La monnaie Partie I; la monnaie dans une société libre: extrait de "Etat qu'as tu fait de notre monnaie" de Murray Newton Rothbard

"Etat qu'as tu fait de notre monnaie" est un ouvrage majeur de Murray Newton Rothbard. Il se compose de trois parties; la première examine la monnaie dans ce que serait une société libre, la monnaie étant alors un produit de marché comme les autres. La deuxième partie examine la monnaie dans une société où l'État intervient pour manipuler la monnaie à son avantage, notamment par la fiscalité pour financer ses dépenses, ou amoindrir sa dette par l'inflation en émettant de la monnaie artificielle ne correspondant pas à de la production réelle. Ou quand l'État intervient en faveur d'une classe sociale. La troisième partie examine la succession de crises financières affectant la monnaie et s'intitule "la désintégration monétaire de l'occident". Interrmpue par la mort de Rothbard, la suite de la réflexion est reprise par Guido Hülsmann; Professeur des Universités à la Faculté de Droit, d'Économie et de Gestion de l'Université d'Angers et Senior Fellow du Mises Institute.
Ce texte est la première partie; après l'introduction de l'ouvrage.

L'oeuvre de Rothbard "Government what have you done with our money?" est diffusée sous licence Creative Commons par l'Institut Coppet www.institutcoppet.org; traduction par Stéphane Couvreur.

Table des matières Introduction à l'ouvrage
Partie I: La monnaie dans une société libre
1. L'utilité de l'échange
2. Le troc
3. L'échange indirect
4. Les avantages de la monnaie
5. L'unité monétaire
7. Les monnaies privées
8. La " bonne " quantité de monnaie
9. Le problème de la " thésaurisation " 10. Stabiliser le niveau des prix ?
11. La coexistence de plusieurs monnaies
12. Les entrepôts de monnaie
Récapitulatif
Notes

Introduction

Peu de sujets sont plus embrouillés et confus que la monnaie. Le débat fait rage, pour " la monnaie forte " ou contre la " monnaie facile ", sur le rôle de la banque centrale et du Trésor public, sur les nombreuses variantes de l'étalon-or, etc. L'État doit-il injecter plus de monnaie dans l'économie, ou bien la rationner ? Quelle branche de l'État ? Doit-il encourager le crédit ou le restreindre ? Doitil retourner à l'étalon-or ? Si oui, à quel cours ? Ces questions, ainsi que d'autres similaires, se multiplient à l'infini.

Il y a profusion de points de vue sur la monnaie. Peutêtre que c'est dû à cette tendance naturelle de l'homme à être " pragmatique ", c'est-à-dire à n'étudier que les problèmes économiques et politiques immédiats. Quand nous sommes plongés dans la routine, nous ne faisons plus de distinction entre les grands principes et nous cessons de nous poser les questions vraiment fondamentales. Bientôt, les principes de base sont oubliés et nous dérivons sans but, sans aucune règle élémentaire à laquelle nous raccrocher. Souvent, pour mieux comprendre nos affaires quotidiennes, nous avons besoin de nous mettre à l'écart, de prendre de la hauteur. C'est particulièrement vrai dans notre économie, où les relations sont si étroitement imbriquées que nous devons isoler quelques facteurs importants, les analyser, puis suivre pas à pas leur cheminement dans un monde complexe. C'est ainsi que l'on procédait dans les " robinsonnades ", une méthode que les économistes classiques appréciaient. Ses critiques ont tort de dénigrer cette méthode, sous prétexte qu'elle ne s'appliquerait pas au monde moderne, car l'étude théorique de Robinson Crusoé et de Vendredi, dans leur île déserte, avait justement l'avantage de bien identifier les règles de base de l'action humaine.

De tous les problèmes économiques, la monnaie est peut-être le plus confus et c'est pourquoi une telle mise en perspective est essentielle. De plus, la monnaie est le secteur économique qui a le plus été marqué, le plus embrouillé par des siècles d'interventions étatiques. Beaucoup de gens - y compris des économistes - même les plus ardents défenseurs du marché, ne vont pas jusqu'à y inclure la monnaie. La monnaie - disent-ils - est à part ; elle doit être produite et gérée, par l'État. Ils ne voient jamais l'intervention de l'État comme une perturbation dans le fonctionnement du marché. Un marché libre de la monnaie est quelque chose d'inconcevable pour eux. Ce sont les États qui doivent battre monnaie, imprimer les billets, définir le " cours légal ", créer les banques centrales, injecter de la monnaie dans l'économie, " stabiliser le niveau des prix ", etc.

Historiquement, la monnaie a été l'un des tous premiers secteurs contrôlés par l'État et la " révolution " libérale des dix-huitième et dix-neuvième siècles n'a pratiquement rien changé dans la sphère monétaire. Il serait donc temps de nous intéresser enfin à ce fluide vital de notre économie qu'est la monnaie.

Commençons par nous demander : le principe de liberté peut-il s'appliquer à la monnaie ? Peut-on avoir un marché de la monnaie, de même que pour les autres biens et services ? Et à quoi un tel marché ressemblerait-il ? Quelles sont les conséquences des différentes interventions de l'État ? Si nous sommes en faveur de la liberté dans les autres secteurs, si nous voulons protéger la propriété et la personne contre l'intrusion de l'État, notre tâche la plus urgente doit être d'explorer la possibilité d'un marché libre de la monnaie.

Première partie La monnaie dans une société libre

1. L'utilité de l'échange

Comment la monnaie est-elle apparue ? Robinson Crusoé n'avait pas besoin de monnaie. Il ne pouvait pas se nourrir de pièces d'or. Lorsque Robinson et Vendredi se sont mis à échanger - disons du poisson contre du bois -, ils n'ont pas eu à se soucier de la monnaie non plus. Mais dès que la société s'est élargie, au-delà de quelques familles, tout était en place pour permettre l'émergence de la monnaie.

Pour comprendre le rôle de la monnaie, nous devons commencer par le commencement et nous demander : après tout, pourquoi les hommes échangent-ils ? L'échange est le fondement de notre vie économique. Sans échanges, aucune économie ne peut réellement se développer, la société même est impossible. À l'évidence, si un échange a lieu volontairement, c'est que les deux parties espèrent en bénéficier. Un échange, c'est un accord entre A et B pour céder les biens et services de l'un contre les biens et services de l'autre. Les deux en profitent parce que chacun accorde plus de valeur à ce qu'il reçoit qu'à ce qu'il cède. Par exemple, lorsque Crusoé échange du poisson contre du bois, il accorde plus de valeur au bois qu'il " achète " qu'au poisson qu'il " vend ". Pour Vendredi c'est le contraire : il accorde plus de valeur au poisson qu'au bois. Mais depuis Aristote jusqu'à Marx, les hommes ont cru à tort que l'échange correspondait à une sorte d'identité de valeurs - que si une barrique de poisson était échangée contre dix rondins de bois, cela voulait dire qu'implicitement il y avait égalité entre les deux. Mais c'est le contraire. L'échange a lieu justement parce que chaque partie, parmi ses préférences, range les deux produits dans un ordre différent.

Pourquoi l'échange est-il aussi universel parmi les hommes ? Fondamentalement, c'est à cause de la très grande diversité qui existe dans la nature : diversité parmi les hommes et que l'on retrouve bien sûr dans la répartition des ressources naturelles. Chaque homme a des talents et des aptitudes propres ; chaque lopin de terre est différent et dispose de ressources particulières. Les échanges résultent donc de cette diversité naturelle : du blé du Kansas contre du fer du Minnesota ; les soins médicaux de l'un contre une mélopée jouée au violon par un autre. La spécialisation permet aux hommes de développer au mieux leurs talents et à chaque région de valoriser ses ressources propres. Si aucun échange n'était possible, si chaque homme devait être totalement autosuffisant, il est évident que nous serions presque tous morts de faim et que la vie serait très pénible pour les survivants. L'échange est le sang, non seulement de notre économie, mais de la civilisation elle-même.

2. Le troc

Et pourtant, l'échange direct de biens et de services ne pourrait jamais élever une économie au-dessus d'un niveau très primitif. L'échange direct - c'est-à-dire le troc - est à peine mieux que l'autosuffisance. Pourquoi ? D'une part, il est clair que la production stagnerait à un niveau très bas. Si Martin veut embaucher quelques travailleurs pour construire une maison, avec quoi va-t-il les payer ? Avec des morceaux de la maison ? Avec les matériaux de construction qu'ils n'ont pas utilisé ? Cela pose deux problèmes fondamentaux, qui sont " l'indivisibilité " et la " non coïncidence des besoins ". Par exemple, si Durand possède une charrue qu'il veut échanger contre d'autres choses - mettons, des œufs, du pain et des vêtements - comment peut-il le faire ? Comment peut-il partager la charrue pour en donner une partie au fermier et une autre au tailleur ? Même lorsqu'un bien est divisible, il est en général impossible de trouver une personne qui veuille l'échanger au même instant. Si A vend des œufs et que B vend une paire de chaussures, comment peuvent-ils échanger si A recherche un costume ? Alors, imaginez un professeur d'économie qui cherche un éleveur de volaille prêt à lui vendre des œufs contre quelques leçons d'économie ! Sous un régime d'échanges directs, il est clair qu'aucune économie civilisée n'est possible.

3. L 'échange indirect

Mais, par une suite d'essais et d'erreurs, l'homme a découvert le mécanisme qui permet une véritable expansion de l'économie : l'échange indirect. Dans un échange indirect, vous vendez votre produit, non pas contre un bien dont vous avez besoin immédiatement, mais contre un autre bien que vous vendrez, plus tard, contre celui dont vous avez envie. À première vue, il semble qu'un tel détour complique les choses. Pourtant, seule cette opération extraordinaire permet le développement de la civilisation.

