"la terre a commencé sans les hommes, elle continuera et finira sans les hommes" Lévi Strauss.
Le développement durable, nouveau paradigme du progrès de l'humanité, est un concept issu de trois conférences mondiales sur l'environnement, organisées sous l'égide des Nations Unies. La première eut lieu à Stockholm en Suède en 1972; elle fut suivie par le rapport Bruntland de 1987; puis il y eut les conférences mondiales de Rio de Janeiro au Brésil en 1992 et de Johannesbourg en Afrique du Sud en 2002. La prise de conscience par la communauté internationale que la croissance de la population, la croissance économique continue c'est à dire la production de toujours plus de biens et l'utilisation intensive des ressources naturelles avec menace d'épuisement de celles-ci, s'accompagnent d'effets négatifs sur l'environnement au point de menacer la survie de l'humanité, est à la fois l'origine et le résultat de ces trois conférences internationales. Voir la Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement.
Avant cela, en 1968, il y avait eu le rapport du Club de Rome; un groupe d'experts qui réfléchissaient à la poursuite de la période de croissance économique et démographique sans précédent dans l'histoire humaine qui avait suivi la fin de la deuxième guerre mondiale, de 1945 à 1968. Le Club de Rome avait commissionné le MIT pour faire une étude sur le sujet avec des termes de référence précis. Ce rapport fut publié en 1972 sous le nom de "rapport Meadows".
Tout ceci provient de l'accroissement sans précédent de la population mondiale, du développement et de la croissance économique. Il en résulte un impact croissant de l'homme sur la planète et une crainte que cela finisse un jour car une croissance exponentielle, indéfiniment, est physiquement impossible.
Ce nouveau paradigme se substitue au précédent, en vigueur depuis la fin de la 2ème guerre mondiale. Le développement économique et la croissance continuelle de la production de biens de consommation tels que connus en Europe, aux Etats Unis et dans les pays riches de l'OCDE, la plupart issus de l'émigration européenne au 19ème siècle, devaient permettre de donner à la population de la planète entière, santé, bien-être et bonheur. Voir Herman Daly farewell speech à la banque mondiale. Les grandes institutions internationales fondées après la 2ème guerre mondiale, Nations Unies, Fonds Monétaire International, Banque Mondiale et Organisation de Coopération pour le Développement Économique, et les grandes universités américaines qui fournissent ces institutions en économistes depuis plus 50 ans, ont été à l'avant garde de la promotion de ce paradigme depuis 50 ans. Or aujourd'hui, force est de constater que d'une part il n'a pas donné les résultats escomptés tant les inégalités de développement restent criantes notamment en Afrique, et que d'autre part l'économie exerce sur l'environnement de la planète un stress qui menace de détruire les fondements mêmes de la prospérité économique, car celle-ci dépend de systèmes naturels qui paraissent menacés. D'où la nécessité d'un nouveau paradigme, le "développement durable" qui, tout en assurant les besoins économiques des générations présentes, ne menace pas l'environnement et la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins économiques.
Où est l'erreur? C'est que l'économie ne tient pas compte dans le processus de création de richesse, pour le service du bien-être humain, du coût des facteurs et des services naturels que l'environnement fournit et qui sont indispensables pour que le processus soit soutenable - l'eau, l'air, les ressources de la biosphère, de l'hydrosphère et de la lithosphère. L'économie est considèrée comme un processus qui ajoute de la valeur ajoutée en conjuguant seulement le travail humain, le capital et le savoir faire combinant les deux, tandis que la matière première de départ et l'environnement sont comptés pour rien. On considérait que l'air de l'atmosphère, l'eau des terres et des mers, les forêts, la qualité des sols et la régénération des espaces naturels consacrés à l'élevage et à l'agriculture, les réserves des minerais du sol et du sous-sol étaient disponibles sans limite et quasiment sans coût en raison de leur abondance supposée infinie.
On considérait aussi que les déchets innombrables produits par notre société de consommation pouvaient être stockés indéfiniment sans problème, ou que les trous d'extraction des ressources minérales à un bout étaient remplacées à l'autre bout par des montagnes de déchets. On a longtemps considéré que les zones humides, marais, deltas, pouvaient être asséchées en oubliant que ces espaces fournissent des services et assurent l'habitat de nombreuses espèces qui constituent l'écosystème. Les progrès techniques et la croissance de la population dans toutes les régions de la planète ont conduit à une explosion sans précédent de la production de biens à partir de ressources non renouvelables et à une production de déchets de toutes sortes, gazeux, liquides et solides, dans l'atmosphère, sur terre, dans les rivières, les mers et les océans. La production mondiale à été multipliée par 7 depuis 1950, soit 4% par an en moyenne, et les dégâts sur l'environnement sont observés et mesurés dans tous les domaines (voir plus loin).
