Géographie des fainéants; un billet de l'économiste Olivier Bouba-Olga

Géographie des fainéants: Ce billet d'Olivier Bouba-Olga [lien] donne matière à réflexion et à développement. Il s'agit de la répartition du taux de chômage à travers les 321 bassins d'emplois de la France - métropole et DOM. Olivier s'appuie sur la base de connaissances établie et suivie par l'Insee [lien]. Sa réflexion porte sur l'utilisation qu'en font les politiques; je le cite "lors de la dernière campagne présidentielle, en 2007, le futur Premier Ministre de la France - François Fillon - déclarait : la famille qui se lève tôt le matin pour aller « bosser » ne doit pas avoir le sentiment d’être lésée par celle qui, cumulant les aides et allocations, n’en ressent plus la nécessité." Au passage, nous avons localement un champion de déclarations de ce genre face aux problèmes de l'économie réelle que vivent les gens.

Le taux de chômage national actuellement de 10% est un agrégat qui ne signifie pas grand chose si on n'en connaît pas la composition géographique. C'est ce que l'Insee nous donne comme base de connaissances par le lien cité plus haut, pour la période 2003-2012. J'en ai extrait les données au format excel que j'ai sauvegardé au format html, consultables dans les liens de droite (*)
attention; ce sont de gros fichiers qui ne sont pas facilement visibles sur ipad.

Dans son billet Olivier nous donne la liste des 10 zones d'emplois (ze) lanternes rouges du chômage en 2010 [lien] (lire de haut en bas du taux le plus élevé) et celle des 10 ze où le chômage en 2010 est le plus faible [lien] (lire de bas en haut du taux de chômage le plus faible).

Il poursuit en observant que le taux de chômage par répartition géographique est resté à peu près stable de 2003 à 2010, en nous ayant fait une corrélation statistique des données de l'Insee, avec un coefficient de corrélation de 83% [lien]. Sa conclusion est pour le moins surprenante, à moins que ce soit de l'humour!

Clairement le chômage résulte de l'évolution des produits et services demandés par le corps social lesquels sont imbriqués de manière complexe avec l'offre de ces produits et services par les entreprises et les institutions des corps sociaux organisés, cad. qui se sont organisés pour les produire. Dans ce système, la monnaie, les prix des produits et services fonction de leur utilité et de leur rareté, et le profit moteur incitatif pour les produire, interviennent au premier chef. Mais les produits et services évoluent et ceux qui les produisent doivent s'adapter ce qui implique pour certains leur disparition. Il en est ainsi des charbonnages, des la sidérurgie, du textile, des potasses d'Alsace, de l'industrie automobile aujourd'hui, etc. C'est un processus que la quasi totalité d'entre nous - cad. non fonctionnaires - qui avons près de 80ans comme c'est mon cas en cette année 2012, ont vécu.

Quand on regarde la répartition géographique du taux de chômage moyen de 10%, à la manière d'Olivier avec les 3 extraits de son billet que j'ai mis en liens, on voit bien que le taux de chômage varie de manière importante selon les zones d'emploi. Pour aller plus loin, il faut connaître les zones d'emplois ce que permet une connaissance vécue de ces zones et des données que l'Insee fournit dans les recensements des communes de plus de 2000 habitants [lien].

Donner un emploi à tous, hors chômage frictionnel estimé généralement de l'ordre de 4-5% (*), c'est agir pour favoriser l'adaptation des entreprises à l'évolution. Les exemples les plus typiques sont la fin des mines de fer de Lorraine et de Normandie, des charbonnages de France, des potasses d'Alsace, des mines métalliques et d'uranium (Lodève), la restructuration de la production sidérurgique avec la fin des sidérurgiques intérieures et leur remplacement par les grands complexes côtiers (Dunkerque, Fos sur Mer), l'industrie textile à Roubaix-Tourcoing et en Alsace, le papier à Grenoble, etc. Toutes les entreprises productrices s'étaient implantées géographiquement en raison de conditions historiques ou favorables d'une époque; elles avaient employé la population locale, ou des immigrés appelés de Pologne, Italie, Portugal, puis les ex-colonies, et des cadres techniques venus souvent d'autres régions en raison de leur formation.
(*) c'est le chômage de ceux qui sont en instance de changement d'une entreprise à l'autre.

L'espace temps 2003-2010 qu'Olivier analyse statistiquement avec une corrélation des taux de chômage en 2010 avec ceux de 2003, est tout à fait insuffisant pour se prononcer. Si je prends ma ville d'origine Calais, la mono-industrie de la dentelle a longtemps été le handicap de Calais, une activité trop sensible à la mode .. et les tentatives plus ou moins réussies d'implantations industrielles autres ont toujours eu des résultats mitigés. Calais connaît une situation difficile pour l'emploi depuis un siècle. Valenciennes, c'est la fin des charbonnages, de la sidérurgie de Trith St Léger, d'Eternit (*). Hénin-Lens, Alès c'est la fin des charbonnages... L'adaptation au changement est très difficile; cela requiert du temps et des actions continues pour attirer et favoriser l'implantation de nouvelles activités. Les Charbonnages, Usinor, les Mines de fer et de potasse avaient crée des structures pour cela. Il en est de même aujourd'hui pour Michelin avec son site Kléber (gros pneus) de Toul.
(*) L'implantation de Toyota à Saint-Saulve est un exemple d'adaptation réussie, de même que Peugeot à Douai.

