Imposer davantage les plus riches?

La persistance de la crise économique et financière, voire la crainte de son aggravation en 2012, occupe l'essentiel de l'actualité. Les éditorialistes de tous les médias, TV et radios, quotidiens, hebdomadaires et mensuels, blogs de toutes sortes, ne cessent de commenter la pire crise que le monde ait connu depuis celle de 1929. Tous les aspects de la crise sont mélangés - déficits publics, dette souveraine des États, dépenses publiques, recettes fiscales et emprunts d'États pour les couvrir, taux d'intérêts de la dette souveraine, pression des marchés financiers sur le financement des déficits et de la dette des États, plans d'austérité visant à la baisse des dépenses publiques et à l'augmentation des impôts, accroissement du chômage et de la précarité, baisse du pouvoir d'achat, explosion des inégalités sociales ...

Dans cet océan d'informations il est difficile se faire une opinion équilibrée, tant les point de vues divergent sur l'analyse de la situation et plus encore sur les mesures à prendre pour résoudre les problèmes qui se posent à de multiples niveaux. Certains commentateurs des médias me paraissent carrément se tromper dans leurs analyses et ainsi tromper l'opinion. Il est illusoire de vouloir tout couvrir dans un petit billet. Cela relève d'ouvrages de 500-600 pages des nombreux experts de la question.

Le dernier sujet de l'actualité c'est l'impôt des plus riches de la société - particuliers et grandes entreprises dans le même panier; car il est avéré qu'ils n'en paient pas beaucoup et bénéficient de nombreux dispositifs dérogatoires - les patrons des grands groupes et de sociétés du CAC 40, les traders, les sportifs et les stars du show business et d'autres encore. Que les plus riches paient des impôts à proportion de leurs revenus, ou de leur patrimoine constitué à partir de revenus passés, quoi de plus normal, conforme à la constitution et à la déclaration des droits de l'homme de 1789! Les impôts c'est ce qui constitue les revenus de l'État pour assurer les services publiques, la redistribution de la richesse produite et la solidarité entre les citoyens; car personne ne peut vivre indépendamment du corps social. Quand les dépenses publiques dépassent les recettes, notamment en période de crise économique, l'État emprunte la différence sur les marchés financiers. Et quand cela ne suffit pas encore, l'État vend certains actifs physiques de son patrimoine; exemple une ancienne prison à Avignon achetée par un groupe hôtelier, transformée en hôtel de charme. Cela pour dire que les recettes de l'État c'est la somme des impôts, des emprunts et d'éventuelles cessions d'actifs.

Vouloir faire payer davantage les plus riches est ironiquement un retour en arrière car jusqu'à la fin des "30 glorieuses" cad. vers la fin des années 1970, les taux d'imposition marginaux se situaient entre 70 et 80% dans tous les pays développés y compris aux États-Unis. Depuis 1980, ces taux marginaux d'imposition ont été réduits partout, dans la vague du néolibéralisme et de la mondialisation, un nouveau dogme adopté dans l'espoir de stimuler la croissance et éradiquer la pauvreté à travers l'ensemble de la planète. Nous sommes en France à 41% seulement; et de plus, les plus riches bénéficient d'exonérations fiscales et de niches de sorte que certains ne paient pratiquement pas d'impôts - particuliers comme Liliane Bettencourt et grandes entreprises comme Total.

Imposer davantage les plus riches paraît donc justice économique et sociale et s'impose donc politiquement même si, vu leur petit nombre, ils n'augmenteront pas significativement les recettes de l'État. Et il faut-il pas que ces riches s'évadent en Suisse ou d'autres États "paradis fiscaux" qui ont suffisamment de recettes fiscales pour assurer leurs dépenses publiques bien "maigres" pour certains! Autre aspect du problème, qui aurait justifié le fameux bouclier fiscal des plus riches. Ces États n'ont pas besoin de l'argent des riches si ce n'est pour acquérir des actifs physiques et détenir des actifs financiers!

Il ne suffit pas selon moi de taxer les riches davantage par quelque dispositif fiscal de retour en arrière - je note que l'on ne sait toujours pas ce qui sera fait: taxer à plus de 500000€ ou 300000€ et sur quelle assiette, ou créer des tranches d'imposition supplémentaires. Il faut surtout s'interroger sur les raisons de cette richesse qu'on peut qualifier d'excessive. Je pense là surtout aux patrons des grands groupes et aux traders. Laissons les sportifs et les stars de côté. Certes la survie et les résultats d'un grand groupe doivent beaucoup à la qualité de ses dirigeants; il en résulte la richesse produite, l'emploi de milliers de personnes et des biens utiles accessibles à tous. Mais le groupe doit tout autant à la qualité de ses salariés, cadres supérieurs, cadres moyens, employés et ouvriers, à la société qui les a éduqués et formés, aux équipements et aux infrastructures de toutes sortes que les dépenses publiques ont créées et font fonctionner, donc à la société toute entière. De nombreux travaux pointent de manière documentée, le fait que le partage de la valeur ajoutée des grandes entreprises a baissée au détriment des salariés depuis 30 ans. Depuis un maximum de 70% la proportion est descendue à un minimum de 64%. Le but était d'assurer la compétitivité des entreprises dans le contexte du néolibéralisme et de la mondialisation. De même le partage de la valeur ajoutée est au détriment de l'État qui assure les services publics et la redistribution. Les effets délétères sont l'enrichissement des dirigeants, l'influence de la finance, la stagnation voire l'appauvrissement des salariés et la baisse des recettes de l'État. Les indicateurs du phénomène sont l'écart énorme entre les revenus des 1% les plus riches et les 10% les plus pauvres de la population. Cet écart a évolué de 30 à plus de 340 au cours des trente dernières années (lien) et déficits du budget de l'État. Tout cela est à la fois cause et conséquence de la crise comme un dans un oxymore. Il est temps que ça change!


Mis en ligne le 29/08/2011