Sur la contribution du libre échange et de la mondialisation à la crise

L'idéologie économique dominante depuis la fin de l'URSS en 1989 c'est la libéralisation des échanges sur toute la planète. Faire du monde entier un "village" où la production et l'échange de biens et de services puisse se faire là où c'est le plus avantageux, favorisé par le faible coût des transports, la délocalisation des capitaux et de la main d'oeuvre.

La doxa économique, l'oganisation mondiale du commerce OMC créé en 1985 qui s'est substituée au GATT créé en 1947 en 1995, en l'élargissant, nous assure que la globalisation est bonne pour la planète et qu'elle permet d'accroître le bien-être de tous. Le GATT et l'OMC ont effectivement permis une multiplication par ? du commerce international en baissant les droits de douane et en levant les obstacles au commerce international. Mais les effets négatifs sont la mise en concurrence de pays à niveau social et économique très différent et le nivellement par le bas de ces normes sociales et économiques. L'OMC suit donc la doxa économique qui croît bon la croissance du PIB - absolu et par tête, pour tous - les 6.7 milliards d'habitants de la planète en 2009 et les 3 milliards supplémentaires entre 2030 et 2050, et ce indéfiniment.

Il est vrai que le commerce international est passé de 59 milliards de $ en 1949 lors de la création du GATT au lendemain de la guerre, à 13619G$ en 2007. Et depuis la création de l'OMC, le commerce est passé de 1838G$ à 13619G$. Voir statistiques de l'OMC exportations et importations de 1949 à 2007.

Et voir ici toutes les statistiques du commerce international publiés sur le site de l'OMC dont les chiffres ci-dessus.

La croissance économique mondiale depuis 1948 a été dynamisée par le commerce international, la réduction voire la disparition des droits de douane, et depuis la fin des années 1980 avec la fin de l'URSS et de la guerre froide, par la liberté de circulation des capitaux et de la main d'oeuvre. Si cette évolution a été bénéfique au début elle produit maintenant des effets négatifs qui sont dénoncés par divers auteurs. Voir ici Frédéric Lordon sur le sujet.

Peu d'économistes orthodoxes critiquent l'OMC, la globalisation et la croissance économique exponentielle de tout, pour tous, partout et indéfiniment. L'explication est sans doute qu'ils sont là dans un domaine de contestation de société difficile à quantifier. Mais quelques économistes contestent. Comme par exemple Herman Daly ex économiste de la banque mondiale chargé de l'environnement. On trouvera ici sa critique de l'OMC et de la globalisation.

Les deux auteurs notent que les pays ne jouent pas avec les mêmes règles du jeu eu égard aux coûts de main d'oeuvre, aux normes sociales et environnementales. Citant David Ricardo qui au 19è vantait pour les pays les mérites de se spécialiser selon leurs avantages compétitifs, ils notent que Ricardo raisonnait en l'absence de sortie des capitaux, alors qu'au 20è siècle la liberté de circulation des capitaux met les pays en situation très inégalitaire. Il en résulte une dislocation des liens sociaux avec son cortège de délocalisations, de disparitions d'activités économiques et de chômage. Voir ici la théorie de l'avantage comparatif de David Ricardo. Cette théorie est à la base de l'OMC.

Pour que le commerce international entre nations soit bénéfique de part et d'autre il faut que les gains apportés par le commerce du fait de la specialisation en fonction d'avantages compétitifs, ne soient pas annulés par des inconvénients immédiats: des coûts de transport plus élevés, une dépendance accrue par rapport à des sources d'approvisionnements et des marchés lointains, une diminution du nombre et de la diversité des emplois disponibles par lesquels les gens peuvent gagner leur vie. Le coût social de la diminution du nombre et de la diversité des emplois disponibles pour la population est mal apprécié.

La concurrence accrue qui résulte de la liberté du commerce international selon l'OMC donne effectivement des produits moins chers pour les consommateurs du pays qui les importe du pays à bas coûts. Mais il y a deux manières de faire baisser les prix des produits et services;

  1. la première c'est d'accroître la productivité c'est à dire de produire la même quantité avec moins de facteurs et ressources - intrants - et en améliorant les procédés de production par l'investissement et l'organisation de la main d'oeuvre;
  2. la deuxième consiste seulement à externaliser les coûts par la délocalisation vers des pays à coûts de main d'oeuvre plus faibles en raison de normes sociales et environnementales plus faibles voire inexistantes.

Dans un environnement concurrentiel, les entreprises qui le peuvent ont tendance à externaliser leurs coûts plutôt que de travailler à leur productivité, dans la mesure où l'État leur permet de le faire. L'exemple emblématique à cet égard est la délocalisation de services informatiques en Inde.

Dans certains pays, il existe encore des lois et des institutions qui interdisent d'externaliser les coûts. Mais sur la scène internationale il n'en existe pas, à cause de l'OMC; les lois nationales et leur caractère obligatoire varient considérablement d'un pays à l'autre. Parce que des normes sociales et environnementales moins élevées voire absentes conduisent à des coûts et à des prix plus faibles, la concurrence internationale contribue à faire baisser ces normes; il en résulte alors une régression de la vie communautaire de la population. Par exemple, un pays dont les normes sociales interdisent l'emploi de prisonniers de droit commun ou d'enfants ne peut pas faire du commerce avec un pays qui accepte le travail des prisonniers et des enfants sauf à accepter de baisser ses normes ou d'accepter la mise en faillite de ses entreprises qui sont en concurrence avec des entreprises qui emploient des prisonniers et des enfants. Dans tous les cas, ce commerce international provoque une sévère régression des normes sociales du pays.

Pour une refondation du capitalisme; sortir du dilemme "croissance exponentielle pour tous indéfiniment"; peut-on encore espérer atteindre un état stable de la population et de l'économie, sans que la décroissance nous soit imposée par l'effondrement de la civilisation en partie ou en totalité?


Partager | Suivez moi sur twitter @pratclif

Mis à jour le 12/10/2016 pratclif.com