Où en est l'économie chinoise en ce début 2012?

Chronique de Brice Couturier aux matins de France culture le 29 février 2012
année du dragon; chronique liée à la visite de la banque mondiale en Chine fin février 2012 (lien)

L’économie chinoise commence mal l’année. La production industrielle se contracte. Les banques ont connu plus de retraits que de dépôts – une première, pour ce pays. La croissance pour cette année a été révisée à 8 % - ce qui n’est pas si mal… mais augure d’un prochain essoufflement. Et si le géant chinois avait des pieds d’argile ? Certes, la Chine, qui était encore dans les années 70 un pays du tiers-monde, à l’économie entravée par son système entièrement administré, s’est hissée au rang de 2° puissance économique de la planète et de premier exportateur mondial. Le tournant pris par Deng Xiao Ping, auteur de la fameuse maxime « Qu’importe qu’un chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il prenne des souris… », a entraîné le pays dans une série de réformes économiques qui, trente ans plus tard, ont tenu toutes les promesses.

Mais l’économie chinoise présente aussi des faiblesses qui ont commencé à entraver son ahurissante ascension. « Le modèle chinois est en train d’atteindre ses limites », lit-on dans le Rapport de la Banque mondiale, rendu public cette semaine. Voyons quelles sont les causes de ce ralentissement. Tout d’abord, le pays est encore largement dominé par un capitalisme d’Etat, qui représente probablement près de 45 % du PIB. Il est générateur de rentes, de corruption et de blocages. Les grandes entreprises chinoises, à de rares exceptions près (comme Huawei, ou Lenovo), sont toutes des compagnies d’Etat, peu productives pour cause de sureffectifs et de gaspillages ; elles font un usage disproportionné d’énergies polluantes. Elles absorbent l’essentiel des subventions publiques – comme on l’a constaté lors du plan de relance de 2008. Ces mastodontes jouissent de situations quasi-monopolistiques et d’un accès privilégié aux banques, grâce aux liens entretenus par leurs dirigeants avec la haute hiérarchie du Parti unique. Ce système bloque le développement d’entreprises privées, plus performantes et plus concurrentielles.

Ensuite, la Chine a du mal à sortir de son rôle d’atelier du monde. Dans la chaîne de production mondialisée, les fonctions les plus créatrices de valeur lui échappent : ce n’est pas dans ses bureaux ni dans ses laboratoires que se fait la recherche, la conception de produits nouveaux, le design, le marketing, ni les services après-vente . La cause profonde de cette spécialisation dans l’assemblage provient peut-être du système éducatif : les universités chinoises, contrairement à leurs équivalentes indiennes restent très contrôlées par le pouvoir et sont très en retard sur les grandes universités américaines. L’ouverture au monde, l’esprit critique n’y sont pas bienvenus. C’est pourtant ce qu’exige l’innovation technologique, ou la compréhension des marchés mondiaux. Et puis, l’économie chinoise est trop fortement dépendante des marchés mondiaux : que la demande baisse dans une Europe plombée par sa crise de l’endettement et ses politiques de rigueur, et l’on voit le commerce extérieur chinois plonger. Il va falloir réformer. Cela passe, tout le monde en convient, par une réorientation de l’économie chinoise vers la consommation intérieure et une moindre dépendance aux exportations.

La Chine doit aussi se doter d’un système de protection sociale digne de ses prétentions… au socialisme. Pour éviter la propension exagérée des ménages à épargner en vue de la retraite, il faut mettre en place un système crédible. La progression moyenne des salaires, de 10 % l’an est spectaculaire. Mais elle cache des disparités insupportables. Si le revenu moyen par habitant a atteint 5 000 dollars par an, l’immense paysannerie est loin de bénéficier de tels standards de vie. Enfin, le modèle économique chinois est le plus polluant de la planète. Le pays recourt au charbon pour 75 % de son énergie consommée. D’où des rejets de dioxyde de soufre et d’azote qui rendent l’air de certaines villes irrespirable. Le marché automobile chinois est devenu le premier la planète, devant les Etats-Unis. La Chine est ainsi le plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre. La pollution de l’eau, des sols et de l’air est dramatique. L’OMS estime à 300 000 le nombre de décès dus annuellement à la pollution. La banque mondiale plaide pour la suppression des subventions à l’extraction des énergies non renouvelables et pour l’instauration d’une fiscalité « verte » qui inciterait ménages et entreprises à se montrer plus sobres en énergie. Bref, une nouvelle « révolution culturelle » attend les Chinois…


La Banque mondiale en Chine février 2012

État des lieux et perspectives 2012

The Case for Change On the Road to 2030 (un changement de voie vers 2030)


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Mis en ligne le 02/03/2012