liens/links
  1. Camp du drap d'or (wikipedia)
  2. Camp du drap d'or (Centre départemental de documentation pédagogique de l'eure)
  3. Camp du drap d'or (Hérodote)
  4. Camp du drap d'or (Vandermeulen)
  5. Cardinal Wolsley

Calais 1520: L'entrevue du camp du drap d'or


crédits: le texte ci-dessous est extrait des documents en ligne des liens de gauche

L'élection de Charles Quint comme empereur du Saint Empire romain germanique, le 28 juin 1519, signifie, face à la puissance française, l'« alliance », autour du noyau bourguignon puis espagnol, des pays limitrophes - Bourgogne, Lorraine, Luxembourg, Pays Bas. Pour rétablir l'équilibre compromis en plus par l'afflux des richesses américaines, François Ier est contraint de rechercher des alliés. L'entrevue du camp du Drap d'or, en Flandre, manifestation spectaculaire d'une diplomatie ostentatoire, relève des fastes et des prestiges, sinon des mythes de la Renaissance : prouesses chevaleresques et fêtes baroques accompagnent les négociations politiques qui aboutissent, le 7 juin 1520, entre l'Anglais Cardinal Wolsey et les représentants français Bonneval et Duprat, à un traité prévoyant le mariage du Dauphin de France avec Marie Tudor fille d'Henri VIII, moyennant l'abandon par la France du soutien à l'Écosse. Traité mort-né ! On a parfois accusé la prodigalité de François Ier d'être à l'origine du retournement anglais. En fait, la rencontre s'insère entre deux séries de négociations anglo-bourguignonnes. Avant de voir le roi de France, Henri VIII a déjà vu Charles Quint, de retour d'Espagne, à Calais. Dès le 14 juillet, les négociateurs anglais, dont le cardinal Wolsey, signent à Calais un accord secret, annulant les clauses du camp du Drap d'or.


Du 7 au 24 juin 1520, François 1er, roi de France, et Henry VIII, roi d’Angleterre, se rencontrent dans la campagne près de Calais. L’enjeu est géostratégique : François 1er a besoin de l’alliance anglaise pour contrecarrer la puissance de Charles Quint. Le résultat ne sera à la hauteur ni de ses espérances, ni des énormes sommes engagées... Pour l’histoire, cet événement porte un nom : L’entrevue du camp du drap d’or. Pour la mémoire, il s’identifie à un tableau. Ou plutôt deux tableaux. Le palais d’Hampton Court, près de Londres, abrite l’original. D’un auteur anonyme du XVIème siècle, c’est une oeuvre de propagande, tout à la gloire du souverain anglais. Une réplique à l’identique, commandée en 1845 par le roi Louis- Philippe au peintre Friedrich Bouterwerk, dans le cadre de la première “entente cordiale”, est conservée au château de Versailles.


Après la fin de la guerre de Cent Ans, on plonge directement dans une autre époque, celle de la Renaissance. Un épisode particulier, dans la région, traduit à lui seul les caractères d'un nouveau siècle.

L'entrevue du Camp du Drap d'Or marque autant la fin du Moyen-age que l'entrée de l'ère moderne. Cet événement devait en théorie sceller l'alliance militaire entre l'Angleterre et la France. Ce fut un échec. Pourquoi?

Durant trois semaines, les deux monarques, François 1er et Henri VIII, rivaliseront de richesses et d'apparats. Après les rencontres préliminaires, où les envoyés spéciaux des deux royaumes conviennent des protocoles des cérémonies (mais aussi d'un possible mariage entre la fille de Henri VIII, Marie Tudor, alors âgée de quatre ans et le dauphin de France qui lui, est âgé de trois ans !), les deux rois se rencontrent pour la première fois le 7 juin 1520, date à partir de laquelle se succèdent fêtes, tournois et dîners réunissant les pairs des deux royaumes. Parés de leurs plus beaux atours, François Ier et Henry VIII se témoignèrent une chaleureuse amitié. Les banquets succédèrent aux joutes, on donna une messe à laquelle les deux souverains assistèrent côte à côte au son des chants religieux scrupuleusement répartis à égalité entre chants français et chants anglais. C'est une véritable Cité qui est organisée pour l'occasion entre les deux villes frontalières d'Ardres la française, et de Guînes l'anglaise, (résultat de la guerre de 100 ans, Calais et sa région immédiate restèrent anglaises jusqu'en 1588) où les tentes, par centaines recouvertes d'étoffes brodées au fil d'or, laissent apparaître au spectateur un vaste "champ de drap d'or", que l'histoire retiendra sous le nom de Camp du Drap d'Or. Le Roi de France avait installé sa tente royale de drap d'or près des marais d'Andres. A Guînes, fief anglais, Henry VIII avait fait bâtir le palais de Cristal, un édifice original de bois et de verre aux couleurs des Tudor , le "palais de cristal", long de cent mètres et haut de quarante. Quant au pavillon du roi François 1er, il est "aussi haut que la plus haute tour connue".

