On se pose souvent la question de l'épuisement des ressources naturelles, notamment les matières premières minières: fer, métaux non ferreux et énergétiques. C'est le propos tenu par les écologistes et les tenants du changement climatique en cette période de COP21 fin 2015. Les tenants de cette thèse ignorent le fonctionnement des industries minières dont la fonction économique et sociale est de mettre à la disposition de la société, les matières premières dont la transformation produira les biens matériels pour le bien-être de tous.
Nos voitures, nos machines à laver, nos infrastructures, nos bâtiments, nos PC, nos tablettes, nos smartphones ... tous ces produits, omniprésents dans nos vies quotidiennes, ont besoin de fer, de nickel, de manganèse, de chrome, de cuivre, d'aluminium, de plomb, de zinc, d'étain, de tantale, de coltan, de terres rares, de lithium etc... On nous dit que toutes ces ressources vont s'épuiser et qu'il faut recycler et faire de l'économie circulaire. C'est vrai pour ce dernier point et pour tous les métaux. Mais les ressources et la production primaire ne sont pas prêtes de s'épuiser, en l'absence de changements technologiques importants. Voici pourquoi. On n'a pas cessé d'utiliser des outils de pierre à cause du manque de silex.
Quand on parle d'épuisement des ressources, il s'agit des gisements connus et en exploitation. On en connaît les réserves plus ou moins bien quantifiées selon la morphologie et la qualité c'est à dire la teneur des gisements. En divisant ces quantités par la consommation annuelle connue par des statistiques d'organismes professionnels (*), cela donne une durée de vie de ces réserves. On devrait tenir compte de la croissance prévisible de la consommation annuelle, ce qui donnerait une durée de vie plus courte. C'est ainsi que se diffuse le concept d'épuisement des ressources des matières premières minérales.
(*) Comme par exemple pour le cuivre [lien].
Les compagnies minières savent que l'épuisement est inscrit dans leurs projets dès le départ. Toutes les compagnies minières sont à la recherche de remplacements aux gisements exploités, quelque part dans le monde où les connaissances géologiques indiquent que des gisements peuvent s'y trouver. Cela implique des recherches, de l'exploration, des études de faisabilité, l'obtention de concessions d'exploration et d'exploitation, des négociations avec les États pour le partage de la rente par la taxation. Ces recherches coûtent beaucoup de temps et d'argent. Typiquement il faut 10 à 15 ans de travaux de recherche avant la mise en exploitation. Tout cela est permis par les marges bénéficiaires des mines en exploitation; marges qui dépendent des coûts et des prix de vente sur les marchés avec toutes les incertitudes que cela comporte. Ces marges sont permises par un juste partage de la rente minière entre l'investisseur minier et l'État du pays hôte; un juste partage qui résulte d'une négociation et/ou du code minier du pays hôte.
L'industrie minière est une industrie à hauts risques: risques naturels liés à la géologie et aux incertitudes sur la quantification et la qualité des réserves exploitables; risques techniques liés aux rendements des procédés d'extraction et d'enrichissement des minerais; risques commerciaux liés à la volatilité des prix de vente; risques politiques liés au respect ou non des conventions de partage de la rente et de la taxation. Et ce sont des industries dont les projets se déroulent sur des temps longs de 20 à 30 ans et qui requièrent de très gros investissements fournis par l'épargne d'investisseurs privés et institutionnels. Pour en savoir plus sur la rente minière, voir cet extrait de mon blog mines 2015 [lien]
Une deuxième raison est l'incitation à la découverte de nouveaux gisements que provoque la volatilité et l'évolution des prix des matières premières quand la tendance est à la hausse. Quand les prix augmentent en raison de déséquilibres tendanciels de l'offre et de la demande, comme cela s'est produit dans les années 2005-2010 à cause de la forte croissance de la Chine et de sa demande, les pays miniers, ou les pays à potentiel minier, ainsi que les compagnies minières, sont incitées à multiplier les recherches pour découvrir de nouveaux gisements et les mettre en porte-feuille. Le potentiel minier existe dans les régions de la planète où les conditions géologiques sont favorables à la genèse de gisements; il en est ainsi par exemple en Afrique de l'Ouest, notamment le Cameroun et le Bénin. La formation géologique de la région est le birrimien [lien]. Quand on cherche, en général on trouve! C'est le cas du manganèse au Burkina Faso et au sud-est du Mali, du fer au nord du Bénin, de la bauxite au centre du Cameroun, et du fer au sud-ouest du Cameroun.
Les compagnies minières n'investissent que si elles sont persuadées que la tendance haussière est durable. En revanche quand les prix baissent, les compagnies doivent réduire la production et les coûts.
