Février 2014: Le chômage poursuit sa hausse.

Ces deux articles de Var Matin interpellent aujourd'hui:
 
Les mois se suivent et les média commentent les statistiques de hausse inexorable du chômage, l'emploi des jeunes, le chômage de longue durée, le taux d'emploi des séniors. Mais quelles sont les causes profondes du chômage. Difficile de comprendre ce phénomène à multiples causes. Les mots croissance-décroissance, coût du travail, compétitivité coût et hors coût, nouvelle croissance, écologie-environnement, transition énergétique, redressement productif, pacte de responsabilités et contreparties, montée en gamme, balance commerciale, commerce extérieur et balance des paiements, protectionnisme, dépenses publiques, déficits publiques et dette, mondialisation, délocalisation, hautes technologies... tout cela a rapport avec le chômage, phénomène qui résulte donc d'une organisation et de choix de la société depuis des décennies. Une société qui est en changement continuel.

Les liens que j'ai mis à droite donnent des pistes. Je veux essayer d'exercer ma comprenette. La société est en perpétuel changement depuis toujours. Toutes les entreprises dans lesquelles j'ai travaillé depuis l'âge de 18 ans ont disparu. J'ai été une fois au chômage durant 4 mois.

Toute production de biens et de services implique l'activité d'hommes et de femmes employant une combinaison de moyens, c.a.d de la terre, des bâtiments, des équipements... avec les connaissances, le savoir-faire et l'efficacité nécessaire. Il n'y a pas de production de biens et de services sans humains. Il y a les biens de consommation immédiats qui ne servent qu'une seule fois et à un seul individu (nourriture par exemple); des biens de consommation d'usage ou durables qui servent plusieurs fois et à plusieurs individus (vêtements, machines à laver, outils, téléviseurs par exemple). Et des biens de production qui servent à produire les biens de consommation immédiats et durables. Pour ces biens de production, il existe une relation étroite entre les producteurs et les consommateurs, ces derniers conditionnant ce que le producteur peut produire, vendre et à quel prix. Chez les producteurs, il existe des liens étroits entre les propriétaires apporteurs des capitaux, l'entrepreneur et les travailleurs. Les connaissances et le savoir faire des travailleurs conditionnent le volume, la qualité et les coûts de la production, c'est ce que l'on appelle l'efficience du couple travailleurs-capitaux. Les consommateurs conditionnent les prix de la production, l'équilibre des dépenses et des recettes des ventes et donc la viabilité de l'entreprise de production. La combinaison réussie des capitaux, des travailleurs et de l'efficience a été modélisée par l'économiste Robert Solow [lien].

Il est impossible à un observateur même avisé, de couvrir tous les facteurs qui depuis des décennies peuvent être considérés comme causes du chômage endémique en France. Cela se traduit par du chômage total, du chômage partiel, des emplois peu qualifiés et mal rémunérés, des emplois précaires et une répartition territoriale très inégale du chômage et des activités de production. Aux chiffres officiels du chômage, il faut ajouter (2010-2011) le salaire médian moyen hommes-femmes, de 1600€ bruts/mois; le pourcentage des actifs gagnant moins de 60% du salaire médian est de 14.1% (7.8% gagnent moins de 50% du salaire médian). Le rapport entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres est de 3.5 [lien données Insee], l'écart avec les 1% les plus riches bien plus élevé encore. Tout cela traduit une influence de plus en plus grande du niveau de qualification requis pour avoir sa place dans la division du travail du monde d'aujourd'hui tant aux niveaux local, régional, national et international.

La production de biens et de services échangés entre producteurs et consommateurs au moyen de la monnaie, repose sur la division du travail. Ce n'est pas nouveau: j'ai pour référence le livre de Robert Fossier "le travail au Moyen-Âge" avec de multiples références et les oeuvres de Bernard Mandeville dont la fameuse "fable des abeilles" [lien]. La division du travail permet la production pour la consommation des multiples biens et services qui nous sont utiles pour satisfaire nos besoins. Elle a toujours été "internationale" au sens moderne cf. les relations commerciales entre la Flandre, l'Italie, Venise, Gènes et Moyen Orient et la Chine par la route de la soie. Mais aujourd'hui la division du travail est réellement globale pour l'ensemble des produits et des services. La mesure de l'activité de production, d'échange et de consommation se fait par le produit intérieur brut (PIB) au moyen de la monnaie. Dans notre société de consommation de masse, nous importons de nombreux produits de l'étranger et nous devons couvrir ces importations par des exportations de biens et de services. L'examen de la balance commerciale en donne les éléments [lien], la France ne couvre qu'environ 85% de ses importations de biens par des exportations.