Considérons le cas de A, le fermier, qui veut acheter des chaussures produites par B. Puisque B ne veut pas de ses œufs, il cherche ce dont B a envie - du beurre, par exemple. A échange alors ses œufs contre le beurre de C, puis il vend ce dernier à B contre des chaussures. Il n'achète pas le beurre parce qu'il en a besoin, mais parce que c'est ce qui lui permettra d'avoir les chaussures. De même, Durand, le propriétaire de la charrue, la vend contre une marchandise plus facilement divisible et échangeable - par exemple, du beurre - puis il utilise des morceaux de beurre pour se procurer des œufs, du pain et des vêtements. Dans les deux cas, la supériorité du beurre provient de son plus grand degré d'échangeabilité. C'est la raison pour laquelle la demande de beurre dépasse les seuls besoins de consommation. Lorsqu'un bien est plus échangeable qu'un autre - c'est-à-dire si l'on estime qu'il est plus facile à revendre - alors sa demande augmente, car il devient un intermédiaire dans les échanges. Il devient un moyen permettant à un spécialiste d'échanger sa production contre les produits d'autres spécialistes.

De même qu'il y a dans la nature une grande variété de talents et de ressources, il existe une grande diversité de biens échangeables. Certains sont plus demandés que d'autres ; certains peuvent être divisés en parcelles plus petites sans perdre de la valeur ; certains se conservent mieux sur de longues périodes ; certains sont plus commodes à transporter sur de grandes distances. Toutes ces caractéristiques les rendent plus échangeables. Dans toute société, il est clair que ce sont les biens les plus échangeables qui deviennent progressivement les moyens d'échange. Au fur et à mesure que leur usage se répand, leur demande croît du fait de leur rôle comme moyens d'échange, ce qui les rend encore plus échangeables. Il en résulte un phénomène qui s'auto-entretient : une meilleure échangeabilité renforce leur rôle en tant que moyens d'échange, ce qui à son tour augmente leur échangeabilité, etc. Finalement, seuls un ou deux biens sont utilisés comme moyens d'échange universels, dans pratiquement tous les échanges et on appelle cela la monnaie.

Historiquement, toutes sortes de biens ont été utilisés comme moyens d'échange : des feuilles de tabac dans la Virginie coloniale, du sucre aux Caraïbes, du sel en Abyssinie, du bétail dans la Grèce antique, des clous en Ecosse, du cuivre dans l'ancienne Egypte, des semences, des perles, du thé, des coquillages et des hameçons. À travers les siècles, deux marchandises ont émergé - l'or et l'argent. Elles ont été sélectionnées par le jeu de la concurrence sur le marché et elles ont supplanté tous les autres moyens d'échange. Chacune est extrêmement échangeable, est demandée à des fins d'ornementation et présente toutes les autres qualités requises. À une époque récente, l'argent, relativement plus abondant que l'or, s'est imposé pour les échanges de faible valeur, tandis que l'or a été réservé aux transactions plus importantes. En tout cas, quelle que soit la raison, il faut souligner que c'est le marché qui a trouvé que l'or et l'argent sont les monnaies les plus efficaces.

Ce processus - l'émergence cumulative d'un moyen d'échange sur le marché - est la seule manière d'établir une monnaie. Une monnaie ne peut pas apparaître autrement. Un État ne peut pas décréter que des bouts de papiers sont de la " monnaie ", pas plus qu'une population ne peut, du jour au lendemain, se mettre à échanger un matériau inutile. Car la demande de monnaie repose sur la connaissance des prix dans le passé immédiat. Contrairement aux biens de consommation et de production, qui sont utilisés directement, la monnaie doit déjà avoir de la valeur pour être recherchée. Mais ceci ne peut arriver que si l'on commence par troquer un bien utile. Et plus tard une demande supplémentaire apparaît, parce que ce bien est échangeable, en plus de son utilité propre (comme l'ornementation, pour l'or note1 ). Ainsi, l'État n'a pas le pouvoir d'instaurer une monnaie pour l'économie, puisque la monnaie ne peut émerger que via un processus de marché.
Au cours de notre discussion, nous avons découvert une vérité très importante : la monnaie est une marchandise. Apprendre cette leçon simple est l'une des tâches les plus importantes qui soient. Bien souvent, on parle de la monnaie comme si c'était plus que cela - ou moins. Mais la monnaie n'est pas une unité de compte abstraite, différente d'un bien ; ni un jeton inutile qui ne servirait qu'aux échanges ; ce n'est pas une " créance sur la société " ; ni une garantie ou un niveau de prix stable. C'est une simple marchandise. Elle diffère des autres biens parce qu'elle est recherchée principalement pour son rôle de moyen d'échange. Mais, sinon, c'est une marchandise - et, comme toutes les marchandises, il en existe un certain stock, elle est demandée par des gens désirant l'acheter, la conserver etc. Comme toutes les marchandises, son " prix " - en termes d'autres biens - est déterminé par la relation entre l'offre existante, le stock et la demande totale des gens désirant l'acheter et la conserver. (Les gens " achètent " de la monnaie en échangeant leurs biens et services contre elle. De même, ils " vendent " leur monnaie chaque fois qu'ils achètent d'autres biens et service.)

4. Les avantages de la monnaie

L'émergence de la monnaie a été un immense progrès pour l'humanité. Sans monnaie - c'est-à-dire sans moyen d'échange universel - il ne peut pas y avoir de réelle spécialisation. L'économie ne peut pas dépasser un stade très primitif. Les problèmes de l'indivisibilité et de la " double coïncidence des besoins ", qui nuisent à l'économie du troc, disparaissent avec la monnaie. Martin peut embaucher des travailleurs et les payer… en monnaie. Durand peut vendre sa charrue contre des morceaux… de monnaie. La monnaie marchandise est divisible en petites unités et elle est généralement acceptée par tous. Ainsi, tous les biens et services sont vendus contre de la monnaie et la monnaie est utilisée pour acheter les autres biens et services que les gens désirent. Grâce à la monnaie, une " structure de production " plus élaborée peut voir le jour. La terre, le travail et les biens capitaux, nécessaires à chaque étape de la production, peuvent être rétribués en monnaie.

La mise en place de la monnaie procure un autre avantage. Puisque tous les échanges se font en monnaie, toutes les valeurs d'échange sont calculées en monnaie, si bien que les gens peuvent maintenant comparer entre eux les prix de marché de tous les biens. Si un téléviseur s'échange contre trois onces d'or et une automobile contre soixante onces d'or, alors chacun peut voir qu'une automobile " vaut " vingt téléviseurs sur le marché. Ces valeurs d'échange sont des prix et la monnaie marchandise sert de dénominateur commun à tous les prix. Dans une économie développée, l'usage des prix en monnaie est indispensable, car cela permet aux hommes d'affaires d'effectuer des calculs économiques. Ils peuvent enfin évaluer s'ils donnent satisfaction aux consommateurs, en comparant le prix de vente de leurs produits avec ce qu'ils dépensent en facteurs de production - leurs " coûts ". Comme tous ces prix sont exprimés en termes de monnaie, ils peuvent savoir s'ils font des profits ou bien des pertes. Ces calculs servent de guide aux hommes d'affaires, ainsi qu'aux employés et aux propriétaires terriens, lorsqu'ils cherchent à obtenir un revenu monétaire sur le marché. Ceci est crucial afin que les ressources soient utilisées de la manière la plus productive possible, c'est-à-dire de façon à répondre aux demandes des consommateurs.

De nombreux manuels expliquent que la monnaie remplit plusieurs fonctions : c'est un moyen d'échange, une unité de compte ou de " mesure de la valeur ", une " réserve de valeur " etc. Mais il est clair que ces fonctions sont de simples conséquences de sa fonction principale : moyen d'échange. Comme l'or est un intermédiaire dans tous les échanges, il est extrêmement échangeable et peut être conservé pour servir plus tard, ou bien pour servir immédiatement et il permet d'exprimer tous les prix note2. Puisque c'est un moyen d'échange universel, il sert d'unité de compte pour les prix courants, mais aussi pour les prix anticipés dans le futur. Répétons que la monnaie ne peut en aucun cas être une unité de compte, ou une créance abstraite, si elle n'est pas d'abord un moyen d'échange.

5. L'unité monétaire

Maintenant que nous savons comment la monnaie a émergé et quelles fonctions elle remplit, nous pouvons nous demander comment la monnaie marchandise est utilisée. Plus précisément, quel est le stock de monnaie dans la société - ou encore l'offre de monnaie ? Et comment est-elle échangée ?
Tout d'abord, la plupart des biens physiques tangibles sont échangés en termes de poids. Les marchandises physiques sont généralement mesurées en poids, si bien que l'échange a lieu en unités telles que des tonnes, des kilos, des onces, des grains, des grammes etc. note3 . L'or ne fait pas exception. L'or s'échange en unités de poids, comme toutes les autres marchandises note4.

La taille de l'unité commune choisie pour les échanges n'a évidemment aucune importance pour un économiste. Dans les pays qui utilisent le système métrique, on préfère compter en grammes. En Angleterre et aux États-Unis, on préfère les grains et les onces. Toutes les unités de poids sont convertibles entre elles. Une livre vaut seize onces ; une once vaut 437 grains et demi ou 28,35 grammes, etc.

Supposons que l'or soit choisi comme monnaie. La valeur de l'unité or utilisée n'a aucune importance pour nous. Martin peut vendre un manteau pour une once d'or aux États-Unis, ou pour 28,35 grammes d'or en France ; les deux prix sont identiques.

