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Voeux 2011: la situation économique politique et sociale

Le documentaire réalisé par Augustin Legrand et Ronan Dénécé, "les enfants de Don Quichotte" sur les SDF, a été projeté sur les écrans fin 2010. La précarité est-elle en train de devenir la norme dans notre pays? Chômage massif, emplois à temps partiel, emplois précaires, pression à la baisse des salaires, menaces de fermetures d'usines et de délocalisations, afflux de nouveaux pauvres dans les restos du coeur, au secours catholique et au secours populaire... une nouvelle fois il est bon de s'interroger sur l'économie, les économistes et ceux qui disent que tout va bien... mais pour qui et pour combien de temps encore? L'hyper consommation de nos sociétés est mise en question. Où cela mène-t-il? Quels changements de comportements collectifs faut-il promouvoir?

L'économie et sa relation avec le social et la politique (lien) c'est toute l'activité des hommes et des femmes qui constituent une société dans son ensemble. L'économie ce sont les hommes et les femmes partout qui cherchent à satisfaire leurs besoins vitaux - manger, se vêtir, se loger, se protéger et se soigner, avoir des enfants et les éduquer jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes, tout ceci dans un cadre de biens et de services collectifs et des règles communes acceptées par tous - le sociétal fixé par le politique. Autant d'hommes et de sociétés dans le monde, autant de manières de produire biens et services cad. de faire de l'économie, du sociétal et du politique. Et tout est en perpétuel changement à l'échelle du temps des générations... C'est une situation à laquelle tous les économistes et tous les décideurs sont confrontés, comme par exemple la crise financière économique et sociale actuelle commencée fin 2007 et qui continue en 2011. Comme aussi la crise du monde arabo-musulman et des révoltes qui se déroulent début 2011.

Avant la crise, le chômage de masse existait déjà en France; il existe depuis plus de 20 ans. Voir. Les emplois à temps partiel et précaires se multipliaient. La désindustrialisation était en marche avec les fermetures d'usine, les délocalisations et les mises à la rue des travailleurs pour raisons de produits obsolètes ou de compétitivité insuffisante. Faute de retrouver un emploi dans des bassins d'activité sinistrés, de nouveaux pauvres venaient grossir les effectifs des associations caritatives. Et la crise, nouveau retournement de cycle de l'économie de marché, particulièrement grave puisqu'on la qualifie de crise centenaire, a exacerbé le phénomène. Début 2011, la situation ne cesse d'être préoccupante.

La crise financière née du surendettement des ménages américains et de la crise des "subprimes" liée au marché immobilier aux États-Unis, s'est répandue à travers le monde de fin 2007 à 2009. Voir crises. Les banques qui avaient participé à ces opérations spéculatives furent atteintes dans leurs fonds propres car la valeur de leurs actifs avait fondu; elles réduisirent leurs crédits aux entreprises et aux ménages. Les économies des pays développés notamment celles de l'Europe des 27, se sont fortement contractées en 2009. Les prévisions pour 2010 ne sont guère plus optimistes: une petite reprise est envisagée.Voir ici. La note de conjoncture pour la zone € n'est pas optimiste (et le chômage en janvier atteint 10% pour l'ensemble de l'UE).

À l'opposé, les pays émergents - Chine, Inde, leurs voisins d'Asie du Sud-Est, le Brésil... ont peu été affectés par cette crise; et leur croissance économique est très soutenue - la Chine frôle de 10%, l'Inde les 7%, le Brésil 5%... Ils connaissent le décollage économique, rattrapant des décennies de retard par rapport aux pays développés.

Qu'est ce que l'économie, dont tout semble dépendre aux plans local, régional, national, continental et mondial?

Depuis 300 ans l'humanité connaît une croissance formidable de la production de biens grâce à la machine à vapeur. À la fin du 19è siècle et au cours de la première moitié du 20è, la croissance s'est accélérée grâce à l'électricité. Deux guerres mondiales et une crise économique dans les années 1930 en ont perturbé l'avancée. Depuis la fin de la 2è guerre mondiale en 1945, la croissance de la production matérielle s'est formidablement accélérée grâce au pétrole. Voir ici.

Au cours des cinquante dernières années, le champ de l'économie s'est élargi de façon considérable. L'économie couvre tous les domaines de l'activité des hommes et notamment, le politique, le social, l'environnement et l'écologie. Dans nos pays, certains sont devenus des sur-consommateurs de tout. Mais pas tous. Car le système de production qui alimente ces consommateurs ne produit pas assez pour donner à tout le monde les biens et services du niveau atteint par la société. Avec 2.5 millions de chômeurs, nous sommes en sous production par rapport à notre capacité. Il faudrait produire plus pour satisfaire tout le monde, notamment les plus démunis au niveau de vie corresspondant à l'état du moment. La proportion de français en âge de travailler (16-65ans) dont le revenu est sous le seuil de pauvreté est de l'ordre de 15%. Le seuil de pauvreté c'est 60% du salaire médian, soit environ 900€/mois. C'est une première raison pour laquelle on parle de "croissance" nécessaire. C'est que la croissance est mise en relation avec le taux de chômage. C'est la relation de Okun. Le chômage diminue si le taux de croissance augmente à partir d'un certain seuil. Voir ici.