Un autre élément important du problème est la formation. On le comprend bien en considérant celle des cadres techniques, les commerciaux, et les gestionnaires. Pour cela, le mieux est de raconter mon histoire personnelle car c'est vécu et concret. Né fin 1935, j'ai raconté comment mes parents et ma famille avons été pris dans la guerre de 1939-1945 [lien]. Après la guerre, à Calais, arrivé à l'âge de l'adolescence, je me suis orienté avec l'aide de mes parents et amis. J'ai d'abord voulu faire du violon et entrer au conservatoire de Paris et j'ai interrompu mes études un an (1952-1953).... mais je n'étais pas capable de cela. J'ai donc repris mes études. J'ai envisagé un temps de devenir médecin, mais mon futur beau-père? ingénieur de l'école centrale, m'avait poussé à devenir ingénieur. Je suis alors entré au lycée Faidherbe de Lille en classes préparatoires (1955-1957) et par le hasard des concours, je suis entré à l'école des mines de Saint-Etienne (1957-1960). En 1960, les charbonnages recrutaient encore. Je suis entré au Cerchar (1962-1964) puis au groupe de Valenciennes des charbonnages (1965-1971). Au début des années 1970, les charbonnages annoncèrent leur déclin et incitaient les ingénieurs à partir. Je suis entré aux aciéries de Paris et d'Outreau (1971-1973) pour la construction d'un nouveau complexe métallurgique sur le port de Boulogne sur mer, investissement fait dans le contexte de la réalisation du complexe sidérurgique de Dunkerque pour lequel les APO étaient fournisseurs de ferro-manganèse. À la fin de cette réalisation, en surnombre par rapport aux besoins de fonctionnement de l'usine, je suis reparti à Valenciennes dans une entreprise de construction de matériels de mines et de sidérurgie (1973-1976). Suite aux difficultés de cette chaudronnerie-mécanique fournisseur des charbonnages de France en récession et sans position de compétitivité, j'ai été embauché par Sofremines une société d'ingénierie minière au sein de la société d'ingénierie sidérurgique Sofresid. qui avait été créée pour la réalisation du complexe de Dunkerque (*). J'y ai passé le reste de ma vie professionnelle soit 20 ans cad. 50%.
Sofresid connut aussi la nécessité de l'adaptation après la fin de la construction de Dunkerque. Elle s'orienta vers l'export et la réalisation de complexes sidérurgiques à l'étranger: Annaba, Nador, Pérou, Chili, Nouvelle-Calédonie... et dans le pétrole off-shore. Sofresid a diminué progressivement ses effectifs de 2000 personnes à quasi plus personne aujourd'hui.

Lors de mes activités à Sofremines, j'effectuais environ 4 missions par an dans divers pays et substances minérales ce qui accrut, de mission en mission, mon utilité au sein de l'entreprise. Il est clair, que ma formation initiale, et surtout les expériences professionnelles successives, m'ont permis de passer de poste en poste, à des localisations géographiques différentes, avec une seule période de chômage de 4 mois.

Si l'on comprend le pourquoi des zones d'emploi à taux de chômage élevé, il reste à comprendre le pourquoi de zones d'emploi à chômage très faible voir inexistant compte tenu du chômage frictionnel; par exemple Houdan; voir aussi notre pays de Fayence où le chômage est sensiblement égal à la moyenne nationale. Dans ce dernier cas, les nombreux billets du blog pays de Fayence, se basant sur les recensements Insee, expliquent que notre population est principalement constituée de migrants retraités et actifs travaillant dans les Alpes Maritimes; que les emplois sont principalment des emplois de services et liés à la construction répondant à la demande des migrants dans une péri-urbanisation galopante mais qu'on voudrait désormais restreindre.

Je m'interroge donc sur le cas de Houdan. Je cherche son site sur Internet [lien]. et je consulte le dossier du recensement de l'Insee [Houdan zone d'emploi]. Je pense avoir l'explication, mais je vous laisse découvrir par vous même et à votre manière.

Conclusion

L'économie c'est compliqué. Cela ne concerne pas seulement les "économistes académiques" et les institutions, mais toutes les composantes du corps social - individus, ménages, entreprises, qui ont tous des éléments de connaissance pertinents. Car les connaissances relatives à l'économie sont distribuées à travers tout le corps social, chacun en détenant une partie. C'est par la conjonction de toutes ces connaissances partielles que l'on peut parvenir à une vision optimale de la société et agir efficacement. Parmi ces connaissances, il y a des éléments liés au corps social "étendu" quasi "génétiques et universels", comme la monnaie, l'échange des produits et services par les prix, la recherche du profit; et des éléments liés à l'organisation des corps sociaux restreints pour produire les biens et les services demandés. S'adapter à l'évolution imposée au tissu économique de la production et des emplois liés, est une tâche très difficile. L'agrégat du chômage au niveau national traduit un mal être pour l'ensemble du corps social. La dispersion des données géographiques dénote que la difficulté est encore plus grande. Seuls l'ensemble des acteurs locaux peut, par leurs connaissances des circonstances, des lieux et du temps, agir efficacement pour cette adaptation, aidés par les connaissances de tous les autres. Il importe que l'État - constitué par la haute administration quasi permanente et par le pouvoir politique plus éphémère - ne se trompe pas, en s'ingérant de manière inappropriée dans le fonctionnement du corps social étendu et des corps sociaux organisés.

L'économie et les économistes ne peuvent pas tout. L'usage des mathématiques et des statistiques ne peuvent pas tout non plus. Les connaissances partielles des individus et du terrain sont tout aussi importantes. Et l'Insee par ses études cherche à y répondre.


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Mis en ligne le 25/08/2012