Nous avons peut-être l'air d'enfoncer des portes ouvertes, cependant, beaucoup de malheurs dans le monde pourraient être évités si les gens comprenaient mieux ces évidences. Par exemple tout le monde, ou presque, croit que la monnaie ce sont des unités abstraites de quelque chose et que chaque monnaie est attachée à un pays. Même à l'époque de " l'étalon-or " les gens raisonnaient ainsi. La monnaie américaine était le " dollar ", la monnaie française était le " franc ", la monnaie allemande le " mark " etc. Toutes ces monnaies étaient bien liées à l'or, mais on considérait qu'elles étaient souveraines et indépendantes. Par conséquent, les pays ne rencontraient aucun obstacle lorsqu'ils décidaient " d'abandonner l'étalon-or ". Pourtant, toutes ces dénominations n'étaient que des noms donnés à certaines unités de poids d'or ou d'argent.
La " livre sterling " britannique représentait à l'origine un poids d'une livre d'argent. Quant au dollar, c'était l'appellation courante d'une once d'argent frappée par un comte bohémien du nom de Schlick, au seizième siècle. Le comte de Schlick vivait dans la vallée de Joachim, encore appelée Joachimsthal. Les pièces du Comte avaient acquis une très bonne réputation du fait de leur uniformité et de leur bon aloi. Ils étaient surnommés " thalers de Joachim " et devinrent finalement des " thalers ". Le nom " dollar " apparut par la suite comme un dérivé de " thaler ".
Sur le marché, donc, les différents noms de ces unités sont de simples définitions d'unités de poids. À l'époque de " l'étalon-or " - avant 1933 - les gens disaient que le " prix de l'or " était " fixé à vingt dollars l'once ". Mais cette façon de parler était tout à fait trompeuse. En réalité, le " dollar " était défini comme le nom d'1/20ème d'once d'or (à peu près). Il était donc erroné de parler de " taux de change " entre les monnaies des différents pays. La " livre sterling " ne " s'échangeait " pas réellement contre cinq " dollars " note5. Le dollar était défini comme 1/20ème d'once d'or et à l'époque la livre sterling était définie comme ¼ d'once d'or, ce qui correspond évidemment à 5/20èmes d'once d'or. Manifestement, tous ces taux de change et cette profusion de noms sont déroutants et trompeurs. Nous parlerons plus loin, dans le chapitre sur l'intervention de l'État dans la monnaie, de la façon dont ils sont apparus. Sur un marché parfaitement libre, l'or est simplement échangé directement en " grammes ", en grains, ou en onces et des noms aussi obscurs que le dollar, le franc, etc. sont totalement inutiles. C'est pourquoi, dans ce chapitre, nous préférons parler de la monnaie en termes d'onces ou de grains.

Naturellement, l'unité de poids retenue par le marché pour mesurer la monnaie marchandise est celle qui est la plus commode à utiliser. Si la monnaie est le platine, il sera vraisemblablement échangé en fractions d'une once. Si c'est le fer, il sera mesuré en livres ou en tonnes. Évidemment, ce choix n'a aucune importance du point de vue d'un économiste.

6. La forme de la monnaie

La taille et le nom de l'unité monétaire n'ont quasiment aucune importance sur le plan économique ; la forme du métal non plus. Lorsqu'une marchandise est de la monnaie, il s'ensuit que le stock tout entier de ce métal, du moment qu'il est accessible à l'homme, constitue le stock mondial de monnaie. La forme sous laquelle ce métal se présente à un instant donné n'a pas d'importance. Si la monnaie est le fer, alors tout le fer est de la monnaie, qu'il se présente sous forme de barres, de blocs, ou incorporé dans des machines spécialisées note6. L'or a été échangé comme monnaie sous différentes formes : des pépites, de la poussière dans des sacs et même sous forme de bijoux. Il n'est pas étonnant que l'or, comme les autres monnaies, soit échangé sous ces différentes formes, puisque c'est surtout leur poids qui compte.

Cependant, il est vrai que certaines formes sont plus pratiques que d'autres. Au cours des siècles récents, l'or et l'argent ont été divisés en pièces, pour les petites transactions quotidiennes et en lingots plus lourds pour les grosses transactions. Le reste de l'or est incorporé dans des bijoux et autres ornements. Mais transformer de l'or d'une forme dans une autre demande du temps, du travail et d'autres ressources. Cela devient une activité commerciale comme une autre et le prix de ce service est fixé normalement. La plupart des gens considèrent que les joailliers ont parfaitement le droit de fabriquer des bijoux en or, mais ils ne sont plus d'accord lorsqu'il s'agit de faire des pièces de monnaie. Pourtant, sur le marché, la fabrication de pièces est un commerce comme un autre.
Du temps de l'étalon-or, beaucoup de gens s'imaginaient que les pièces avaient quelque chose de plus que de simples " blocs " d'or (barres, lingots, ou toute autre forme). Il est vrai que 33 pièces avaient plus de valeur qu'un lingot, mais il n'y avait là aucune propriété mystérieuse des pièces. Cela s'explique parce que fabriquer des pièces en partant d'un lingot coûte plus cher que de fabriquer un lingot en fondant des pièces. Du fait de cette différence, les pièces avaient plus de valeur sur le marché.

7. Les monnaies privées

De nos jours, la notion de monnaie privée paraît si étrange qu'il n'est pas inutile de l'approfondir. Nous avons pris l'habitude de penser que la monnaie est l'un des " attributs de la souveraineté ". Pourtant, nous ne reconnaissons plus aucune " prérogative royale " et le principe américain de la souveraineté est qu'elle réside dans le peuple, non dans l'État.
Comment la monnaie privée fonctionne-t-elle ? Comme nous l'avons dit, de la même manière que les autres commerces. Chaque émetteur fabrique des pièces de la taille et de la forme la plus satisfaisante pour ses clients. Le prix est déterminé par le jeu de la concurrence sur le marché.
Une objection fréquente est qu'il est trop compliqué de peser ou d'estimer des morceaux d'or à chaque transaction. Mais qu'est-ce qui empêche les émetteurs privés d'estampiller leurs pièces et d'en garantir le poids et le titre ? Les émetteurs privés sont au moins aussi bien placés que l'État pour garantir leurs pièces. Les morceaux de métal en vrac ne sont pas acceptés comme des pièces. Les gens préfèrent utiliser des pièces dont la qualité est garantie par un émetteur ayant une bonne réputation. Nous avons vu que c'est précisément grâce à ses performances en tant que pièce d'argent que le " dollar " a pris autant d'importance.

Les adversaires des monnaies privées font valoir le risque de fraude. Pourtant, ces mêmes adversaires font confiance à l'État pour assurer le monnayage. Mais si l'on a confiance dans l'État, autant lui faire confiance pour interdire et réprimer la fraude dans un système de monnaies privées. Il est généralement admis que la répression des fraudes, du vol et des autres crimes est la principale mission de l'État. Mais lorsqu'un État est incapable d'arrêter un criminel sur le marché de la monnaie, il ne faut pas lui confier le monopole de la monnaie et renoncer à avoir des émetteurs privés honnêtes Quelle chance y a-t-il d'avoir ainsi une bonne monnaie ? Si l'on ne peut plus se fier à l'État pour attraper un voyou de temps en temps, pourquoi lui confier le contrôle absolu de la monnaie et lui laisser la possibilité d'altérer les pièces, de les falsifier et de se comporter en toute légalité comme le seul voyou du marché ? Il serait absurde de proposer que toute propriété soit collectivisée dans le but d'empêcher le vol. Pourtant, c'est exactement le même raisonnement qui est utilisé pour justifier l'abolition des monnaies privées.

De plus, tout le commerce moderne est basé sur le respect de certaines normes. La pharmacie vend une bouteille de huit onces de lotion ; le boucher vend une livre de viande. L'acheteur s'attend à ce que ces quantités soient précises et elles le sont. Et songez aux milliers et milliers de produits industriels spécialisés qui doivent répondre à des normes et à des spécifications très précises.

Quand on achète un boulon de huit, on veut un boulon de huit et pas de sept millimètres.
Pourtant, le commerce ne s'est pas effondré. Rares sont les gens qui considèrent que l'État devrait nationaliser l'industrie des machines-outils sous prétexte qu'il est dans son rôle de protéger les normes. L'économie de marché contemporaine est faite d'une infinité d'échanges inextricables, dont la plupart reposent sur des normes quantitatives et qualitatives. Pourtant, les cas de fraudes sont rares et ils peuvent être poursuivis en justice - au moins en principe. Il en est de même avec les monnaies privées. Soyons certains que les clients et les concurrents d'un émetteur seraient les premiers à surveiller tout risque de fraude sur le poids ou le titre des pièces note7.

Selon les avocats du monopole public du monnayage, la monnaie est différente des autres biens, parce que la " loi de Gresham " montre que " la mauvaise monnaie chasse la bonne ". Ainsi, on ne peut pas se fier au marché pour fournir au public une monnaie de qualité. Mais cette interprétation repose sur une erreur d'interprétation de la célèbre loi de Gresham. La loi dit en fait " qu'une monnaie artificiellement surévaluée par l'État chasse de la circulation celle qui est artificiellement sous-évaluée. " Supposons, par exemple, que des pièces d'une once d'or sont en circulation. Après quelques années d'usure, mettons que certaines pièces ne pèsent plus que 0,9 once. Sur le marché, les pièces usées circulent à quatre-vingt-dix pour cent de la valeur des pièces d'origine et elles ne sont plus acceptées pour leur valeur faciale note8. Si le marché doit rejeter certaines pièces, ce sont bien les " mauvaises " pièces. Mais si l'État décrète que les pièces usées doivent être traitées comme des pièces neuves, en parfait état et qu'elles doivent être acceptées pour le remboursement des dettes, qu'est-ce qui se passe ? L'État impose par la force un contrôle des prix sur le " taux de change " entre les deux types de pièces. En insistant pour maintenir la parité alors que les pièces usées devraient s'échanger dix pour cent moins cher, il surévalue artificiellement les pièces usées et sous-évalue les neuves. Chacun a alors tendance à faire circuler ses pièces usagées et à conserver les bonnes. " La mauvaise monnaie chasse la bonne " est alors une conséquence de l'intervention de l'État sur le marché et non le fait du marché lui-même.
En dépit des attaques incessantes des États, rendant leur existence très précaire, les monnaies privées ont prospéré à de nombreuses reprises au cours de l'histoire. Les premières pièces furent frappées par des orfèvres privés, confirmant ainsi la règle qui veut que ce soient les individus libres qui innovent et non l'État. En fait, lorsque l'État a commencé à monopoliser le monnayage, les pièces royales arboraient le sceau d'un banquier privé, en qui le public avait, semble-t-il, bien plus confiance que dans l'État. Des pièces d'or de fabrication privée ont circulé en Californie jusqu'en 1848 note9.

