Fiscalité, Europe, 80 km/h... Nous avons lu des cahiers de doléances

Contenu par liste de doléances
  1. Défiance
  2. Démocratie
  3. Centralisme
  4. Fiscalité
  5. Automobile
  6. Retraites
  7. Écologie
  8. Immigration
  9. Europe

Si les cahiers de doléances, initiés par l'Association des maires ruraux de France, recèlent de mesures fantaisistes, certaines valent le détour. Extraits. par Clément Pétreault Le Point

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Qui a dit que les Français ne s'intéressaient plus à la politique? Les cahiers de doléances débordent d'expression politique! Nous avons pu nous plonger dans ces cahiers initiés par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et lire des centaines de pages, celles-là mêmes qui ont été transmises au ministère de l'Intérieur pour synthèse, en vue du grand débat national. Que disent ces contributions? Que les Français sont râleurs, agacés, vindicatifs, mais toujours aussi passionnés par le monde qui les entoure. Fiscalité, écologie, démocratie, jacobinisme, identité, mobilité, justice sociale... tout y passe. Si l'exercice tourne parfois au concours Lépine de la mesure la plus fantaisiste ou la plus radicale, on croise aussi des remarques ou des doléances qui devraient interpeller les élus. Voici, donc, quelques extraits de ces cahiers de doléances.

Défiance

Malgré sa promesse de faire de la politique autrement, le pouvoir macronien n'a pas réussi à faire baisser l'incroyable niveau de défiance à l'égard des élus de la République. Ainsi, Valérie D. énumère la liste de ses obsessions portant essentiellement sur le coût de fonctionnement de ces institutions. Elle propose: "Suppression de prise en charge des ex-présidents et ex-ministres, diminution des salaires des élus politiques, suppression de leurs privilèges et avantages, réduction du nombre de députés avec maximum 5000€ avec obligation de présence à chaque séance et avoir casier judiciaire vierge, fin de la bureaucratie." Elle pose aussi ces questions: "Est-ce normal que Brigitte Macron coûte 440000€ par an? Personne n'a voté pour elle. Est-ce normal que les travaux du palais présidentiel coûtent plusieurs millions et la vaisselle 500000€?" Le "citoyen Benoît D." suggère quant à lui de "baisser les salaires des ministres et du président de2000€, vendre les avions présidentiels, vendre la moitié de la flotte de véhicules de l'Etat, développer le covoiturage des ministres [...] Limiter le déjeuner des ministres à 40€ ou payer le surplus de leur poche". La crédibilité de la parole politique apparaît au cœur des préoccupations. Ainsi, un contributeur aimerait que "tout mensonge, toute dissimulation par omission ou [ruse] sémantique, toute interprétation frauduleuse par le biais d'un éclairage orienté, motive des sanctions sérieuses à l'encontre des politiques qui en font usage".

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Doléance:" Suppression de prise en charge des ex-présidents et ex-ministres, diminution des salaires des élus politiques, suppression de leurs privilèges et avantages "

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Démocratie

De nombreuses doléances abordent des questions "d'ingénierie démocratique". Au-delà du désormais classique référendum d'initiative citoyenne (révocatoire)et de la reconnaissance du vote blanc, on trouve des propositions plus nuancées comme celle de Yannick Y. qui aimerait modifier la Constitutionpour aboutir à l'"hybridation d'une démocratie représentative et participative". Il propose: "Assemblée constituante pour ébaucher une nouvelle Constitution approuvée par référendum; obligation de tenir des référendums nationaux ou locaux sur des sujets sensibles énumérés et dès lors qu'une pétition atteint un quorum suffisant de signatures pour déclencher un référendum national ou local; révocation possible d'un élu à mi-mandat; octroi du droit de sanction à la Cour des comptes." La question de la possibilité de révocation des élus — et tout particulièrement du président de la République — est un thème récurrent des cahiers de doléances.

