Growthmania/Manie de la croissance

L'Amérique est une économie du "tout jetable"/America is a throwaway all economy
Sur le bourrage de crâne qui veut que nous ayons toujours plus de croissance

L'Amérique est une économie du "tout jetable" et ce mode de vie est un facteur important dans le PIB américain et le taux de croissance de celui-ci. Les économistes néoclassiques ont intégré le mode de vie américain dans le paradigme en vigueur et veulent imposer celui-ci à la planète entière. Les pays dont les taux de croissance du PIB s'écartent durablement de plus d'un point de celui des États-unis, sont fustigés; leur niveau de vie à terme baisserait, par rapport à celui des États-Unis.

Les medias américains publient fréquemment des articles de journalistes et d'économistes néoclassiques qui fustigent la vieille Europe, la France, l'Allemagne et l'Italie en particulier, sur la faiblesse de leurs taux de croissance comparés à celui des États-unis. Voir un article de Newsweek. Les économistes français reprennent ces litanies et nous disent que la France est malade car son taux de croissance économique est trop faible. Bref les medias internationaux, américains et français ont tous la même chanson. La vieille Europe, entendez France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays Bas... est malade de son modèle social qui empêche sa croissance de croître comme celle des États-unis. Pour justifier le point de vue on avance le taux de chômage, le poids des systèmes de pensions, le déficit public et l'accumulation de la dette.

Dans ce qui suit, j'expliquerai que le taux de croissance des États-unis est alimenté par la civilisation du "tout jetable"; on remplace tout après quelques années d'usage quand l'objet est terni ou égratigné; et cela s'applique aussi aux biens que nous qualifions de durables c'est à dire les équipements de la maison, et à la maison elle-même. Je commenterai ensuite sur le modèle social que l'Amérique fustige et que les évènements récents en Louisiane avec l'ouragan katrina commencent à montrer qu'ils ont peut-être tort.

L'Amérique est une économie du "tout jetable"

L'analyse de la "throwaway all economy" est faite par les américains eux-mêmes. Il faut lire le chapitre très documenté de Lester Brown sur le sujet. J'en donne la partie qui y est consacrée ici.

L'économie du "tout jetable" s'est développée en Amérique tout au cours du 20ème siècle; commencée avec l'avènement de la voiture et des équipements ménagers, elle s'est vite étendue à toutes les activités économiques. Ma mère américaine, venue en France à Calais dans les années 1930 à l'âge de 24 ans, remarquait des différences considérables de niveau de vie, entendez disponibilité de voitures et d'équipements ménagers. Tout naturellement elle en parlait autour d'elle mais les gens et la famille de mon père étaient déjà critiques et on l'appelait "l'américaine". Eclipsé pendant la crise des années 30 et surtout pendant la deuxième guerre mondiale, le processus reprit après la guerre et conduisit pendant toute la fin du siècle à ce que les économistes dissidents, les ONG comme Greenpeace, World Wild Life fund, appelèrent "la growth mania", la manie de la croissance. Parmi les éléments du tout jetable américain, il en est un particulièrement extrême, c'est celui de la maison qu'on démolit et qu'on remplace tous les 7-10 ans en moyenne. Les maisons sont en bois qui provient des forêts de pins du Nord et du Canada. Les plus riches ajoutent un revêtement de briques. Les toitures sont pour la plupart en revêtements légers: feuilles bituminées ou enrobés avec minéraux non métalliques comme la perlite. La conception des maisons est donc faite pour qu'elles durent tout au plus deux décennies, et en fait moins. Toute cette économie du "throwaway all" est soutenue par le marketing forcené des producteurs, constructeurs et fournisseurs de matériaux, auxquels s'ajoutent les publicistes et les medias.