8. La " bonne " quantité de monnaie

À présent, nous devons nous demander : de combien de monnaie dispose-t-on dans la société et comment estelle utilisée ? En particulier, nous devons nous poser l'éternelle question : de combien de monnaie " avons-nous besoin " ? L'offre de monnaie doit-elle être régulée selon un " critère " quelconque, ou bien peut-elle être laissée entièrement au marché ?
Tout d'abord, le stock total - ou l'offre - de monnaie dans la société à un instant donné est le poids total de la monnaie marchandise existante. Supposons, pour le moment, qu'une seule marchandise devienne une monnaie sur le marché. Supposons, de plus, que cette marchandise soit l'or (quoique nous aurions pu choisir l'argent ou même le fer. Ce n'est pas à nous, mais au marché de décider quelle marchandise utiliser comme monnaie). Puisque la monnaie est de l'or, l'offre totale de monnaie est le poids de l'or disponible dans la société. La forme de cet or importe peu - sauf si certains coûts de transformation sont plus importants que d'autres (par exemple le fait de frapper des pièces coûte plus cher que de les faire fondre). Dans ce cas, l'une de ces formes est sélectionnée par le marché comme monnaie de compte et les autres formes ont une décote ou une surcote en fonction de leurs prix de marché respectifs.

Les variations du stock total d'or obéissent aux mêmes lois que pour les autres biens. La production des mines augmente le stock ; l'usure des pièces et des outils de production le diminue, etc. Le marché a sélectionné un bien durable comme monnaie, or la monnaie ne s'use pas au même rythme que les autres biens - car elle est utilisée comme moyen d'échange - et la production annuelle a tendance à être faible comparée au stock existant. Le stock total d'or, par conséquent, évolue en général très lentement.

Quelle " devrait " être l'offre de monnaie ? Tous les critères imaginables ont été proposés : la monnaie pourrait croître avec la démographie, avec le " volume des échanges ", avec le " volume de la production ", afin de maintenir un " niveau de prix " constant, etc. Rares sont ceux qui ont proposé de laisser la décision au marché. Mais il est un aspect essentiel par lequel la monnaie est différente des autres biens. Et cette différence nous donne la clé pour comprendre les questions monétaires. Lorsque la quantité disponible de n'importe quel autre bien augmente, cet accroissement confère un bénéfice social ; il y a lieu de s'en réjouir. Une plus grande abondance de biens de consommation signifie que le niveau de vie de la population augmente. Pour les biens de production, cela signifie que le niveau de vie futur va augmenter. La découverte de nouvelles terres fertiles, ou de ressources naturelles, améliore aussi les perspectives de niveau de vie actuel et futur. Mais qu'en est-il de la monnaie ? Une augmentation de l'offre de monnaie est-elle un gain pour la société?

Les biens de consommation sont consommés en totalité et les biens capitaux et les ressources naturelles sont utilisés pour fabriquer les biens de consommation. Mais la monnaie n'est pas consommée. Sa fonction est de servir comme moyen d'échange, c'est-à-dire pour faciliter le transfert des biens entre les personnes. Ces échanges se font tous sur la base de prix en monnaie. Donc, si un téléviseur s'échange contre trois onces d'or, nous dirons que le " prix " du téléviseur est de trois onces. À tout moment, les biens dans l'économie sont échangeables à certains cours ou prix en or. Mais quid de la monnaie ? La monnaie elle-même a-t-elle un " prix " ? Puisqu'un prix n'est qu'un rapport d'échange, la réponse est oui. Si ce n'est que le " prix " de la monnaie est un tableau qui contient une multitude de rapports d'échange avec les différents produits du marché.
Ainsi, supposons qu'un téléviseur coûte trois onces d'or, une automobile soixante onces, une miche de pain 1/100ème d'once et une heure des conseils juridiques de Martin, une once. Le " prix de la monnaie " est donc la liste de ces rapports d'échange. Une once d'or " vaut " 1/3 de téléviseur, 1/60ème d'automobile, 100 miches de pain, ou une heure des conseils juridiques de Martin. Et ainsi de suite. Le " prix " de la monnaie, par conséquent, est le " pouvoir d'achat " de l'unité monétaire - dans le cas présent, une once d'or. Il nous indique ce qu'il est possible d'acheter contre cette once d'or, de la même manière que le prix d'un téléviseur nous dit ce qu'il est possible d'échanger contre un téléviseur.

Qu'est-ce qui détermine le prix de la monnaie ? Les mêmes forces qui déterminent tous les prix sur le marché - cette loi vénérable et vérifiée à toutes les époques : " l'offre et la demande ". Nous savons tous que lorsque l'offre d'œufs augmente, le prix a tendance à baisser. Si la demande des clients augmente, le prix a tendance à monter. Il en va de même pour la monnaie. Une augmentation de l'offre de monnaie a tendance à faire baisser son " prix " ; une augmentation de la demande de monnaie a tendance à le faire monter. Mais qu'est-ce que la demande de monnaie ? Dans le cas des œufs, nous comprenons ce que signifie " demande " : c'est la quantité de monnaie que les consommateurs sont prêts à dépenser pour des œufs, plus les œufs que les producteurs préfèrent ne pas vendre pour les garder. De même, dans le cas de la monnaie, la " demande " n'est autre que l'ensemble des biens offerts en échange de la monnaie, plus la monnaie gardée en réserve et non dépensée pendant un certain laps de temps. Dans les deux cas, " l'offre " correspond au stock total de marchandise disponible sur le marché.

Que se passe-t-il, dans ce cas, lorsque l'offre d'or augmente et que la demande de monnaie reste stable ? Le " prix de la monnaie " baisse, c'est-à-dire que le pouvoir d'achat de l'unité monétaire diminue sur toute la ligne. Une once d'or vaut alors moins que 100 miches de pain, 1/3 de téléviseur, etc. Réciproquement, si l'offre d'or diminue, le pouvoir d'achat de l'once d'or augmente.

Que se passe-t-il si l'offre de monnaie varie ? Reprenant l'exemple de David Hume, l'un des premiers économistes, nous pouvons nous demander ce qui se passerait si, au cours d'une nuit, une fée se glissait dans nos poches, dans nos coffres et dans nos porte-monnaies et doublait notre stock de monnaie. Dans notre exemple, elle doublerait par magie notre stock d'or. Serions-nous deux fois plus riches ? Évidemment pas. Ce qui nous rend riches, c'est l'abondance de biens et cette abondance n'est limitée que par la rareté des ressources telles que la terre, le travail et le capital. Multiplier le nombre de pièces ne fait pas naître spontanément ces ressources. Il se peut que nous nous sentions deux fois plus riches sur le moment, mais clairement il en résulte simplement une dilution de la monnaie. Dès que le public commencera à dépenser ses nouvelles richesses, les prix auront tendance à doubler - ou du moins à monter jusqu'à ce que la demande soit satisfaite et que la monnaie cesse d'enchérir contre ellemême pour les biens disponibles.

Ainsi nous voyons qu'une augmentation de l'offre de monnaie fait baisser son prix - comme avec n'importe quel bien. Mais cette augmentation ne procure aucun bénéfice social - contrairement aux autres biens. La population ne devient pas plus riche. Tandis qu'une augmentation des biens de consommation ou de production améliore notre niveau de vie, la monnaie supplémentaire fait monter les prix - et cela dilue son propre pouvoir d'achat. L'explication de ce paradoxe est que la monnaie n'est utile que pour sa valeur d'échange. Les autres biens ont une utilité " réelle ", à des degrés divers, si bien qu'une augmentation de l'offre permet de mieux satisfaire les désirs des consommateurs. La monnaie n'a de valeur que dans la perspective d'un échange. Son utilité réside dans sa valeur d'échange, ou " pouvoir d'achat ". Notre loi - qu'un accroissement de la monnaie n'apporte aucun bénéfice social - dérive du fait qu'elle est utilisée exclusivement comme moyen d'échange.

Une augmentation de l'offre de monnaie ne fait que diluer l'efficacité de chaque once d'or. À l'inverse, une diminution améliore la capacité de chaque once à jouer son rôle. Nous arrivons donc à la conclusion surprenante que la quantité de monnaie disponible n'a aucune importance. N'importe quelle quantité convient aussi bien qu'une autre. Le marché s'ajuste simplement en modifiant le pouvoir d'achat, ou l'efficacité de l'unité monétaire. Il n'est pas nécessaire d'intervenir pour modifier l'offre de monnaie, qui est déterminée par le marché.
À ce stade, un planificateur monétaire pourrait objecter : " D'accord, à supposer qu'il soit inutile d'augmenter l'offre de monnaie, n'est-ce pas une perte de temps que d'extraire l'or des mines ? L'État ne devrait-il pas faire en sorte que l'offre d'or soit constante et interdire les activités minières ? " Cet argument peut sembler plausible à ceux qui ne voient aucune objection de principe à ce que l'État intervienne, mais il ne convainc pas l'avocat de la liberté. Cette objection néglige un aspect important : l'or n'est pas seulement de la monnaie, mais aussi, inévitablement, une marchandise. Une augmentation de l'offre de monnaie n'apporte peut-être aucun bénéfice monétaire, mais elle apporte sans doute un bénéfice non monétaire - c'est-à-dire qu'elle permet de disposer de plus d'or pour la consommation (ornements, dentisterie, etc.) ainsi que pour la production (activités industrielles). L'extraction d'or, par conséquent, n'est pas un gaspillage pour la société.

