Évolution de la vie depuis la formation
de la terre jusqu'à l'homme moderne

Les origines de l'homme sont indissociables de celle des origines de la vie et de celle de la terre formée il y a 4.5 milliards d'années.

Des formes de vie ont existé sur terre il y a 3.5 milliards d'années, soit seulement 1 milliard d'années après que la terre fut formée. Comme en témoignent des roches de cet âge trouvées en divers endroits de la planète, ce que l'on croît être des impressions fossilisées de bactéries ont été trouvées qui ressemblent étrangement aux prokaryotes et cyanobacteries modernes; les prokaryotes et les cyanobacteries modernes sont les organismes vivants les plus évoluées capables de photosynthèse, c'est à dire de produire du carbone à partir du gaz carbonique et de la lumière du soleil, en rejetant de l'oxygène. C'est cette transformation du CO2 en oxygène qui a permis le développement de la vie. Mais vu l'ancienneté de ces roches, elles ont été fortement remodelées et métamorphisées après leur dépôt, de sorte qu'on peut avoir des doutes sur la nature organique de ces impressions (voir le débat sur ce sujet). C'est pouquoi une autre méthode a été adoptée pour le prouver, la datation radiomètrique. On a mesuré la nature isotopique des traces de carbone contenu. Un enrichissement en isotope C 12 plus léger, qui n'est produit aujourd'hui que par les organismes vivants, au lieu de l'isotope C 13 plus lourd qui ne se trouve que dans les matières inorganiques, prouverait que ce sont bien des organismes vivants qui l'auraient produit.

Or ces roches très anciennes contiennent bien un enrichissement en isotope C 12 comparé à l'isotope C 13, ce qui constitue un signe d'assimilation biologique du carbone à partir de gaz carbonique atmosphérique et d'énergie lumineuse. Ceci suggère donc un âge encore plus ancien pour l'apparition de la vie, puisque les prokaryotes et cyanobactéries sont des formes de vie avancées. D'autre part, on croit que notre jeune planète, toujours soumise aux éruptions volcaniques et sur laquelle tombaient encore des comètes et des asteroïdes au début de sa formation dans le système solaire, est restée inhospitalière à la vie pendant près d'un milliard d'années après sa formation. Ceci laisse une possibilité de peut-être 200-300 millions d'années pour la première apparition de la vie sur terre. A partir de là, la vie a commencé à se développer pour atteindre, environ 1 milliard d'années plus tard, le stade avancé des bactéries fossiles d'âge 3.5 Ga, analogues aux bactéries modernes que nous observons aujourd'hui, soit environ 300-400 millions d'années après la formation du système solaire avec ses planètes dont notre planète terre. Voir aussi les hypothèses sur les premières formes de vie.

Notre corps porte les traces de cette longue évolution depuis la première apparition de la vie. Ainsi les mitochondries, petites usines énergétiques qui gouvernent notre métabolisme cellulaire et notre respiration, sont issues des bactéries, premiers organismes vivants apparus sur terre. C'était le premier maillon d'une longue chaîne évolutive dont l'homme moderne que nous sommes est un rameau terminal et qui peuple la planète à 6 milliards d'exemplaires en 2003.

Tous les êtres vivants qui existent aujourd'hui, dont l'homme moderne que nous sommes, "homo sapiens", ont évolué au cours de ce temps géologique énorme de 3800 millions d'années. Ce temps total d'évolution représente 38 millions de fois la vie d'un homme de 100 ans et 380 000 fois la durée des temps historiques de 10 000 ans pendant lesquels l'homme a accumulé toute sa culture, la domestication des plantes et des animaux domestiques source de sa maîtrise de nourriture, ses langues, ses écritures, son savoir, ses sciences et ses techniques .

Les connaissances de l'histoire de la terre et de l'évolution de la vie sont étroitement liées. Ces connaissances se compartimentent en études des roches et de la stratigraphie où l'on étudie la succession des roches sédimentaires à la surface de la terre et dans le temps; puis la paléontologie où l'on étudie les témoignages fossiles de vie contenus dans ces roches; parallèlement l'archéologie et l'anthropologie s'intéressent à l'histoire des hommes et de leurs cultures, exhumant de sites de plus en plus nombreux, répartis sur toute la planète, des ossements et des objets, témoins d'époques historiques et préhistoriques. En poursuivant davantage ce processus, les anthropologues remontent de plus en plus loin dans le temps grâce à des méthodes de datation plus précises et crédibles, et découvrent de plus en plus d'ossements d'hominidés qui sont des ancêtres lointains, aujourd'hui disparus. Ces domaines de recherches contribuent à notre représentation de l'histoire géologique de la terre, des origines de la vie et de sa longue évolution à partir des premiers organismes vivants. Toutes réunies ces disciplines continuent de progresser et d'accroître nos connaissances dans notre remontée du temps géologique.

