Démographie: vieillissement et décroissance de la population

Sommaire
Vieillissement
La baisse de fécondité des femmes est la première cause du vieillissement
Baisse de la mortalité
Conséquences sociales et économiques du vieillissement
Baisse de croissance de la population; stabilisation - mais à quel niveau - une chance pour homo sapiens? ou baisse absolue - les prémisses de son extinction?
Références
Au sujet d'un article paru dans "la parole du canton de Fayence".

J'ai entendu une interview de Michel Serres hier dimanche 23 avril 2006 sur France Info. Elle était consacrée à la durée de vie de l'espèce humaine. Donc au vieillissement que nous connaissons aujourd'hui. Cet interview m'amène à constituer un dossier sur cette question, car comme on va le voir c'est peut-être un espoir que la population mondiale va cesser de croître, et même qu'elle va décroître.

Vieillissement

La population âgée est définie comme l'ensemble des hommes et des femmes ayant 65 ans et plus. La population très âgée est définie comme l'ensemble des hommes et des femmes ayant 80 ans et plus. Les démographes définissent divers indicateurs pour suivre le vieillissement:

Le vieillissement de la population est un phénomène observé et bien documenté en France depuis 1830. Il résulte en premier d'une baisse de la fécondité des femmes, c'est à dire du nombre total d'enfants par femme, et en deuxième lieu d'une baisse de la mortalité et de l'augmentation de l'espérance de vie à la naissance.

Le vieillissement proprement dit est l'augmentation de la durée de vie à la naissance et de l'espérance de vie restante à 65 ans et à 80 ans. Biologiquement, la durée de vie d'homo sapiens peut atteindre 115-120 ans. La femme la plus âgée connue, avec preuve par son extrait de naissance, est Jeanne Calment, née et décédée à Arles à 122 ans, 1875-1997.

L'augmentation de la durée de vie s'est déroulée progressivement en France au cours du 19ème siècle, d'abord en raison de la fin des grandes épidémies, de l'amélioration de la nutrition et des conditions sanitaires - eau potable, assainissement - conséquence de l'industrialisation notamment au cours du second empire de Napoléon III, puis dans la deuxième partie du siècle et au début du XXème siècle grâce aux progrès de la médecine. Le phénomène s'est ensuite considérablement accéléré pendant le 20ème siècle, surtout après la deuxième guerre mondiale et la deuxième moitié du siècle avec la découverte des antibiotiques.

Les premières causes de mortalité autrefois étaient les grandes épidémies -peste et choléra - la mortalité à la naissance, la mortalité des femmes en couches et la mortalité pendant la petite enfance et l'adolescence à cause des maladies infectieuses infantiles. En l'absence d'épidémies, après l'adolescence, la morbidité et la mortalité diminuaient et un petit nombre d'individus parvenaient à des âges avancés de 80 ans et plus pour des raisons génétiques et/ou d'environnement favorable - alimentation, mode de vie, absence de pollutions. Les plus âgés individus de l'espèce atteignent des âges de 115 ans voire 120 ans.

Des exemples: ma grand-mère est née en 1859 et mon grand-père en 1861. Elle a vécu jusqu'à 90 ans; lui jusqu'à 73 ans mais il était asthmatique. Ils eurent 8 enfants; l'aîné mourut de la diphtérie à l'âge de 14 ans, la deuxième fut victime d'un accident domestique à l'âge de 3 ans. La soeur de ma mère mourut de la poliomyélite à l'âge de 37 ans en 1953. Mon père né en 1891 est décédé en 1978 à 87 ans; mon beau père Léon Maincourt né en 1889 est décédé à en 1976 aussi à 87 ans.

En France, il a fallu 115 ans pour que se produise le doublement de la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus dans la population totale, passant de 7% en 1855 à 14% en 1980. Cet indice mesure la vitesse du vieillissement. Le tableau suivant montre cette vitesse (historique ou projetée) pour une sélection de pays développés et moins développés. En raison de la baisse de la fécondité observée dans la quasi totalité des pays du monde, les projections de vieillissement dans les pays moins développés et peu développés sont rapides. Voir la projection de cette évolution.

