Comprendre l'économie (suite) Prise en compte de la valeur des services de l'État

Prise en compte de la valeur des services de l'État

L'inconvénient du diagramme de flux simplifié présenté plus haut, c'est qu'il ne valorise pas la production des services de l'État. En effet ces services sont gratuits, il ne leur correspond donc pas de valeur marchande. En revanche les personnels de l'État consomment leur part de la production marchande, et l'État consomme de la production sous la forme de ses achats nets aux entreprises de production. Pour valoriser les services de l'État, on comptera donc comme valeur fictive, les salaires des personnels de l'État; et on remplacera la boîte "entreprises" par une boîte plus grande (quasiment le double) à savoir le produit intérieur brut (PIB); les prélèvements de l'État en France sont de 44% en 2005, couvrant salaires des personnels, achats et investissements. Le diagramme des flux est alors modifié comme suit.

Ayant assimilé le modèle représentatif des flux, une autre façon de modéliser le fonctionnement de l'économie est chercher les interactions entre les paramètres fondamentaux. Cette approche a été celle de Robert Solow prix Nobel d'économie en 1987 (synthèse neo Keynesienne de la macroéconomie). Celui-ci a défini la fonction de production et les conditions d'une croissance équilibrée de tous les paramètres fondamentaux, c'est à dire une croissance de ces paramètres de manière compatible entre eux. Telle serait la condition pour qu'il n'y ait pas de déséquilibre. La recherche de ces conditions d'équilibre est donc le sujet de la suite de ce dossier.

Le modèle standard de croissance de Robert Solow
professeur d'économie au MIT, prix Nobel d'économie.

Commençons par la fonction de production.

La fonction de production

Il s'agit de trouver un modèle simple pour expliquer la production de biens et de services et ensuite de s'appuyer sur ce modèle pour comprendre les mécanismes de la croissance et sur quels leviers agir pour mieux la maîtriser.

Le premier élément du modèle de croissance de Solow est une relation entre les facteurs de la production c'est à dire les ressources disponibles pour assurer la production des biens et services demandés par les acteurs de l'économie d'un pays - ménages, entreprises et État.

La quantité de biens et de services que demandent les ménages - consommation courante, biens durables et logement, les entreprises sous la forme d'investissements en capital productif, et l'État pour rendre tous ses services, est limitée par les ressources disponibles; ce sont:

  1. la main d'oeuvre ou ressources humaines,
  2. le stock de capitaux productifs
  3. l'efficience de la main d'oeuvre qui résulte du niveau technologique de l'ensemble de l'économie et de la société, cad. l'éducation, la formation, le niveau des connaissances scientifiques et techniques, la recherche et le développement.

La fonction de production nous apprend comment.

Appelons Y la production marchande, et L la population occupée ou nombre de personnes au travail dans les entreprises de production de biens et de services marchands (L pour labor en anglais c'est à dire la main d'oeuvre). Y/L est la production par personne occupée c'est à dire la productivité de la main d'oeuvre. Il est intuitif que la production en volume par personne moyenne occupée Y/L, dépend de la quantité, de la qualité et des performances techniques des outils et équipements dont elle dispose. Pour simlifier, désignons par un concept unique la quantité d'équipements; appelons cette quantité K pour Kapital en allemand et K/L la quantité d'équipements disponibles par personne occupée. On peut donc dire que la production par personne occupée Y/L, ou productivité de la main d'oeuvre, est une fonction du capital disponible par personne occupée K/L, comme celle-ci:
.

Mais il ne suffit pas d'avoir des outils, il faut aussi savoir s'en servir, avoir de bonnes structures, de l'organisation, de bonnes procédures, bref du savoir faire et agir. On pense alors à associer à la fonction de production, un facteur d'efficience E qui conjugue, technologie, éducation, formation, organisation, procédures, etc. Et ce facteur est évolutif dans le temps - en principe il croît avec le niveau technologique et la formation; il est clair que le savoir faire des travailleurs de 2010, avec leurs équipements et leurs outils est plus élevé que ce qu'il était en 1900, et plus qu'en 1800 ou 1700.... Donc le facteur E est affecté d'un indice t correspondant à une époque donnée; soit Et. Et la formule de production donnant Y/L, conjugue alors K/L et Et comme ci-après:
.

Mais il ne sert à rien d'avoir une formule générale; il faut une formule mathématique utilisable. Les données statistiques sur Y/L et K/L existent. Il faut donc trouver une fonction mathématique qui permet de les représenter avec comme variable d'ajustement Et. En général, les fonctions paraboliques permettent ce genre d'ajustements. Et considérant que K/L intervient dans la formation de la production Y/L avec le poids α, et que par conséquent Et intervient avec le poids 1-α, la fonction devient:
.
Il suffit alors de trouver la valeur de α qui ajuste au mieux les valeurs statistiques observées et la valeurs calculées par cette formule. La formule est due aux mathématicien et économiste Cobb et Douglas.

