Pétrole et gaz de schiste: faillites en hausse: surproduction et baisse du prix du pétrole

Deux choses apparaissent clairement si on analyse la santé financière de la production d’hydrocarbures aux États-Unis:
1) le secteur n’est pas du tout homogène, révélant de grands éventails dans la santé financière des acteurs ;
2) une partie du secteur semble exposée au risque et la survie pour les producteurs à risques pourrait passer par un investissement public, des ventes d’actifs, des rachats ou des consolidations. Si tout cela échoue, il faudra envisager le Chapitre 11?. Voici l’évaluation de Citi sur la situation de la “révolution du pétrole de schiste” américaine, que les Saoudiens tentent depuis plus d’un an maintenant de détruire.

Comme Citi et d’autres l’ont noté – un an après que nous ayons traité longuement de ce problème – les producteurs non rentables aux US sont totalement dépendants du capital-investisseur pour leur survie. “Le secteur du schiste est maintenant sous stress-test financier, mettant au jour le secret de ce marché : beaucoup de producteurs dépendent d’injection de capitaux pour financer leurs activités car ils ont jusqu’à présent largement excédé leurs liquidités disponibles,” écrit Citi en septembre. Voyons ce que veut dire la banque :

Figure 1. Les liquidités disponibles des 50 premiers producteurs américains ont été constamment négatives et s’aggravent en 2015, augmentant la “fracture de financement”

Bien sûr, cela marchait bien dans un monde caractérisé par des coûts élevés du pétrole et par des politiques monétaires très accommodantes. Le coût du capital était bas, les investisseurs en mal de rendement étaient peu regardants, permettant aux pétroliers américains de continuer à forer et à pomper bien au-delà du seuil de faillite. Mais maintenant la proverbiale ardoise doit être réglée. Faisant suite à la hausse de la Fed, HY [l'indice High Yield, haut rendement, NdT] plonge et comme l’a noté UBS cet été, “l’industrie des matières premières représente 22,8% de l’index HY ; les secteurs les plus à risque de défaut (défini comme incapables de payer, en banqueroute et en restructuration) représentent 18,2% de l’index et incluent les industries des producteurs de gaz et pétrole (10,6%), métaux et forage (4,7%) et équipement et services pétroliers (2,9%).” Comme l’a dit à Bloomberg la semaine dernière Bruce Richards, CEO de Marathon Asset Management, “le prix du baril pourrait chuter en dessous de $30 à cause d’une offre surabondante, et jusqu’à un tiers des sociétés d’énergie pourraient faire défaut dans les 3 ans.”

“C’est la pire année hors récession que nous ayons eue en haut rendement,” a déclaré Richards. Marathon, installée à New York, a ajouté des positions à la vente sur les obligations du secteur de l’énergie, a-t-il dit.

Malgré les gains de cette semaine et à part une prévision probablement erronée de l’impact que la levée de l’interdiction d’exportation de pétrole brut américain aura sur le WTI, les fondamentaux ici sont maintenant un cauchemar. L’Irak produit à des niveaux record, l’Iran va augmenter sa production le mois suivant, une fois les sanctions levées, et l’OPEP se désagrège totalement. En outre, les producteurs se heurtent aux limites du nombre d’emplois qu’ils peuvent supprimer et de dépenses d’investissement qui peuvent être taillées (à terme, il leur faut conserver assez de capital humain et de moyens pour rester opérationnels). Conclusion : les faillites arrivent.

Comme la Réserve fédérale de Dallas le note dans ses dernières prévisions trimestrielles du secteur énergétique, les faillites dans le domaine sont maintenant à leurs niveaux les plus hauts depuis la crise et les perspectives d’avenir sont moroses. Ci-dessous, des extraits du rapport.

