Filière bois; Centrale Inova à Nicopolis Brignoles inaugurée | Suite:
la fourniture du bois par exploitation durable de la forêt

Les soutiens des exploitants forestiers du Var au projet Inova.

Position de Tiziano Panini directeur de la Coopérative "Provence Forêt"

Inova: Votre coopérative va fournir du bois à Inova. Pourquoi avoir choisi ce type de projet ? Y aura-t-il des différences avec les autres utilisations du bois dans le Var ?

Le principal atout, à nos yeux, du projet Inova, est la visibilité à long terme. Ils s’engagent sur 20 ans. Ce qui n’est pas le cas, par exemple, de l’usine de pâte à papier de Tarascon. Cela permet d’investir et de se lancer dans une gestion fine de la forêt, en travaillant sur la régénération naturelle de la ressource. Un travail adapté aux conditions climatiques spécifiques de la région.

De plus, c’est particulièrement adapté à la configuration actuelle de la forêt. C’est un projet qui va utiliser essentiellement les résineux. C’est donc compatible avec la qualité de la ressource régionale. À titre de comparaison, aujourd’hui, les débouchés existants le sont plutôt pour les feuillus (du chêne qui sert pour le bois de chauffage, par exemple).

Inova: Quel impact économique cela va-t-il avoir pour la filière bois ?

Cela va permettre aux propriétaires forestiers de la région de valoriser de manière durable leur forêt. Les zones boisées s’étendent actuellement. Ce type de projet permet d’utiliser cet atout. Et d’offrir des débouchés sur le long terme aux propriétaires forestiers qui auront ainsi les moyens d’entretenir la forêt dans le respect de l’environnement.

Aujourd’hui, la coopérative Provence Forêt compte 2 300 propriétaires, 107000 hectares de forêts en gestion et, malgré les faibles débouchés, elle mobilise 80000 m3 de bois. Cela fait deux ans que nous travaillons sur la proposition d’Inova. La coopérative Provence Forêt a signé un contrat pour 80 000 tonnes et pour se préparer à répondre à cet engagement Nous avons déjà formé 19 techniciens forestiers pour pouvoir donner des réponses techniques de gestion de la forêt respectant les normes ISO 14001 et PEFC. Nous recrutons également des coopérateurs pour augmenter notre offre face à ce débouché durable. Nous espérons voir l’aboutissement du projet pour sortir de la culture de « la forêt qui ne rapporte rien ». C’est un patrimoine qui doit être valorisé pour être générateur de revenus et d’emploi. Et la centrale de biomasse est une formidable opportunité de faire mentir les idées reçues.


Position de Frédéric-Georges Roux, président du syndicat des propriétaires forestiers et sylviculteurs du Var

Inova: Quelle est la position des forestiers-sylviculteurs privés du Var par rapport à ce projet de centrale biomasse ?

Les forestiers privés sont particulièrement favorables au projet d’Inova. C’est une opportunité exceptionnelle pour le renouveau de la forêt varoise. Pour l’instant, on cède notre bois à un prix dérisoire avec un monopole de la production papetière pour nos résineux. La concurrence va permettre de retrouver un juste prix pour les forestiers qui permettra de redonner vie à la forêt et à une filière économique complète. C’est une énormité de clamer que l’exploitation du bois pour une centrale de biomasse va « déforester » le Var !

La forêt varoise c’est aujourd’hui 360 000 hectares peu ou pas exploités alors même que sa superficie était de 100 000 hectares à la fin du XIXe siècle et qu’elle était largement exploitée (du bois de charpente à la châtaigneraie et au charbon, en passant par le liège et le bois de chauffe). La demande d’Inova ne représentera que 15 à 20 % de la production de biomasse nouvelle annuelle de nos forêts, sans parler de l’énorme stock sur pied qui s’est constitué depuis la guerre et qui dépérit faute de rentabilité. Autant dire que cela ne va pas bouleverser le paysage. De plus, il y a des pratiques strictes et encadrées dans la sylviculture sans oublier un élément essentiel : les propriétaires forestiers aiment leur forêt et n’ont aucune intention de saccager leurs collines.

Inova: On dit souvent que la forêt varoise est « inexploitable » car trop morcelée… Comment allez-vous faire pour les coupes ?

Certes, il y a de petites parcelles et de petits propriétaires. Mais il y en a aussi qui possèdent des domaines forestiers de 25 à 2 000 hectares. Pour les plus petits, on pourra organiser des regroupements pour optimiser les coupes. On entend aussi trop souvent que l’on va faire des coupes blanches. C’est faux. Il y a plusieurs options de coupe : les éclaircies (on coupe un arbre sur deux ou sur trois) et les coupes rases (qui sont une excellente pratique sylvicole d’autant plus qu’elles sont limitées en terme de surface et que nous veillons à la régénération rapide de la forêt après coupe). Ce n’est pas du tout du défrichement. On laisse les souches pour régénérer et les rémanents pour nourrir le sol.

Enfin, je pense qu’il faut faire les bons choix au niveau de la forêt. Que préfère-t-on ? Que l’on coupe le bois de manière raisonnée et que la forêt soit entretenue pour qu’il produise de l’énergie propre à Brignoles ? Ou qu’il brûle tout seul sur pied lors des incendies qui coûtent à la collectivité, tant en prévention qu’en intervention ? Une forêt rentable, c’est une bonne opportunité. Et comptez sur nous pour ne pas faire n’importe quoi.


Position de Gérard Gapin, responsable du service forêt de l’agence Var et Alpes-Maritimes de l’ONF

Inova: On évoque des coupes blanches nocives pour les milieux forestiers. Pouvez-vous nous dire comment les coupes nécessaires à la centrale de biomasse vont être effectuées et quel impact elles auront sur la forêt varoise?

Tout d’abord, il est bon de rappeler que l’Office National des Forêts gère les forêts publiques (domaniales et forêts des collectivités). C’est un organisme d’État, ses interventions sont certifiées et durables Les coupes sont toujours réalisées dans le cadre d’un plan de gestion conçu pour la régénérer. Nous prenons donc en compte des aspects paysagers, environnemental et de protection (protection des espèces, gestion des sols et de l’eau…).

Une coupe à blanc n’est pas forcément négative pour la forêt. Cela dépend de la surface et des peuplements. Contrairement aux sapinières, par exemple, qui peuvent se régénérer avec peu de lumière, les futaies résineuses méditerranéennes ont, elles, besoin de lumière pour se renouveler. Conserver un couvert touffu à long terme fait vieillir la forêt. Or, un arbre, ça meurt… Les coupes offrent de bonnes conditions de régénération naturelle. L’ONF s’est engagé sur 5 ans pour fournir 100 000 tonnes de bois à Inova, issues des forêts domaniales réparties sur 5 départements. 100 000 tonnes, cela semble beaucoup, mais il faut savoir que cela représente moins du quart de ce que la forêt « produit » et qui n’est ni récolté, ni détruit par les incendies.

Inova: Quel est l’intérêt de ce type de projet pour la lutte contre les incendies ?

Ce projet concerne surtout les peuplements de résineux. Il ouvre des débouchés plus larges. Et c’est important car, sans recettes, il n’y a pas de mise en œuvre d’une filière sylvicole. Une production de bois qui ne pose pas de problème sur les espaces naturels, c’est une forêt valorisée économiquement, une biomasse maîtrisée et un impact réel sur les risques d’incendies. Une partie des recettes générées par la forêt est réinvestie dans les moyens de prévention et de lutte contre les incendies. Il ne faut pas oublier que les générations futures ont besoin de jeunes arbres.


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Mis à jour le 14/03/2016 pratclif.com