JERADA : LES HÉRITIERS DE LA SILICOSE (1ÈRE PARTIE)

Ce texte est de Tahar Scherifi (Scherifi MyTahar), un gars d'Oujda qui veut garder la mémoire des mineurs de Jerada, une mine d'Anthracite du Nord Est du Maroc où j'ai fait une mission d'expertise technique pour Bossard Consultants en 1993.

La dénomination « CHARBONNAGES NORD-AFRICAINS » désignait l’ensemble des exploitations minières (possession coloniale) de l’époque au niveau des pays du Maghreb, en particulier « DJERADA » (Maroc) et « KENADSA » (Algérie).

Les CHARBONNAGES NORD-AFRICAINS = DJERADA, société anonyme à capital totalement étranger, exploitait le gisement de charbon depuis les années 30-40 avec des moyens presque artisanaux, et une écurie installée au fond avec quelques chevaux pour le transport du charbon à travers les galeries. Le dernier cheval remonté à la surface (jour des fosses), était totalement aveugle et souffrait certainement de la silicose. Toute une population « indigènes » abandonnait le travail de la terre pour participer à l’extraction de cette substance nécessaire au fonctionnement des industries de l’Algérie (française) et de quelques pays européens.

Entre temps, les responsables ayant pris conscience de l’importance de cette exploitation, de l’abondance de la main d’œuvre à moindre coût, et les retombées économiques des industries européennes, engagèrent un programme d’équipement et de modernisation de matériel pour le développement de la production (la ligne de chemins de fer Oujda-Bouarfa, facilita l’acheminement du minerais vers Kenadsa).

Peu à peu, la vie sociale s’organise, et les infrastructures nécessaires prennent forme. (eau – électricité – santé – sport…), construction de villages, qu’on appelait autrefois, tantôt cité ouvrière, tantôt cité marocaine, et le plus souvent « cité indigène ». La cité européenne et celle des ingénieurs, conçues dans un style typiquement français, furent « interdit d’entrer » pour les jeunes Marocains « indigènes » qui ont beaucoup souffert de cette discrimination. La séparation des classes était bien évidente. Les représentants du personnel s’organisent également autour de la « C.G.T » et bien plus tard, « l’U.M.T »

Par ailleurs, les « forçats-mineurs » de charbon, occupent les fosses souterraines à 500m.voire 700m, et s’y déploient de jour comme de nuit (3 fois 8) à l’aide d’une petite lampe à faible lueur, qui pour l’abattage qui pour le boisage, qui pour le déblayage…C’est toute une communauté d’êtres humains oppressés et exploités. Ils ne se préoccupent que de l’extraction de charbon des entrailles de la terre, en narguant la roche, et la poussière destructrice sans se soucier des conséquences néfastes sur leur santé, ni les dangers permanents qu’ils encourent à tout moment, comme l’éboulement des parois, l’effondrement des galeries, les coups fatals et cruels de grisou, ou l’étouffement pour défaut d’aérage. Au diable la silicose !! Au diable les accidents !! Le bien être de la famille est primordial ; dignité d’homme et « misère » oblige !

Les enfants de ces braves charbonniers, tôt le matin, pieds nus, ils se ruent quotidiennement sur les remblais (schlamms) pour récupérer les rejets d’anthracite pour le chauffage et la cuisine. Spectacle terrible !

Que de morts engloutis, et enterrés sous des tonnes de terre noirâtre !

Que de morts-vivants, handicapés à vie !
Que de morts rongés à petit feu par la SILICOSE !
Que de disparus à la fleur de l’age !
Que de morts égarés dans les méandres des galeries !
Que de morts dans ce monde des ténèbres !

Les pertes humaines se comptent par centaines. Les cimetières de cette cité, livrée à elle-même, en témoignent, et gardent (jalousement) leur secret à jamais.

L’anthracite de Djérada, de meilleure qualité, et bien prisé, alimentait les industries nationales (cimenteries, sucreries …), il s’exportait facilement vers l’Europe (Angleterre) en particulier, et transitait par le port de Ghazaouat (Algérie) dont les CHARBONNAGES NORD-AFRIAINS =DJERADA détenait une participation dans le capital pour une valeur totale de 115 000.f anciens. Qu’en est – il advenu de cette participation ?

Ce n’est qu’en 1972, que les CHARBONNAGES DU MAROC se sont substitués aux CHARBONNAGES NOPRD-AFRICAIN / DJERADA, par l’acquisition de 98/100 des actions via le BRPM. (54/100 en1964)

A partir de cette transition, la situation commençait à se dégrader. Les ennuis des ouvriers s’accentuent,
Les difficultés d’exploitation surgissent comme par miracle ! Les silicosés luttent tant bien que mal pour l’amélioration du taux d’IPP (tribunal). Le coùt de revient s’aggrave. Les cadres compétents démissionnent. Méconnaissance et mauvaise gestion de l’entreprise de cette importance. Etc. Bref, tous les « ingrédients » réunis présageaient la fermeture de la mine. Hélas...

Sherifi My Tahar
A suivre…
http://www.oujda24.com/fra/societe/2138-oujda24.html


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Mis en ligne le 01/06/2013