Réchauffement climatique

Scénarios d'atténuation et d'adaptation au changement climatique

(Scientific Expert Group)
un rapport 2007 du SEG
groupe d'experts du climat sur les scénarios du réchauffement climatique
pour l'adaptation au changement climatique et un développement durable
Ce rapport s'inscrit comme une application des travaux de IPCC/GIEC

Ce rapport s'intitule "avoiding the unmanageable", "managing the unavoidable" c'est à dire "éviter l'ingérable", et "gérer l'inévitable"; cela s'applique au changement climatique, à l'environnement et au développement durable, défis pour l'humanité au cours du XXIè siècle. Dans son chapitre 1, le rapport SEG fait l'état des lieux du changement climatique et du réchauffement de la planète sur la base des travaux et du consensus d'IPCC/GIEC. Voir ici le rapport 2007 d'IPCC/GIEC qui est disponible sur le site de IPCC/GIEC.

Dans son chapitre 2, le rapport SEG passe en revue les mesures possibles pour tenter d'atténuer le changement climatique: cad. comment "éviter l'ingérable". Le chapitre 3 est consacré à l'adaptation par les sociétés humaines au chagement climatique: cad. comment "gérer l'inévitable". Je m'intéresse ici au chapitre 2, les mesures d'atténuation. La méthode consiste à exposer les causes humaines de l'émission de CO2 dans l'atmosphère et à examiner les facteurs d'influence sur lesquels on peut espérer agir. La formule suivante, très largement utilisée dans la littérature technique sur le sujet, est reprise:

La formule décompose la production de CO2 par facteurs; ce sont le PIB/habitant moyen de la planète exprimé en parités de pouvoir d'achat PIB@PPP, la population de la planète, l'énergie utilisée par unité de PIB produit, et la quantité de CO2 émise par unité d'énergie utilisée dans la production du PIB. En fait on raisonne en unités de carbone, soit 12/44è des quantités de CO2. En 2004, les estimations basées sur les quantités produites et les teneurs en C de ces produits ou de l'énergie utilisée pour les produire, charbon, pétrole, gaz, acier, ciment, etc. donnent 7.25 Gigatonnes (1Giga tonne =109 ou 1 milliard de tonnes), de Carbone équivalent émis dans l'atmosphère ou 26.58GtCO2. En 2005, la teneur en gaz à effet de serre, exprimée en équivalent CO2, était mesurée de 370ppmv (ppm = parties par million en volume) et cette teneur est croissante. Voir NASA juillet 2003.

Un grand nombre d'experts et de spécialistes du climat estiment que d'ici l'an 2100 la température moyenne du globe ne devrait pas être de plus de 2 à 3°C au dessus de celle de 1750 - année du début de l'industrialisation pour ne pas entrainer des conséquences qui pourraient être ingérables pour la civilisation: "éviter l'ingérable". Pour limiter la hausse de la température moyenne de la planète à 2 à 3° de plus qu'en 1750, il faudrait que la teneur en CO2 équivalent dans l'atmosphère se situe entre 450 et 550ppm - elle est de 370ppm en 2004. Les taux envisagés dans les scénarios moyen et fort d'IPCC/GIEC sont de 770 et 1000ppm, ce qui induirait une hausse de la température moyenne du globe de 4 à 6°C et mettrait l'humanité dans un territoire totalement inconnu, peut-être ingérable, au point que l'espèce humaine et beaucoup d'autres espèces de la biosphère seraient menacées d'extinction. Il faut par conséquent modifier notre façon de produire, utiliser et distribuer l'énergie. Voir cette animation (nécessite quicktime) qui montre la hausse des températures moyennes de périodes de 5 ans, sur la planète depuis 1891; on voit une nette accélération depuis les années 1970. Source NASA. NB: on peut contrôler le défilement d'images par le curseur.

Voir graphique hausse de la température moyenne du globe. Et celui du CO2. Et ici la hausse des températures moyennes 1995-2004 par rapport à la moyenne 1940-1980. L'intérêt est de montrer la distribution des températures. Les scientifiques nous disent que le réchauffement sera plus élevé sur les continents, aux latitudes et altitudes élevées, la nuit plus que le jour.