La tapisserie intérieure est en velours bleu, parsemée de lys d'or et l'extérieur est décoré d'un drap d'or frisé. Les fêtes sont grandioses : joutes et épreuves de tir à l'arc sont organisées pour distraire et rapprocher les cours des deux monarques. Ah ... l'entente franco-anglaise ne passera que par le plaisir ! François Ier se laisse aller à accepter une lutte avec son égal. C'est énorme. L'un et l'autre sont des gentilshommes de la Renaissance, intelligents, cultivés, charmeurs et sportifs . D'un croc en jambe adroit qui jette le roi d'Angleterre sur le sol devant une foule médusée, François 1er tient son orgueil au beau fixe mais ruine du même coup les efforts accomplis durant ces trois semaines pour obtenir un rapprochement avec l'Angleterre. La diplomatie a ses secrets que les rois ont parfois eu du mal à accepter. Henri VIII, forcément vexé, s'en est allé le 18 juillet dans son royaume, sans avoir concédé à la France cette alliance tant espérée. Bien au contraire. Avant son départ, il rencontre l'empereur d'Autriche Charles-Quint qui parviendra à s'assurer l'appui de l'Angleterre dans les conflits continentaux à venir. Les hostilités entre les trois protagonistes s'engagent en 1522. Voilà à quoi tient la paix et la guerre au XVIème siècle. Une armée anglaise s'ébranle de Calais. La première ville française qu'elle assiège et incendie est... Ardres. Le royaume de France sera désormais entouré d'ennemis. François Ier enrage.

Les témoignages de l’événement

L’épisode est surtout connu par les témoignages écrits (voir annexes). Les représentations iconographiques sont assez rares pour le XVIème siècle. On connaît en particulier les bas-reliefs de l’hôtel de Bourgtheroulde, à Rouen, réalisés dans les années qui ont suivi. Il s’agit d’une initiative privée, le propriétaire de l’hôtel avait sans doute fait partie des courtisans admis à suivre François 1er. Au centre de la composition, les deux rois à cheval devant la tente de toile dorée. Cette représentation est sans doute à l’origine d’une tradition iconographique en France, relayée par les illustrateurs du XIXème siècle, comme Auguste Debay. Représentation convenue, symétrique, lisse, sans polémique ni véritable signification.

En Angleterre, en revanche, la rencontre a fait l’objet d’une commande de tableaux de la part du roi Henry VIII. Deux oeuvres au moins demeurent dans les collections anglaises (palais d’Hampton Court), toutes deux copiées trois siècles plus tard par Friedrich Bouterwerk. La plus connue est ” l’entrevue du camp du drap d’or “, autrefois attribuée à Holbein. On ignore en fait le nom de son auteur (il pourrait s’agir d’ailleurs d’un travail collectif). L’autre décrit l’embarquement de Henry VIII et de sa suite à Douvres sur de puissants vaisseaux pour se rendre au camp du drap d’or, son auteur serait Vincent Volpe. La copie de Bouterwerk se trouve au musée de la marine à Paris. Les deux oeuvres se complètent chronologiquement et dans l’esprit : elles mettent en évidence la puissance de l’Angleterre et de son souverain. Si aucune oeuvre de ce genre n’a vu le jour en France, c’est probablement que l’épisode n’a pas tourné à l’avantage de François 1er...

Les auteurs

Le peintre de Henry VIII est resté anonyme. Celui de Louis-Philippe, Friedrich Bouterwerk, n’est guère plus connu ! Bouterwerk était Allemand, né en Silésie en 1806 et mort à Paris en 1867. Il fut l’élève à Paris de Paul Delaroche. Ce peintre d’histoire s’est semble-t-il spécialisé dans les copies de maîtres anciens, en particulier pour les collections royales. On trouve certaines de ses oeuvres dans quelques églises de Paris, au musée de Limoges et surtout au musée de Versailles.

Le tableau du XVIème siècle

Le tableau a été peint peu de temps après l’événement et relate un grand nombre de détails qui figurent également dans les textes des chroniqueurs. Techniquement, l’oeuvre n’est pas remarquable. L’artiste maîtrise mal la perspective (cf. la ville, les tentes, les lices...) et certains aspects rappellent la peinture médiévale les rois sont plus grands que les autres personnages, le paysage reste largement tributaire de l’imaginaire (une île fortifiée, les montagnes à l’horizon de la plaine des Flandres...). On comprend mal pourquoi le cortège du roi anglais rentre dans la ville juste après en être sorti...

