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Basil Liddell Hart: histoire de la deuxième guerre mondiale

La deuxième guerre mondiale - 1 septembre 1939 - 8 mai 1945, est couverte par un magistral ouvrage de Basil Liddell Hart "Histoire de la 2è guerre mondiale". La relecture de cet ouvrage m'est suggérée par le film DVD "The world at war" par Jeremy Isaacs réalisé en 1974 (12 DVD, 26 épisodes, 22 heures et 32 minutes) qui en est l'écho et suit la trame du livre de Liddell Hart. Mais Liddell Hart voit cette histoire avec un "Britannicocentrisme" évident. La défaite et l'effondrement de la France en mai 1940 furent une épreuve terrible pour la France, les français, nos militaires et nos élites; Liddell Hart témoigne de la critique des anglo-saxons à l'égard de la France sans comprendre la situation dans laquelle le pays se trouvait à cause de la défaite. Mais la France s'est relevée et dès 1942 elle participa activement aux opérations de guerre des alliés, jusqu'à la fin le 8 mai 1945; et elle reçut avec les alliés, britanniques, américains et russes, l'acte de capitulation sans conditions de l'Allemagne Nazie. La préface et la postface de l'ouvrage de Liddell Hart rédigée par le général André Beaufre font justice des omissions de Liddell Hart quant à l'action de l'armée française rénovée, ses combattants et ses chefs militaires.

Préface du général Beaufre

C'est pour moi un honneur et un devoir d'amitié particulièrement agréable, d'être appelé à préfacer le dernier livre — en fait posthume — de Sir Basil Liddell Hart, ce grand penseur militaire qui fut l'un des principaux promoteurs de la guerre des blindés, l'initiateur de la renaissance actuelle de la stratégie et aussi, par ses études passionnées des faits, un historien, un historien des guerres dans le sens le plus complet du terme.

Dès 1931 j'avais lu ses livres, notamment Les Guerres décisives de l'Histoire, publié en français en 1929, et Réputations, où il portait des jugements sacrilèges — pour nous — sur les généraux français vainqueurs de la guerre de 1914-1918. Je savais également — mais assez vaguement à l'époque - la part qu'il avait prise dans l'expérimentation de la première « Brigade blindée » qui fut faite en Grande-Bretagne en 1927.

C'est avec ce bagage intellectuel que je fus chargé en 1935 de le recevoir à l'État-Major de l'Armée, avec pour consigne de répondre de mon mieux à toutes les questions qu'il me poserait. Dans le petit bureau qui nous avait été donné, je découvris un homme grand et mince, aimable et d'abord facile, suçant interminablement une pipe toujours éteinte. A force de la rallumer il faisait se dresser dans le cendrier une pile d'allumettes éteintes. C'était sans doute l'effet de la distraction causée par le flot d'idées et de questions qui se pressaient dans sa bouche plus vite qu'il ne pouvait les prononcer, ce qui m'obligeait à une attention très soutenue. Nous nous étions rencontrés à w heures; à t heure, je parlai timidement de déjeuner, ce que nous fîmes tout en discutant. Puis nous revînmes dans le petit bureau jusqu'à 7 heures et la discussion était loin d'être close. Alors nous dînâmes ensemble jusqu'assez tard. Peut être — je ne me souviens plus — nous sommes-nous revus encore le lendemain...

Après ce premier contact, au cours duquel nous avions pu de part et d'autre mettre à l'épreuve nos sympathies et nos préoccupations réciproques, nous ne devions plus nous perdre de vue. Je le reverrai souvent, avant, pendant (à Londres) et après la guerre. I1 sera mon hôte en Allemagne, je serai le sien dans sa charmante résidence de Medmenham. Une solide amitié nous unissait, malgré notre différence d'âge. Lorsque plus tard, suivant son exemple, je me consacrerai à mon tour à la stratégie, Basil préfacera mon premier livre dans des termes qui devaient aider à son succès.

La préface de Lady Liddell Hart donne sur les aspects humains de Sir Basil Liddell Hart et sur la genèse de son Histoire de la Seconde Guerre mondiale les détails nécessaires ainsi que la perspective d'ensemble de l'homme, de son travail et de ceux qui l'ont aidé dans cette oeuvre.

Je ne voudrais pour ma part compléter ce tableau que par deux touches que je considère comme essentielles : son rôle de stratège et son rôle d'historien.

Comme stratège, il faut que le lecteur français sache que Liddell Hart — 19 ans en 1914 — découvre sur les champs de bataille la profonde absurdité de la gigantesque hécatombe de la Première Guerre mondiale. Sa hantise, pendant et après cette guerre, est qu'il doit y avoir une solution différente de celle que l'on vient d'appliquer, celle d'une guerre menée à son paroxysme par un effort total et qui cependant, malgré le gaspillage d'hommes et de matériel, n'a pu atteindre une véritable décision militaire, tandis que les belligérants s'usaient par l'intérieur, physiquement et moralement. C'est par l'intérieur que s'est effondrée la Russie en 1917, l'Allemagne et l'Autriche en 1918. Lorsque, malade, après la guerre il quitte l'Armée avec le grade de capitaine, il va consacrer sa vie à tenter de résoudre le problème fondamental de la guerre moderne.