Voir autre site sur les méthodes de datation par les fossiles.
Voir site décrivant les méthodes de datation par la radioactivité
Voir site sur les techniques de datation radiometriques.

La paléontologie montre que l'évolution de la vie, depuis ses origines, est marquée par la multiplication du nombre des espèces, leur complexification, leur ramification ou radiation, leur croissance en nombre dans l'espace et dans le temps, et après un certain temps qui est de l'ordre du million d'années ou de quelques millions d'années, leur disparition ou extinction. L'extinction d'une espèce est, ou bien totale, ou partielle, due à des cataclysmes extérieurs, à la variation rapide du climat et de l'environnement sans possibilité d'adaptation à ces changements, ou bien elle suit une séparation par divergence génétique. Une espèce légèrement différente commence à se distinguer dans son groupe avec des caractères légèrement différents; elle cohabite avec l'espèce d'origine pendant un certain temps; et si ces caractères confèrent un avantage, elle s'en sépare ou la remplace, comme par exemple le cheval et l'âne, ou le dinausore et l'oiseau. C'est ce qu'on désigne par "divergences, transformations ou lignées évolutives".

Il en a été ainsi récémment (quelques millions d'années) entre l'homme moderne Homo.sapiens.sapiens et ses ancêtres éteints que sont "homo erectus", "homo habilis", "homo ergaster", "homo neanderthalis", et plus loin dans le temps géologique, entre les primates, et plus loin encore entre les dinosaures et les oiseaux, les reptiles et les mammifères, les vers et les mollusques, les bactéries et autres organismes monocellulaires...

Tous les êtres vivants évoluent et se transforment au cours du temps géologique, ces transformations se produisant sur des milliers de générations sucessives. Certains, comme les insectes ou les bactéries, se diversifient. D'autres, au contraire se raréfient et s'éteignent comme les rhinocéros, et même les homminidés qui étaient représentés, il y a encore deux millions d'années, par plusieurs lignées. Le processus de l'évolution se déroule sous nos yeux de manière impercetible, sauf pour les espèces vivantes les plus prolifiques au taux de reproduction le plus rapide, comme les virus et les bactéries. L'apparition du virus du siad et son évolution en est l'exemple le plus significatif.

Les espaces vacants, où la nourriture est disponible et abondante, les conditions climatiques favorables, sont rapidement occupés car ils permettent le développement de multiples formes vie. Les changements de la géographie et du climat qui interviennent au cours du temps géologique sont la cause de la multiplication des espèces, de leur développement, de leur évolution et de leurs extinctions. Dans un espace donné, les espèces se concurrencent les unes les autres, ou parfois coopèrent, pour assurer leur survie, leur développement et leur reproduction; chaque animal passe la majeure partie de son temps de vie à se nourrir afin de vivre suffisamment longtemps pour parvenir à l'âge de la reproduction. Une fois la reproduction accomplie, l'animal meurt, laissant la place à sa descendance. De la plus ou moins grande fécondité des individus d'une espèce donnée, dépend leur survie en tant qu'espèce et leur croissance en nombre.

On observe dans la nature qu'aucune espèce animale ne croît en nombre, de manière exponentielle. Ce n'est pas le cas de l'homme depuis qu'il a acquis le niveau culturel des sciences et techniques modernes, au cours des 200 dernières années et plus particulièrement au cours des 50 dernière années. Au contraire, les possibilités quasi infinies que lui confèrent ces "progrès techniques", lui permettent d'échapper à la limitation du manque de nourriture et ainsi d'accroître ses effectifs de manière exponentielle, à l'échelle de la planète. Il est évident que ce processus ne durera pas indéfiniment et qu'un jour ou l'autre, les limites naturelles seront de nouveau présentes.

