Exploitation clandestine d'anthracite
à Jerada Maroc Oriental

France 24 a publié un très bon film sur les gueules noires de Jerada après la fermeture de la mine "officielle". N'étant pas mineur, le journaliste n'a sans doute pas compris tous les tenants et aboutissants de cette triste situation. Les acteurs du film ont légitimement voulu montré la dangerosité de leur activité, les risques d'éboulements, d'accidents graves et mortels, la faible rémunération de leur travail etc. Mais il est impossible qu'il en soit autrement. Il s'agit d'extraction minière dans les conditions du 19è siècle, sans technologie ni équipements... du gratouillage de restes de gisement non exploités, à proximité de la surface, en descendant à partir d'affleurements, jusqu'à la limite des forces et capacités humaines.

Ce gisement d'anthracite a été exploité de 1927 à 2001 par la mine de Jerada devenue charbonnages du Maroc, en utilisant des méthodes d'exploitation, des équipements donc des capitaux importants; je l'ai visitée comme consultant pour le service des mines du Maroc peu avant sa fermeture. Elle s'était difficilement modernisée en utilisant des équipements apparus après la 2è guerre dans les mines du Nord de l'Europe, et en adaptant les méthodes selon les caractéristiques propres du gisement - un gisement très difficile à mécaniser. Comme toute ressource minérale, le gisement s'est "épuisé"; il a fallu cesser l'exploitation et fermer la mine. En fait l'épuisement - "depletion" en anglais - est un concept; cela veut dire qu'à partir d'un certain moment, des années après le début de l'exploitation, on ne pouvait plus trouver de quantités exploitables dans les conditions économiques viables - cad. coûts couverts par les prix de vente. Mais il reste des quantités plus ou moins importantes qualifiées de "non exploitables dans les conditions économiques viables". Ces quantités sont situées aussi bien en profondeur proches des quantités exploitées, qu'à faible profondeur sous la surface.

L'anthracite est un charbon de très haute qualité par son pouvoir calorifique élevé, sa faible teneur en cendres et sa faible teneur en matières volatiles. C'est donc un combustible de choix pour le chauffage et les besoins domestiques. La centrale électrique ne devrait pas utiliser ce charbon. Pas étonnant alors que dans cette région de Jerada jusqu'à Oujda, il y ait encore une demande d'anthracite qu'assurait la mine autrefois, et que des "mineurs artisanaux" aillent gratter les restes, en assumant tous les risques d'une exploitation, dans des conditions du 19è siècle.

À mon avis, il n'y a malheureusement pas de solution à cette situation. Interdire et faire respecter strictement l'interdiction? ou tolérer en raison de la pauvreté des habitants et d'une demande réelle mais avec des risques d'accidents graves et mortels. À proximité de la surface, toute excavation risque de produire des éboulements et l'ensevelissement de mineurs. J'ai connu le même phénomène au Pakistan province du Balouchistan près de Quetta où des centaines de petites mines de ce type opéraient avec une grande fréquence d'accidents mortels.

Voici trois textes que m'a transmis Tahar Scherifi (Scherifi MyTahar), un gars d'Oujda qui veut garder la mémoire des mineurs de Jerada:

  1. Jerada – cité houillère - Deuil perpetuel et traumatisme « socio-economique
  2. Jerada : les héritiers de la silicose
  3. Témoignage de Scherifi Mytahar "L'Enfant du Bled" Le 27 Janvier 2018

Sur la mémoire de la mine, je rappelle que notre bassin du nord et du pas de Calais, où certaines parties du gisement étaient très semblables à celles de Jerada, il a fallu des années pour absorber les fermetures. Les communes minières conservent la mémoire de l'époque minière par des sites de visite, des musées de la mine. Voir:


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Mis à jour le 07/07/2020 pratclif.com     users online