Les activités de production de biens sont "produire, transporter et distribuer"; tous les emplois sont liés à cela. Le transport et la distribution sont localisées de manière uniforme sur tout le territoire. Mais pas toutes les activités de production. Où sont localisées certaines des activités de production? Historiquement certaines se sont localisées sur les sites des ressources naturelles - charbon (Nord-Pas de Calais, Lorraine, Saint-Etienne, Blanzy, Alès, la Mure, Gardanne), minerai de fer (Lorraine, Calvados), gîtes de métaux non ferreux; d'autres à proximité de moyens de communication naturels comme les ports et grands fleuves; d'autres à proximité de grandes villes disposant de main d'oeuvre, de moyens de transport, de centres de formation ou d'universités; d'autres à proximité des moyens de production existants ou créés comme la vallée de la Maurienne avec l'électricité hydraulique.

Dans la division du travail global, nous devons produire des biens pour l'exportation de plus en plus sophistiqués dits de haute technologie. Ce sont principalement des biens de production, des biens de consommation durables. Le bilan du commerce extérieur montre les soldes du commerce extérieur en 2013 [lien] et les variations par rapport à 2012. On voit que l'essentiel des soldes négatifs provient de l'importation d'hydrocarbures et de produits pétroliers raffinés, de textiles et d'habillement, d'équipements électriques, de machines industrielles et agricoles, de produits métallurgiques, de produits manufacturés divers, et d'automobiles. L'essentiel des soldes positifs provient d'exportations d'aéronautique, de pharmacie, de produits agricoles et d'industries agro-alimentaires (IAA), de produits de luxe. Il faut rapprocher ce constat de la désindustrialisation de la France et des délocalisations d'entreprises pour cause de compétitivité accrue d'établissements localisés dans des pays à conditions économiques plus favorables pour le calcul et les anticipations des entrepreneurs.

Tout l'enjeu de ré-industrialiser le pays, monter en gamme de qualité de produits, ré-équilibrer la balance commerciale par secteurs est là. Mais où se localiseront ces activités? Dans les centres existants ou à proximité des métropoles. Selon l'Insee, 80% des emplois métropolitains supérieurs sont concentrés dans les cinquante aires urbaines les plus peuplées de France, dont quatre se trouvent en Provence-Alpes-Côte d'Azur : Marseille-Aix-en-Provence, Nice, Toulon et Avignon. Marseille-Aix-en-Provence et Nice, surclassées par Lyon et Toulouse, se rapprochent des autres grandes villes telles Lille, Bordeaux, Nantes. [lien].

La hausse du niveau de qualifications dans l'emploi de production haut de gamme est la cause des inégalités croissantes observées et mesurées statistiquement: emplois à plus faibles qualifications, hotellerie et restauration, aides aux personnes, commerces de distribution et entreprises du BTP... Ces activités et ces emplois resteront distribués de manière uniforme dans tout le pays. Ce sont les activités traditionnelles locales dont le commerce de distribution, le bâtiment, les travaux publics, la production agricole et le tourisme, qu'il faut encourager et développer pour réduire le chômage; en plus de ce que feront les entreprises pour accroître les soldes commerciaux positifs par les exportations haut de gamme comme l'aéronautique, la pharmacie; et pour d'autres, regagner des soldes positifs par la montée en gamme de leurs produits.

Je finirai cette étude par l'aspect coût du travail. Le travail est un facteur comme les autres dans la division du travail, il a son coût. Les matières premières, les produits intermédiaires ont leurs coûts qui incluent aussi le facteur travail. Si l'on considère les recettes moins les achats de matières premières et de produits intermédiaires, cela constitue la valeur ajoutée de l'activité de l'entreprise. On peut alors considérer que la valeur ajoutée se partage entre les travailleurs et les apporteurs des capitaux ayant permis la production. Les travailleurs reçoivent la part la plus importante, environ les 2 tiers; les apporteurs de capitaux le tiers ce qui rémunère leur épargne et permet de maintenir le capital en état et de le développer. Si l'on considère l'ensemble de tous les travailleurs dans la division du travail, leur rémunération permet l'échange entre eux de la production de l'ensemble des producteurs. Il y a donc stricto-sensu égalité entre la production et la consommation. Mais il faut ajouter l'État. Le coût du travail inclut des cotisations pour financer la protection sociale des travailleurs: maladie, retraites, chômage. Sans système de protection sociale solidaire et obligatoire financé intégralement par l'état, les salaires seraient plus élevés en France car financés par les travailleurs individuellement ou par un système d'assurances privées. Sans la protection sociale, la part de l'État de 57% du PIB tomberait à 24.1% [lien Atlantico Valérie Charolles]. Réduire les cotisations impliquerait de financer la protection sociale autrement. [Charges sociales des entreprises].
Il y a ensuite la question du salaire minimum. C'est une fixation des prix du travail [lien]. Il ne semble pas y avoir de relation avérée entre l'existence d'un salaire minimum et le chômage [lien].

De tout ce qui précède il apparaît que le coût du travail n'est qu'un élément parmi de multiples causes du chômage en France.


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Mis en ligne le 27/02/2014