La diversification des espèces

La paléontologie nous révèle que les espèces naissent, se développent, se transforment en suivant un processus évolutif en d'autres espèces, et meurent. Charles Darwin et Richard Dawkins associent le processus évolutif à la "sélection naturelle" dont le moteur est la lutte pour la survie et à la "sélection sexuelle" dont le moteur est la pulsion pour la reproduction; les individus sont les dépositaires d'une partie des gènes de leur espèce et en sont les véhicules. Par la reproduction sexuée, les individus mâles et femelles d'une même espèce recombinent leurs gênes et les transmettent à leur descendance.

La géologie et la paléontologie suggèrent que la durée de vie de espèces se compte en millions d'années. Un grand nombre d'entre elles vit moins d'un million d'années, mais quelques espèces survivent une dizaine ou quelques dizaines de millions d'années. En fait, la durée de vie d'une espèce est totalement imprévisible car elle dépend de multiples événements aléatoires, tels que l'apparition d'un nouveau prédateur ou d'un nouveau parasite entraînant la disparition d'animaux jusqu'alors bien adaptés à leur milieu, ou une variation de climat, ou un cataclysme tel qu'une eruption volcanique, un tremblement de terre ou la chute d'un météorite.

Avec les centaines de millions d'années du temps géologique et des milliers de générations successives, la probabilité que surviennent ou plusieurs de ces événements n'est pas négligeable, ce qui n'est pas le cas à l'échelle de la durée de vie d'individus d'une espèce. Aucune espèce ne peut échapper aux conséquences de tels évènements. Ainsi à certaines époques géologiques, des crises ou cataclysmes majeurs se sont produits: la géologie et la paléontologie dénombrent cinq grandes extinctions au cours des derniers 600 millions d'années. Ces crises ont entraîné des extinctions en masse des espèces vivant à ces époques (jusqu'à 90% de toutes les formes de vie à la fin du permien). Des extinctions en masse, dues à des cataclysmes climatiques ou géologiques, ont joué un rôle important dans le renouvellement des espèces, permettant aux espèces sauvegardées de poursuivre leur évolution dans l'espace rendu vacant, c'est à dire de trouver leur nourriture, de se développer, de se reproduire et d'évoluer en se diversifiant par de nouvelles ramifications. Il en fut ainsi par exemple des petits mammifères après la crise majeure de la fin du crétacé (65 millions d'années) qui vit l'extinction de 65% de toutes les espèces vivantes, dont les dinosaures, à la suite de la chute présumée d'un gros météorite. Or les mammifères qui appartenaient aux 10% des espèces restantes, auquels appartient "homo sapiens" aujourd'hui, sont l'un des genres dominants des écosystèmes terrestres actuels.

L'ensemble des processus évolutifs ont agi sur les êtres vivants de notre planète depuis au moins 3.8 milliard d'années. C'est ce qui explique le passage des premiers organismes unicellulaires aux organismes pluricellulaires capables de s'adapter à des milieux naturels toujours changeants, et surtout, les successions de communautés d'organismes distincts qui caractérisent l'histoire de la vie sur notre planète.

Comme toutes les espèces contemporaines, animales et végétales, l'homme témoigne d'une longue ramification de lignées évolutives marquées par l'apparition, le développement et l'extinction d'espèces. Cette évolution est marquée par les interactions avec les autres espèces et avec un environnement (climat, geographie, tremblements de terre, volcanisme, météorites) en perpétuel changement. L'augmentation de la capacité crânienne, passée de 450 à 1370 cm3, est le phénomène évolutif le plus spectaculaire chez l'homme. L'acquisition par l'homme de ses autres caractères particuliers comme la bipédie, résulte aussi d'un long processus évolutif ponctué d'essais, d'échecs et d'adaptations.

Voir un essai sur l'évolution d'Homo.sapiens.sapiens depuis son apparition.

LA PLANÈTE DES PROKARYOTES

Au commencement de la vie étaient les prokaryotes, organismes unicellulaires sans noyau comme les bactéries et cyanobactéries d'aujourd'hui. Elles ne sont visibles qu'au microscope, ayant une dimension de 1µ. Ce sont les premiers êtres vivants sur la terre et ils datent de 3,8 milliards d'années. Leurs fossiles se réduisent à de la matière organique et à quelques rares enveloppes évoquant des organismes unicellulaires, les premières bactéries ou prokaryotes. Les bactéries modernes sont les descendantes, pas plus évoluées mais différentes, de ces prokaryotes bactéries ancestrales.

