Documentation

11 novembre 1918 - 11 novembre 1940

En marge des commémorations de l'armistice ce 11 novembre 2010, Nicolas Sarkozy a dévoilé une plaque rendant hommage aux étudiants et lycéens qui manifestèrent le 11 novembre 1940 à Paris contre l'occupation allemande. Une gerbe a été déposée sur la tombe du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe puis une autre devant la statue de Georges Clémenceau, sur les Champs-Elysées.

11 novembre 1940! C'est l'autre 11 novembre. Celui où plusieurs milliers de jeunes avaient protesté contre l'occupation allemande. Ils s'étaient rassemblés sur les Champs-Élysées et à l'Arc de triomphe en chantant la Marseillaise ou criant "Vive de Gaulle" (suite à l'appel du 18 juin 1940, le lendemain de la déclaration de Pétain le 17 juin). Ce rassemblement fut fortement réprimé par la Wehrmacht et la police française avec un bilan de quinze blessés, deux disparus et 1040 interpellations. Leur action est considérée comme l'un des premiers actes de résistance de la Seconde Guerre mondiale. Voir cette video Curiosphère: Olivier Wieviorka extraite de "11 dates-clés de la Résistance 1939-1945".

Un premier hommage leur a déjà été rendu, mercredi 10 novembre. Devant le monument aux élèves et étudiants morts pour la France, dans le jardin du Luxembourg, le secrétaire d'État aux Anciens Combattants, Hubert Falco, et le président du Sénat, Gérard Larcher, ont rappelé les conditions dans lesquelles "3.000 ou 5.000" jeunes gens bravèrent ce 11 novembre 1940, l'interdiction de manifester du gouvernement de Vichy. Ce fut donc un acte de courage et de résistance en réponse à l'appel du 18 juin du Général de Gaulle (lien)..

Evelyne Sullerot, qui a vécu au même âge cette époque dramatique, a recueilli, mis en forme, recoupé les témoignages de ces ex-adolescents murés dans le souvenir de la « honte de 1940 ». Nourrie de son expérience de sociologue, ce document unique leur rend enfin la parole. Extraits.

La défaite de 1940 avait assommé les Français qui peinent toutefois à dire leur refus de l’occupant. La manifestation du 11 novembre 1940 est le 1er acte d’opposition publique. Appelés par la radio de Londres et le PCF, les lycéens et étudiants ont voulu commémorer la victoire de 1918 pour manifester leur désapprobation. Le rassemblement a été violemment réprimé avec plus d'un millier d’interpellations par la police allemande.

Depuis soixante-dix ans, ces enfants âgés d'une quinzaine d'années lors du désastre, se taisaient alors qu'en six mois, ils avaient connu la défaite de leurs pères, le désarroi des familles, l’inquiétude de leurs mères, le désordre général et la débâcle. Ils sont partis vers l’aventure forcée (l'évacuation) dans toutes sortes d’équipages, parfois apeurés, le plus souvent excités, désorientés par la dilution soudaine de toutes les autorités mais cherchant à sauver leurs études: où passer le brevet et le bachot? Au fil de leurs pérégrinations, ils ont découvert les ponts coupés, l’ennemi qui tombait du ciel en les mitraillant, mais aussi l’aventure, la campagne profonde. Voir ici le témoignage de la soeur ainée de mon épouse qui avait 15 ans en 1940. (lien).

La voix chevrotante de Pétain leur annonce le 17 juin 1940 la fin de leur France, celle de leur enfance. Leurs parents leur avaient parlé des Boches, ils voient arriver les Panzerdivisions de Hitler. A la rentrée, ces adolescents font connaissance avec les restrictions et on les appelle les J3, en référence à leur carte d’alimentation. En zone dite « libre », ils doivent sans cesse saluer le drapeau tricolore, défiler, chanter la gloire du Maréchal. En zone occupée, tout est interdit, le drapeau, la Marseillaise, s’assembler à plus de trois, courir dans la rue. Mais ce sont eux, les lycéens, qui vont organiser à Paris aux Champs Elysées, la première manifestation de résistance, le 11 novembre 1940.

Mis à jour le 12/11/2011