Mais la composition comporte un grand nombre d’éléments narratifs, ce qui autorise plusieurs niveaux de lecture. Le peintre a disposé sur sa toile les lieux emblématiques de la rencontre : les villes de Guînes et d’Ardres, le camp des tentes, le “palais de cristal” et les deux fontaines, les lices. Il met en scène en plusieurs tableaux le déroulement de la quinzaine, et comble les espaces libres par des illustrations de la société de son temps : images du monde rural et urbain à l’arrière plan, typologie des classes sociales et des comportements festifs au premier plan à droite. Au total, une multitude de personnages, de situations et de détails pittoresques.

La rencontre

L’entrevue du camp du drap d’or n’est pas la première rencontre de ce genre, mais elle a frappé les imaginations par le faste qui l’a entourée. Le détail en est bien connu et figure dans un grand nombre d’ouvrages. D’une manière générale, cette rencontre est révélatrice d’une situation géostratégique : la lutte pour la suprématie en Europe entre le Valois et le Habsbourg (Charles Quint a été élu empereur aux dépens de François 1er l’année précédente) et l’émergence d’une troisième puissance qui fait figure d’arbitre entre la France et l’Espagne : l’Angleterre. A travers les personnes de leurs rois, la rencontre symbolise aussi la confrontation de deux nations, qui n’ont réellement pris conscience d’elles mêmes que depuis quelques décennies (guerre de 100 ans). Enfin ce tableau est une intéressante représentation des débuts de la monarchie absolue de droit divin qui connaîtra son apogée au siècle suivant.

L’architecture Renaissance

Le palais de Henry près des deux fontaines est un bon exemple de l’architecture de la première moitié du XVIème siècle. Aux élèves de niveau quatrième, il est possible de faire repérer les éléments qui évoquent les châteaux médiévaux (tours, merlons, créneaux) et les éléments renaissance (décoration coquille saint Jacques, sculptures, larges ouvertures...). On notera les sculptures qui surmontent les fontaines un Bacchus et un Cupidon.

La ville au XVIème siècle

Le tableau offre, avec la représentation de la cité de Guînes, une intéressante vision de la ville au XVIème siècle. Lieu protégé, entouré de remparts. On remarque l’évolution des fortifications à cette époque : à droite une porte gardée par deux tours médiévales, au centre une tour plus basse, plus large, aux murs obliques percés d’ouvertures pour les canons qui effectuent des tirs croisés.

Le lundi matin du 7 juin 1520, jour de la Fête-Dieu, il y a tout juste 487 ans, François Ier, persuadé qu’il lui suffirait d’accueillir Henri VIII dans une dépense infinie de fastes pour que lui fût acquise l’amitié du monarque - ces Anglais sont si superficiels ! - passait une dernière fois son Camp du Drap d’Or à l’inspection, afin que nul funeste détail ne vînt gâcher la grandissime entrevue imaginée dans ce splendide chantier construit de toute pièce pour l’occasion. À peine terminé, le village était si somptueux que déjà on usa du mot de huitième merveille du monde, « C’est dire si la chose avait du chien ! », s’enhardissait François, conquis. L’enjeu, disons-le, était de taille : il fallait convaincre le Roy des Anglois de composer sans celui dont il était urgent de conjurer les intrigues, ce grotesque Charles Quint qui s’était lui-même placé une couronne impériale sur le chef. Pour affirmer l’amitié franco-anglaise, on n’avait certes pas lésiné. Fut amené par mer un logis de bois en pièces détachées [1] composé de quatre corps de maison charpentés en Angleterre, couvert de toile peinte en forme de pierre de taille, tendue de tapisseries dont les dessins, pris sur le modèle des plus riches maisons, étaient les plus splendides qui se pouvaient trouver à l’époque et qui, toutes, assurément, faisaient le goût d’Henri. On s’appropria également le panorama avec d’innombrables tentes aux draps d’or et d’argent, frisées du dedans comme du dehors et enjolivées de pommes d’or. On vit aussi une multitude de tentes faites de chambres et de galeries si vastes et somptueuses que de mémoire de marchand de Calais jamais on n’en vu de telles dans les plaines flamandes. François Ier, qui comptait obtenir du premier ministre d’Henri VIII, le cardinal Wolsey, la bénédiction du mariage du Dauphin de France d’avec cette petite garce de Marie d’Angleterre, dut cependant bien vite se rendre à l’évidence que tout ce luxe lui apporterait peu : Wolsey fut si facile à soudoyer que Charles Quint n’eût, pour se prévenir des engagements du Camp du Drap d’Or et se mettre l’Angleterre en poche, qu’à promettre une tiare au vaniteux ; ces Anglais, on ne le répètera jamais assez, sont avant tout des perfides!

Mis à jour le 04/01/2012