Une caractéristique des prokaryotes est que leur mode de reproduction est asexué, signifiant que leurs descendants recopient presque toujours exactement (aux mutations près) les characteristiques de la cellule mère. En fait, la cellule se réplique en recopiant sa molécule d'ADN et se sépare ensuite de la cellule nouvellement créée. La sélection naturelle n'avait pas encore inventé la reproduction sexuée. Donc, à cause de ce mode de reproduction asexué, par opposition au mode de reproduction sexué où chacun des sexes opposés apporte la moitié de son patrimoine génétique et qu'il s'en suit une recombinaison des chromosones pour former une cellule nouvelle et unique combinant les gènes des deux sexes, l'évolution des prokaryotes a été quasi stagnant pendant deux milliards d'années de leur vie. En plus, les prokaryotes étaient anaérobies, c.-à-d, qu'ils n'avaient pas besoin d'oxygène pour vivre et se reproduire. Il s'agissait sans doute d'organismes analogues aux cyanobactéries modernes, des bactéries photosynthétiques de la classe des coccogoneae ou des hormogoneae, généralement de couleur bleu-vert, capables d'utiliser l'énergie lumineuse pour fabriquer des sucres à partir du gaz carbonique de l'atmosphère, en rejetant de l'oxygène; quelques espèces sont capables de fixer l'azote. Pour ce qui concerne leur nutrition, la petite taille des prokaryotes leur confère un rapport surface volume élevé, faisant de la diffusion le processus idéal d'alimentation de toute la cellule.

Les cellules et les fossiles de prokaryotes se trouvent en abondance dans toutes les roches de la terre et dans presque tous les environnements, notamment dans les sources chaudes de gaz sulfurés volcaniques, au fond des grandes fractures océaniques et aussi dans le cytoplasme de grandes cellules (nos mitochondries). Les prokaryotes représentent une part importante de toute la biomasse fossile et contemporaine sur la terre. Et pendant les premiers 2 milliards d'années où ils étaient seuls organismes vivants, ils ont crée l'oxygène nécessaire aux phases suivantes d'évolution suivantes de la vie.

Les premières remplissent toutes les niches connues des bactéries utiles et pathogènes. Parmi elles, un groupe a joué un rôle déterminant dans l'apparition de l'oxygène qui caractérise l'atmosphère de notre planète et qui est indispensable à toutes les formes de la vie:

Initialement, cette chimie devait s'opérer en l'absence d'oxygène. Les cyanobactéries de cette époque étaient donc différentes des bactéries actuelles, qui ne se développent qu'en présence d'oxygène.

Entre 3,5 milliards et 500 millions d'années, certaines de ces cyanobactéries archaïques ont connu une expansion considérable dans les mers peu profondes. Leur présence est attestée par des concrétions carbonatées fossiles de structure caractéristique, les stromatolithes, qui représentent un sous-produit de leur métabolisme. À cette époque, les constructions stromatolithiques pouvaient s'étendre sur des centaines de kilomètres et sur des épaisseurs considérables. L'épaisseur des couches de calcaire construites par ces bactéries témoigne de leur activité, de leur abondance, de leur impact et de leur domination sur les écosystèmes de cette époque. Quant aux archéobactéries, on sait maintenant qu'il s'agit des descendantes spécialisées des eubactéries et qu'elles ont colonisé des milieux extrêmes comme le sel, les sources hydrothermales du fond des océans et des continents, les eaux chaudes, etc. Comme pour les cyanobactéries, les communautés vivantes actuelles ne comportent aucune espèce très ancienne en raison du recyclage incessant dû aux extinctions et aux recolonisations par d'autres espèces.

LES EUCARYOTES Â LA CONQUÊTE DU MONDE MARIN

Si les ancêtres des êtres vivants complexes ne s'enracinent pas dans les archéobactéries, il faut alors rechercher leur origine chez les eubactéries. Elles constituent de fait un groupe d'êtres vivants complexes que l'on désigne sous le nom d'« eucaryotes » à cause des caractéristiques communes de leurs cellules. Parmi celles-ci, une taille beaucoup plus grande que la moyenne des bactéries, un noyau cellulaire entouré par une membrane délimitant un matériel génétique organisé en chromosomes, et, dans le cytoplasme, la présence de petites usines du métabolisme cellulaire, les mitochondries, dans lesquelles s'opère la respiration cellulaire qui dégrade les glucides en énergie grâce à l'oxygène. Chez les plantes viennent s'ajouter des chloroplastes, sièges de la photosynthèse.