Croissance de quoi, comment et pour qui? Croissance de tout ce qui fait déjà la sur-consommation de certains, ou croissance pour permettre à ceux qui n'ont pas de travail, qui ne participent pas à l'activité, ou ceux dont les revenus sont très insuffisants vu les prix du marché, d'avoir accès aux biens et services essentiels et un niveau de vie qui les rende satisfaits? Il est des pays, petits certes, où c'est le cas: la Suisse, le Danemark, la Hollande, la Suède, la Norvège.... pourquoi pas chez nous?

Une autre raison qui appelle la croissance, c'est la multiplication des règles destinées à protéger la qualité de vie, l'environnement. En multipliant ces règlementations, on crée davantage d'emplois "non productifs" de produits marchands. Pour compenser, il faut donc que la production marchande augmente, du moins si l'on veut préserver le mode de production/consommation atteint à un moment donné.

Avant la crise, la plupart des économistes nous proposaient de nous aligner sur les économies des États-Unis et du Royaume-Uni où la prédominance de l'économie de marché était de règle. Les États-Unis ont connu durant 10 ans (1995-2005) une période de croissance économique exceptionnellement forte; le PIB avait augmenté de 4-5% par an, et le chômage était au plus bas niveau historique: le plein emploi - chômage faible considéré comme volontaire, frictionnel cad. de travailleurs en cours de changement d'emploi. L'Europe et la France connaissaient durant cette période, un chômage massif de l'ordre de 8-10% et une croissance faible de ±2%. De nombreux économistes, journalistes et observateurs en France et à l'étranger, mettaient le chômage et la stagnation économique française sur le dos du "trop d'état", "trop de dépenses publiques", un secteur privé étouffé par les charges excessives et des rigidités sociales, des salaires trop élevés et protégés par des syndicats irresponsables. J'ai moi-même été séduit par ces explications.

Le problème c'est que l'économie n'est pas une science exacte. Chaque société humaine s'organise de façon différente pour produire biens et services en fonction de sa population, de son histoire. Une société s'organise pour produire tous les biens et services dont les gens ont besoin, tant pour la consommation privée que pour les services publics; elle organise le partage entre les activités marchandes du secteur privé et les services du secteur publique; elle organise comment produire et comment distribuer la production entre les individus appartenant aux divers segments de la société.

Il en résulte qu'il y a autant de systèmes d'organisation de l'économie, combinant par la politique, les aspects sociaux, les rémunérations, la fiscalité, la protection de l'environnement et le traitement des pollutions.... que de sociétés et pays représentatifs des communautés humaines.

Économies de marché, économies dirigées

Dans cette diversité, on distingue cependant deux organisations radicalement différentes de l'économie.

  1. L'économie de marché où les décisions sont prises sur des marchés; producteurs et consommateurs - individus et entreprises, devenus vendeurs et acheteurs, s'y rencontrent et concluent des transactions; cad. qu'ils s'accordent sous contrat pour un échange de biens et de services, en général en contrepartie d'un paiement en monnaie qui sert d'unité de valeur et d'échange. Voir cet article de Wikipedia. Il est extraordinaire de réaliser que les marchés fonctionnent par la volonté de millions d'individus et d'entreprises, qu'ils produisent biens et services et les mettent à la disposition des consommateurs. Les mécanismes qui déterminent l'efficience des marchés sont décrits ici.
  2. L'économie dirigée où l'État prend la plupart voire toutes les décisions économiques. Ceux qui sont au sommet de la hiérarchie donnent des directives économiques à ceux qui sont en dessous.

Examinons les deux modes d'organisation économique.

L'économie de marché

Dans les pays dits développés, et de plus en plus dans le monde depuis la chute de l'URSS, les sociétés s'organisent selon le mode de l'économie de marché. C'est une économie où les individus et les entreprises privées prennent les décisions concernant la production d'un grand nombre de biens et services dits marchands pour satisfaire des besoins vitaux, essentiels et superflus. Le marché est le système - endroits physiques ou virtuels - où s'effectuent les transactions entre producteurs et consommateurs cad. entre vendeurs et acheteurs; c'est un système dont il résulte des profits pour certains et des pertes pour d'autres, d'où des incitations à produire pour satisfaire des besoins en créant ou en accroissant des capacités de production; le marché détermine alors ce que l'on produit, comment on le produit, pour quoi et pour qui on le produit.

