OMC - Un accord insuffisant pour éviter "la mort lente du libéralisme"

Le cycle de négociations commerciales de Doha n'est toujours pas achevé, en dépit du compromis trouvé à l'issue de la réunion de l'Organisation mondiale du commerce à Hong Kong. La presse internationale observe qu'un échec cuisant a été évité, mais qu'un accord global demeure toujours incertain.

La réunion de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Hong Kong du 13 au 18 décembre a accouché in extremis d'un accord à l'issue de négociations ardues. Le dernier jour de la rencontre fut marqué par "un quasi-sprint final afin de fixer pour la première fois une date pour l'élimination de certaines subventions agricoles. Mais, à part cela, les six jours de négociations n'ont guère fait progresser quoi que ce soit dans la résolution des conflits sur un accord plus global qui aurait un impact significatif sur l'économie mondiale", note The Wall Street Journal.

Néanmoins, le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, s'est montré optimiste en déclarant : "Aujourd'hui, je crois qu'un accord global est possible, ce que je ne pensais pas il y a mois", rapporte New York Times.

D'après Lamy, 60 % du chemin a été parcouru. "Mais la déclaration finale ne traite pas des questions commerciales les plus importantes auxquelles sont confrontés les membres de l'OMC", souligne le grand quotidien américain.

En effet, si la fin des subventions à l'exportation des produits agricoles des pays riches est promise pour 2013, d'autres thèmes sont restés en suspens, comme la baisse des barrières douanières en matière agricole, mais aussi dans l'industrie et les services. Ces décisions devront être obtenues au plus tard en avril 2006, "c'est-à-dire juste à temps pour que le président George W. Bush puisse faire ratifier un accord au Congrès américain, avant que son mandat spécial pour les négociations n'expire", en juin 2007, souligne le NYT.

Malgré le compromis obtenu, la Frankfurter Allgemeine Zeitung estime que "l'OMC n'est pas rétablie". Selon le grand quotidien allemand, l'organisation "ne souffre pas tant de son impopularité que du fait qu'elle suscite des angoisses et des protestations en tant que symbole de la mondialisation. A Hong Kong, le nombre des manifestants et le niveau de leur violence étaient moindres que lors des précédents sommets. Non, ce n'est pas la critique extérieure qui paralyse l'OMC, ce sont ses clivages internes. L'époque est révolue où les Etats-Unis et l'Europe étaient seuls aux commandes. Les trois quarts des 149 pays membres sont aujourd'hui en voie de développement. Les intérêts sont donc multiples et contradictoires, et tout cela dans une organisation qui prend ses décisions par consensus."

"Match nul entre riches et pauvres", titre le quotidien espagnol El País. "Les deux parties sont venues à Hong Kong avec une stratégie de négociations défensive et la seule chose qu'elles ont réussi, c'est de ne pas prendre de but. Ce fut en définitive une partie conservatrice dans laquelle l'arbitre, Pascal Lamy, a dû séparer de temps à autre les adversaires pour éviter un conflit et siffler le moins possible pour ne pas freiner le jeu."

"Le cycle des négociations commerciales multilatérales de Doha respire encore, mais tout juste. Les ministres l'ont placé sous assistance respiratoire. Les négociateurs auront pour tâche de le ressusciter au début de la nouvelle année", note le Financial Times. Le journal financier britannique observe que "de faibles progrès ont été réalisés pour éviter un échec". D'ailleurs, "pratiquement rien n'a été fait en matière d'ouverture des marchés, le cœur de toute négociation commerciale multilatérale".

Pour The Wall Street Journal, "cet accord est loin des objectifs originaux fixés par Doha. Tout le monde est perdant. Pour le bien des pays en développement, les subventions agricoles devaient être éliminées en 2010, et non en 2013. Les nations les moins développées devaient obtenir un accès sans taxes et quotas aux marchés des pays riches à hauteur de 100 %, et non pas de 97 %, en excluant les secteurs les plus lucratifs."

En définitive, "cette version diluée ramène le cycle de Doha plusieurs crans en arrière, et les nations riches sont les premières à blâmer", juge le quotidien des affaires américain. Le Financial Times abonde dans le même sens et estime qu'"il est souhaitable de proposer quelque chose de crédible aux petits pays pauvres en développement. L'ouverture sans barrières des marchés des pays riches est la moindre des choses que les pays pauvres méritent. A cet égard, il est scandaleux que le Congrès des Etats-Unis s'y oppose. C'est tout aussi choquant qu'il refuse de mettre fin à ses subventions au coton américain aux dépens des pauvres producteurs de l'Afrique de l'Ouest." Mais le FT dénonce également "les pays en développement qui ont peu à offrir - voire qui n'ont pas envie de faire d'efforts - et n'ont donc pas le droit de faire du chantage pendant les négociations". Le quotidien financier en appelle à l'intelligence des négociateurs de bonne volonté pour finir par s'entendre et éviter "la mort lente du libéralisme". Sur ce point voir aussi le commentaire de "courrier international".


Créé le 20/12/2005 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)

Mon Commentaire
Cette situation montre que de plus en plus de pays veulent avoir leur part du gâteau que constitue la planète et que cela sera de plus en plus difficile, car il faudra que les pays "riches" se serrent la ceinture pour que les pays "pauvres" consomment et s'enrichissent à leur tour. L'exemple de la Chine et de l'Inde incite tous les pays à faire pareil. Mais la planète a-t-elle assez de ressources naturelles pour cela, a-t-elle la capacité d'absorber tous les déchets que cette population croissante va produire toujours plus....