Ce pas vers une plus grande complexité est franchi à partir d'environ 1,8 milliard d'années, selon des modalités qui nous sont encore inconnues. Mais il est démontré que les organites proviennent d'une symbiose de la cellule eucaryote, elle-même descendante d'une eubactérie hypothétique, avec les autres eubactéries que sont les mitochondries et les chloroplastes. Cette symbiose initiale va marquer profondément l'histoire si tranquille du monde bactérien entre 3,8 et 1,8 milliards d'années. Car cette cellule eucaryote déclenche des événements en série et donne le départ d'un monde vivant dont l'évolution sera désormais beaucoup plus rapide.

Deux innovations décisives vont marquer la suite et contribuer à donner cette impulsion: l'invention de la reproduction sexuée, et l'apparition des premiers consommateurs, c'est-à-dire d'organismes incapables de fabriquer leurs propres sucres et puisant leur énergie dans la consommation des autres.

La plupart des bactéries se reproduisent en temps normal par simple division cellulaire. Les eucaryotes ont au contraire inventé un mécanisme reproductif consistant à fabriquer des gamètes à moitié appauvris en information génétique, puis à les réunir pour produire un oeuf. Un tel processus présente un coût énergétique élevé, mais il est contrebalancé par un avantage considérable. En effet, à cette occasion s'opère un brassage de tous les gènes et de tous les chromosomes et, les mutations spontanées venant s'ajouter à cette variation, il en résulte que tous les descendants, à l'exception des individus issus de la fission de cet ceuf comme les vrais jumeaux, possèdent un patrimoine génétique nouveau et distinct. Il s'agit là d'une formidable adaptation à un milieu qui, par comparaison avec le monde où régnaient en maîtres les procaryotes, paraît très instable.

L'apparition de consommateurs constitue une deuxième innovation, qui contribuera à construire la pyramide écologique, car celle-ci ne peut s'élever qu'en élargissant sa base. L'adjonction d'étages supplémentaires, par exemple de consommateurs secondaires, puis de prédateurs, permet en effet à un plus grand nombre de proies de coexister au sein du même milieu, car la hausse de la consommation empêche désormais l'exploitation de l'ensemble des ressources disponibles par une seule espèce. La diversité des eucaryotes se trouve stimulée par ces deux mécanismes, et la diversification initiale conduit rapidement à l'apparition d'organismes constitués de plusieurs cellules: les métazoaires.

L'apparition des organismes pluricellulaires

Avec l'état pluricellulaire, la taille augmente notablement, de même que la probabilité de laisser de rares vestiges fossiles, encore limités à des empreintes d'organismes mous. Ces derniers, sous la forme d'algues, d'éponges, de méduses,de gorgones, de vers annélides, ou sous d'autres formes dont l'interprétation reste controversée, apparaissent dans les sédiments de lagunes ou de mers peu profondes vieux de 555 millions d'années en Australie, en Chine et au Groenland.

Ce constat est rassurant compte tenu de la rareté des fossiles datant de cette époque, et ces indices ténus témoignent bien de la réalité de la vie d'alors. Seuls les milieux marins littoraux sont alors colonisés par un nombre croissant d'organismes pluricellulaires, et les fossiles qui attirent le plus l'attention sont bien entendu les invertébrés marins, car c'est au sein de ce groupe qu'est attendue l'apparition de nos ancêtres, les protovertébrés. En dépit de recherches intensives, leur présence n'est documentée que quelque 20 millions d'années plus tard. Dans l'intervalle, un formidable événement a bouleversé le processus de conquête du milieu marin: l'apparition simultanée des squelettes minéralisés chez de nombreux groupes distincts d'invertébrés. Les coquilles, boucliers, carapaces de nature chimique siliceuse, carbonatée ou phosphatée, se sont mises à proliférer. Nous devons donc notre aptitude à fabriquer des ossements en phosphate de calcium à une invention qui date de 543 millions d'années.