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La baisse de fécondité des femmes est la première cause du vieillissement

La fécondité élevée des femmes et la forte mortalité produisent une répartition par âges et par sexes en forme de pyramide, la base en bas et la tête en haut. Voir construction théorique d'une telle pyramide où les classes d'âges sont groupées par 5 ans (ordonnées) et les % de chaque classe sont indiquées en abscisses à gauche pour les hommes, à droite pour les femmes. On y voit qu'à mesure que le temps passe, les générations se déplacent vers le haut, c'est à dire en âge, et finissent par sortir, tandis que de nouvelles générations entrent par le bas; dans leur progression vers le haut, les effectifs de chaque classe diminuent; les effectifs des classes les plus jeunes sont toujours plus nombreux que celles qui les ont précédé; c'est à cause de la mortalité. Taux de fécondité et de mortalité sont élevés.

La fécondité des femmes diminue avec la diffusion des moyens de contraception - préservatifs et pilules - ainsi qu'avec les possibilités d'avortement, avec l'éducation et la montée des modes de vie modernes - le travail en milieu urbain et la nécessité pour les couples de travailler tous les deux, l'absence de crèches, rend la venue d'enfants plus difficile. Tous ces facteurs techniques et culturels sont liés à la liberté des femmes et des couples de contrôler les naissances et donc d'échapper à loi d'airain de l'évolution c'est à dire la pulsion sexuelle de la procréation pour la survie de l'espèce. La pulsion sexuelle demeure mais elle est de plus en plus utilisée pour la satisfaction du plaisir des hommes et des femmes, libérés des contraintes culturelles imposées par les religions, surtout les monothéistes. Cette évolution des moeurs a jusqu'à présent surtout eu lieu dans les pays développés et s'est traduit par une baisse de la fécondité tombée en dessous ou très proche du taux de renouvellement des générations de 2.1 enfants par femme. Mais la même tendance s'observe dans tous les pays d'Asie du Sud et du Sud-Est, du Moyen Orient et d'Amérique latine, et cette tendance va s'accélérant. Voir autre article sur la fécondité, vieillissement et dépopulation.

Le vieillissement est un phénomène qui s'est d'abord manifesté progressivement en Europe et dans les pays les plus développés. La plupart de ces pays ont aujourd'hui un taux de fécondité peu supérieur au taux de renouvellement des générations qui est de 2.1 enfants par femme; certains pays ont un taux de fécondité inférieur à 2 et donc une population qui va décroître au cours des prochaines décennies sauf immigration massive. La baisse de la fécondité diminue le nombre d'enfants qui entrent par la base de la pyramide; il en résulte que les classes d'âge les plus basses sont de moins en moins nombreuses par rapport aux classes d'âge qui les précèdent par le haut. En même temps la mortalité baisse de manière importante dans tous ces pays au cours du siècle écoulé et surtout au cours des 50 dernières années. Il en résulte que toutes les classes d'âge vers le haut de la répartition, y compris les vieux - +65 ans - et les très vieux - +80ans - perdent moins en effectifs. La répartition des âges prend donc l'allure d'une toupie ventrue avec une pointe en haut et une pointe en bas. Taux de fécondité et de mortalité sont faibles.

Voir une telle toupie représentative d'une fécondité et d'une mortalité faibles - cas de la France en 2005. Les données de base pour cette figure sont données sur le tableau suivant.
Projections pour 2025, le vieillissement s'accentue et 2050 le vieillissement s'est encore accentué et données correspondantes (extract data from IDB aggregation). Dans le cas de la France, le taux de fécondité reste proche - mais en dessous - du taux de renouvellement des générations (1.9 enfants par femme) ce qui se voit à la base de la pyramide. La vitesse du vieillissement est donc relativement lente.

En revanche le cas de l'Italie - qui compte la population la plus âgée du monde en 2005 - est encore plus significatif. Voir la toupie caractéristique sur la projection 2025. La diminution de la population est annoncée clairement par les classes les plus jeunes des projections de 2025 et de 2050. En effet, la répartition de la population, 25 ans plus tard quand ces classes d'âge seront en état de procréer, sera une homothétie de valeur <1 de la répartition de 2025 ou 2050.

Une simulation de l'évolution de la répartition des âges pour la France de 1990 à 2050 se trouve sur le lien suivant de l'US Bureau of Census International. Le cas de l'Italie est encore plus intéressant car la simulation de l'évolution montre bien le rétrécissement de la pyramide des âges c'est à dire la baisse de la population.

Les populations des 20 pays européens suivants ont les indices de vieillissement le plus élevé du monde. Figure 1.

Le vieillissement de la population est un phénomène mondial et les projections démographiques faites en considération de la tendance à la baisse de la fécondité donnent le tableau suivant qui montre l'évolution par régions du globe des personnes âgées de 65 ans et plus et des personnes de 80 ans et plus sur trente ans entre 2000 et 2030. Tableau 1.