Pour cela, il faut retrouver le moyen de rendre la guerre rapidement décisive, d'avoir donc recours à des idées nouvelles, aux antipodes de celles qui se développent et se codifient — en France, hélas!

Sa première idée, c'est que la manoeuvre — grâce à la vitesse — redeviendra possible par l'exploitation du véhicule blindé. Comme Fuller en Angleterre et comme le général Estienne en France à cette époque, il préconise une mécanisation générale des forces afin de permettre des opérations mobiles du type de celles de la cavalerie d'autrefois, mais avec la puissance de feu moderne. Il propose, à 33 ans, l'expérimentation d'une « brigade blindée », la première dans l'histoire, qui aura lieu en 1927 malgré les résistances officielles et qui attire aussitôt un intérêt passionné dans toutes les armées du monde. Mais l'idée — comme toutes les idées neuves - n'est reçue ni en Grande-Bretagne ni en France, malgré le commandant de Gaulle en 1934. C'est dans la Reichswehr renaissante et plus libre de préjugés (pas complètement, on le verra dans ce livre) qu'elle trouve sa pleine application. La campagne éclair en 1940 de Guderian et de Rommel montrera la justesse des vues de Liddell Hart, mais hélas! à notre détriment.

Liddell Hart ne s'est pas limité à la tactique, moyen nécessaire mais subordonné. Élargissant le champ de ses recherches, il publie, à 36 ans, Les Guerresdécisives de l'Histoire, travail d'historien certes, mais surtout découverte ou plutôt redécouverte de la stratégie que dominait jusque-là une pensée dite « clausewitzienne », et qui, à la suite des exégètes prussiens du maître (dont la pensée était plus subtile et parfois contradictoire), voyait dans la bataille l'alfa et l'oméga de la guerre et qui, par là, méconnaissait les vertus de la manoeuvre stratégique ramenée à une opposition directe des potentiels. Ce que Liddell Hart démontre alors — ce qui m'avait tant frappé en 1931 - c'est que la bataille n'est que l'un des moyens d'obtenir la défaite de l'adversaire, qu'en fait, tous les grands capitaines n'ont connu le succès que par des combinaisons permettant de tromper l'ennemi, de mettre en défaut ses dispositions et d'ébranler son moral par ce qu'il appelait l' « approche indirecte ». Plus tard, il codifiera ces idées dans son livre Strategy.

Tout cet apport intellectuel, qui aurait pu changer le cours de l'histoire en 1940, a été méconnu par les chefs français et britanniques de 1940. Cette extraordinaire faillite, due au conformisme et à la sclérose, a dû être pour Liddell Hart un véritable calvaire. Ce rôle de Cassandre du penseur militaire a quelque chose de tragique...

C'est dire avec quel soin, en stratège mais aussi en historien, Liddell Hart s'est penché sur cette Seconde Guerre mondiale, dont le déroulement eût pu être si différent. Son premier acte fut d'aller interroger les grands acteurs allemands de la guerre et de se placer ainsi, d'entrée en jeu, à cheval sur « les deux côtés de la colline)) (selon le titre de son livre: The Other Side of the hill). Connaissant assez bien le côté allié — surtout britannique --des opérations, il a été ainsi en mesure de redresser bien des erreurs de jugement et des légendes pieuses. C'est ce qui fait l'intérêt passionnant de ce livre où, dans les parties que je connais bien pour en avoir été acteur, je ne relève que des faits vérifiés et exacts. Peut être — mais ceci n'est-il pas humain — a-t-il tendance à voir les choses d'un point de vue plus britannique? Son immense documentation s'étend effectivement à l'ensemble de cette seconde guerre, absolument mondiale. C'est là un véritable monument qu'il a heureusement eu le temps de terminer avant de nous quitter, trop tôt encore pour tous ses nombreux amis qui attendaient de lui de nouvelles idées, mais tout de même beaucoup plus tard que ne le prévoyait le médecin qui le fit réformer de l'Armée après la Première Guerre mondiale...

Sir Basil Liddell Hart, esprit passionné et curieux, nous laisse une grande leçon qui est celle de toute sa vie. Dans le domaine militaire, la vérité, non pas celle du passé mais celle qui se vérifiera dans l'avenir, ne peut généralement pas être trouvée par les voies officielles de la hiérarchie, trop facilement conformiste. II est donc capital qu'il existe des chercheurs Prives, capables de donner libre coursa leur imagination et à leur initiative. C'est cette grande leçon que le lecteur pourra trouver tout au long de cette passionnante Histoire de la Seconde Guerre mondiale.


Lire la postface du général Beaufre sur livre de Liddell Hart; Beaufre rend justice à l'action des forces françaises dans la guerre jusqu'à la capitulation allemeande le 8 mai 1945.


Mis en ligne le 29/08/2009 par Pierre Ratcliffe. Contact: Portail: http://pratclif.com