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Fiscalité

Doléance récurrente et quasi unanime:le rétablissement de l'ISFet la lutte contre l'optimisation fiscale, vécue comme profondément injuste. "Baisse des impôts et taxes pour les petites entreprises compensées par le rétablissement de l'ISF, les rentrées gagnées sur l'évasion fiscale, la taxation des grands groupes échappant à l'impôt", propose un "collectif de Gilets jaunes". De manière quasi générale, le système fiscal français est jugé injuste et illisible. La contribution de Dominique J. résume bien le sentiment général: "Les impôts sont nécessaires à un Etat démocratique qui veut se doter de services publics efficaces, mais, depuis quelques années, les prélèvements augmentent, mais les services publics disparaissent. Il faut redonner aux citoyens le choix de la destination de l'argent prélevé." Enfin, Yvette D. s'agace de dépenses qu'elle estime injustifiées: "Je sais, la France est ruinée, paraît-il, mais quand on peut se permettre d'organiser des obsèques nationales à un chanteur, qui, en plus, avait une dette fiscale envers l'Etat, j'estime qu'il y a de l'argent quand on veut et pour ce que l'on veut."

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Centralisme

Le fonctionnement vertical et ultra centralisé de l'Etat fait partie des thèmes omniprésents dans les cahiers de doléances collectés par les maires ruraux, dont certains dénoncent "des lois votées à Paris et absolument inopérantes sur l'ensemble du territoire, tant il est diversifié géographiquement, culturellement, économiquement et démographiquement". Jacobinisme, parisianisme, centralisme, verticalité... les synonymes ne manquent pas pour décrire l'organisation de la machine étatique qui n'a jamais semblé aussi éloignée des préoccupations du terrain. Paris n'est jamais contesté dans son rôle de capitale, c'est plutôt l'empilement des pouvoirs qui lui est reproché. Ainsi, Michel et Anne-Sophie D., retraités habitants d'une commune de400habitants dans le sud de la France offrent "d'organiser la décentralisation des ministères non régaliens, des administrations centrales, des grandes écoles et des agences hors de la capitale et des métropoles régionales". Un anonyme propose de désengorger "l'immense et gloutonne agglomération parisienne, de plus en plus invivable et consommatrice d'investissements publics" afin de revitaliser les villes moyennes. Il propose ainsi de redonner la main aux collectivités sur des domaines qu'elles ne gèrent pas ou seulement partiellement aujourd'hui: "foncier, fiscalité, recherche, éducation, formation, emploi et santé". Cela permettrait de "sortir des contradictions exprimées par les Gilets jaunes qui veulent moins d'impôts, mais qui hurlent dès que l'on parle de fermer une perception ou une maternité".

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Automobile

Le sujet de la voiture, et plus largement de la mobilité, est presque aussi urticant que la fiscalité. Les radars automatiques, perçus comme des machines à générer des taxes, cristallisent les agacements."Le passage de la vitesse de 90km/h à 80km/hsans distinction de route (large, sinueuse ou montagneuse) est une ineptie [...] L'ensemble est accompagné d'un dispositif de radars très dense et pour lequel l'imagination est sans bornes. Encore une décision qui, sous un couvert sécuritaire, n'est là que pour se servir dans nos poches". "Trop de contrôles techniques sur les voitures, financièrement insupportables", abonde un autre contributeur. La question autoroutière est aussi présente, sous diverses formes. Il y a bien entendu la question des tarifs jugés excessifs, mais plus largement, la gestion de ces infrastructures gérées par des entreprises privées agace: "Elles ont été financées par le peuple, ont causé des drames et des tragédies lors de l'expropriation de fermiers et traversent un territoire national. Elles doivent être gérées par l'Etat."

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L'une des récriminations qui revient le plus est le passage aux 80 km/h sur de nombreuses routes.