Nous concluons donc que c'est le marché, comme pour tous les autres biens, qui doit déterminer l'offre d'or. Mise à part la supériorité morale et économique de la liberté par rapport à la coercition, il n'y a pas lieu d'imposer une quantité meilleure qu'une autre et le marché produit de l'or en quantité suffisante pour satisfaire les consommateurs, comme on le voit pour les autres produits note10.

9. Le problème de la " thésaurisation "

On ne fait pas taire aussi facilement les adversaires de la liberté monétaire. En particulier, on voit toujours resurgir l'épouvantail de la " thésaurisation ". On imagine un vieux grippe-sou égoïste qui, soit par bêtise, soit même par méchanceté, amasse de l'or dans sa cave où il rassemble un trésor - interrompant ainsi le flux et la circulation du commerce, provoquant une récession et d'autres maux. La thésaurisation est-elle vraiment une menace ?

D'abord, ce qui s'est passé est tout simplement une hausse de la demande de monnaie de la part de l'avare. Il en résulte que les prix des biens chutent et que le pouvoir d'achat de l'once d'or s'élève. Il n'y a aucune perte pour la société, qui continue de fonctionner avec moins d'onces d'or actives, chacune ayant plus de " pouvoir d'achat ".

Même en ayant la vision la plus pessimiste des choses, rien de tout cela n'est grave et la liberté monétaire ne pose aucun problème. Mais il y a un autre aspect de la question. Il n'est en effet aucunement irrationnel que les gens désirent plus ou moins de monnaie dans leurs encaisses.
À ce stade, il nous faut examiner plus en détail la question des encaisses. Pourquoi les gens détiennent-ils des encaisses ? Supposez que nous soyons capables de prédire l'avenir avec une certitude absolue. Dans ce cas, personne n'aurait besoin de détenir d'encaisses. Tout le monde saurait exactement combien il va dépenser et combien il va gagner, à quel moment dans le futur. On n'aurait plus besoin de conserver de la monnaie et l'on pourrait prêter son or de façon à être remboursé juste au bon moment du montant nécessaire. Seulement nous vivons nécessairement dans l'incertitude. Les gens ne savent pas précisément ce qui va qui leur arriver, ni quelles seront leurs futures recettes ou dépenses. Plus ils sont indécis et craintifs, plus ils veulent détenir d'encaisses ; plus ils sont confiants, moins ils souhaitent détenir d'encaisses. Mais il y a un autre motif pour conserver des espèces, lié à une incertitude du monde réel. Il se peut que les gens anticipent une baisse du prix de la monnaie, qu'ils souhaitent dépenser leur monnaie pendant qu'elle a encore de la valeur et que cette " liquidation " réduise leur demande de monnaie. Inversement, s'ils anticipent une hausse du prix de la monnaie, ils préfèrent attendre plus tard pour la dépenser lorsqu'elle aura pris de la valeur et leur demande de monnaie est élevée. Par conséquent, il y a de vraies bonnes raisons pour que la demande d'encaisses fluctue.

Les économistes se trompent s'ils considèrent comme un problème le fait que la monnaie ne circule pas constamment. La monnaie n'a qu'une valeur d'échange, mais elle n'est pas seulement utile au moment de l'échange. Cette vérité est souvent négligée. Elle n'est pas moins utile lorsqu'elle " dort " dans l'encaisse d'un individu, même si c'est dans le trésor d'un avare note11. Car cette monnaie est conservée pour l'instant en vue d'un futur échange. Elle confère à son possesseur, dès maintenant, le pouvoir de réaliser un échange à tout moment - présent ou futur -, lorsqu'il le voudra.

Il ne faut pas oublier que tout l'or est la propriété de quelqu'un et que par conséquent il doit bien se trouver dans des encaisses. S'il y a 3000 tonnes d'or dans la société, les 3000 tonnes doivent à tout moment appartenir à des individus et être détenues dans leurs encaisses. La somme des encaisses est toujours égale au stock total d'or dans la société. Ainsi, ironiquement, sans l'incertitude du monde réel, nous pourrions nous passer entièrement de système monétaire ! Dans un monde certain, personne ne voudrait détenir de la monnaie, si bien que la demande de monnaie chuterait, les prix s'envoleraient à l'infini et le système monétaire s'effondrerait ! Au lieu de considérer les encaisses comme un fléau, freinant les échanges monétaires, il faut absolument reconnaître leur utilité pour l'économie.

Par ailleurs, dire que la monnaie " circule " est une expression trompeuse. Comme toutes les métaphores issues des sciences physiques, celle-ci a une connotation mécanique, comme s'il s'agissait d'un processus indépendant de la volonté humaine, le flux de monnaie circulant à une certaine vitesse, ou " vélocité ". En réalité, la monnaie ne " circule " pas : de temps en temps, elle est transférée de l'encaisse d'une personne à une autre. De nouveau, la monnaie n'existe que parce que les gens désirent détenir des encaisses.

Au début de ce chapitre, nous avons vu que la " thésaurisation " ne cause jamais aucun tort à la société. À présent, nous allons voir qu'il y a un avantage pour la société à ce que le prix de la monnaie puisse varier, soit à cause des fluctuations de la demande de monnaie, soit à cause d'une offre accrue de biens et services. Faisons l'hypothèse que l'offre reste constante, par exemple 3000 tonnes. Maintenant, imaginons que, pour un motif quelconque tel qu'une baisse de confiance dans la population, la demande d'encaisses monétaires augmente. Il est certes avantageux socialement de satisfaire cette demande. Mais comment la satisfaire puisque l'offre totale de monnaie est constante ? Tout simplement de la façon suivante : lorsque les gens accordent plus d'importance aux encaisses monétaires, la demande de monnaie augmente et les prix baissent. Ainsi, le total des encaisses monétaires peut rester inchangé tout en ayant des encaisses " réelles " plus élevées - c'est-à-dire plus élevées par rapport aux autres biens - afin que la monnaie puisse jouer son rôle. Bref, les encaisses réelles augmentent. Réciproquement, une baisse de la demande de monnaie se traduit par plus de dépenses et une hausse générale des prix. Le désir du public de réduire son encaisse réelle est satisfait, car une même quantité de monnaie doit fournir plus de travail.

Ainsi, lorsque les prix bougent à cause d'un changement dans l'offre, cela ne fait qu'altérer l'efficacité de chaque unité monétaire et n'apporte aucun bénéfice social. Mais une hausse ou une baisse des prix qui résulte de la demande d'encaisses monétaires apporte bien un bénéfice social - puisqu'elle satisfait un désir de détenir des encaisses plus ou moins importantes par rapport au travail fourni par la monnaie. À l'inverse, une offre accrue de monnaie frustre le désir du public d'augmenter l'efficacité de son encaisse monétaire (efficacité en termes de pouvoir d'achat).
Les gens répondent presque toujours, si on leur pose la question, qu'ils veulent avoir le plus de monnaie possible ! Mais ce qu'ils veulent réellement ce ne sont pas de simples unités monétaires - plus d'onces d'or ou de " dollars " - mais des unités plus efficaces, c'est-à-dire la faculté d'acheter plus de biens et de services. Nous avons vu que la société ne peut satisfaire sa demande de monnaie en augmentant l'offre - parce que cela ne fait que diluer l'efficacité de chaque once et qu'en réalité la monnaie n'est pas plus abondante qu'avant. L'extraction minière ne peut pas améliorer le niveau de vie des gens (sauf pour les usages non monétaires de l'or). Si les gens veulent détenir des onces d'or plus efficaces dans leurs encaisses, ils peuvent les obtenir via une baisse des prix et une hausse du pouvoir d'achat de chaque once.

10. Stabiliser le niveau des prix ?

Certains théoriciens affirment qu'il est imprudent d'avoir un système monétaire libre, parce qu'il ne " stabilise pas le niveau des prix ", c'est-à-dire le prix de l'unité monétaire. La monnaie, disent-ils, est censée fournir un point de repère qui ne change jamais. Par conséquent, sa valeur, ou son pouvoir d'achat, doit être stabilisée. Puisque, admettons-le, le prix de la monnaie peut fluctuer sur un marché libre, la gestion de l'État doit prendre le pas sur la liberté afin de garantir la stabilité note12. La stabilité est un gage de justice entre les débiteurs et les créanciers, qui sont certains d'être payés en dollars, ou en onces d'or de même pouvoir d'achat que ceux qu'ils ont prêtés.

Pourtant, si les débiteurs et les créanciers voulaient se protéger contre des variations futures de pouvoir d'achat, ils pourraient le faire aisément sur le marché. Au moment où ils passent un contrat, ils peuvent se mettre d'accord pour que les remboursements soient ajustés en fonction d'un indice qui reflète les fluctuations du prix de la monnaie. Les partisans de la stabilisation ont depuis longtemps proposé ce genre de mesure. Mais curieusement, les débiteurs et créanciers, qui sont censés être les premiers bénéficiaires de la stabilité, en font rarement usage. L'État devrait-il forcer les gens à profiter de certains " avantages " lorsque spontanément ils les rejettent ? Apparemment, les hommes d'affaires préfèrent tenter leur chance, dans ce monde irrémédiablement incertain et se fier à leur aptitude à anticiper les conditions du marché. Après tout, le prix de la monnaie n'est pas différent des autres prix sur le marché. Puisqu'ils peuvent varier en réponse aux variations de la demande des individus, pourquoi n'en serait-il pas de même pour l'unité monétaire ?