Une prise de conscience internationale commence à émerger que ce processus atteint les limites de la planète en qui concerne le prélèvement des ressources naturelles, la production de déchets et la capacité de la planète à continuer d'assurer le renouvellement des ressources et les services qu'elle rend pour l'absorption des déchets. Voir dossier "développement durable, les sommets de Rio et de Johannesburg et le protocole de Kyoto". Voir aussi dossier "réchauffement climatique". Le souci de tous aujourd'hui est le réchauffement de la planète et la crainte, qu'à cause de cette "croissance mania" des pays du "Nord", nous ne pourrons pas amener les pays du "Sud" au niveau de consommation des pays du "Nord", ni même éradiquer la pauvreté des pays du "Sud". Car à la "growth mania" s'ajoute la croissance géométrique de la population dans les pays du "Sud". Voir site démographie. En Amérique même, de plus en plus d'observateurs et d'économistes remettent en question ce modèle de croissance du PIB, indéfiniment. Voir par exemple Herman Daly sur le sujet. Et celui de "Redefining progress" sur notre empreinte écologique sur la planète.

Quand on parle de croissance du PIB il faut d'abord comprendre ce qu'est le produit intérieur brut PIB, ce qu'il mesure, et quelles sont ses limites. Pour en savoir plus voir dossier sur le PIB. Le PIB exprime la valeur monétaire de toutes les transactions des agents économiques; c'est donc une une mesure de l'activité économique. Du coup le "tout jetable" intervient dans le contenu du PIB; sa valeur totale, sa valeur moyenne par habitant, et leur taux de croissance annuelle, sont considérés comme une mesure du bien-être et de sa progression. Sur longue période, les écarts de croissance entre pays sont considérés comme pouvant constituer des décrochages entre les niveaux de vie, c'est à dire de bien-être. Les tenants de l'économie neoclassique, les professeurs d'économie des grandes universités américaines et européennes, les institutions internationales comme la banque mondiale, l'OCDE, le FMI et une grande partie des sociétés internationales notamment celles du pétrole et du gaz, nous prétendent que la croissance indéfinie dans le "Nord" n'est pas près de s'arrêter, car il y aurait toujours des reserves et des ressources inexploitées et surtout que les progrès de la technologie, permettraient de substituer les ressources et d'en améliorer continuellement l'efficacité d'emploi. Selon la Banque Mondiale, la croissance économique mondiale continue est le seul moyen d'éradiquer la pauvreté des pays du "Sud". L'argument est que le "Nord" constitue les marchés pour les productions du "Sud" et que le "Sud" se développe gràce aux capitaux du "Nord". On sait ce qu'il en est en réalité, des produits du "Sud" que le "Nord" ne veut pas pour ne pas détruire ses emplois et sa croissance, (exemple sucre du Brésil, coton, produits textiles chinois etc...) et des crises financières internationales due à l'explosion de bulles immobilières ou autres (exemple Thailande, Mexique).

Poursivant cette "croissance mania", l'amérique prétend qu'elle est la panacée pour le monde entier. Et plus grave, ne disposant pas assez de ressources chez elle, l'amérique prélève les ressources de la planète entière. L'exemple le plus frappant est le pétrole, dont l'efficacité d'emploi est particulièrement faible en termes de km parcourus par litre d'essence. Mais c'est aussi le cas du bois ce qui conduit à des déforestations massives dans les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Centrale. Voir sur ce sujet le chapitre du livre de Earth Policy Institute: Protecting Forest products and services.

Le PIB inclut toute activité, du moment qu'elle donne lieu à une transaction financière, mais qu'elle soit positive ou non pour le bien-être. Le PIB n'inclut pas les activités qui ne donnent pas lieu à des transactions financières, comme les activités des femmes ou des hommes au foyer, les activités bénévoles, celles d'associations d'aide aux personnes handicapées malades ou âgées, toutes activités non comptables mais qui contribuent au bien-être. Mais les accidents de voiture, les incendies de forêts, les réparations de dégâts provoqués par un tremblement de terre, ou ceux d'un ouragan comme celui de Katrina en Louisiane fin août 2005 sont comptabilisés et contribuent au PIB. Ainsi des milliards de US$ contribuent chaque année au PIB des Etats-Unis, et n'ont rien à voir avec la croissance du bien-être des américains. L'après Katrina coûterait 150-200 milliards de US$. Si l'amérique était détruite à 60% par la survenance simultanée d'attentats terroristes, d'ouragans sur le golfe du Mexique et de tremblements de terre en Californie, alors le PIB croîtrait de près de 10% pendant plus d'une décennie, comme celui de la Chine. Cela justifierait-il que les medias et les économistes américains, suivis par les économistes neoclassiques européens et français, fustigent la croissance de 1.5-1.8% de ces pays.

