Croissance exponentielle: Les grains de blé et le jeu d’échecs | La peur exponentielle (2/2)

Avant l'ère industrielle l'humanité était dans la stagnation; la croissance naturelle de la population était restreinte par les épidémies, les maladies infectieuses, le manque d'hygiène, les famines et les guerres. L'activité des hommes portait essentiellement sur la production de nourriture, de vêtement et de logement. L'énergie utilisée était la main de l'homme et les forces de l'animal domestique. On estime que la croissance de la production de biens durant les 18 siècles séparant de l'empire romain fut en moyenne de 0.4%. A la fin du 18è siècle l'homme se déplaçait à la même vitesse que les romains 18 siècles plus tôt. [voir Gérard-François Dumont et Hervé LeBras sur la croissance de la population]

Les choses commencèrent à changer radicalement à partir du début du 19è siècle grâce aux connaissances scientifiques développées durant le 18è et commencées à la fin du moyen-âge au 15è siècle en Europe occidentale. L'invention de la machine à vapeur, son emploi pour exploiter les gisements de charbon et de fer (machines de pompage de l'eau et d'extraction) en Angleterre, où ces ressources étaient proches et abondantes, permirent une production d'énergie sans précédent qui fut utilisée pour accroître la production de biens utiles, à commencer par les textiles (*)... La révolution industrielle était commencée. Son essor commença après les guerres napoléoniennes en 1820. Mais la croissance au 19è siècle fut faible par rapport aux taux d'aujourd'hui. Elle ne fut que de l'ordre de 1.4%.
(*) Bien d'autres éléments expliquent la montée de l'hégémonie de l'Europe occidentale dans le système monde au cours de la deuxième moitié du deuxième millénaire, distancant les civilisations plus anciennes du proche Orient, de l'Inde et de la Chine. Ce sont la disparition progressive du système féodal qui s'installa après l'effondrement de l'empire romain, le commerce entre l'Europe du Sud et du Nord d'Italie aux Flandres via la France et l'ex-empire romain germanique, la découverte des Amériques par les espagnols et les portugais, l'essor des comptoirs commerciaux portugais, puis hollandais, puis anglais et français en Afrique et en Asie... et des conditions politiques et sociales favorables en Hollande et en Angleterre. Tout ceci est l'objet de nombreuses publications dont celles de Angus Madison et aussi de Ha-Joon Chang.

La croissance ne devint importante qu'après la 2è guerre mondiale grâce à l'électricité, au moteur à explosion et à l'exploitation du pétrole. En fait le potentiel était là à la fin du 19è siècle et la période qu'on appelle la première mondialisation. Mais elle fut arrêtée par la première guerre mondiale et la grande crise économique commencée en 1929 qui se poursuivit jusqu'à la deuxième guerre mondiale, cette fois plus dévastatrice encore en Europe et en Asie jusqu'en 1945.

La guerre de 1914-1918 fut le résultat de cette première mondialisation et d'une rivalité entre les nations d'Europe occidentale, et par les déséquilibres que provoquèrent la recherche de la puissance économique par la colonisation des pays lointains et plus faibles en technologies. L'hégémonie de l'Angleterre suivie de près par la France et faisant suite à celles de la Hollande, du Portugal et de l'Espagne, produisait d'énormes excédents commerciaux qui ne furent pas utilisés suffisamment pour accroître le bien être de leurs populations nationales, mais généraient des inégalités sociales contestées. Les énormes excédents provenaient des bénéfices de l'exploitation coloniale.

Dans un système fermé que serait un pays sans relations avec l'extérieur, il n'y que 4 possibilités pour résoudre les déséquilibres résultant de la création d'excédents, l'excès de production par rapport à la consommation, c'est à dire l'épargne.

  1. Accroître l'investissement productif ce qui accroît la consommation future.
  2. Accroître la consommation de la population du pays sous pression de syndicats.
  3. Accroître la consommation par la distribution de crédit.
  4. Décroître la production en forçant le chômage

Et dans une économie ouverte sur l'extérieur, d'exporter les excédents sous la forme de capitaux, de réalisation d'investissements, d'achats d'actifs physiques ou boursiers avec le risque d'investissements non productifs et de formation de bulles immobilières ou d'actifs. Ces déversements d'excédents sont la cause des déséquilibres, notamment la crise financière des années 90 en Asie et au Mexique; ou des années 2000 dans les pays d'Europe du Sud suite à la création de la monnaie unique l'euro. Quand ces bulles deviennent insoutenables, l'économie d'effondre. Les acteurs qui ont bénéficié des bulles voient la valeur de leurs actifs s'effondrer, les banques sont affectées et tout le monde doit se dés-endetter en réduisant sa consommation et les investissements.

Jean-Baptiste Say formula le mode de fonctionnement de l'économie entre producteurs et consommateurs. Il est intéressant de connaitre la loi de Say, dite loi des débouchés ou loi du marché.

En effet, dans le système économique fermé qu'est le système monde dans son ensemble, les excédents des uns sont les déficits des autres, la somme étant zéro. Un pays déficitaire ne peut se défendre qu'en agissant sur le taux de change de sa monnaie, par des contrôles des investissements étrangers, et par des droits de douane ou une combinaison des trois.

Il est certain que la croissance naturelle de la population qui résulte de notre propension à la reproduction, pour notre survie en tant qu'espèce de la biosphère, doit s'accompagner de la croissance de nos activités, pour la production de nourriture, des tous les biens vitaux, et de ceux qui correspondent à l'état de développement culturel de la société à un moment donné. Sinon, la population accrue serait plus pauvre en tout, notamment en nourriture. Cette croissance naturelle a fortement augmenté partout grâce aux progrès techniques, de la médecine, de l'alimentation et de l'hygiène; eau assainissement et air. La population s'accroît dans la proportion du nombre d'enfants par femme et du nombre d'enfants de sexe féminin. Deux enfants par femme sont considérés comme le seuil de reproduction d'une population; et comme il y a en moyenne un enfant mâle pour un enfant femelle, la reproduction est assurée quand la femme s'est reproduite elle-même. Tout ceci est expliqué dans les études sur la démographie dont je tiens un fil rss [lien]. Les démographes observent une diminution progressive de la fécondité, c'est à dire du nombre d'enfants par femme, à mesure que la prospérité et le niveau de vie augmentent. Le cas de la Chine et de l'Inde est particulier; ces pays tentent de réduire la croissance de leur population de manière autoritaire. La transition démographique se produira-t-elle à temps pour éviter le pire pour notre espèce. Car la croissance de tout indéfiniment est la cause de tous les déséquilibres actuels, et notamment le changement climatique [lien]

Enfin, une cause des besoins de croissance indûs, est l'inégalité, cad. la propension des puissants - élites, politiques, influents et talentueux - à vouloir beaucoup plus que nécessaire à leurs besoins.

Plus:

  1. Croissance exponentielle, Logarithmes
  2. La peur exponentielle, un livre de Benoit Rittaud
  3. La croissance et la diabolique fonction exponentielle par Alain Desert
  4. Croissance de tout indéfiniment 1/2
  5. Croissance de tout indéfiniment 2/2
  6. Chine déclin de la croissance
  7. loi de Say, dite loi des débouchés ou loi du marché.
  8. L'Action humaine traité d'économie par Ludwig von Mises



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Mis en ligne le 01/08/2014 pratclif.com