En pratique cette théorie résulte de l'observation sur des séries longues de Y/L et de K/L où l'on voit que la croissance du PIB n'est pas égale à la somme des croissances de K et de L et qu'il y a donc un élément supplémentaire qui intervient. Cet élément est le progrès technique d'où le concept de l'efficience E. Il apparaît un résidu positif ou négatif, qu'on attribue en général au progrès technique même si d'autres facteurs peuvent jouer. Ce résidu est appelé productivité globale des facteurs (PGF). En France la Banque de France a pubié "Un siècle de productivité des facteurs" Cliquer. Aux États-Unis de 1900 à 2000.
Cette figure extraite du cours d'économie de Samuelson montre l'écart (le résidu) qui existe entre croissance de la production Y, celle du stock de capital K et celle de la population occupée L.

On trouvera dans le cours du professeur Daniel Martin de plus amples développements de ces notions. Cliquer.

En pratique on va chercher une valeur de α et tâtonner pour trouver l'évolution de Et; c'est simple maintenant que l'on dispose d'ordinateurs puissants et rapides pour traiter les statistiques.

L'introduction de α appliqué à K/L résulte de l'observation des rendements décroissants d'une hausse des investissements. Considérons la fonction de production sans le facteur d'efficience E. Si α est égal à zéro, l'augmentation de K/L n'a pas d'influence car on a alors Y/L=K/L0=1; si α=1, on a Y/L=K/L1=K/L c'est à dire que l'augmentation de la production est strictement proportionnelle à l'investissement. Et si α est compris entre 0 et 1, l'augmentation de Y/L avec K/L est moins que proportionnelle et ce d'autant moins que α est faible.

Prenons quelques exemples pour bien comprendre l'influence de K/L et Et sur la productivité Y/L. On va d'abord voir l'influence de α seul.

Considérons les valeurs de α 0.1 - 0.5 - 0.75 et 1 et voyons l'évolution de Y/L en fonction de K/L et en prenant une même valeur de E soit 10 000.

Les résultats de calcul sont ici. On voit que pour α=1, Y/L=K/L et à mesure que l'on s'éloigne de α=1, Y/L devient de moins en moins sensible à K/L; les rendements décroissants s'appliquent. Ainsi avec α=1, quand on passe de K/L 200000 à 250000 soit +25%, la hausse de Y/L est aussi de 200000 à 250000 soit aussi 25% de hausse. Mais avec α=0.5, quand on passe de K/L 200000 à 250000 soit +25%, la hausse de Y/L est de 44721 à 50000 soit seulement 11.8% de hausse. Avec α=0.25, la hausse de Y/L n'est que de 5.7%.

Voyons maintenant l'effet de E en supposant α constant et égal par exemple à 0.5.

Avec α = 0.5, la fonction de production est

(Y/L) = (K/L)0.5E0.5,

où la productivité Y/L de l'économie s'explique à 50% par le ratio K/L et à 50% par l'efficience de cette main d'oeuvre cad. que K/L et E contribuent 50/50 à la productivité Y/L.

Supposons que la productivité Y/L est de US$30 000 par an. Supposons que le stock de capital par personne occupée soit de US$250 000. Calculons alors la valeur de E. Avec α = 0.50, la valeur de E donnée par l'équation est 3 600. Si α = 0.25, E serait de 14 800. Et si α = 0.75, E ne serait que de 52. Voir les calculs ci-dessous.

L'ajustement de la donnée statistique par le modèle, montre une valeur faible de α (0.25) et E faible (1500), une valeur élevée de α (0.75) E élevé (14897), et une valeur moyenne de α (0.50) et E 3600.

Une autre manière de considérer le modèle est de noter que si l'efficience du travail est grande et α élevé, l'accroissement du capital investi K/L est soumis à un fort rendement décroissant (α est élevé) de la production Y/L, comme indiqué sur cette figure.

En revanche si l'efficience du travail est faible et α faible, le rendement décroissant en production Y/L d'une augmentation du capital investi K/L est peu sensible, comme indiqué sur cette figure.

En pratique, les valeurs de E et de α sont celles qui permettent le meilleur ajustement entre la fonction du modèle et les données statistiques.

La comparaison des 3 cas est montrée ici.

La fonction de production développée par Cobb et Douglas est évidemment une grande approximation; mais c'est une approximation utile. Les processus qui commandent le niveau moyen de production par personne employée dans l'économie sont extrêmement complexes. Chaque individu, chaque ménage, chaque entreprise, chaque institution - syndicats et administrations -, y contribue pour une part. Il est impossible de travailler avec cela, c'est trop complexe. Certes, la fonction de production de Cobb et Douglas est une très grande abstraction de simplification. Mais comme on va le voir, cette abstraction est utile car elle va nous conduire à des conclusions approximativement correctes du fonctionnement de l'économie.

Suite...


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Mis à jour le 09/10/2016 pratclif.com