Nucléaire; qu'en pensent les peuples?
Le Monde 8 juillet 2011

Moins d'un tiers des Européens favorables à l'atome, 37 % sont hésitants. Selon un sondage IFOP-" Le Monde ", 20 % des Français sont opposés au nucléaire

L'énergie nucléaire n'est pas populaire en Europe de l'Ouest : même en France, pays qui en a l'image la plus positive, la proportion de personnes jugeant favorablement cette forme d'énergie est inférieure au tiers de la population. C'est ce que révèle un sondage réalisé par l'IFOP pour Le Monde, entre le 21 et le 27 juin.

L'enquête a été menée auprès de cinq grands pays européens : la France (où 1 006 personnes ont été interrogées), le Royaume-Uni (604 personnes), l'Allemagne (603), l'Espagne (600) et l'Italie (605).

Les sondés ont répondu aux questions sur Internet et sur une base volontaire, selon la méthode des quotas (l'échantillon est représentatif de la population générale en ce qui concerne la répartition par âge, sexe et profession). Par ailleurs, le sondage faisait partie d'un questionnaire plus général sur " des sujets d'actualité ".

Un trait marquant que révèle ce sondage est donc la faible proportion des personnes prisant l'énergie nucléaire : dans aucun des pays, la proportion de sondés favorables n'excède 32 %. En revanche, l'opposition est franchement marquée en Italie (58 %) et en Allemagne (53 %), l'Espagne (28 %) se situant dans une situation intermédiaire par rapport à la France (20 %) et au Royaume-Uni (21 %).

Quant aux hésitants et sans opinion, ils forment la grande masse en France (48 %), au Royaume-Uni (47 %) et en Espagne (45 %).

Relevons le paradoxe britannique : les sondés sont plutôt favorables à l'atome alors que l'électricité nucléaire ne représente que 20 % de l'approvisionnement électrique du Royaume-Uni, une proportion proche de celle de l'Espagne (18 %) ou de l'Allemagne (28 %).

En revanche, le poids de l'électricité nucléaire en France (76 %) influe sur une opinion pour qui cette technique est familière. Cependant, dans tous les pays, la confiance dans les énergies renouvelables a progressé : partout, les sondés pensent en majorité qu'elles pourraient produire toute l'électricité.

Le doute s'instille

Autre clivage, celui qui sépare les hommes et les femmes sur le sujet : ces dernières ont plus de réticences vis-à-vis du nucléaire. En France, 46 % des hommes sont favorables à l'atome, contre seulement 19 % des femmes. Cette fracture est encore plus marquée au Royaume-Uni (respectivement 48 % et 16 %).

L'âge est un marqueur moins fort : les jeunes ne sont que modérément moins favorables au nucléaire que les " vieux " - la " vieillesse " démarrant ici à 35 ans. En France, 27 % des moins de 35 ans sont favorables au nucléaire contre 34 % des plus de 35 ans, tandis que le taux est équivalent en ce qui concerne l'opposition au nucléaire : 20 % et 19 %.

Globalement, les personnes interrogées en France pensent que l'énergie nucléaire apporte l'indépendance au pays et fournit une électricité à un coût plus faible que les autres procédés de production électrique. Cependant, et c'est sans doute un effet de la catastrophe de Fukushima, la confiance dans la sûreté est faible : seuls 50 % des sondés jugent que " l'industrie nucléaire maîtrise bien les risques ".

Or, la sûreté des installations est le premier critère que les sondés français retiennent lorsqu'on leur demande de hiérarchiser ce qui conditionne le choix d'une énergie. C'est là une évolution notable : en France, le doute s'instille sur la fiabilité du nucléaire.

Hervé Kempf

L'investissement dans les énergies renouvelables migre vers les pays du Sud

FERMES SOLAIRES géantes, champs d'éoliennes ou plus modestes panneaux photovoltaïques installés sur les toits des habitations : le développement des énergies renouvelables dans le monde se poursuit à un rythme qui contraste avec l'enlisement des négociations climatiques censées fixer la feuille de route vers une économie décarbonée.