Il est clair que l'augmentation de l'émission des gaz à effet de serre depuis 1750 est due à l'accroissement de la population et à l'accroissement sans précédent de bien-être liés aux progrès des connaissances scientifiques, de la technique et de l'industrialisation, au développement économique et aux progrès de la médecine. Même si les bienfaits de ces progrès sont encore très inégalement répartis dans le monde, la conséquence pour tous a été un allongement de la durée de vie et des conditions de vie meilleures pour un grand nombre d'hommes et de femmes. Tout ceci s'est accéléré depuis la fin de la 2è guerre mondiale où la barbarie nazie et japonaise avaient produit la dévastation en Europe et en Asie du Sud-Est. Voir la condition actuelle de l'humanité telle qu'évaluée par la Banque Mondiale.

À mi 2004, la population mondiale était de 6.352 milliards, le PIB à parités de pouvoirs d'achat était de 52 289 milliards de US$PPP valeur2000 et le PIB moyen à PPP était de 8 232US$/habitant (source AIE/IEA), l'intensité énergétique de 0.2145 tonnes d'équivalent pétrole (tep)/unité de PIB@PPPUS$2000, et l'intensité de CO2 émis de 2.37tCO2 par tep d'énergie utilisée pour produire le PIB (source Agence Internationale de l'énergie). Il en résulte, selon la formule citée, que la quantité de CO2 émis était de 26 583GtCO2 soit 7.10GtC équivalent. Voir les chiffres de l'IEA pour le monde. Et cet ensemble de cartes. Voir aussi la banque de données de la Banque Mondiale.

On peut utiliser les paramètres et voir leur influence grâce au calculateur suivant (modifier les paramètres et cliquer sur "calculer"; en cliquant sur "annuler" on revient au cas de base affiché):






Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, en juillet 2007 la population est de 6.66 milliards, donc le CO2 émis est 27.52 GtCO2 soit 7.53 GtC (+3.8%). Mais c'est le "toutes choses égales par ailleurs" qui est forcément inexact, même sur un espace temps de 2-3 ans, car les progrès techniques continuent et affectent les autres paramètres à savoir l'énergie utilisée par unité de PIB (intensité énergétique), et le CO2 émis par unité d'énergie utilisée (intensité carbone), par exemple à cause de la croissance des énergies renouvelables et/ou du nucléaire.

Il faut souligner aussi que tout le CO2 émis par l'activité humaines n'est pas stocké dans l'atmosphère; une partie est absorbée par les océans et par la biosphère. Une estimation des parts de CO2 absorbés par les océans (#30%) et la biosphère (#20%) est donnée par Sabine et al 2004 dans cet article scientifique.

Pour simplifier l'exposé et la compréhension, SEG retient le scénario d'évolution moyen pour 2100 du rapport d'IPCC/GIEC désigné par IS92; c'est d'ailleurs le scénario le plus étudié et que l'on peut donc considérer comme plausible avce les connaissances du moment. La population serait alors de 11.3 milliards soit +1% (source United Nations Population Division), le PIB planétaire serait multiplié par 8 soit une croissance annuelle moyenne de 2.2%, et le pib moyen par habitant de la planète multiplié par 5, soit 41 160US$/habitant, correspondant à une croissance moyenne de +1.7% par an, l'intensité énergétique de 0.0825 tep/US$ de PIB, et l'intensité de Carbone émis de 1.96 tC par tep d'énergie utilisée pour produire du PIB. Il en résulte que la quantité de carbone émise en 2100 serait de 20.5Gt ou 75.2Gt de CO2 équivalent (44/12). Selon les spécialistes, cette quantité de carbone entraînerait une teneur en CO2 de 700ppm et on dépasserait la hausse de la tempétaure moyenne du globe de 2-3°. Cette trajectoire suppose aussi que l'intensité énergétique (énergie consommée/PIB) continue de diminuer de 1% par an comme observé depuis 50 ans, et que l'intensité carbone (CO2/énergie utilisée) diminue aussi de 0.2% par an par réduction de la part des combustibles fossiles de 80% à 60% dans le mix énergétique de la planète et remplacement par des énergies renouvelables et/ou l'énergie nucléaire. On qualifie ce scénario de "business as usual" c'est à dire sans de changement majeur dans les sources et l'utilisation de l'énergie, mais continuation de la tendance à la baisse des paramètre techniques sur longue période.