Ce que l'on produit:
Les entreprises produisent les biens et services qui sont demandés par les consommateurs parce qu'il correspondent à leurs désirs et besoins - ménages, entreprises et État - de manière telle que les prix de vente couvrent tous les coûts de production imposés et qui procurent le profit le plus élevé possible. Le profit est la motivation principale de l'entreprise capitaliste; il constitue la source de l'accroissement ou accumulation du capital; l'accumulation du capital permet au capitaliste d'étendre la production de biens et de services pour accroître le supposé bien-être de la population. L'accumulation du capital est aussi source d'enrichissement du capitaliste.

Comment on produit?
Les entreprises produisent les biens et les services en utilisant des techniques de production - bâtiments, équipements, procédés de production, ce qui constitue l'investissement - et des hommes pour mettre en oeuvre ces techniques. Les connaissances et le savoir faire des hommes pour le bon fonctionnement des équipements, contribue à la productivité du couple équipements/hommes; c'est cette conjonction qui conduit à l'efficacité de la production par l'obtention de la qualité des produits et des meilleurs coûts possibles pour satisfaire les désirs et besoins des consommateurs dont les ressources financières égales aux salaires sont limités par rapport à leurs besoins.

Pour quoi et pour qui on produit:
Les salaires payés aux travailleurs servent à couvrir la satisfaction de leurs besoins. Une partie de ces salaires peut être épargnée en vue de dépenses futures. La partie des salaires consacrée à la consommation immédiate est retournée aux producteurs et alimente le cycle de production/consommation. La partie des salaires qui est épargnée retourne aux entreprises via le système bancaire; elle permet aux entreprises de compléter leurs besoins de financement d'extensions de capacité de production, quand leur accumulation de capital (profits) est encore insuffisante.

Voir ici un cours par Ch. Feytout http://webses.lyceesudmedoc.fr . Cliquer.

L'économie dirigée

Dans une économie dirigée, l'État prend toutes les décisions concernant la production et sa répartition. Dans une économie dirigée, comme celle de l'Union Soviétique de 1917 à 1989, l'État possède l'essentiel des moyens de production (terre, ressources naturelles et capital). Il possède et assure la direction des entreprises dans tous secteurs de production. Il est l'employeur de la plus grande partie des travailleurs et leur dit comment exécuter leurs tâches; il décide quels produits faire, en quelle quantité et à quels prix, où et comment produire et comment le produit doit être réparti entre les individus et segments de la société. Voir ici l'économie de l'URSS.

Économie mixte

Depuis la chute de l'URSS en 1989, dans presque tous les pays, c'est l'économie de marché qui domine comme système d'organisation de la production. Mais l'État joue un rôle de régulateur en légiférant pour fixer les "règles du jeu" et surveiller le bon et juste fonctionnement des marchés. Les pouvoirs publics adoptent ainsi les lois qui réglementent la vie économique du secteur privé. Par les prélèvements fiscaux qu'il effectue sur les ménages et les entreprises, l'État assure les services de santé, d'éducation, de sécurité intérieure et extérieure, de justice, et le fonctionnement des grandes infrastructures et réseaux divers; il contrôle le respect de l'environnement et lutte contre la pollution. La répartition de la production entre secteur privé pour la production de biens et de services marchands, et secteur public pour les services collectifs, varie d'une société à l'autre selon sa population et son histoire. La plupart des sociétés humaines de la planète s'organisent donc selon un mode d'économie mixte cad. avec des éléments de l'économie de marché et des éléments de l'économie dirigée. D'ailleurs dans l'histoire récente, il n'y a jamais eu d'économie de marché à 100%, même si l'Angleterre du 19è siècle s'en est approchée.

Conclusion

L'organisation économique, sociale et politique d'une société est une combinaison "optimale", à un moment donné de son histoire, d'un système de services publics et de production de biens et services marchands par les producteurs et consommateurs. "Optimale" au sens de l'acceptation par sa population et toutes ses composantes qui constituent "le peuple", En principe tous les individus et segments de la société bénéficient des services publics sans aucune restriction. Les biens et services marchands produits par les marchés sont répartis entre les individus selon leur contribution au processus de production cad. sous forme de salaires, rémunération d'épargne et de capitaux, et les entreprises et l'État. Ceux qui ne contribuent pas parce qu'ils sont au chômage, bénéficient de l'aide publique soit sous la forme d'assurance chômage soit sous la forme d'assistance de la collectivité par des services publics.

Chaque société réalise une combinaison "optimale" de ces éléments de manière différente, selon ses ressources, sa culture et son histoire. Les niveaux atteints en matière d'institutions, de patrimoine, de production économique varient énormément d'un pays à l'autre.

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Mis en ligne le 08/12/2010