Un immense fossé sépare les riches et les pauvres à travers le monde. Moins de 20% de la population de la planète profite des conditions de vie des pays dits «développés» et le fossé qui sépare les pays riches et les pays pauvres ne cesse de s’accroître, menaçant la stabilité politique mondiale. Selon la Banque mondiale, sur les 6 milliards d’habitants de la planète en 2001, 4.8 milliards vivent dans les pays en voie de développement, 2.7 milliards vivent avec moins de 2.15US$/jour (critère de pauvreté), et 1.2 milliards vivent avec moins de 1.08US$ par jour (critère de pauvreté absolue). 2.5 milliards de personnes n'ont pas de toilettes et 1.5 milliards de personnes n’ont même pas accès à l’eau potable. Voir article des Nations Unies sur la définition de la pauvreté.
Les disparités continuent de se creuser car dans les pays riches, la priorité est donnée à poursuite de la "croissance économique". La fortune des 200 individus les plus riches de la planète s’élève à 1 000 milliards de US$, soit en moyenne 5 milliards de US$ par personne. Ayant doublé depuis 1995, la richesse totale des 200 plus grandes fortunes personnelles équivaudrait au revenu annuel des 2.5 milliards de personnes les plus pauvres. Voir un diaporama des bateaux de luxe amarrés à St Tropez. Ce genre de navire de luxe coûte entre 4 et 5 millions de US$. Pendant ce temps, 80 pays rapportent des revenus inférieurs à ceux d’il y a dix ans. Soixante pays se sont continuellement appauvris depuis 1980. Par ailleurs, aux États-Unis la consommation d’énergie et de ressources per capita est cinquante fois supérieure à celle des 2 milliards de pauvres et sous-alimentés de la planète. Et une grande partie de cette consommation est gaspillée. De tous les matériaux exploités par l’économie mondiale, soit plus de 50 milliards de tonnes par an en 2000, moins de 1% se retrouvent effectivement dans les produits vendus et ceux-ci n’ont le plus souvent que six mois d’existence! Il est clair que marchandisation, sur-consommation, gaspillage et déchets menacent l’avenir de l’humanité. L’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon étant les plus importants consommateurs de ressources, et donc les principaux responsables des problèmes, c’est d'eux que doivent venir les solutions. C'est eux qui doivent inventer une nouvelle forme de développement économique.
Fait nouveau, la montée en puissance de la Chine donne l'occasion d'une réflexion sur la soutenabilité de la croissance économique continue car l'extrapolation des indicateurs des pays riches appliquée à la Chine conduit à une absurdité: la Chine absorberait la totalité des ressources naturelles de la planète d'ici 2030-2050. Il est clair que des changements se produiront et qu'une nouvelle forme d'économie et de consommation va s'imposer.
L'économie doit être considérée comme dépendant de l'environnement, non l'inverse comme jusqu'à présent. Le changement de paradigme ressemble à celui qui eut lieu au 16ème siècle quand Copernic énonça que la terre tournait autour du soleil, non l'inverse comme on le croyait depuis Pythagore. Et ce changement de paradigme fut à l'origine d'une véritable révolution et de la naissance de l'Astronomie moderne: ce fut la révolution copernicienne.
L'économie est devenue planétaire et nous sommes en train d'en atteindre les limites voire de les outrepasser. Nous utilisons les ressources de la planète plus rapidement qu'elle ne les régénère, et nous rejetons des déchets et des polluants en quantités plus abondantes et plus vite qu’elle ne les absorbe et ne les rend inoffensifs. C'est en cela que la croissance de la technique et de l'économie modernes est qualifiée de non durable. Les indices observables de cette surexploitation des ressources naturelles à l'échelle planétaire sont:
Il est vrai que tout ceci est dû à la nécessité d'alimenter une population toujours plus nombreuse. Mais la conséquence de ces excès c’est que nous avons atteint voire dépassé les limites de la planète. Ces conditions sont en partie dues à l'activité humaine et à la surpopulation et si elles ne sont pas corrigées, elles risquent de conduire à l’effondrement de l'humanité. Des civilisations prospères ont disparu localement dans le passé à cause de la mauvaise utilisation des ressources naturelles et d'un manque d'adaptation à ses conséquences néfastes; mais aujourd'hui c'est la population de la planète entière qui est menacée.
