre et la région de Calais envahie par les allemands en 1940, connurent par deux fois en trente ans, les souffrances de la guerre, l'évacuation et la condition de réfugiés accueillis loin de chez eux dans la solidarité.

Nés en 1890, nos parents font partie de ce que Louis Chauvel qualifie de générations sacrifiées (lien).; 25% de ces générations disparurent dans les tranchées de la première guerre mondiale; entre les deux guerres, les survivants, souvent stigmatisés par des séquelles physiques de la guerre, connurent la grande crise commencée en 1929 et la stagnation économique, qui se poursuivit par 5 années d'une autre guerre mondiale atroce. Et ce n'est qu'après la 2è guerre mondiale qu'elles purent enfin profiter un peu, car trop tard, du progrès économique et social sous la forme d'une "retraite". Nous ne pourrons jamais rendre à nos parents et à leurs générations ce qu'elles ont perdu.

Pour ma part, devenu ingénieur en 1960, je fus témoin de la reconstruction de la France dévastée par ces 5 années de guerre, des évènements de mai 1968, puis de tous les progrès techniques, économiques et sociaux des 30 glorieuses jusqu'à 1975. Je suis des générations nées dans les années 1930 qui ont le plus bénéficié, après la guerre, des progrès économiques et sociaux ainsi que de l'état providence et de ses bienfaits, en termes de niveau de vie et aujourd'hui de retraite. Puis de 1975 à 1997, j'ai vu s'instaurer partout, le néolibéralisme, les restructurations de grandes entreprises, la disparition de pans entiers de notre tissu industriel, le culte de la rentabilité des entreprises suivi de la stagnation des salaires, le chômage des jeunes et les licenciements économiques touchant tous les salariés et surtout les séniors. Avec la crise de 2007-2009, cette époque de 30ans semble maintenant révolue et nous entrons dans une autre période transition, de turbulences et d'incertitudes. Retraité et résident de Callian dans le Var depuis fin 1997, par la tenue de sites sur internet, j'essaie de comprendre et de partager la vision de notre société et de son évolution, en dépassant l'horizon du court-terme et de la conjoncture. Mon histoire liée au charbon.

Nous avons trois enfants nés au début des années 1960 et par eux sept petits enfants et 9 arrière petits enfants qui nous donnent toutes les joies de parents, de grands-parents et d'arrière grands-parents. Ils continuent le chemin de la vie, chacun traçant sa propre histoire, avec nous et nos parents comme racines et leurs enfants et descendants comme nouvelles pousses de notre destinée humaine. La roue tourne...

Je n'ai pas d'inclination politique affirmée [lien]. Je suis un libéral, cad. que je crois en l'ordre naturel et spontané du corps social que sont les individus, les familles et les entreprises, et qu'aucun individu ou corps social organisé, ne doit imposer ses vues par la coercition. J'externalise mon flux de pensées par internet et mes sujets d'intérêt ici.


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Mis à jour le 06/06/2021 pratclif.com