Crise de l'euro, triple A, rigueur et austérité

Déséquilibres macroéconomiques et politiques fiscales insoutenables.

S'il y a crise c'est parce que les États s'endettent et que la dette devient, ou est déjà devenue, insoutenable pour les États, aux taux d'intérêts demandés par les acheteurs. Sans ces taux, il n'y pas d'acheteurs des bons d'États. Qui sont les acheteurs de bons d'États? Des agents de l'économie qui disposent de réserves de monnaie, par suite de gains réalisés dans les transactions de l'économie; ces transactions constituent l'économie cad. le PIB produit intérieur brut. Ce sont des individus, des ménages, des entreprises, des banques, des États (producteurs de pétrole, Chine...). Sans excédants commerciaux pas d'acheteurs de dette. Sans besoins et vendeurs de dette, pas d'opportunités d'achats par ceux qui ont des excédants. C'est un jeu à somme nulle.

Depuis trois décennies, les États de certains pays "riches" dépensent plus que ce qu'ils ne produisent et empruntent la différence sur les marchés financiers; il se constitue une dette dite souveraine. L'écart entre les recettes et les dépenses est récurrent et accroît la dette des États en un effet boule de neige. Jusque maintenant la croissance de la production, le PIB, permettait de supporter l'accroissement de la dette et de rembourser les emprunts arrivant à échéance par de nouveaux emprunts. Les détenteurs de réserves financières sont friands de dettes d'États car les États sont "éternels" et ne présentent en principe aucun risque de faire défaut de paiement sur leur dette. C'est le moyen idéal de placer les excédants dont on dispose pour un temps.

Les détenteurs d'excédants achètent des bons d'États à l'émission pour placer leurs excédants et gagner de l'intérêt; ils revendent leurs bons sur le marché financier quand ils ont besoin d'argent sans attendre l'échéance; s'ils ont des opportunités meilleures (arbitrages); ou s'ils craignent un défaut de paiement de l'emprunteur. Quand il y a plus de vendeurs que d'acheteurs, les prix des bons d'États échangés sur les marchés baissent. Puisque les bons portent un taux d'intérêt fixe, ceux qui ont acheté à un prix décoté bénéficient d'un taux d'intérêt plus élevé. Quand l'État vend à nouveau des bons sur le marché pour financer du déficit, il doit subir cette hausse pour vendre la totalité de ses bons.

La crise actuelle de la zone euro pour les pays les plus attaqués par les marchés, résulte de déséquilibres macroéconomiques et de politiques fiscales non soutenables bien avant la crise; la crise n'a fait qu'exacerber ces déséquilibres, notamment en France. La France est en déséquilibre macroéconomique et fiscal depuis 1974. La France consomme plus qu'elle ne produit. Elle emprunte tous les ans sur le marché pour financer le déficit et la dette s'accroît d'année en année. La dette atteint 1700 milliards fin 2011 (85% du PIB). C'est le montant des intérêts annuels à payer qui a fait basculer le budget de l'État dans l'insoutenabilité. Les intérêts s'élevent à 50 milliards d'€ en 2010; 1% d'intérêt supplémentaire correspond à #20 milliards de déficit supplémentaire à financer et un accroissement de la dette du même montant annuellement. L'écart entre le taux d'intérêt allemand et français est de 1% (novembre 2011), mais la perte du triple A pour la France serait dramatique car le taux d'intérêt augmenterait de plusieurs points de %.

Membre de l'Union monétaire européenne UME, la France comme les 16 autres États de l'UME, n'a plus la possibilité de dévaluer la monnaie, vis à vis de ses partenaires commerciaux, pour retrouver l'équilibre macroéconomique; et même, cela n'empêcherait pas de devoir assurer une politique fiscale soutenable et un budget en équilibre. Pour retrouver l'équilibre sans dévaluer, il faut réduire les dépenses publiques inefficaces, accroître la productivité de la main d'oeuvre, améliorer la flexibilité du travail et poursuivre les réformes du marché de l'emploi et pratiquer une fiscalité soutenable... Toutes choses impopulaires surtout en période électorale!

Les dépenses des administrations publiques (APU), - État central, collectivités territoriales et sécurité sociale - atteignent 1027 milliards d’euros, soit 52,8 % du PIB (chiffres 2008 INSEE)- c'est 56.2% en 2010. La protection sociale, la santé, les services généraux et l’enseignement représentent 80,7 % de la dépense publique totale. C'est un choix de société. Mais en même temps le chômage est constamment de 8-10% depuis des années, la balance commerciale est de -50 milliards d'€, le déficit du budget est de plus de 3% du PIB et la dette de 1700 milliards d'€ s'accroît d'année en année. Le modèle français n'est pas performant.

Du côté des recettes, toujours en 2008, la fiscalité c'est 42.8% du PIB, plus 6.5% de recettes non fiscales, et déficit 3.4% financé par les marchés.

Voir comptes de la nation 2007-2010 (INSEE).

Revenir au franc? dévaluer la monnaie pour retrouver compétitivité? faire marcher la planche à billets pour financer les déficits?... c'est du populisme (cf. Marine Lepen). On retrouverait la spéculation des marchés sur le franc, les dévaluations successives, le contrôles des changes, et l'inflation.

La France ne peut pas éviter d'avoir à corriger les déséquilibres macro-économiques et de pratiquer une politique fiscale menant à l'équilibre des comptes. C'est cela le message des marchés en cette fin d'année 2011. Dans un premier temps, cela va nécessairement impliquer une baisse de niveau de vie pour tous; le temps de retrouver l'équilibre et de repartir du bon pied avec une nouvelle croissance soutenable. Du moins c'est ce qu'un gouvernement responsable devra faire et garantir que les efforts seront partagés équitablement.

Voir cette conférence de Jürgen Stark de la BCE. Faire jouer à la BCE le rôle de prêteur en dernier ressort, cad. lui permettre d'émettre des bons d'État ou Eurobonds, implique nécessairement de mutualiser la dette de tous les pays de l'Euro dans une structure fédérale, de mener une politique économique commune, et d'appliquer des règles strictes en matière d'équilibres macroéconomiques et de politique fiscale. Aujourd'hui, il y a 17 pays émetteurs de dettes souveraines et une banque centrale qui ne veut pas jouer le rôle d'une banque centrale. Mais les évènements se déroulent très vite; le triple A de la France est menacé; l'Italie vient de changer de gouvernement; les politiques en Grèce comme en Italie cèdent la place aux experts de la finance. J'espère que cette crise va amener l'Europe à s'unir davantage. Sinon ce sera l'éclatement de l'€ et la crise sera pire encore.



Mis en ligne le 13/11/2011