Une stabilisation artificielle cause, en fait, de graves distorsions et des entraves au bon fonctionnement du marché. Comme nous l'avons vu, les gens sont inévitablement frustrés s'ils ne peuvent pas modifier la taille de leurs encaisses réelles. Il est alors impossible d'ajuster ses encaisses réelles en fonction des prix. Plus encore, l'amélioration du niveau de vie s'accompagne d'investissements, dont le public récolte les fruits. Les gains de productivité tendent à faire baisser les prix (et les coûts) et ainsi à distribuer au public le résultat des initiatives individuelles, en améliorant le niveau de vie de tous les consommateurs. Rehausser de force le niveau des prix empêche cette amélioration du niveau de vie de se diffuser.
La monnaie, en résumé, n'est pas un " point de repère fixe ". C'est une marchandise qui sert de moyen d'échange. La flexibilité de sa valeur en réponse à la demande des consommateurs est toute aussi importante et toute aussi utile, que n'importe quelle autre variation de prix sur le marché.

11. La coexistence de plusieurs monnaies

Jusqu'ici, nous avons peint le tableau d'une monnaie dans une économie parfaitement libre de la façon suivante : de l'or ou de l'argent vient à être utilisé comme moyen d'échange ; des pièces d'or, frappées par des entreprises privées en concurrence, circulent avec différents poids ; les prix fluctuent librement sur le marché selon la demande des consommateurs et la disponibilité des ressources productives. La liberté des prix nécessite obligatoirement que le pouvoir d'achat de l'unité monétaire fluctue sans entraves. Il est impossible d'user de la force et d'intervenir dans les mouvements de la monnaie sans simultanément perturber la liberté des prix pour les autres biens. Une telle économie libre n'est pas chaotique. Au contraire, elle s'adapte rapidement et efficacement pour satisfaire les demandes des consommateurs. Le marché monétaire aussi peut être libre.
Jusqu'à maintenant, nous avons simplifié le problème en n'envisageant qu'un seul métal comme monnaie - par exemple l'or. Supposons que deux monnaies ou plus continuent de circuler sur le marché mondial - par exemple l'or et l'argent. Peut-être l'or est-il la monnaie dans certaines régions et l'argent dans d'autres, ou alors les deux peuvent circuler côte à côte. Par exemple, comme l'once d'or a plus de valeur sur le marché que l'argent, l'or peut être utilisé pour les transactions plus importantes et l'argent pour les plus petites. Est-ce que la coexistence de deux monnaies ne risque pas d'être chaotique ? Dès lors, ne faut-il pas que l'État intervienne pour imposer un ratio fixe entre les deux (le " bimétallisme ") ou bien démonétiser l'un des deux d'une manière ou d'une autre (en imposant un " standard unique ") ?

On peut parfaitement envisager que le marché, laissé librement à lui-même, finisse par n'avoir plus qu'une seule monnaie métallique. Si ce n'est que, au cours des derniers siècles, l'argent a obstinément tenu bon face à l'or. Mais l'État n'a pas eu besoin d'intervenir pour sauver de la catastrophe ce marché avec deux monnaies. Si l'argent a continué de circuler, c'est précisément parce qu'il est très pratique (par exemple pour la petite monnaie). L'or et l'argent peuvent coexister sans difficulté, comme cela s'est produit par le passé. L'offre et la demande respectives des deux métaux déterminent le taux de change entre les deux et ce taux, comme tout autre prix, fluctue sans cesse en réponse à ces forces changeantes. À un moment donné, par exemple, l'or et l'argent peuvent s'échanger à seize pour un, à un autre moment à quinze pour un, etc. Ce la situation concrète du marché qui détermine laquelle des deux monnaies sert de monnaie de compte. Lorsque c'est l'or, la plupart des transactions se font en onces d'or et le cours de l'argent fluctue librement par rapport à l'or.

Le taux de change et le pouvoir d'achat des deux monnaies tendent toujours à être proportionnels. Si les prix des biens en argent sont quinze fois plus élevés qu'en or, le taux de change est de quinze pour un. Sinon, on pourrait réaliser des échanges entre les deux jusqu'à ce que la parité soit atteinte. Par exemple, si les prix en argent sont vingt fois plus élevés qu'en or, mais que le taux de change est de quinze pour un, les gens se précipitent pour vendre leurs produits contre de l'or, acheter de l'argent et racheter immédiatement des biens avec l'argent, en faisant un bénéfice au passage. Ceci rétablit rapidement la " parité de pouvoir d'achat " du taux de change. Tandis que l'or devient meilleur marché en termes d'argent, les prix en argent montent et les prix en or diminuent.

Le marché, en résumé, est remarquablement ordonné, non seulement lorsque la monnaie circule librement, mais aussi lorsque plusieurs monnaies sont en circulation.

Quel " étalon " aurions-nous avec une monnaie libre ? Ce qui compte, c'est que cet étalon ne soit pas imposé par décret gouvernemental. Le marché, laissé à lui-même, peut aussi bien sélectionner l'or en tant que monnaie unique (" étalon-or "), ou l'argent en tant que monnaie unique (" étalon-argent "), ou, plus probablement, les deux avec un taux de change flottant (" standards parallèles ") note13.

12. Les entrepôts de monnaie

Supposons donc que le marché établisse une monnaie qui est l'or (de nouveau nous oublions l'argent pour simplifier). Même sous la forme de pièces faciles à utiliser, l'or est souvent encombrant, peu commode à transporter et à utiliser dans les échanges. Pour les grosses transactions, il est impensable et coûteux de transporter des centaines de kilos d'or. Mais le marché, toujours prompt à répondre aux besoins de la société, vient à la rescousse. L'or, tout d'abord, doit être stocké quelque part et tout comme la spécialisation est efficace dans les autres activités commerciales, elle l'est également pour les entrepôts. Certaines sociétés réussissent sur le marché du stockage. Certaines sont des entrepôts d'or et gardent l'or pour le compte de myriades de propriétaires. Comme avec n'importe quel autre entrepôt, le propriétaire conserve la propriété des biens et ce titre est consigné sous la forme d'un certificat de dépôt qu'on lui remet au moment où il dépose les biens. Ce certificat autorise le propriétaire à venir les retirer à tout moment. Comme n'importe quelle entreprise, l'entrepôt réalise des bénéfices en facturant ses services.

Il y a toutes les raisons de penser que les entrepôts d'or, ou les entrepôts de monnaie, peuvent prospérer dans un marché libre, comme n'importe quel autre entrepôt. En fait, le stockage joue même un rôle plus important dans le cas de la monnaie. Car tous les biens finissent par être consommés et doivent être sortis de l'entrepôt avant d'être utilisés pour la production ou pour être consommés. Mais la monnaie, ainsi que nous l'avons vu, n'est pas " utilisée " : soit elle est échangée contre d'autres biens, soit elle est stockée dans l'attente de tels échanges dans le futur. En clair, la monnaie n'est jamais vraiment " consommée ", mais simplement transférée d'une personne à une autre.

Dans ces conditions, il est forcément plus pratique de transférer les certificats de dépôt plutôt que l'or lui-même. Supposons, par exemple, que Durand et Martin stockent leur or dans le même entrepôt. Durand vend une automobile à Martin pour 100 onces d'or. Ils pourraient passer par le processus coûteux consistant pour Durand à convertir en or son certificat de dépôt, puis à transporter l'or dans le bureau de Martin, qui prendrait l'or et retournerait à l'entrepôt pour le déposer. Il y a toutes les chances pour qu'ils optent pour une solution bien plus pratique : il suffit que Durant donne à Martin un certificat de dépôt pour 100 onces d'or.

De cette façon, les certificats de dépôt finissent par être utilisés de plus en plus comme des substituts monétaires. Les transactions où l'or doit être déplacé deviennent de plus en plus rares. Dans la plupart des cas, on utilise des titres écrits à la place de l'or. Lorsque le marché se développe, il y a trois limites à ce processus de substitution. La première est dans quelle mesure les gens utilisent les certificat de dépôt des entrepôts - appelés ban ques - à la place de la monnaie. C'est évident, car si Durant, pour une raison quelconque, refuse d'utiliser une banque, Martin est bien obligé de transporter l'or. La deuxième limite est la part de marché de chaque ban que. En d'autres termes, plus il y a de transactions entre clients de banques différentes, plus l'or doit être déplacé. Plus les échanges se passent entre clients d'une même banque, moins il faut déplacer l'or. Si Durant et Martin sont clients de deux banques différentes, c'est la banque de Martin (ou Martin lui-même) qui doit aller déposer l'or à la banque de Durand. La troisième limite est la confiance que les clients accordent à leurs banques. Par exemple, s'ils découvrent que les dirigeants ont un casier judiciaire, la banque risque probablement de perdre tous ses clients dans un bref délai. De ce point de vue, il n'y a aucune différence avec les autres entrepôts - ou tous les autres commerces qui reposent sur la bonne foi.

À mesure que les banques prospèrent et que la confiance se développe, leurs clients peuvent trouver plus pratique de renoncer à leurs certificats de dépôt - appelés billets de ban que - et décider d'avoir à la place des titres de pro priété consignés dans les comptes de la banque. Dans le domaine monétaire, ces derniers s'appellent des comptes courants. Au lieu de transporter des reçus en papier, le client possède un titre de propriété qui figure dans les livres de la banque. Pour réaliser un échange, il ordonne à son entrepôt de transférer une portion de son compte courant chez quelqu'un d'autre. Ainsi, dans notre exemple, Martin donne instruction à sa banque de transférer la propriété de 100 onces d'or vers le compte courant de Durand. Cet ordre est ce que l'on appelle un chèque.

Économiquement parlant, il n'y a évidemment aucune différence entre un billet de banque et un compte courant. Les deux sont des titres de propriété sur de l'or qui est entreposé ; les deux peuvent être transférés en tant que substituts monétaires ; et ils sont limités par les mêmes trois facteurs que précédemment. Le client peut choisir, selon ce qui l'arrange, de conserver son titre de propriété sous forme de billet ou sous forme de compte courant note14.