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Retraites

La revalorisation des pensions est un thème extrêmement présent et la plupart des doléances à ce sujet pointent du doigt les régimes de retraite d'exception, dont bénéficient les parlementaires. Jean-Noël B. demande "l'indexation du montant des pensions de retraite sur l'augmentation du coût de la vie durant toute la vie du retraité, afin qu'il puisse bénéficier d'une vision à long terme de son pouvoir d'achat et envisager des projets". De manière plus large, on relève une forte demande de prise en charge et protection des personnes les plus vulnérables, comme Pierre-Jean R.: "Que tous nous puissions vivre dignement, ceux qui travaillent, ceux qui sont à la retraite, mais aussi tous ceux qui ne sont ni salariés ni retraités, surtout les non-actifs, chômeurs en fin de droit ou handicapés ou étranger ou pauvre, femme seule avec enfant, que nous soyons tous protégés pour une vie correcte dans la sécurité. L'Etat doit être là pour s'occuper de tous, sans oublier personne." Un collectif de Gilets jaunes réclame la fin de "l'imposition excessive des retraités, qui asphyxiés partent vivre à l'étranger [...]. Nous demandons qu'il y ait moins d'imposition sur les locations ou l'achat de biens immobiliers pour les retraités. Que les tarifs des maisons de retraite soient reconsidérés, les personnes &âgées et leur famille s'endettent et sont en difficulté financière pour payer mensuellement une chambre en maison de retraite".

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Ecologie

Souvent présentées comme cadet des soucis du mouvement des Gilets jaunes, les préoccupations écologiques sont bien représentées dans les cahiers de doléances récoltées par les maires ruraux. Jean-Marie B. suggère l'"arrêt des centrales les plus anciennes", Stéphanie C. propose de "créer un super-ministère d'Etat englobant la transition écologique, la solidarité, la santé, l'agriculture, l'alimentation et l'énergie. Un super-ministère avec des pouvoirs étendus, utilisant la démocratie participative et indépendant des lobbies". Des contributeurs proposent un "redéploiement des aides agricoles en direction des petites exploitations créatrices d'emplois et la fin de l'utilisation des pesticides de synthèse". Certaines propositions sont plus inattendues. Ainsi Benoît F. offre pour réussir la transition écologique de "limiter la population à60millions", ou Evelyne C. propose de "diminuer les taxes sur les cigarettes et le tabac sans additif et sans pesticide qui engendrent moins de dépendance physique".

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Immigration

Les contributions qui s'aventurent de manière explicite sur ce thème sont assez rares. Celles qui le font reprennent généralement les positions connues des partis politiques et plaident en faveur d'un contrôle des flux migratoires ou évoquent le pacte de Marrakech comme une trahison. D'autres tentent une ouverture en rappelant leur attachement au principe de laïcité: "Acceptation de l'étranger qui, tout en respectant ses croyances, respecte nos lois et notre mode social. Les règles de notre société basées sur la laïcité ne doivent pas tolérer des dérogations dans la vie publique et professionnelle aux desiderata de toute mouvance religieuse", écrit un contributeur.

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Europe

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L'Union européenne est de plus en plus contestée.

Reste-t-il encore quelqu'un pour la défendre? L'Europe ne fait clairement plus rêver et le désenchantement semble général: "J'aimerais que l'Europe nous fasse rêver au lieu de nous imposer des normes inutiles qui ne font que faire gagner de l'argent aux importateurs de produits chinois. Le calibre des carottes est moins intéressant qu'un programme sur la paix dans le monde et une politique commune pour la sauvegarde de l'environnement", explique un(e) anonyme. Et il y a ceux qui voient dans l'avènement des institutions européennes une menace importante sur la souveraineté nationale. Ainsi un(e) anonyme particulièrement prolixe dénonce "une politique visant à éroder constamment notre indépendance nationale et à dissoudre la France dans une Europe fédérale sous domination allemande, par exemple avec le projet de partage avec l'Allemagne du siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l'ONU [c'est en fait une idée du vice-chancelier allemand, écartée par la France, NDLR], voire de notre force de frappe nucléaire, ou avec l'annonce inopinée de la création d'une assemblée parlementaire franco-allemande, dont le principe n'a jamais été soumis au peuple français".

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Publié le 11/01/19 à 17h30|Source lepoint.fr


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Mis à jour le 12/01/2019 pratclif.com users online