Projets fer au nord du Bénin Il s'agit des projets de Loumbou-Loumbou et de Madékali.
Les localités de Loumbou-Loumbou et Madjekali, département de l’Alibori, recèleraient 600 millions de tonnes de ressources à 50% de fer. Il s’agit des donnée d’un rapport intermédiaire des travaux de recherche effectués par Minergy Resources Ltd dans lesdites localités [lien]. Le rapport a été présenté, le 5 novembre 2014, au président béninois Yayi Boni avec qui la compagnie Minergy Resources Ltd, disposant des actifs sur des ressources stratégiques, aurait évoqué le problème du transport de la production. Sur cette question, il aurait été envisagé d’accélérer la réhabilitation de la voie ferrée pour faciliter l’évacuation du minerai et permettre un développement low-cost du projet. S'agissant d’une quantité commerciale d'un montant de près de 600 millions de dollars, le Bénin accéderait alors au rang des pays producteurs de minerai de fer [lien producteurs minerai de fer] aux côtés de la Mauritanie et du Libéria dans la région Ouest Africaine.
Projets bauxite au Cameroun.
Ces projets sont les plus prometteurs pour le développement régional et du Cameroun. Ces projets se situent dans le centre est du Cameroun; il s'agit de vastes plateaux susceptibles de contenir 1200Mt de bauxite à des teneurs élevées en alumine, de faibles teneurs en silice et à faible profondeur. Envisagées dans la perspective d'une filière bauxite-alumine-aluminium, et d'exportations vers la Chine et les autres pays émergents du Sud-Est asiatique, cette ressource est la plus intéressante à suivre pour le Cameroun [voir ce lien: Bauxite executive summary French].
Projets fer au Cameroun:
D'importants gisements de fer à haute teneur en fer et sans impuretés nuisibles ont été identifiés, et sont en cours d'exploration par la société australienne Sundance [lien]
Projets manganèse Tambao Burkina-Faso et Ansongo Mali
Le projet le plus avancé est celui d'un gisement de manganèse au Burkina Faso - Tambao - suivi de près par celui de Ansongo au Mali proche. Ces deux projets s'inscrivent dans les besoins en manganèse de la sidérurgie mondiale. Le manganèse sert à la production de ferro-manganèse et de silico manganèse dans la sidérurgie. Ces ferro-alliages sont fabriqués au haut-fourneau ou au four Ces ferro-alliages sont utilisés principalement comme désoxydants et désulfurisants dans la production d'acier; et en teneurs faibles additionnelles #1% dans l'acier ils lui confèrent certaines propriétés mécaniques de résistance. En teneurs plus élevées (+10%) les aciers au manganèse dits aciers Hadfield du nom de leur inventeur anglais au 19è siècle, ils confèrent à l'acier une résistance à l'usure. Il servent ainsi pour des pièces d'usure de broyeurs. Le minerai de Tambao et d'Ansongo présente des propriétés intéressantes: teneur plus élevée en Mn et composition minéralogique favorable pour la production de ferro et silico manganèse. Ce sont ces caractéristiques qui le rendent compétitif (*). Le tonnage ferroviaire est de 1 à 2Mtpa. Le projet est malheureusement suspendu actuellement (depuis février 2015) en raison des évènements au Burkina survenus cette année et d'un litige avec l'investisseur conséquence ou non de ces évènements [lien]. Cela dit c'est le projet le plus sûr et à court terme pour le Burkina-Faso, quelle que soit l'issue du différend. Voir ici la consommation mondiale de manganèse et son l'évolution [lien].
(*) car la réduction du minerai de manganese est très consommatrice d'énergie; en effet elle se fait directement par le carbone et non par le CO comme c'est le cas du fer. La mise au mille coke est par exemple de 1400-1500kg par tonne de fonte contre 350-400 dans hauts-fourneaux à fonte de fer. Consommation d'énergie également très élevée en four électrique par le carbone. La haute teneur du minerai en Mn (+52%) est donc un avantage compétitif.
Et voici la carte de tous les indices miniers en Côte d'Ivoire, lesquels sont susceptibles d'être mis en exploitation un jour si les prix le permettent [lien].
L'humanité n'a accès qu'à une toute partie des ressources minérales de la planète. Elle n'exploite que celles qui lui sont accessibles à des coûts supportables. L'équilibre de l'offre et de la demande fixe les coûts et le prix sur le temps long, cad. tenant compte des délais de réponse des industriels et des moyens financiers aux variations tendancielles de la demande. On ne transformera pas l'ensemble des ressources minérales en un gigantesque tas de déchets après usage. Mais il faut recycler les métaux, ce qui relève de la maîtrise des coûts de production. et du produire local plutôt que dans des pays lointains.
Mis en ligne le 01/08/2014