Conclusion: l'économie américaine est une économie de gaspillage des ressources. Une économie qui repose sur le remplacement fréquent des produits, sur le marketing pour inciter à l'achat de toujours plus de produits d'une utilité contestable et dont le seul but est de faire produire. En plus des ressources naturelles du continent américain, l'Amérique utilise en abondance les ressources de la planète entière pour alimenter cette économie du "tout jetable", qui conduit les ressources naturelles transformées en produits éphémères jusqu'à la décharge. A côté de cela, les services publics américains sont insuffisants, les services de la santé, et d'éducation sont payants, et les plus démunis sont laissés pour compte, comme le montrent les évènements de l'ouragan Katrina; les infrastructures manquent cruellement là où elles sont nécessaires. L'exemple le plus récent est donné par les digues de protection du littoral en Louisiane. Voir un article de la presse locale sur ce point.

L'Amérique fustige le modèle social européen et français

L'amérique fustige le modèle social européen et français, et nos économiste neoclassiques leur emboitent le pas. L'argument est qu'un modèle social qui engendre 10% de chômage, ne peut pas être bon. De plus, dans le cas de la France, le déficit public de +/-45 milliards et la dette de 1100 milliards d'€ (chiffre de 2005) renforcent ce point de vue. Il y a de quoi être déstabilisé en effet, et voilà 20 ans qu'on nous rabat la même chose. Mais il y a-t-il vraiment un rapport entre l'économie et le chômage? Le chômage en France résulte d'une préférence pour le chômage. Le système protège les emplois de ceux qui en ont, en sécurité d'emploi c'est à dire règlements divers pour rendre les licenciements difficiles et onéreux, et en salaires. A cela s'ajoute l'effet de la loi sur les 35 heures qui a majoré le coût du travail. Il en résulte que les coûts salariaux sont trop élevés, et dans le cas d'emplois peu qualifiés, plus chers à la marge que la production rapportée à l'entreprise par le salarié. L'entreprise renacle donc pour embaucher des jeunes peu qualifiés et des séniors à la recherche d'emplois suite à un licenciement économique ou résultant d'une restructuration.

Le modèle social français a pour fondement consensuel, la redistribution par l'impôt, la solidarité et l'aide aux défavorisés et aux plus démunis. Le système d'indemnisation du chômage entre dans ce cadre. Mais la générosité du modèle s'est retournée contre nous et ce pour deux raisons. Les entreprises renaclent à embaucher du personnel peu qualifié en raison de coûts salariaux et sociaux trop élevés; les chômeurs renaclent à reprendre un emploi car les indemnités chômage sont trop proches des revenus d'activité. Si l'on ajoute les diverses allocations autres et le travail au noir, l'incitation à rester au chômage est grande. La France s'est donc résignée au chômage d'une partie importante de sa population active, principalement les jeunes qui constituent les forces vives pour le futur.

En ce qui concerne le déficit et la dette. La dette c'est du déficit qui s'ajoute d'année en année. Il faut donc d'abord résoudre le problème du déficit. Ce ne peut être que par la réduction des dépenses de l'État ou par l'augmentation des impôts, en fait les deux à la fois. Il est impératif que le budget de l'État soit équilibré sur longue période. Une disposition constitutionnelle devrait l'imposer. Cela implique de respecter rigoureusement les critères de Maastricht que la France a votés: un déficit maximum de 3% du PIB et une dette maximum de 60% du PIB. La nouvelle LOLF loi organique relative aux lois de finances ou loi de modernisation des finances publiques, devrait assurer le respect absolu de ces critères. Voir aussi sur cette LOLF les commentaires de Bernard Zimmern. Si pour y parvenir, il faut augmenter les impôts, alors que les politiques aient le courage de le faire.

Cela dit, dans la formation du PIB, l'État y contribue par les salaires versés à ses personnels. Autrefois, on ne comptait que les produits et services marchands, ce que l'on appelait le produit national brut. Et une partie de cette production était prélevée par l'État pour que ses personnels aient leur part de la production marchande.

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Créé le 12/09/2005 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) Voir mon site sur l'économie