Quelle est la conséquence de ces opérations pour l'offre de monnaie ? Si des billets de banque sont utilisés comme " substituts monétaires ", est-ce que cela signifie que le stock de monnaie de l'économie a augmenté, alors que le stock d'or est le même ? Certainement pas. Car les substituts monétaires ne sont rien de plus que des certificats de dépôt pour de l'or qui est effectivement en stock. Si Durand amène 100 onces d'or à son entrepôt et reçoit un certificat, ce dernier peut servir de monnaie sur le marché, mais seulement un substitut d'or, pas comme un supplément d'or. L'or dans le coffre ne fait plus partie de l'offre effective de monnaie et il est gardé en réserve pour le certificat, afin que le propriétaire puisse le réclamer quand il le souhaite. Que l'usage des substituts augmente ou qu'il diminue, cela ne modifie en rien l'offre de monnaie. Seule la forme de l'offre est différente ; le total est le même. Ainsi l'offre de monnaie d'une communauté peut commencer à 10 millions d'onces. Puis, 6 millions d'onces sont déposés dans des banques, contre des certificats. Après quoi l'offre est alors de 4 millions d'onces d'or et 6 millions d'onces sous la forme de billets de banque reposant sur de l'or. L'offre totale de monnaie reste la même.

Curieusement, beaucoup de gens affirment que les banques ne pourraient jamais gagner leur vie si elles devaient fonctionner ainsi avec " 100 % de réserves " (avec de l'or pour chaque certificat). Pourtant, cela ne pose aucun problème, pas plus que pour n'importe quel entrepôt. Quasiment tous les entrepôts conservent les biens de leurs propriétaires (c'est-à-dire 100 % de réserves). En fait, s'ils agissaient autrement ce serait considéré comme de la fraude ou du vol. Leurs profits proviennent des services qu'ils facturent à leurs clients. Les banques peuvent facturer leurs services de la même manière. On rétorque que les clients n'accepteraient pas de payer des frais élevés. Cela signifie que les services bancaires ne sont pas très demandés et que leur usage doit baisser jusqu'à des niveaux qui soient attractifs pour les consommateurs.

Nous en venons maintenant à ce qui est peut-être la question la plus épineuse pour tout économiste étudiant la monnaie : l'évaluation de la " banque à réserves fractionnaires ". Nous devons nous demander : la banque à réserves fractionnaires est-elle autorisée sur un marché libre, ou bien est-elle considérée comme frauduleuse ? On sait que les banques sont rarement restées très longtemps sur une base de " 100 % ". La monnaie peut rester longtemps sans sortir de l'entrepôt et il est tentant pour la banque d'en utiliser une partie pour son propre compte - d'autant plus tentant que, d'ordinaire, les gens ne cherchent pas à savoir si les pièces qu'ils retirent sont exactement celles qu'ils avaient déposées. La banque est donc incitée à utiliser la monnaie de quelqu'un d'autre pour son profit personnel.

Si la banque prête directement cet or, bien sûr, les certificats deviennent partiellement invalides. Il n'y a plus autant d'or que de certificats. En clair, la banque est en situation de faillite, puisqu'elle ne pourrait en aucun cas remplir ses obligations le cas échéant. Si tous ses clients lui demandent leur bien, elle est dans l'incapacité de le leur rendre.

En général, au lieu de prêter directement l'or, les banques impriment des " pseudo " certificats de dépôt sans réserves, c'est-à-dire pour de l'or qui n'existe pas. Elles réalisent alors un profit en prêtant ces certificats. Economiquement, le résultat est le même. Il y a plus de certificats que d'or dans les coffres. La banque a émis des certificats de dépôt qui ne reposent sur rien, alors qu'ils sont censés représenter 100 % de leur valeur faciale en or. Les pseudo certificats sont écoulés sur le marché où ils sont pris pour des vrais et ainsi l'offre de monnaie augmente. Dans l'exemple précédent, si la banque émet des faux certificats pour deux millions d'onces, sans avoir l'or correspondant, l'offre de monnaie passe de dix à douze millions d'onces - du moins jusqu'à ce que le tour de passe-passe soit découvert et remis en ordre. Il y a maintenant, en plus des 4 millions d'onces d'or détenues par le public, 8 millions d'onces de substituts monétaires, dont seulement 6 reposent sur de l'or.

L'émission de faux certificats, comme le fauxmonnayage de pièces de monnaie, est un exemple d'inflation, phénomène que nous étudierons plus loin. L'inflation peut être définie comme toute augmentation de l'offre de monnaie ne correspondant pas à une augmentation du stock de métal. Les banques à réserves fractionnaires sont donc des institutions foncièrement inflationnistes.

Leurs partisans répondent que les banques - comme toute entreprise - prennent des risques. C'est vrai, si tous les déposants viennent effectuer des retraits en même temps, la banque est en faillite, puisqu'il n'y a pas assez d'or dans les coffres pour tous les certificats. Mais les banques parient - avec de bonnes raisons - que tout le monde ne viendra pas demander son or. Il y a cependant une différence considérable entre les banques à " réserves fractionnaires " et les autres entreprises : c'est leur propre argent, ou de l'argent emprunté, que les autres entrepreneurs risquent dans leurs affaires. Lorsqu'ils empruntent, ils doivent s'engager à rembourser à une date future, charge à eux d'avoir suffisamment de monnaie pour respecter cet engagement à la date prévue. Si Durand emprunte 100 onces d'or pendant un an, il doit s'arranger pour avoir 100 onces d'or à cette date. Mais la banque n'emprunte pas à ses déposants ; elle ne s'engage pas à leur rembourser de l'or à une date donnée. Au lieu de cela, elle s'engage à convertir les billets de banque en or à première demande, quelle que soit la date. En bref, un billet de banque n'est pas une reconnaissance de dette, ou une créance : c'est un certificat de dépôt pour la propriété de quelqu'un d'autre. De plus, lorsqu'un homme d'affaires prête ou emprunte de la monnaie, il n'augmente pas l'offre de monnaie. Les fonds prêtés proviennent d'une épargne et une partie de l'offre de monnaie existante est transférée de l'épargnant vers l'emprunteur. L'émission par les banques, au contraire, accroît artificiellement l'offre de monnaie puisque de faux certificats sont écoulés sur le marché.

Le risque encouru par une banque n'est donc pas le risque habituel dans les affaires. Contrairement à un entrepreneur, elle n'échelonne pas ses actifs dans le temps proportionnellement à ses engagements, afin d'avoir toujours assez de monnaie pour payer ses factures aux dates d'échéance. Au lieu de cela, la plupart de ses engagements sont instantanés, mais ses actifs ne le sont pas.

La banque sort de la monnaie d'un chapeau, ce qui la dispense d'acheter de la monnaie en produisant et en vendant ses services comme tout un chacun. La banque est donc déjà et à tout moment, en situation de faillite, mais sa faillite n'apparaît qu'au moment où les clients commencent à se méfier et provoquent des " paniques bancaires ". Ce phénomène de " panique " n'existe dans aucun autre secteur d'activité. Aucune autre activité ne peut être mise en faillite du jour au lendemain simplement parce que ses clients demandent la restitution de leur bien. Aucune autre activité ne fabrique de la fausse monnaie, qui s'évapore dès l'instant où elle est évaluée sérieusement.

Les effets délétères de la banque à réserves fractionnaires seront étudiés au chapitre suivant. Pour l'instant, nous en tirons la conclusion que, dans un marché vraiment libre, une telle activité est moralement répréhensible, comme n'importe quelle autre forme de vol. Il est vrai que les billets ne mentionnent pas que l'entrepôt garantit la présence de réserves à tout moment.

Mais le fait est que la banque promet de convertir à tout moment et à première demande et elle commet une fraude dès lors qu'elle émet un faux certificat, puisqu'elle est incapable d'honorer ses engagements et de convertir la totalité de ses billets et dépôts note15. La fraude est donc avérée dès l'émission des faux certificats. Mais on ne peut découvrir lesquels sont frauduleux qu'après que la panique bancaire a commencé (puisque tous les certificats se ressemblent), tandis que les derniers arrivés se retrouvent Gros-Jean comme devant note16.

Puisque la fraude est interdite dans une société libre, la banque à réserves fractionnaires devrait l'être aussi note17. Mais supposons que la fraude et la banque à réserves fractionnaires soient tolérées, les banques étant simplement tenues d'honorer leurs engagements et de convertir en or à première demande ; et tout défaut entraîne immédiatement la faillite. Un tel système porte le nom de " banque libre ". Doit-on s'attendre à une émission massive de faux certificats et à une expansion monétaire artificielle ? Beaucoup de gens pensent que oui et ils considèrent que des " banques sauvages " provoqueraient alors une expansion astronomique de l'offre de monnaie. Mais, bien au contraire, la " banque libre " serait un système monétaire beaucoup plus " solide " que celui que nous avons aujourd'hui.

Les banques seraient contraintes - et même fortement contraintes - par les trois limites déjà évoquées. D'abord, chaque fois qu'une banque émet de la monnaie, elle perd de l'or au profit des autres banques. Car une banque ne peut émettre de la monnaie qu'auprès de ses pro pres clients. Supposons par exemple que la banque A, détenant 10000 onces d'or, émette 2000 onces de faux certificats, afin de les prêter à des entreprises ou bien de les investir en actions. L'emprunteur, ou celui qui a vendu ses actions, veut dépenser son argent en biens et services. Après un certain temps, la monnaie finit dans les mains d'un client d'une autre banque, B.

À ce stade, la banque B demande à la banque A de convertir ses certificats en or, afin que l'or puisse être transféré vers les coffres de la banque B. On voit donc que plus la part de marché d'une banque est importante et plus ses clients échangent entre eux, plus il est facile aux banques d'augmenter leur offre de monnaie et de crédit. Car, si la banque a une part de marché étroite, la monnaie est convertie peu de temps après son émission - et nous avons vu que la banque n'a pas les moyens de convertir plus qu'une fraction de ses billets. Pour éviter le risque de faillite qui en résulte, une banque ayant une part de marché faible doit donc détenir proportionnellement plus de réserves d'or et peut d'autant moins se développer. S'il y a une seule banque par pays, le potentiel de développement est bien plus important que s'il y a une banque à chaque coin de rue. Toutes choses égales par ailleurs, plus il y a de banques, plus elles sont petites et plus l'offre de monnaie est " solide ". De la même manière, le développement des banques est limité parce qu'il y a des gens qui n'utilisent aucun service bancaire. Plus il reste de gens qui utilisent l'or au lieu de la monnaie de banque, moins il y a de risque d'inflation bancaire.

