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Etats-Unis: L' hyperpuissance américaine
piégée par ses hyperdéséquilibres
Le Monde 9/11/2010; Clément Lacombe

C'était à Bretton Woods, en 1944, lors de la conférence qui posa les bases du système économique de l'après-guerre : face aux déséquilibres macroéconomiques mondiaux, l'économiste britannique John Maynard Keynes promouvait un mécanisme contraignant pour réduire, au choix, les excédents ou les déficits des pays. Las, les Etats-Unis, " hyperpuissance " en devenir, s'opposèrent alors à l'adoption de telles mesures. Mais aujourd'hui, ces mêmes Etats-Unis, fragilisés par des " hyperdéséquilibres ", militent pour un tel encadrement.

Car le déficit de la balance courante américaine atteint des proportions abyssales : il devrait s'élever à 466,5 milliards de dollars (336,5 milliards d'euros) en 2010, selon le Fonds monétaire international (FMI), soit 3,2 % du produit intérieur brut (PIB). Et atteindre ainsi l'équivalent des excédents à la fois de la Chine (267 milliards) et de l'Allemagne (200 milliards). En 2015, selon le FMI, le déficit des comptes courants pourrait atteindre 601,7 milliards de dollars.

Concurrence chinoise Un trou grandement nourri par l'arrivée massive sur le territoire américain, ces dernières années, de biens d'équipement chinois fabriqués en Chine : alors que le déficit commercial mensuel avec l'empire du Milieu était de 6 milliards à 7 milliards de dollars au début des années 2000, il atteint 25 milliards aujourd'hui.

Washington s'est longtemps accommodé de cette situation. Car, en échange, il a trouvé en Pékin le meilleur partenaire possible pour financer ses déficits publics galopants - la dette publique américaine devrait atteindre 92,7 % du PIB, en 2010. En clair : vous nous vendez vos tee-shirts, et vous achetez nos T-Bonds (les bons du Trésor à 30 ans). Une situation d'autant moins problématique que la consommation des ménages - boostée par les prix bas des produits importés et les faibles taux d'intérêt - a longtemps " nourri " les deux tiers de la croissance américaine. Mais la crise a profondément modifié les habitudes : le taux d'épargne des ménages est passé de 2 % des revenus, en 2007, à 6 % aujourd'hui.

Désormais confronté à une croissance flasque et à un taux de chômage " européen " (9,6 % des actifs et même 17,6 % en incluant les travailleurs à temps partiel et ceux qui ont renoncé à chercher à un emploi), Washington doit explorer de nouvelles voies.

Et notamment ne plus seulement miser sur les services et sa consommation intérieure en tablant davantage sur l'industrie. D'où ses élans répétés contre la sous-valorisation du yuan, afin de mieux faire face à la concurrence chinoise.

Mis en ligne le 10/11/2010