Il faut donc revenir à une économie soutenable d'où le terme de "développement durable". On trouvera un exposé remarquable, en français, du développement durable dans "Guide du développement" et plus encore dans "Réconcilier l'environnement: pour un "développement durable" compatible avec le développement économique de Lester Brown Directeur de Earth Policy Institue .
Les Nations Unies ont défini ce qu'il faut entendre par "développement durable". En 1987, la Commission mondiale de l’environnement et du développement («Commission Brundtland») adoptait une définition du développement durable qui a été généralement reconnue depuis: «Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leur propres besoins». Le paradigme est explicité par le modèle des 3 cercles ou le modèle de la préservation du stock de capital naturel.
Voir aussi les éléments d'une approche systémique sur le même sujet.
Plus de 30 ans après la première conférence mondiale sur l'environnement, le développement durable apparaît comme une réponse aux soucis que nous posent les indices du réchauffement climatique, la disparition d'espèces vivantes, la déforestation et les disparitions des forêts tropicales, la dégradation des sols cultivables, l'accumulation des déchets solides liquides et gazeux, l'épidémie du sida, la persistance de la pauvreté dans les pays du "tiers monde", l'aggravation des écarts de développement et des inégalités entre le "premier monde" et le "tiers monde".
Le développement durable remet en cause la nécessité de la "croissance économique continue" comme seul et unique moteur du progrès et du bien-être et la légitimité de certains produits du progrès économique, car cette croissance bénéficie à une minorité privilégiée de l'humanité tandis que le plus grand nombre vit dans la pauvreté et le dénuement. Certains auteurs pensent que si rien ne change dans les comportements des pays riches, le monde n'aura pas d'autre issue que le déclin. Après avoir connu des conditions d'environnement favorables, le progrès scientifique, technique et économique formidable que ces conditions ont favorisé et qui ont permis la croissance sans précédent de la population mondiale au cours du dernier siècle, l'humanité risque de connaître des conditions moins favorables qui entraîneront son déclin. Voir aussi sur ce sujet un point de vue particulièrement pessimiste. Des signes avant-coureurs de ce déclin ne se trouvent-ils pas dans les catastrophes humanitaires passées ou en cours: Rwanda, Ethiopie, Soudan, Darfour, Somalie et maintenant Niger, Tchad, Mali; dans le terrorisme Islamique? de même que dans les signes de diminution de la fécondité et la dénatalité?. Voir sur ce sujet le problème des femmes africaines. En cet automne 2005 les dégâts du cyclone Katrina en Louisiane nous ont fait découvrir que les États-Unis n'étaient pas la super puissance omnipotente et qu'elle comptait encore bien des pauvres vivant proches du niveau de pauvreté de 2US$/jour.
Le développement durable aborde l'environnement, l'économie, la population et son organisation sociale, à l'échelle de la planète entière, dans une approche systémique car ces domaines sont en interaction continuelle. C'est le modèle des 3 cercles et du capital naturel. C'est l'ignorance de ces interactions qui a conduit à la situation d'aujourd'hui, à savoir que l'économie fonctionnait comme si elle n'avait aucune relation avec l'environnement et la population. Ceci est montré par la figure suivante. Aujouird'hui, la perception de la dégradation de l'environnement de la planète et le réchauffement climatique, sont mis en relation avec la croissance de la population (6.5 milliards d'hommes en 2005), la consommation excessive des ressources naturelles non renouvelables, leur transformation et la production de biens, la combustion des énergies fossiles, la croissance des déchets de toutes sortes, et le risque que l'humanité dépasse les capacités de la nature d'absorber tous ces déchets. Tant que l'économie et la population était infimes par rapport à la planète, on se préoccupait peu de l'environnement sauf dans les concentrations urbaines ou dans les cas d'insuffisance ou d'épuisement de ressources comme le bois pour la construction de bateaux ou pour le développement de la métallurgie. C'est ce que représente cette figure. Mais avec le progrès technique et l'accroissement de la population nous atteignons les limites de la planète comme le montrent les nombreux indices évoqués plus haut. C'est ce représente la figure ci-après. Voir l'introduction du livre de Herman Daly Beyond Growth où tout ceci est abordé.
Le "développement durable" est un paradigme positif pour faire prendre conscience à tous que l'humanité est en danger, à cause de déséquilibres induits par les activités humaines sur la planète et la capacité de celle-ci à continuer de nous fournir les ressources naturelles (produits et services) nécessaires à la vie et à nos activités.
