Grèce; coup de tonnerre sur l'Europe
annonce d'un référendum sur le plan de sauvetage de la Grèce

Je sais seulement, et toute l'Europe le sait comme moi, qu'il ne tient pas à Votre Majesté que l'humanité ne respire enfin après tant de malheurs. Lettre au roi de Prusse, 22 décembre 1762. Citations de Jean le Rond d' Alembert.

La crise de l'Europe et de la zone euro se poursuit et s'aggrave à cause de la Grèce, de ses errements passés, de ses problèmes politiques internes, et de l'incapacité du premier ministre à assumer dans son pays des décisions prises à l'unanimité des 17 pays membres de la zone euro, lors du sommet du 27 octobre à Bruxelles - y compris donc le gouvernement de la Grèce. En lançant l'idée d'un référendum, George Panpandreou a pris une lourde responsabilité de déstabiliser plus encore l'Europe, en ajoutant à nouveau une incertitude majeure. Les investisseurs des marchés financiers se détournent donc à nouveau de la dette souveraine des pays de l'Euro, et les aides du plan de sauvetage de la Grèce sont suspendues car conditionnées par le résultat du référendum.

La décision grecque de recourir au référendum a suscité la stupeur parmi les dirigeants européens et de bien des Grecs dont le ministre des finances Venizelos. La veille de la réunion du G20 à Cannes Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont imposé à Papandreou que la question du référendum soit "voulez vous rester dans l'euro ou non". Certes cet ultimatum est perçu comme une humiliation en Grèce et comme une question inutile car les grecs sont majoritairement (#70%) attachés à l'Europe et à l'euro. En revanche, ils sont majoritairement opposés au plan de sauvetage de la Grèce, à cause de l'austérité qu'ils subissent depuis de longs mois (voir images des émeutes).

Mais les évènements se déroulent très rapidement; le référendum serait pour Papandreou le moyen d'éviter des élections législatives où il perdrait le pouvoir. C'est pourquoi, il refuse de démissionner comme lui demandent des ténors de son parti qui appelent à un gouvernement de coalition nationale. Et dernière nouvelle, il est prêt à retirer son projet de référendum (lien).

L'Europe au sens large (lien) c'est 740 millions d'habitants, L'Union européenne (UE) 500 millions d'habitants, la zone euro 327 millions d'habitants et la Grèce 11 millions d'habitants (lien). 11 millions d'habitants prennent en otages 316 millions d'habitants de la zone euro dont Irlandais, Portugais, Espagnols et Italiens sont aussi dans une situation économique difficile et pour laquelle les premiers se sont adaptés déjà avec succès en adoptant les plans de sauvetage de la zone euro et les mesures de réduction de leurs déficits.

Plus fondamentalement, l'Europe est une construction géo-politique atypique comparée à la manière dont les nations se sont formées, notamment la fédération des 50 États des États-Unis. La construction de l'Europe se poursuit comme une adolescence... entre des nations qui restent attachées à leur souveraineté (*), une fédération de nations interdépendantes à souveraineté encadrée, ou un État bâti à partir d'un noyau dur Allemagne et France. Voir sur ce point "toute l'Europe; institutions". Le mode de fonctionnement de l'UE est basé sur les États membres avec les quatre principales institutions que sont le Parlement, le Conseil européen (chefs d'États), le Conseil de l'Union européenne (ministres) et la Commission européenne et ses 27 commissaires (voir les liens à droite). L'idée du fédéralisme fait son chemin avec l'Allemagne redevenue l'acteur N°1 de l'Europe qui impose ses solutions.

(*) Quelques chiffres significatifs: le budget interne des nations de l'UE est de l'ordre de ±40% de leur PIB et celui de l'Europe de 1% du PIB agrégé. Aux États-Unis le budget fédéral est de l'ordre de 20% du PIB.

Au sein de l'Europe des 27 pays membres, on a créé l'Union économique et monétaire (UEM) et la monnaie unique l'euro - c'est la zone euro dirigée par l'Eurogroup. 17 pays en font partie. L’Eurogroupe n’est pas une institution communautaire. Après la mise en place de l’Union économique et monétaire (UEM), les pays de la future zone euro éprouvent le besoin de se retrouver pour évoquer les sujets relatifs à l’euro, sans nécessairement se réunir dans le cadre du traditionnel ECOFIN, qui regroupe les ministres de l’ensemble des 27 États membres.

L'accord du 27 octobre sur le sauvetage de l'euro avec ses 3 éléments - sauvetage de la Grèce, recapitalisation des banques privées pour en assumer les conséquences, et fonds européen de stabilisation financière - a été voté par les 17 pays membres de l'eurogroup, représentés par leurs chefs d'États et de gouvernements, élus par leurs peuples lors d'élections démocratiques. Remettre en cause cet accord à l'intérieur d'un pays - la Grèce en l'occurrence - c'est remettre en cause le fonctionnement de l'eurogroup et de la zone euro. C'est au niveau des institutions démocratiques et des élections démocratiques que la mise en cause doit se faire pour l'avenir cad. d'autres sommets à venir.

Dans les nations constituées historiquement, le séparatisme a toujours entraîné des drames - guerres civiles: exemples la guerre civile américaine en 1867, la séparation de la Yougoslavie... exception pacifique la Tchécoslovaquie.

On dira, "le peuple est souverain" et qu'on a bien fait de le consulter car les souffrances du peuple grec sont bien réelles! En ce qui concerne la Grèce, il faut souligner que depuis 4 décennies, la croissance de la Grèce a été forte et soutenue, grâce en grande partie à l'Europe et aux investissements dans l'économie grecque et ses infrastructures. Pour y avoir séjourné souvent en mission pour la BEI et en touriste, je dis que la Grèce est un pays de cocagne (lien). Les dépenses publiques - même compte tenu d'inefficiences et de gaspillages - n'étaient pas jugées comme s'écartant trop de la moyenne européenne. Mais ce sont les recettes qui ont fait défaut à cause d'une fiscalité inepte, de la fraude fiscale et de la corruption. Et depuis 2000 date de l'euro, la Grèce empruntait en euro à taux faibles et de manière excessive. Bref, les grecs eux-mêmes disent que la Grèce mérite sa punition.

Reste que le sauvetage de la Grèce passe par l'Europe et son maintien dans la zone euro, sinon ce sera un retour en arrière de 30 ans, une austérité plus forte encore, le risque de troubles sociaux plus graves, et d'une récession de ±10ans avant de retrouver la croissance (cf.l'Argentine) .

Seuls les partis français d'extrême droite et d'extrême gauche, et les ATTAC extrêmistes, se réjouissent de ce qui se passe en Grèce, car c'est pour eux aussi l'espoir d'une sortie de la France, de l'euro et de l'Europe - un retour en arrière de trois décennies assorti de risques (lien).


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Mis en ligne le 03/11/2011