Cette apparition a suscité de très nombreuses interprétations. La seule qui soit vraiment pertinente avance l'idée d'une pression croissante des prédateurs, autrement dit d'une diversification explosive des prédateurs et de ces invertébrés marins. Ceux-ci correspondent à des arthropodes primitifs et ne sont encore représentés que par des fragments de bras articulés terminés par des pinces et des denticules. En quelques millions d'années, la plupart des groupes se sont protégé des attaques par un bouclier externe. C'est également de cette époque que date le début de l'interaction proies prédateurs qui force les acteurs à évoluer, car à chaque innovation évolutive de l'un répond une innovation évolutive de l'autre, pour pouvoir survivre... Il s'agit d'une course aux armements pour reprendre l'analogie de Richard Dawkins dans "l'horloger aveugle".

En même temps, les stromatolithes continuent de produire de l'oxygène, mais d'autres algues, unicellulaires dans le plancton (vivant en surface) et pluricellulaires dans le benthos (vivant sur le fond en profondeur), commencent à prendre le relais. La teneur en oxygène de l'atmosphère poursuit son augmentation, favorisant les eucaryotes, des organismes qui respirent et pratiquent la reproduction sexuée. La conquête du milieu terrestre n'a pas encore commencé; toute la vie évolue alors en mer au sein de quelques groupes majeurs: les organismes à deux feuillets comme les éponges et les coelentérés, les organismes a trois feuillets, qui se divisent en trois groupes: les arthropodes, l'ensemble vers mollusques brachiopodes, les échinodermes et les protovertébrés. Les bactéries, les champignons et les plantes continuent à se développer mais faute de squelette minéralisé, leurs restes fossiles demeurent extrêmement rares.

C'est au milieu de cette explosion de la vie marine - qui comprend les organismes à squelette minéralisé, surreprésentés dans le registre fossile - qu'apparaissent, au sein des organismes mous, les premiers vertébrés. Ils prennent la forme de petits fossiles de moins de 3 centimètres de long, dépourvus d'os mais présentant par ailleurs toutes les caractéristiques de nos ancêtres poissons. Par leur organisation, ils s'apparentent à ces groupes de poissons primitifs vivants sans mâchoires, sans dents et sans nageoires paires que sont les myxines et les lamproies. Ils ont été découverts, sous forme d'empreintes révélant tous les détails de leur organisation, dans des sédiments vieux de 530 millions d'années en Chine du Sud, à proximité de la ville de Kunming, dans la province du Yunnan. Ils portent les noms pittoresques de Myllokunmingia et de Haikouichthys et leur squelette est cartilagineux. Ils témoignent ainsi du retard de nos ancêtres dans l'acquisition d'une protection osseuse par rapport à d'autres organismes marins qui vivaient sur le fond.

Ces petits poissons ont en effet un mode de vie planctortique, peu favorable à l'apparition d'un squelette minéralisé. Celui-ci apparaît vers 475 millions d'années chez des poissons vivant alors au fond des mers peu profondes, souvent à proximité de l'embouchure des rivières de l'époque. Ces poissons cuirasses ressemblent à des cartons à chaussures, avec une partie antérieure rigide constituant une carapace solide et une queue plus souple, mais toujours sans mâchoires, exempts de nageoires paires et dotés d'un squelette interne, crâne et colonne vertébrale, uniquement cartilagineux. Ils se transforment peu à peu en réduisant leur squelette externe et en ossifiant leur squelette interne, ce qui leur confère une plus grande rapidité et davantage d'agilité pour échapper à leurs prédateurs, eux-mêmes devenus plus rapides. Ils se dotent également de nageoires paires et finalement, de mâchoires couvertes de dents. Ce nouveau plan d'organisation connaît un succès considérable et se développe à travers deux grandes catégories d'espèces qui existent encore aujourd'hui: les requins et les raies aux dents redoutables dont le squelette est resté cartilagineux, et les poissons osseux, qui ont acquis tous les signes du progrès. Tous connaissent une formidable expansion et l'un de ces groupes de poissons osseux va même envahir, vers 360 millions d'années, les terres émergées. La conquête du milieu terrestre sera décisive pour notre propre évolution. Voir un tableau montrant la correspondance entre les ères géologiques et l'évolution de la vie; et les dates de ces ères par rapport à aujourd'hui..


Mis en ligne le 14/07/2004 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)    site web: http://pratclif.com