Chine: les laissés-pour-compte de la croissance économique se révoltent


Philippe Randrianarimanana Courrier international
Laissés-pour-compte de la croissance économique, les paysans chinois s'opposent à l'arbitraire de pouvoirs locaux spoliateurs et corrompus. La presse anglo-saxonne fait état des dangers pour Pékin d'une aggravation des inégalités criantes qui appauvrissent 900 millions de personnes dans les campagnes.
"La nouvelle mission historique de la Chine est de réduire les risques politiques du fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres, et d'animer l'économie vaste mais encore traditionnelle des zones rurales, a affirmé le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, à l'occasion du discours officiel qu'il a prononcé le dimanche 5 mars 2006." The New York Times relève l'engagement du chef du gouvernement chinois lors de l'ouverture de la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire (ANP), en présence de 3 000 délégués réunis dans le Palais du peuple à Pékin.

Le gouvernement chinois reconnaît que les disparités entre les revenus en milieu urbain et en milieu rural, où vivent les deux tiers des Chinois, sont au cœur des "troubles sociaux grandissants qui menacent la stabilité de l'Etat et le modèle du parti unique", note le NYT.

"La colère de la Chine rurale", titre en une Time Asia. Le magazine anglophone de Hong Kong cite l'exemple du village de Panlong, dans la province du Guangdong, où, pendant plusieurs jours, plus d'un millier de villageois ont protesté vigoureusement à la mi-janvier pour défendre leurs droits contre l'attitude des autorités locales. Ces dernières avaient récupéré les terres des paysans afin de les louer à une société hongkongaise à la recherche d'un site pour installer une entreprise textile. Or les paysans estimaient avoir été spoliés par les autorités locales, qui avaient retiré d'énormes bénéfices de cette opération. Mais les protestations des villageois ont été brutalement réprimées : au moins 20 personnes ont été grièvement blessées et une fillette de 13 ans a été battue à mort.

"Les manifestations locales violentes de ce genre secouent la campagne chinoise de plus en plus fréquemment, et Pékin s'est montré incapable de mater l'agitation", souligne Time Asia. "D'après les chiffres du gouvernement central, il y a eu 87 000 'troubles de l'ordre public' en 2005, soit 10 000 de plus qu'en 1994. La plupart ont eu lieu dans des hameaux reculés comme Panlong, où les paysans, qui formaient autrefois la colonne vertébrale du soutien au Parti communiste, se sentent exclus du développement économique tous azimuts de la Chine. Les 900 millions de paysans chinois, qui n'ont que peu de moyens de se défendre légalement ou politiquement, ont supporté de façon disproportionnée les effets secondaires de la croissance glorieuse de la Chine", à savoir la dégradation de l'environnement, la spoliation de leurs terres et le laisser-faire de Pékin envers les autorités locales.

"Aujourd'hui, la Chine est l'un des seuls pays au monde à laisser la responsabilité du financement de la protection de santé, de la sécurité sociale et de l'éducation entre les mains des autorités locales", insiste Time Asia. C'est une conséquence de plusieurs décennies de décentralisation impulsée par Pékin. Loin de l'image d'une Chine monolithique, le pays "a mué en un patchwork de provinces, de régions autonomes, de zones administratives spéciales et de mégamunicipalités, toutes ces entités ayant leurs bureaucraties et se fixant leurs objectifs".

Officiellement, les autorités centrales chinoises reconnaissent donc la situation sociale critique du monde des campagnes. Ainsi, le président Hu Jintao a présenté le mois dernier un plan ambitieux, un "New Deal pour les campagnes", reprend Time Asia. Mais ces préoccupations affichées du pouvoir central se sont rarement traduites par des résultats concrets pour la condition des paysans. En fait, "le gouvernement central n'a jusqu'ici pas traité la principale cause politique du nombre croissant de protestations : les paysans n'ont pas le droit d'agir en tant que groupe d'intérêt légitime".

D'après Time Asia, Pékin craint le pouvoir de citoyens organisés, considérés avec suspicion et souvent cibles de mesures de répression. "Si Pékin admet que plus de 80 % des doléances manifestées lors de ces prétendus 'incidents collectifs' sont légales et raisonnables, les autorités chinoises à tous les échelons sont unies dans leur intransigeance à l'égard des leaders des protestations, les qualifiant de 'mauvais éléments', de 'brutes paresseuses', d''individus agissant sous des motifs cachés', voire d''agents des forces antichinoises à l'étranger'."

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Suite... China's Pledge for Peaceful Development


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Mis à jour le 09/06/2013