Le cas de la Chine où la fécondité est contrôlée de manière autoritaire par le gouvernement (politique d'un enfant par femme) est particulièrement intéressant. La simulation des projections de 1990 à 2050 montre clairement le processus de vieillissement très rapide et la décroissance de la population qui en résultera. Voir cette simulation.

La vitesse du vieillissement dans les pays développés a été lente; tandis que dans les pays en voie de développement elle est beaucoup plus rapide. Le tableau suivant en est l'illustration. Il montre pour différents pays le nombre d'années qu'il a fallu pour que la population des +65ans passe de 7% à 14% de la population totale, soit un doublement de la proportions des personnes âgées. Voir ce tableau. Ce tableau suggère donc une accélération du vieillissement dans les pays nouvellement développés. Il en résultera donc, à plus ou moins long terme, une baisse de la population.

Une thèse des démographes est que cette évolution constitue une transition démographique et qu'un état stable s'établirait à terme avec stabilisation de la population - fécondité faible et mortalité faible aboutissant à un équilibre. Il y aurait alors une répartition de la population de type cylindrique comme indiqué ci-après (aux âges les plus élevés, les femmes sont plus nombreuses que les hommes).

Cette théorie défendue par le démographe Notestein est contestée par les démographes français qui ne voient pas pourquoi un tel équilibre s'établirait. Voir aussi une note sur ce point. C'est pourquoi en France, on reste résolument en faveur d'une politique familiale nataliste, avec encouragements au troisième enfant, ceci afin de garder un taux de fécondité égal ou supérieur au taux de renouvellement des générations de 2.1 enfants par femme. En effet, la crainte est que si la faible fécondité demeure, que le vieillissement s'accentue, la population chute de manière à mettre en péril les équilibres socio-économiques. Nul ne peut prévoir quelle serait la manière selon laquelle cette dépopulation se déroulerait ni ses conséquences économiques et sociales.

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Baisse de la mortalité

La baisse de la mortalité a commencé au XIXème siècle avec les progrès de l'industrialisation dans les pays d'Europe et leurs extensions en Amérique du Nord et du Sud, en Australie et en Nouvelle Zélande. Ces progrès ont permis l'amélioration des conditions d'hygiène collective et de la nutrition dont a résulté une baisse de la mortalité due aux épidémies - peste, choléra, typhus, variole etc. - et de la mortalité infantile et des femmes en couches. Cette évolution s'est d'abord produite sans influencer la fécondité des femmes, laquelle est restée élevée. Les familles de 7-8 enfants étaient fréquentes sur un ou plusieurs mariages, car le veuvage était fréquent. Ma grand-mère née en 1859 a eu 8 enfants entre 1888 et 1900. Les grands-parents Albert Maincourt et Jeanne Roussel ont eu six enfants entre 1889 et 1905.

La baisse de mortalité s'est poursuivie pendant la première moitié du XXème siècle, cette fois avec les progrès de la médecine, et ce malgré les deux conflits mondiaux de 1914-1918 et 1939-1945. Mais c'est après la deuxième guerre mondiale que les progrès de la médecine ont été les plus bénéfiques en même temps que se sont développés partout des systèmes de protection sociale. Les grandes découvertes de l'après guerre mondiale avec les antibiotiques, les sulfamides, et la vaccination, ont permis l'éradication des maladies infectieuses responsables de la mortalité infantile et juvénile, la fin des femmes mourant en couches, et la baisse de la mortalité due aux infections diverses. Mais cette fois, la baisse de la mortalité fut aussi accompagnée par une baisse de la fécondité des femmes. Les mouvements de planning familial se développèrent dans les années 1960, avec pour but d'aider les femmes et les couples à maîtriser leur sexualité, choisir le nombre d'enfants voulus et au moment désiré. L'usage des contraceptifs se répandit au cours des années 1960 - d'abord les contraceptifs masculins, difficiles à se procurer en France avant la fin de la décennie 60 en raison des tabous culturels et religieux, le stérilet féminin peu utilisé mais recommandé - puis les pillules contraceptives dans les années 1970 - et enfin l'avortement légalisé par Simone Veil en 1974. Pendant tout ce temps, l'église catholique restait résolument hostile à la contraception et exerçait son pouvoir d'influence sur les âmes et les consciences par les mouvements d'action catholique, et au cours des offices religieux. Au moment où j'écris ces lignes, le Vatican annonce pour la première fois infléchir sa position jusqu'ici immuable, en raison de l'épidémie du sida.