Si la trajectoire était à technologie constante, c'est à dire sans baisse de l'intensité énergétique et de l'intensité carbone, le carbone émis en 2100 serait de 51.2GtC impliquant un taux de CO2 de 1000ppm et une température moyenne en hausse de 4-5°C: ce scénario est qualifié alors de possiblement "ingérable".

En examinant les possibilités d'évolution de ces 4 paramètres et des facteurs techniques, économiques et sociaux qui sont à l'origine de leur valeur, on arrive à dire que ces 20.4GtC en 2100 pourraient être réduits à 4.4GtC, tout en maintenant la croissance du PIB/habitant. Cela revient donc à diviser par presque 4 les émissions de CO2 en 2100. Et en considérant 2050, l'objectif serait de les diviser par 2. C'est précisément cet objectif sur lequel les pays du G8 viennent de se mettre d'accord à Heiligendamm en Allemagne sous présidence Allemande. Voir la déclaration commune et cet article. Mais on ne peut pas adopter des mesures contraignantes, car chaque pays a une problématique différente dans ses possibilités de réduction des gaz à effet de serre. Voir cette problématique.

Passons maintenant en revue les divers facteurs qui permettent d'agir sur les 4 paramètres évoqués dans le schéma,. Tout ceci est expliqué dans le document de IPCC/GIEC, que je ne fais que porter à la compréhension de mes lecteurs en français.

  1. Influence d'une réduction du PIB/habitant moyen de la planète

    Le PIB mesure l'activité économique des hommes. Malgré un certain nombre de critiques quant à sa pertinence en relation avec la qualité de vie, le PIB reste l'outil statistique le plus facile d'emploi pour mesurer l'activité. Voir mon document sur le PIB et sa critique. Puisque les PIB sont convertis en une monnaie unique, on utilise taux de change fictifs à parité de pouvoir d'achat comme expliqué plus haut. Revoir.

    Réduire le PIB par habitant ne fait pas partie des leviers acceptés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Au contraire ce levier serait facteur de régression selon les opposants, comme par exemple Claude Allègre dans son livre "ma vérité sur la planète". On considère généralement que l'augmentation du PIB par habitant est un facteur de progrès et de réduction des inégalités, notamment entre pays riches et pays pauvres. Mais on peut exprimer deux réserves à cela. D'abord, il existe des changements de mode de vie qui se traduiraient par une baisse du PIB/habitant, tout en augmentant la qualité de vie, comme par exemple des trajets plus courts pour aller travailler, ce qui conduit à moins de consommation d'essence et peut-être aussi moins de véhicules. Ensuite, les gens ne deviennent pas aussi riches qu'ils le croient car la croissance économique bénéfique s'accompagne d'effets négatifs, comme les accidents de la route, les accidents du travail, le volume de déchets, les coûts de traitement et l'impact des déchets sur l'environnement; or ces coûts interviennent en positif dans le PIB. L'élimination ou la diminution de tels coûts, ferait diminuer le PIB sans affecter la qualité de vie. Agir sur ces facteurs de coûts est donc une possibilité réelle de réduire le PIB/habitant. Autre élément, on ne peut pas demander à lutter contre le réchauffement climatique et à la fois prôner une hausse du PIB/habitant dans les pays industrialisés, avec plus d'autoroutes, plus d'aéroports et de transports aériens, plus de transports routiers etc. Il y a des aspects de la vie moderne qui devront être modifiés, par exemple les voyages touristiques intercontinentaux par voie aérienne, ex des aller-retours Paris New York pour des séjours de 3 jours ou des week-ends.

  2. Influence d'une réduction du taux de croissance de la population de la planète

    L'essentiel de la croissance démographique de la planète se déroule dans les pays en développement, notamment l'Afrique, où les émissions de gaz à effet de serre sont relativement faibles. Mais cette corrélation entre la croissance démographique et les faibles émissions de gaz à effet de serre tend à cacher ce que pourrait être, dans le futur, une relation linéaire entre la croissance de la population, le développement économique souhaité par le programme du millénaire de l'ONU, et la quantité de gaz à effet de serre émis dans l'atmosphère. Cela est encore plus vrai des pays en développement rapide que sont notamment, l'Inde, la Chine, l'Indonésie, le Brésil, le Mexique...

