L'oligarchie française: de la méritocratie des 30 glorieuses à l'oligarchie des 30 piteuses
Une élite aveugle aux transformations de la société française
de la méritocratie des 30 glorieuses à l'oligarchie des 30 piteuses. Réflexions suite à la lecture d'ouvrages des sociologues Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot ("le présdent des riches") et Louis Chauvel ("destin des générations" et "classes moyennes à la dérive". Les sociologues paraissent souvent du côté contestataire de l'ordre établi (exemple Pierre Bourdieu). Leur mérite est de faire comprendre comment fonctionne la société et son évolution; ce qu'est la correspondance entre les conditions de vie réelles vécues par les différentes strates de la société et leurs comportements et interactions les unes avec les autres; notamment vis à vis des opportunités d'exercice de pouvoirs, de développement et d'enrichissement.
La France est passée en trois décennies - depuis la fin des 30 glorieuses - d'une méritocratie à une oligarchie. Qu'est ce qu'une oligarchie? C'est un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par un groupe d'individus et de familles qui se connaissent, entretiennent des liens étroits en réseau et constituent un groupe de fait. Toutes les démocraties sont dirigées par des oligarchies. Est-ce un mal? Non, si l'oligarchie oeuvre efficacement pour le bien commun et l'intérêt général cad. pour la satisfaction du bien-être de tous (lien) perçu comme tel. Oui, si l'oligarchie agit pour satisfaire les intérêts particuliers de ses membres et que cela est perçu comme tel, par une majorité de la population. Cela est mesuré par les sondages d'opinion et cela se reflète dans la couverture par les médias des évènements qui jalonnent la vie politique et sociale. Tout ceci se déroule dans un contexte de crise financière provoquée par la cupidité des investisseurs; crise au cours de laquelle l'État a dû sauver des banques; crise suivie par une crise économique et sociale, et aujourd'hui par la crise de l'€, de l'endettement public et privé qui impose des mesures de rigueur longtemps différées.
Nicolas Sarkozy a mis en place en France un exécutif qui s'appuie sur l'oligarchie - groupe des grands corps d'État, des milieux d'affaires et des grandes entreprises du CAC40, des grandes familles, du parti de l'UMP. C'est cette oligarchie qui l'a aidé à parvenir au pouvoir en emportant en 2007 53.4% des suffrages à l'élection présidentielle. C'est cette oligarchie qu'il a remerciée dès le soir de son élection au Fouquet's. C'est un membre de cette oligarchie qui l'a remercié en lui prêtant son yacht de luxe de 50m dans la semaine qui a suivi son élection. C'est cette oligarchie qui bénéficie des cadeaux fiscaux, du bouclier fiscal passé de 60% à 50%, de la loi TEPA, de l'exonération des droits de succession, des possibilités de transmission de patrimoine tous les 6 ans aux héritiers... C'est cette oligarchie que l'opinion qualifie de "RICHES". Mais en revanche, toutes les classes moyennes, et les classes pauvres sont abonnées à la rigueur et à l'austérité pour baisser les dépenses publiques sans augmenter les recettes. NON Niclolas Sarkozy n'augmentera pas les impôts car les RICHES ne l'ont pas élu pour cela. Et certains riches paient même zéro impôts aidés qu'ils sont par des avocats fiscalistes qui savent optimiser les impôts de leurs clients par les niches fiscales (montant de celles-ci 75 milliards d'€, du même ordre que le déficit public).
La politique suivie depuis 2007, correspond à la vision de cette oligarchie de ce qu'il fallait faire pour gouverner la France et la remettre sur la voie du progrès - un retour aux 30 glorieuses. Cela s'est préparé 2 ans avant l'élection présidentielle, dans le contexte de l'avant crise 2007-2009, d'un alignement sur la réussite des États-Unis et du Royaume-Uni où le néolibéralisme s'était imposé comme le modèle à suivre. C'est cette vision qui a prévalue lors des élections de 2007 qui ont porté . La situation de la France n'est pas bonne et cela ne date pas de la crise mais de bien avant. Les statistiques de l'INSEE qui se concentrent sur les moyennes ne sont pas mauvaises; mais cela ne correspond pas au vécu de nombreuses catégories sociales dont les conditions de vie se dégradent comme le démontrent de nombreuses études de sociologues et d'économistes non orthodoxes.
De la méritocratie à l'oligarchie
Dans les années 1950 jusqu’aux années 1980, peu d’observateurs mettaient en cause le désintéressement, le dévouement ou la compétence des grands commis de l’État, alors qu’aujourd’hui on stigmatise la confusion des rôles qui semble régner entre l’administration, la politique, les medias et les affaires. La population, qui est d’autant plus conservatrice qu’elle paie comptant les dégâts de la déréglementation et de la mondialisation enrage de ne pas être consultée par les "élites" sur les grandes questions qui l’engagent alors que ces dernières gaspillent des milliards d’Euros par impéritie, privilégient leurs avantages personnels sur le bien public et s’auto absolvent de toute faute - jamais coupables, jamais responsables. Se trouvent contestés aussi bien le recrutement des dirigeants politiques parmi les seuls hauts fonctionnaires, que le système de sélection des élites qui réserve aux seuls élèves des grandes écoles l’accès aux postes de responsabilité politiques et économiques, un système qui revient à exclure le reste de la population française à l’âge de vingt ans. Voir sur ce sujet les travaux du sociologue Louis Chauvel "le destin des générations" et "les classes moyennes à la dérive".
Que se passe-t-il en France depuis la fin des années 1970? Fin de la méritocratie? Extrait de "les classes moyennes à la dérive" de Louis Chauvel: "Une source de ce sentiment obscur se trouve notamment dans la désinstitutionalisation des inégalités. En France, et plus particulièrement au temps des Trente Glorieuses, la décrue des inégalités générales a été obtenue par un encadrement institutionnel des hiérarchies sociales: tels diplômes conjugués à telle ancienneté ouvraient droit à telle rétribution, éventuellement modulée par des primes de rendement dont l'attribution était fort encadrée par les partenaires sociaux. Qu'un individu à diplôme donné débute sa carrière ici ou là, ses chances de progression obéissaient un peu partout à des règles du jeu semblables. La désinstitutionnalisation des inégalités aboutit à une situation où ces critères observables et contrôlables, collectivement encadrés par des règles stables, comptent moins et laissent une place croissante à l'aléatoire et à l'arbitraire. Commencer sa carrière dans telle entreprise ou chez son concurrent, une année marquée par une conjoncture porteuse ou non, s'y faire favorablement remarquer ou laisser une mauvaise impression, semblent plus importants que de produire un travail régulier, créatif, efficace, fiable sur la longue durée. L'essentiel est effectivement moins de bien faire que d'arriver au moment propice à l'endroit idoine pour rafler la mise."
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