Difficile de se frayer un chemin dans tous les écrits des alter-économistes, alter-mondialistes, partisans de la décroissance. La crise de 2007-2009 est encore là. Le chômage est à 10% de la population active, mais chômage, emplois partiels et précaires affectent 18% de la population active, 25% des jeunes sont au chômage, 35% des séniors. Les PME vont mal. Pourtant on nous dit que la France va bien; les françaises font 2.07 bébés et la population dépasse les 65 millions. Mais les prix des logements à Paris et dans les grandes villes ont augmenté à nouveau de 20% et cela continue! Surprenant! Pour sortir de la crise, il faut de la croissance, toujours de la croissance! Au moins 2% de croissance pour le chômage reste stable; beaucoup plus pour qu'il baisse.
Notre société comme le Titanic en 1912, a frappé son iceberg en août 2007 et depuis, l'économie politique et sociale sombre. Est-ce la crise de trop, celle qui va remettre en cause le système capitaliste? Pas si vite sans doute, car ce système est robuste et a prouvé maintes fois sa capacité d'adaptation. Les pays occidentaux, après la fin de la guerre 1939-1945 ont connu, sous le bouclier américain, une période de croissance économique exceptionnelle et de rattrapage du retard de l'entre deux guerres du à la grande crise de 1929. 5% de croissance moyenne du PIB durant 30 années qualifiées de "trente glorieuses" en français et de "golden age" en anglais. Plein emploi, 5% de croissance moyenne du PIB et 6% de croissance moyenne du pouvoir d'achat, les français s'enrichirent. À la fin des années 1960, on commençait déjà à questionner cette croissance exponentielle et sa relation avec l'épuisement des ressources. C'est que l'accroissement du bien-être avait pour moteur la voiture, les transports et l'énergie pétrole abondante et bon marché. La première crise du pétrole en 1973 mit fin à cette période de croissance exceptionnelle. À partir de là, le chômage structurel commença et les déficits publics devinrent la règle.
Les trente glorieuses ont permis le développement économique, les infrastructures, la société de consommation, les services publics - éducation, santé...
Pour comprendre comment ça marche! Il faut commencer par la démographie. À chaque moment de l'histoire, la France est peuplée d'une population de français qui se décompose en générations, classes d'âges ou cohortes. Voici la structure de la population française en 2010 et une prospective pour 2050 sur la base des tendances observées (lien). Et pour mieux comprendre la structure de la population et son évolution, voir ici cette animation de l'institut national des études démographiques (INED) (lien).
Les français sont ensuite groupés en ménages qui constituent ce que l'Insee appelle des unités de consommation UC - il y a des ménages de deux personnes ou d'une personne avec et sans enfants; puis en catégories socio-professionnelles et en emplois. Ces trois informations statistiques de l'Insee sont essentielles.
Toute l'activité économique, sociale, administrative et politique du pays a pour objet à tout moment, l'ensemble des individus qui constituent la population des français. Quels sont les besoins essentiels des ménages? Nourriture, vêtement, logement, mobilité, éducation, santé. À quoi s'ajoutent équipements ménagers, loisirs, et vacances et >>> services publics.
Tout le monde sait ce que sont l'ensemble des biens et services marchands et publics désirés par chacun des ménages français. Ces biens et services doivent être produits; or ils sont justement produits par les mêmes français, soit cette année même ou à un moment de leur vie dans la pyramide des âges. Chacun est donc à la fois producteur et consommateur de tous les biens et services produits. Il en a toujours été ainsi de siècle en siècle et de décennie en décennie. Il est clair qu'en 2010, l'ensemble des biens et services produits et consommés est plus élevé qu'en 1950 et en 1900 pour ne prendre que ces deux dates. D'autres sources de données nous indiquent que la production et la consommation ont été multipliés par 5 depuis 1950 et par 10 depuis 1900.
De fait, la France en 2010 est plus riche qu'elle n'a jamais été. Et puisque les français sont à la fois les producteurs et les consommateurs de tous les biens et services qui constituent cette richesse, la question suivante est: comment cette production est-elle distribuée entre les français? Pourquoi tant de chômeurs - jeunes et séniors, de travailleurs pauvres, de mal logés et de sans logement? Pourquoi de tels écarts de revenus entre les plus riches des riches et les plus pauvres des pauvres? Car c'est d'un rapport de 340 qu'il s'agit.
L'adéquation entre les producteurs et les consommateurs que sont chacun de nous, se fait par l'échange d'argent dans le cadre d'une négociation dont le marchandage est la base. De la même manière que la vérité se construit entre les individus et les groupes par l'échange de mots dans le cadre d'un dialogue dont le débat est la base.
Ce processus est bien décrit dans le film allemand "Revenu de base". Une autre société est-elle possible? Utopie = rêve d'une société meilleure; il y a eu Galbraith dans "the affluent society" et Serge Latouche, Paul Ariès avec décroissance; aujourd'hui le manifeste d'Europe écologie et les verts.... Ne nous faisons pas d'illusion. Le capitalisme est très robuste. Il a resisté à toutes les crises et il tentera de resister à celle-ci en s'adapterant. C'est dans la nature humaine.
Mais utopie = rêve d'un monde meilleur. S'affranchir d'un système de production-consommation qui après avoir servi nous asservit. La pression des idées réformistes est en marche. Elles contribueront à cette adaptation; c'est par la régulation qu'on y parviendra dans un premier temps. Ensuite il n'y a pas d'autre moyen que la décroissance... c'est pourquoi je cite Serge Latouche à la fin de la préface de son livre de 2010 "le pari de la décroissance".
.... la décroissance est un défi en même temps qu'un pari. Un défi aux croyances les mieux installées, parce que ce slogan constitue une insupportable provocation. Bien sûr, pour atteindre « l'abondance frugale », la transition implique des régulations et des hybridations, et de ce fait les propositions concrètes des altermondialistes, des tenants de l'économie solidaire et jusqu'aux exhortations à la simplicité volontaire, peuvent recevoir un appui total des partisans de la décroissance. Si la rigueur théorique (l'éthique de la conviction de Max Weber) exclut les compromissions de la pensée, le réalisme politique (l'éthique de la responsabilité) suppose des compromis pour l'action. La conception de l'utopie concrète de la construction d'une société de décroissance est révolutionnaire, mais le programme de transition pour y arriver est nécessairement réformiste. Beaucoup de propositions « alternatives » qui ne se revendiquent pas explicitement de la décroissance peuvent donc fort heureusement y trouver pleinement leur place. Finalement, la décroissance est un défi en même temps qu'un pari. Un défi aux croyances les mieux installées, parce que ce slogan constitue une insupportable provocation, voire un blasphème pour les adorateurs du progrès et du développement. Un pari, parce que, pour nécessaire qu'elle soit, rien n'est moins sûr que la réalisation du projet d'une société autonome de sobriété. Toutefois, le défi mérite d'être relevé et le pari tenté. La voie de la décroissance est celle de la résistance au rouleau compresseur de l'occidentalisation du monde, mais aussi celle de la dissidence à l'égard du totalitarisme rampant de la société de consommation mondialisée.
Mis à jour le 18/12/2017 pratclif.com