Mais supposons que les banques décident d'organiser un cartel et acceptent d'encaisser les certificats des unes et des autres sans demander leur conversion en or. Et supposons de plus que l'usage des billets de banque soit très répandu. Reste-t-il des limites à l'expansion bancaire ? Oui, elle reste limitée par la confiance des clients dans leur banque. En voyant l'offre de monnaie et de crédit gonfler de plus en plus, de nombreux clients vont s'inquiéter d'un épuisement possible des réserves. Dans une société réellement libre, ceux qui sont au courant de la véritable situation financière des banques peuvent former des Associations Anti-Banques pour exhorter les clients à retirer leur or avant qu'il soit trop tard. Les paniques bancaires provoquées par ces agitateurs et la menace qu'ils représentent, suffisent à freiner l'expansion monétaire.

Cette discussion n'a pas pour but de dénigrer la pratique du crédit, qui a une fonction importante et même vitale pour le marché. Dans une transaction de crédit, un propriétaire de monnaie (un bien utile dans le présent) l'échange contre une reconnaissance de dette payable à une date future (cette dette étant un " bien futur ") et le taux d'intérêt représente la différence de valeur sur le marché entre un bien présent et un bien futur. Mais les billets de banques et les dépôts ne sont pas du crédit : ce sont des certificats de dépôt, des droits de retrait instantanés sur de la monnaie présente dans les coffres, par exemple de l'or. Le débiteur fait en sorte de payer sa dette à l'échéance, mais le banquier disposant de réserves fractionnaires ne peut payer qu'une petite partie de ses engagements existants.

Au prochain chapitre, nous examinerons les différentes formes d'intervention étatique dans la monnaie - destinées, pour la plupart, à éliminer tout obstacle naturel à l'inflation, au lieu de réprimer le faux-monnayage.

13. Récapitulatif

Qu'avons-nous appris sur la monnaie dans une société libre ? Nous avons vu que toute monnaie est apparue et doit apparaître, à partir d'une marchandise utile qui est sélectionnée par le marché pour servir de moyen d'échange. L'unité monétaire est simplement une unité de poids de la monnaie marchandise - habituellement un métal, tel que l'or ou l'argent. Sous un régime de liberté, les marchandises qui servent de monnaie, leur choix et leur forme, résultent de décisions prises volontairement par des individus libres. Battre monnaie, par conséquent, est une activité privée aussi légitime que n'importe quel commerce. Le " prix " de la monnaie est son pouvoir d'achat en termes de tous les autres biens dans l'économie. Il est déterminé par l'offre et la demande de monnaie de chaque individu. Chaque fois que l'État tente d'en fixer le prix, il perturbe la satisfaction de la demande de monnaie. Si les gens trouvent pratique d'utiliser plusieurs métaux comme monnaie, leur taux de change sur le marché est déterminé par leur offre et leur demande relatives et il tend vers le rapport entre leurs pouvoirs d'achat. Dès qu'un métal est disponible en quantité suffisante pour que le marché le sélectionne comme monnaie, une augmentation du stock n'améliore pas sa fonction monétaire. Une augmentation de l'offre de monnaie ne fait que diluer le pouvoir d'achat de chaque once de monnaie et n'aide pas l'économie. Cependant, une augmentation du stock d'or ou d'argent répond à des besoins non monétaires pour lesquels on utilise ces métaux (l'ornementation, les usages industriels, etc.), ce qui a donc une utilité sociale. L'inflation (l'augmentation du nombre de substituts monétaires sans contrepartie métallique) n'est jamais utile socialement, mais profite à une partie de la population au détriment du reste.

L'inflation constitue une violation du droit de propriété et n'aurait pas sa place sur un vrai marché.

En somme, la liberté peut produire un système monétaire qui fonctionne, tout comme elle le fait pour le reste de l'économie. Contrairement à ce qu'écrivent certains auteurs, la monnaie n'a rien de spécial qui justifie sa réglementation complète par l'État. Ici aussi, c'est en étant libres que les hommes peuvent satisfaire leurs besoins économiques avec le plus d'efficacité et de souplesse. Pour la monnaie comme pour les autres activités de l'homme, " la liberté est non pas fille de l'ordre, mais mère de l'ordre ".

Notes

1 Sur l'origine de la monnaie, voir Carl Menger, Principles of Economics, pp. 257-271 ; Ludwig von Mises, Theory of Money and Credit, pp. 30-34. Ouvrages disponibles sur le site http://www.mises.org/

2 La monnaie ne " mesure " pas les prix ou la valeur ; c'est leur dénominateur commun. En clair, les prix sont exprimés en monnaie, ils ne sont pas mesurés par elle.

3 Même les biens échangés en termes de volume (balle, stère, etc.) supposent implicitement un poids standard par unité de volume.

4 L'une des qualités essentielles de l'or est son homogénéité - contrairement à d'autres marchandises, sa qualité ne varie pas. Une once d'or pur vaut n'importe quelle autre once d'or pur au monde.

5 En fait, la Livre sterling s'échangeait contre 4,87 dollars, mais nous utiliserons 5 dollars pour simplifier les calculs.

6 Les fers à cheval ont souvent été utilisés comme monnaie, aussi bien en Asie qu'en Afrique.

7 Voir Herbert Spencer, Social Statics (New York : D. Appleton & Co.) 1890, p. 438.

8 Afin d'éviter les problèmes liés à l'usure, les émetteurs privés pourraient assortir leur garantie de poids d'une date limite de validité, ou accepter de fondre de nouvelles pièces, soit au poids original, soit au nouveau poids. Notons que dans une économie libre, les pièces ne seront pas obligatoirement standardisées comme elles le sont lorsque le gouvernement monopolise l'émission.

9 Pour des exemples historiques d'émission privée, voir B.W.Barnage, "The use of Private Tokens for Money in the United States," Quarterly Journal of Economics (1916-17), pp. 617-26; Charles A. Conant, The Principles of Money and Banking (New York: Harper Bros., 1905) I, 127-32; Lysander Spooner, A Letter to Grover Cleveland (Boston: B.R. Tucker, 1886) p. 79; et J. Laurence Laughlin, A New Exposition of Money, Credit and Prices (Chicago: University of Chicago Press, 1931) I, 47-51. Voir aussi Mises, op. cit.; et Edwin Cannan, Money 8th Ed. (London: Staples Press, Ltd., 1935) p. 33 ff.

10 Naturellement, l'extraction d'or n'est pas plus rentable qu'une autre activité. A long terme, son taux de rendement sera égal au taux de rendement de n'importe quelle autre industrie.

11 À partir de quand l'encaisse monétaire d'un individu devientelle de la thésaurisation et quand l'homme prudent devient-il un avare ? Il est impossible de fixer un critère objectif : en général, l'accusation de " thésauriser " signifie que que A détient plus d'or que ce que B estime convenable pour A.

12 À ce stade nous n'avons pas besoin de nous demander comment l'État s'y prendrait. Il suffit de retenir que cela nécessiterait des variations de l'offre de monnaie gérées par l'État.

13 Pour des exemples historiques de standards parallèles, voir W. Stanley Jevons, Money and the mechanism of exchange (Kegan Paul, Londres 1905) pp. 88-96 et Robert S. Lopez, "Back to gold, 1252" The economic history review (décembre 1956) p. 224. En Europe, la fabrication de pièces en or fut introduite presque au même moment à Gênes et à Florence. Florence institua le bimétallisme, tandis que " Gênes, au contraire, ne tenta pas d'imposer un taux de change fixe entre les pièces de métaux différents, conformément au principe de la moindre intervention de l'État ", ibid. Sur la théorie des standards parallèles, voir Mises, op. cit. pp. 179 et suivantes. Pour une propositions que les États-Unis adoptent un standard parallèle, par un représentant du U.S. Assay Office, voir J.W. Sylvester, Bullion certificates as currency (New York 1882).

14 Les jetons sont une troisième forme de substituts monétaires, pour la petite monnaie. Ceux-ci sont l'équivalent des billets de banque, mais " imprimés " sur du métal et non sur du papier.

15 Voir Amasa Walker, The Science of Wealth, 3rd Ed. (Boston: Little, Brown & Co., 1867) pp. 139-141; et pp. 126-232 pour une excellente analyse des problèmes posés par une monnaie à réserves fractionnaires.

16 Dans un système libéral, on considérerait peut-être les " dépôts anonymes " (qui autorisent l'entrepôt à restituer au déposant n'importe quel bien homogène) comme des " dépôts nominatifs ". Ces derniers, comme les connaissements, les reconnaissances de gage, les docks warrants, etc. sont des titres de propriété d'un objet spécifique bien identifié. Dans le cas d'un dépôt anonyme, l'entrepôt peut être tenté de considérer les biens comme sa propriété, plutôt que la propriété de ses clients. C'est précisément ce que font les banques. Voir Jevons, op. cit., pp. 207-12.

17 La fraude est un vol implicite, puisqu'elle signifie qu'un contrat n'a pas été rempli après que le paiement ait été effectué. En clair, si A vend à B une boîte libellée " Corn Flakes " et qu'il s'avère après ouverture qu'elle ne contient que de la paille, la fraude de A n'est rien d'autre qu'un vol de la propriété de B. De même, l'émission de certificats de dépôt pour des biens inexistants, semblables en tous points à des certificats originaux, constitue une fraude au détriment des porteurs de ces titres.

Suite: Deuxième partie L'État se mêle de la monnaie.


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Mis en ligne le 19/05/2013