En même temps, les progrès de la médecine se répandaient dans les pays sous développés d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique et provoquaient rapidement une baisse importante de la mortalité, à l'instar de l'Europe depûis plus d'un siècle, mais sans affecter la fécondité des femmes qui restait élevée. La diffusion rapide des progrès de la médecine, notamment en Afrique, accompagnait la colonisation des pays d'Europe - Angleterre, France, Belgique, Allemagne, Portugal et Espagne - et sa fin après la deuxième guerre mondiale, ainsi que l'émergence des grandes institutions internationales de l'après guerre - ONU nations unies, OMS (santé), FAO (alimentation), Banque Mondiale (développement).

Cette baisse de la mortalité dans la majeure partie du monde, sans baisse de la fécondité, a eu pour effet une explosion de la population mondiale passée de 1.26 milliards d'habitants en 1850 à 6.20 milliards en 2004. Voir tableau.

Mais si les grandes épidémies qui provoquèrent des coupes sombres dans la population européenne avant 1850 sont à peu près éradiquées, il subsiste des maladies infectieuses notamment tropicales qui continuent de décimer les populations les plus fragiles en raison du sous développement, notamment en Afrique - dingue, paludisme, fièvre jaune, etc. - et le Sida apparu plus récemment mais dont l'effet sur les populations est dramatique. On observe aussi une évolution des bactéries, des virus et des parasites, qui semblent s'adapter pour survivre, face aux traitements inventés par l'homme.

Les projections d'évolution de la population mondiale publiées par les Nations Unies en 2004 sont de 9.1 milliards d'habitants en 2050. Voir le résumé et le même résumé en anglais (un peu différent).


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Conséquences sociales et économiques du vieillissement (à venir)

Le vieillissement et l'augmentation de l'espérance de vie à 65 ans et à 80 ans aura forcément des conséquences importantes sur la société, le comportement des individus entre eux, en famille, dans leur vie sociale et professionnelle.

Conséquences sur la santé

D'abord en termes de santé individuelle et collective. Le vieillissement s'accompagne pour certains de handicaps physiques, de maladies chroniques - cardio vasculaires, arthrites et neurologiques - Parkinson Alzheimer - et la disparition des maladies infectieuses. Les dépenses de santé s'orientent vers la prévention de ces maladies en agissant sur les facteurs de risque auxquels on les croît associés - alimentation, cadre de vie, exercice - et vers le soulagement des symptômes à l'aide de médicaments de plus en plus efficaces, - par exemple contre l'hypertension artérielle cause de nombreux accidents cérébraux vasculaires autrefois. De plus en plus de personnes âgées échappent ainsi, à la fois aux maladies infectieuses d'autrefois, et aux maladies chroniques du vieil âge. On assiste donc à un vieillissement des personnes les plus âgées, et à l'augmentation des centenaires et plus. Une partie des personnes âgées vivent jusqu'à un âge très avancé en relative bonne santé et sans handicaps physiques importants, d'autres voient les handicaps se développer en nombre et en intensité et leur santé se détériorer jusqu'à l'incapacité et à la perte d'autonomie.

Les avis sont partagés sur les causes de cette évolution. Les uns pensent qu'il s'agit d'un processus de sélection naturelle, les plus aptes et les plus résistants parvenant à un âge avancé grâce à la médecine tandis que les autres sont atteints par la maladie, les handicaps, l'incapacité et le manque d'autonomie et disparaissent plus tôt, laissant une population âgée plus résistante. D'autres pensent qu'il s'agit de la diminution des facteurs de risques associés aux caractères individuels, à savoir que l'action de certains gênes non favorables à une longue vie est supprimée.

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Baisse de croissance de la population; stabilisation - mais à quel niveau - une chance pour homo sapiens? ou baisse absolue - les prémisses de son extinction?


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Références web

Le document le plus intéressant que j'ai trouvé sur la question estAn aging world

Ce document puise la plupart de ses données du site du bureau of census des Etats-Unis section internationale le site des Nations Unies sur le vieillissement de la population mondiale et aussi les projections des Nations Unies (révision 2004, la 19ème depuis 1951) sur l'évolution de la population mondiale jusqu'en 2050.

Autres documents:

Aging of Population par Leonid A. Gavrilov and Patrick Heuveline

China's ageing population

Ageing population, a Global challenge

A viewpoint by Stanford University

How it Feels to Get Old


Mis en ligne le 24/04/2006 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)