    En effet, dans les prochaines décennies, les populations de tous ces pays voudront légitimement accéder au niveau matériel et économique des pays actuellement les plus développés. Les objectifs de l'ONU pour le millénaire en constituent le manifeste. Au fur et à mesure que les moyens d'atteindre ces objectifs seront mis en oeuvre et qu'ils seront suivis des succès espérés, les effectifs de ces populations auront un effet important et linéaire sur les émissions planétaires de CO2.

    Beaucoup des mesures qui pourraient être menées pour limiter la croissance de la population sont aussi souhaitables pour les avantages qu'elles apporteraient aux populations de ces pays en développement. Les actions menées pour améliorer la santé, l'éducation, la prospérité et les conditions de vie des pays en développement permettraient aux parents de choisir une famille plus petite et d'assurer de meilleures perspectives de vie à leurs enfants. Le planning familial, encouragé et appliqué dans les pays développés au cours de la deuxième moitié du XXè siècle, a été un puissant facteur de libération des couples en matière sexuelle et de procréation voulue.Voir les 8 objectifs du millénaire.

    Les objectifs de développement du millénaire sont poursuivis pour d'impérieuses raisons humanitaires car les inégalités de développement dans certaines régions du monde sont particulièrement criantes; mais si en plus, on mettait l'accent sur les aspects population et planning familial en relation avec le changement climatique, - dans la mesure où comme dans les pays développés le planning familial correspond à une demande des couples - cela ajouterait un élément favorable. Voir le site des Nations Unies sur les objectifs du millénaire.

    Aujourd'hui on dépense environ 7 milliards de dollars par an pour le planning familial et les services contraceptifs. Cet investissement pour la santé et le bien-être des femmes permet d'éviter 60 million de naissances non souhaitées chaque année. Quel que soit le succès de ce programme, il y a encore beaucoup de marge de progrès. Il y a environ 200 million de femmes dans les pays en développement qui voudraient utiliser des contraceptifs modernes mais qui n'y ont pas accès car ces produits ne sont pas disponibles et quand ils le sont, ils sont trop chers pour elles. Pour mettre ces contraceptifs à la disposition des femmes qui le souhaitent, il faudrait 4 milliards d'US$ supplémentaires ce qui permettrait d'éviter 26 millions de naissances non désirées chaque année (Singh et al., 2004). L'action levier de la population s'apprécie en notant que si la population en 2100 était de 8.6 milliards au lieu des 11.3 milliards du scenario IS92 et que les autres facteurs restaient inchangés comme dans le scenario moyen, les émissions de CO2 en 2100 seraient de 36GtCO2 au lieu de c'est à dire réduites de 23%.

  3. Influence d'une réduction de l'énergie utilisée par unité de PIB produit

    Obtenir plus de PIB en utilisant moins d'énergie c'est à dire réduire l'intensité énergétique de l'activité économique - ce qui revient à augmenter l'a productivité du facteur énergie - est une tendance positive qui se déroule dans la plupart des pays et dans le monde en général depuis plusieurs décennies. Le taux de décroissance de l'intensité énergétique pour l'ensemble de la planète a été de 1% par an; à certaines époques et dans certains pays la diminution a été beaucoup plus rapide. Aux États Unis la diminution a été de 2% par an entre 1970 et 2005, ce qui a permis de diviser l'intensité énergétique de l'économie américaine par deux pendant cette période. Il en a été de même en France, en Europe et au Japon. Passons en revue les différents moyens de parvenir à cette décroissance, car elle peut se poursuivre.

    Les moyens de réduire l'intensité énergétique dans le monde sont très grandes; cela concerne tous les pays et cela permettrait de réduire l'énergie consommée tout sans réduire les besoins de bien-être et de développement économique aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres.

    Dans les pays industrialisés, de nombreuses pistes ont été suivies pour améliorer la productivité du facteur énergie; cela concerne les industries manufacturières, les bâtiments et leurs équipements, et les transports terrestres, maritimes et aériens. Ces mesures déjà largement mises en oeuvre et appliquées ont permis les réductions historiques que l'on observe dans ces pays.

    Dans les pays en développement, et bien que leurs niveaux de consommation d'énergie par habitant soit très faibles, l'utilisation de techniques améliorées dans les bâtiments, les véhicules et les industries ont aussi provoqué des baisses d'intensité énergétique, souvent supérieures à celles que l'on observe dans les pays industrialisés.

    Des pistes réalistes et prouvées de réduction de l'intensité énergétique existent.


Created on ... juin 06, 2007