Cette situation est due à l'histoire du développement qui a pris naissance dans les pays de l'Europe occidentale.
Voir "l'histoire du développement au cours du deuxième millénaire".
"comment en est on arrivé à la situation d'aujourd'hui". World food issues: past and present; How did things get this way?
et "l'origine de la sédentarisation et de l'agriculture", l'erreur qui a conduit à la situation d'aujourd'hui (The Worst Mistake in the History of the Human Race)"
et opinion sur "cinq erreurs" qui nous ont conduit jusque là sur http://dieoff.org/page240.htm
Mais il est des produits plus difficiles comme les équipements ménagers qui vont de la machine à laver aux PC et téléphones portables en passant par les TV et les petits appareils ménagers. Recycler les matériaux de ces produits nécessite d'effectuer le processus de fabrication en sens inverse, c'est à dire de tout démonter et de retrouver les composants tels qu'ils étaient lors de leur approvisionnement aux ateliers et usines de montage. Le cas le plus extrême à titre d'exemple est la carte mère d'un ordinateur composée d'un assemblage de composants électroniques, de fils et plaques de cuivre, de zinc, de résines et de plastiques. La mise en place de filières industrielles de recyclage de ces produits requiert donc des technologies nouvelles. Cela nécessitera que les constructeurs conçoivent les équipements pour faciliter leur démontage et la récupération des composants en vue de recycler les métaux.
Aujourd'hui en dehors de filières de récupération comme pour les ferrailles, on voit des pauvres récupérer tous les objets qui peuvent avoir une valeur commerciale, les traiter et les vendre sur les marchés.... On trouvera les idées essentielles sur le recyclage dans le chapitre 6 du livre de Lester Brown de Earth Institute "Building an Economy for the Earth". Voir aussi le rapport du sénat "Recyclage et valorisation des déchets ménagers".
Les scénarios catastrophe relatifs à la croissance de la population et à l'épuisement des ressources ne sont pas nouveaux. En 1833 Malthus formula cette théorie. Voir où en sont les théories de Malthus aujourd'hui. Paul Erhlich les a reformulées dans son livre "the population bomb". Et cette année l'auteur Jared Diamond reprend ces thèses dans son livre "Collapse".
Le site de Nicolas Hulot "Planète Nature pour la nature et pour l'homme" nous sensibilise et nous appelle à modifier nos comportements collectifs pour réduire notre impact sur l'environnement.
Voir aussi le site http://www.newdream.org/ sur le même thême.
Ceux qui critiquent les thèses du Malthusianisme paraissent justifiés par le fait que les catastrophes qu'elles annoncent ne se produisent jamais. Il me semble que la question n'est pas de savoir si Malthus avait raison ou pas, mais quand nous atteindrons les limites de la terre et de sa capacité à absorber les impacts environnementaux que nous créons par nos activités. A cet égard la crise prévisible du pétrole est un sujet de préoccupation majeure. Bien des experts nous prédisent la fin de l'ère pétrole, comme par le passé la fin de l'ère bois puis celle du charbon. Les plus pessimistes pensent que l'expansion industrielle que nous connaissons depuis le début des années 1930, grâce à la prodigieuse diffusion de l'électricité, expansion qui s'est accélérée depuis 1950 après la 2ème guerre mondiale et l'arrivée du pétrole, se terminera par et avec le déclin et la fin du pétrole, soit entre 2030 et 2050.
Cette période industrielle n'aurait donc duré que 100 ans. Voir http://dieoff.org/synopsis.htm. C'est aussi le point de vue de Jacques Blamont dans son livre "le siècle des menaces". D'autres plus optimistes pensent que les solutions existent dans l'énergie éolienne, les cellules solaires et l'hydrogène. Les éoliennes et le solaire permettraient de produire l'électricité notamment pour l'électrolyse de l'eau et produire l'hydrogène pour alimenter les moteurs à hydrogène. Voir ce point de vue.
Voir le point de vue et les prévisions de M King Hubbert sur la fin annoncée de l'ère pétrole.
ainsi que le site de wikipedia sur le même sujet, et l'excellent article "plan war and the Hubbert Oil curve".Voir aussi le scenario catastophe lié à la libération de méthane provenant des organismes vivants du fond des océans suite au réchauffement climatique. Et l'histoire géologique des extinctions du vivant dont celle du permien. Et enfin le site alarmant sur l'extinction de masse due à l'activité humaine.
Mis à jour le 16/06/2019 pratclif.com