Les investissements réalisés dans les énergies vertes ont augmenté d'un tiers en 2010 pour atteindre 211 milliards de dollars (147 milliards d'euros), selon le bilan établi par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).

Au cours des six dernières années, les capitaux drainés vers ce secteur ont été multipliés par six, souligne le rapport " Tendances mondiales de l'investissement dans les énergies renouvelables ".

Les énergies renouvelables, si l'on y inclut l'hydro-électricité, font presque jeu égal avec les énergies fossiles avec 84 gigawatts (GW) de nouvelles capacités de production d'électricité financées en 2010, contre 92 GW pour le charbon, le gaz et le pétrole et 5 GW pour l'industrie nucléaire.

La performance est cependant encore loin d'être suffisante pour freiner la progression du mercure dans le thermomètre du climat planétaire. Il faudrait investir de l'ordre de 440 milliards de dollars par an, entre 2010 et 2015, pour " bloquer " à 2 °C l'élévation des températures d'ici à la fin du siècle, selon de récents travaux également publiés par l'ONU.

" Rôle décisif "

Le panorama dressé par le PNUE met en avant, pour la première fois, la prédominance des pays en développement dans la course aux nouvelles énergies. La Chine, avec près de 50 milliards de dollars de nouveaux investissements réalisés en 2010, distance tous les autres pays - y compris les Etats-Unis (29,6 milliards de dollars) -, mais le rapport insiste sur le fait que la dynamique profite à l'ensemble des régions en développement. Avec 3,6 milliards de dollars, l'Afrique a multiplié par près de cinq le montant des capitaux reçus en 2010. L'Egypte et le Kenya sont les principaux bénéficiaires.

Une centaine d'Etats ont mis en place des politiques de soutien aux énergies renouvelables, certains en fixant des objectifs chiffrés. Plus de la moitié d'entre eux sont des pays du Sud. En revanche, l'Europe semble payer les stratégies fluctuantes de ses membres. Les investissements enregistrent une chute de 22 %. " Les politiques publiques jouent un rôle décisif, en bien comme en mal ", pointent les auteurs du rapport.

L'énergie éolienne continue d'attirer, et de très loin, l'essentiel des gros projets d'investissement, mais on assiste aussi à une diffusion plus large de petites unités de production d'électricité.

Championne toute catégorie : l'Allemagne, où près de 35 milliards de dollars ont été dépensés en 2010 en panneaux photovoltaïques, faisant de ce pays le premier marché mondial. " Le moment où les renouvelables deviendront l'option prédominante des choix énergétiques se rapproche ", conclut avec optimisme le PNUE.

Laurence Caramel


C'est une enquête par sondage. Selon André Merlin, président de MEDGRID..., la réalité c'est que 30% de l'électricité en Europe est produite par la filière nucléaire et que c'est de l'énergie de base. Sortir du nucléaire implique un retour au charbon, ou pétrole ou gaz pour produire cette énergie de base. On ne peut pas vouloir réduire les émissions de gaz à effet de serre et en même temps sortir du nucléaire, sans parler de la hausse de prix de l'électricité que cette sortie impliquerait. Remplacer une énergie de base par des énergies fatales - éolien, solaire et photovoltaïque - mais intermittentes n'est pas possible sauf à développer des moyens de stockage (création de grandes réserves d'eau, pompage et production hydraulique). Notre dépendance à l'électricité est un élément important du mode de vie développé depuis un demi siècle. C'est donc vers une complémentarité des sources dans le mix énergétique qu'il faut s'orienter, ce qui implique des réseaux efficaces de transport de l'électricité. Voir cet article sur MEDGRID.

Voir mon dossier sur le nucléaire.

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Mis en ligne le 08/07/2011