De la Réserve fédérale de Dallas

Les cours du pétrole brut West Texas Intermediate (WTI) ont, jusqu’ici, chuté d’environ 23 pour cent dans le courant du quatrième trimestre. Les espoirs se sont reportés sur la perspective d’un prix plus faible étant donné que les sanctions contre l’Iran vont vraisemblablement être levées début 2016, l’OPEC (Organization of the Petroleum Exporting Countries) a balayé toute prétention de plafond de production et le déclin des productions américaines a ralenti. Une offre excédentaire fait chuter le pétrole au cours le plus bas depuis 10 ans. Le déséquilibre entre l’offre et la demande globales a fait chuter le cours du pétrole à des niveaux que l’on n’avait pas vus depuis 10 ans. La production mondiale de pétrole dépassera la consommation de 1,7 million de barils par jour en moyenne en 2015, selon les estimations faites en décembre par l’EIA (Energy Information Administration). Cet excédent est plus grand que pendant la crise financière asiatique et la Grande dépression. La production de l’OPEC a inondé les marchés avec presque un million de barils par jour durant cette année, plus que l’EIA avait prédit en novembre 2014. En 2016, on s’attend à ce que la production globale dépasse la demande de 0,6 million de barils par jour en moyenne (Graphique 1).

Graphique 1 : La surproduction globale devrait persister en 2016
Graphique 2 : Retour prévu de la production iranienne sur le marché après la fin des sanctions

Au cours de la réunion de l’OPEC en décembre, la levée imminente des sanctions contre l’Iran avait contribué à accroître la dissonance vocale au sein du cartel. La réunion s’était achevée dans le désordre et les ministres du pétrole abandonnèrent toute prétention à un plafond de production pour la première fois depuis des décennies. Une division profonde se fit jour entre l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe d’un côté et de l’autre l’Iran et les membres restants de l’OPEC. Ces dissensions ont trois causes sous-jacentes. Premièrement, il existe un fort désaccord sur la façon dont devrait être accueillie la production iranienne une fois les sanctions levées étant donné que l’Arabie saoudite, l’Irak et d’autres États cherchent à conserver leur part de marché. Deuxièmement, les tensions en hausse dans le conflit syrien ont creusé les rivalités régionales. Troisièmement, les bas prix du pétrole affectent différemment les pays membres à cause de leur situations fiscales diverses. Ces causes sous-jacentes rendront peu probable tout accord sur le rétablissement de plafonds de production ou sur d’autres actions coordonnées par l’OPEC en 2016.

Les faillites dans le secteur du pétrole et du gaz ont atteint des niveaux trimestriels jamais vus depuis la Grande dépression. Les prix en baisse du pétrole ont coûté cher aux producteurs de pétrole et de gaz américains, en partie parce que beaucoup d’entre eux doivent faire face à des coûts de production plus élevés que leurs homologues internationaux. Au moins neuf compagnies américaines de pétrole et de gaz, accumulant plus de deux milliards de dollars de dettes, ont effectué une demande de dépôt de bilan. Si les faillites continuent à cette cadence, d’autres vont suivre en 2016. En amont, des firmes se sont aussi adaptées aux bas prix du pétrole en coupant dans les dépenses du capital ; les dépenses ont baissé de 51 pour cent entre le quatrième trimestre 2014 et le troisième trimestre 2015 (Graphique 5).

Graphique 4 : La production américaine de pétrole se stabilise, mais les licenciements continuent dans le secteur énergétique
Graphique 5 : Les faillites en hausse, les dépenses à la baisse

Comme l’a déclaré Goldman plus tôt ce mois-ci : “… nous réitérons nos craintes que ‘le stress financier’ ne s’avère trop faible et arrive trop tard pour empêcher le marché de se sortir ‘du stress opérationnel’ avec des prix avoisinant le coût au comptant, en toutes probabilités près des 20$ par baril de pétrole.”

Source : Zero Hedge, le 25/12/2015
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

  1. Baisse des prix du pétrole


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Mis en ligne le 01/08/2014 pratclif.com